Limitation de puissances, interruptions en périodes de crises et de tension sur le réseau

La fin de l’année 2023 a été riche en textes réglementaires dans le domaine énergétique. Deux d’entre eux concernent les mesures à disposition des acteurs de réseau pour faire face aux menaces sur la sécurité en approvisionnement. L’occasion de faire un tour d’horizon des actualités relatives aux limitations de puissances et aux interruptions en périodes de crises et de tension sur les réseaux.

Sur le décret n° 2023-1368 du 29 décembre 2023 portant expérimentation d’une mesure de limitation de puissance des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité et la délibération de la CRE n°2023-367 du 20 décembre 2023 portant avis sur le décret précité

En cas de menace imminente sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, les gestionnaires de réseaux mettent en œuvre des plans de sauvegarde nécessaires pour préserver la sécurité du réseau. Ces plans prévoient une série de mesures pouvant notamment se traduire, dans les cas les plus extrêmes, par des mesures de délestages tournants pouvant conduire à la coupure totale de l’alimentation électrique pour l’ensemble des consommateurs d’un périmètre donné.

Le décret n°2023-1368 du 29 décembre 2023 vise à expérimenter une nouvelle mesure consistant en une limitation de puissance temporaire des consommateurs. L’objectif de cette expérimentation est, ainsi que le relève la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE), de « recueillir des enseignements sur le bénéfice effectif de la mesure, avant son éventuelle intégration dans les plans de sauvegarde des gestionnaires de réseaux ».

Ainsi, le décret permet au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, RTE, et au gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, Enedis, de mettre en œuvre ce mécanisme de « limitation temporaire de la puissance soutirée par des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA » (articler 1er du décret). La puissance peut ainsi être limitée jusqu’à la limite de 3 kVA pendant une durée maximale de deux heures. L’expérimentation doit avoir lieu un jour ouvré entre 6 h 30 et 13 h 30 et entre 17 h 30 et 20 h 30. Il convient de souligner que l’expérimentation ne pourra pas concerner les consommateurs identifiés comme patients à haut risque vital. En outre, les consommateurs présents dans la zone de l’expérimentation pourront refuser d’y participer en suivant la procédure prévue par le dernier alinéa de l’article 3 du décret.

Aux termes de l’article 5 du décret, « la mise en œuvre de l’expérimentation donne droit au versement d’une prime d’un montant de 10 euros, pour les clients concernés dont le point de livraison a fait l’objet d’une limitation effective de puissance et auquel est associé un contrat de fourniture d’électricité au titre de leur résidence principale ». Il convient de souligner que le territoire d’expérimentation a été fixé par arrêté du 29 décembre 2023 du Ministre de l’énergie délimitant le périmètre géographique de l’expérimentation d’une mesure de limitation de puissance des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté, le périmètre géographique objet de l’expérimentation est le département du Puy-de-Dôme.

Les Puydômois devraient ainsi recevoir dans le courant de l’année 2024 un courrier des gestionnaires de réseau les informations de l’expérimentation et leur donnant la possibilité de refuser de participer à l’expérimentation. Gageons que cette faculté de refus puisse éviter d’« engendrer des incompréhensions sinon des rejets de la part du public, soit du fait de problématiques techniques non maîtrisées, soit du fait de la perception d’une prise de contrôle excessive sur les usages privés » ainsi que le craint la CRE.

Sur le décret n° 2023-1418 du 29 décembre 2023 relatif aux mesures de restriction et de suspension de l’activité des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel Aux termes de l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie, le Ministre de l’Energie peut :

« 1° En cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou de suspendre l’activité de leurs installations ;

2° Si, à la menace grave mentionnée au 1°, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin qu’elles fonctionnent uniquement selon les directives et sous le contrôle de l’opérateur qu’il désigne ».

Le décret n°2023-1418 du 29 décembre 2023 vient encadrer l’exercice de cette compétence en codifiant une nouvelle section au chapitre relatif aux mesures de sauvegarde en cas de crise à disposition de l’État : la section 2 relative aux restriction ou suspension de l’activité des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel.

En premier lieu, l’article R. 143-4 du Code de l’énergie limite la faculté ainsi offerte au Ministre aux seules installations d’une puissance supérieure à vingt mégawatts, situées sur le territoire métropolitain continental.

En deuxième lieu, seules seront concernées par les restrictions et suspensions ou réquisitions les installations mentionnées sur une liste fixée par le Ministre en charge de l’énergie. Cette liste sera établie sur la base des informations communiquées par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Elle devra préciser :

  • la liste des installations de production susceptibles d’être soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement ;
  • la liste des installations exemptées (selon les conditions prévues par l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie).

En troisième lieu, la détermination des installations qui seront soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement est faite sur la base de critères précisés par l’article R. 143-7. La liste des installations devra tenir compte :

« 1° De la gravité de la menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel ;

2° Du type d’installation de production, les restrictions ou suspensions s’appliquant en priorité, compte tenu des contraintes liées à la sécurité d’approvisionnement, aux installations qui ne produisent pas en cogénération de l’électricité et de la chaleur valorisée ;

3° Des contraintes techniques propres aux installations de production d’électricité qui seraient incompatibles avec une réduction de leur consommation de gaz naturel ;

4° Des requis minimaux de puissance électrique des installations en deçà desquels la sécurité d’approvisionnement en électricité, la sûreté et la sécurité de l’exploitation du réseau électrique sont susceptibles d’être remis en cause, transmis par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité ».

En quatrième et dernier lieu, les exploitants des installations dont l’activité est restreinte ou suspendue peuvent prétendre à une indemnité. Cette dernière ne pourra couvrir les éventuels bénéfices réalisés par les exploitants mais seulement la perte matérielle, directe et certaine induite par une telle modification d’activité (article R. 143-9 du Code de l’énergie).

Sur l’arrêt du Conseil d’Etat (CE, 6 décembre 2012, Mme A et B, n°469094)

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours en annulation contre un arrêté de la Ministre de la transition énergétique relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics de distribution d’électricité. Par un arrêté du 22 septembre 2022 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics de distribution d’électricité, la Ministre de la transition énergétique a permis aux gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité de suspendre temporairement le dispositif de contact pilotable. Ce dispositif permet aux appareils électroniques d’être déclenchés automatiquement en heures creuses pour les clients qui bénéficient de contrat le leur permettant.

La suspension du dispositif de contact pilotable n’a été autorisée qu’entre le 1er octobre 2022 et le 15 mai 2023, sur une plage horaire quotidienne de deux heures, entre 11 heures et 15 heures 30. L’arrêté contesté encadre de ce fait strictement la suspension de ce dispositif, ce qui a conduit le Conseil d’Etat à écarter le moyen de la requérante relatif à l’atteinte au principe d’égalité en considérant que l’arrêté attaqué ne méconnaissait pas ledit principe. Le Conseil d’Etat a en effet jugé :

« Dans ces conditions, en prévoyant une désactivation quotidienne du déclenchement automatique de ces appareils de deux heures maximum, prenant fin le 15 mai 2023 au plus tard, ces dispositions créent une différence de traitement en rapport direct avec l’objet de l’arrêté, qui est de limiter les pics de consommation durant les heures méridiennes. En outre, cette différence de traitement ne saurait être regardée comme manifestement disproportionnée au regard des motifs, parmi lesquels la prévention des risques de délestage sur le réseau électrique, qui sont susceptibles de la justifier ».

Les moyens du requérant relatif à une atteinte au droit au respect du domicile et de la vie privée et familiale et à la liberté de l’industrie et du commerce ont également été écartés.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé la mesure prise comme non disproportionnée. Il opère, conformément à sa jurisprudence, une balance entre l’atteinte au principe de proportionnalité et les intérêts des requérants. Il conclut son arrêt en indiquant que la mise en œuvre du dispositif « a permis de réaliser des économies d’énergie de l’ordre de 2,5 gigawatts en appel de puissance sur la période méridienne, sans pour autant priver ces souscripteurs de la tarification favorable dont ils bénéficient sur les heures creuses ni non plus, ainsi qu’il a été dit, de la faculté de déclencher manuellement les appareils pilotés par leur compteur. Dans ces conditions, en édictant l’arrêté attaqué, la ministre de la transition énergétique n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ni, en tout état de cause, entaché sa décision d’un défaut de proportionnalité ».

La requête est a ainsi été rejetée.

Amortisseurs, boucliers tarifaires et aides en matière d’électricité et de gaz : nouveau train de mesures pour 2024

Décret n° 2023-1422 du 30 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur des TPE pour 2024

Décret n° 2023-1421 du 30 décembre 2023 pris en application du III de l’article 52 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024

Plusieurs textes réglementaires et délibération de la Commission de Régulation de l’Energie ci-après, CRE) ont été adoptés en fin d’année 2023 en vue de reconduire, prolonger ou préciser les dispositifs de soutien et en particulier le bouclier tarifaire et les amortisseurs.

D’abord, par une délibération du 21 décembre 2023 (Délibération n°2023-371 de la CRE du 21 décembre 2023 portant décision sur les modalités d’application des mécanismes de boucliers tarifaires et d’amortisseurs), la CRE a apporté des précisions sur les modalités d’application des mécanismes de boucliers tarifaires et d’amortisseurs par les fournisseurs. Concernant les boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, il s’agit en particulier pour le régulateur de préciser les modalités d’application de la limitation des montants de compensation versés.

Concernant les amortisseurs, la CRE définit le cadre d’application des limitations de montants de compensation versés liés à la couverture des coûts d’approvisionnement, et précise la formule d’application des volumes concernés par les réductions de prix en fonction de la consommation historique. S’agissant des mesures réglementaires, le bouclier tarifaire pour les ménages chauffés collectivement à l’électricité ou au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant de l’électricité ainsi que pour l’électromobilité est reconduite pour 2024, par deux décrets du 29 décembre 2023 (Décret n° 2023-1369 du 29 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix de l’électricité pour 2024 et Décret n° 2023-1370 du 29 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel en 2024).

Ensuite, un décret n° 2023-1422 du 30 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur des TPE pour 2024 reconduit pour 2024 l’amortisseur électricité en le bonifiant par la création d’une aide supplémentaire pour les très petites entreprises bénéficiaires de l’amortisseur électricité afin d’assurer la poursuite sur 2024 de la limitation du prix moyen sur l’année à 230 €/MWh hors taxe et hors TURPE.

En outre, en matière d’amortisseur électricité, on signalera le Décret n° 2023-1421 du 30 décembre 2023 pris en application du III de l’article 52 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 qui reconduit pour 2024 le dispositif pour les consommateurs finals.

Enfin, on signalera également un Décret n° 2023-1237 du 21 décembre 2023 modifiant le décret n° 2019-114 du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au II de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 relatif, non pas aux dispositifs de soutien bénéficiant aux consommateurs en raison de l’augmentation des prix de l’énergie survenue en 2021, mais aux utilisateurs devant changer leurs appareils ou équipements gaziers utilisés pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, en raison de la modification de la nature du gaz distribué par le réseau de distribution auquel ils sont raccordés. Le décret modifie à la hausse le montant maximal de ces aides financières précédemment fixé par un décret du 20 février 2019.

Politiques énergétiques : publication de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ainsi que de la loi de finance pour 2024 (après une censure partielle du Conseil constitutionnel)

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été publiée au Journal officiel du Journal officiel du 19 décembre 2023.

Parce qu’elle a vocation à définir la trajectoire pluriannuelle à l’horizon 2027 et les moyens pour l’atteindre, cette loi comporte quelques précisions en matière de politiques énergétiques.

En son article 9, elle complète l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie en prévoyant que les lois de programmation énergie climat dites « LPEC » instituées par ces dispositions doivent préciser « la programmation des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs [fixés par ces dispositions comme permettant de répondre à l’urgence écologique et climatique] ».  On rappellera que la loi « LPEC », qui a vocation à être publiée tous les cinq ans et dont la première devait paraître avant le 1er juillet 2023 au terme desdites dispositions, n’a toutefois pas encore vu le jour.

La loi commentée prévoit, en son même article 9, que le Gouvernement doit annuellement transmettre une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale devant être notamment compatible avec la programmation des moyens financiers susvisée.

On observera également que le rapport annexé à ladite loi précise par ailleurs que le Gouvernement, tout en continuant de soutenir les ménages et les entreprises face au coût de l’énergie, entend sortir progressivement des boucliers tarifaires mis en place pendant la crise énergétique.

Quelques jours après la publication de cette loi de programmation, la loi de finances pour 2024, déclinaison de la loi de programmation pour l’année prochaine, est parue au Journal Officiel du 30 décembre 2023.

En matière d’énergie, comme l’annonçait le projet de loi présenté en Conseil des Ministres le 27 septembre 2023 commenté dans une précédente lettre d’actualité juridique, cette loi traduit notamment les choix budgétaires retenus par le Gouvernement pour cette nouvelle année au soutien de la rénovation énergétique et de l’utilisation, notamment dans le milieu industriel, de l’hydrogène.

Et en son article 225 VII, la loi de finances pour 2024 modifie le troisième alinéa du paragraphe II de l’article L. 336-5 du Code de l’énergie en prévoyant que les montants dont s’acquittent les fournisseurs d’électricité au titre du complément de prix dans le cadre de l’ARENH sont désormais reversés uniquement à EDF, notamment pour compenser les charges imputables à ses missions de service public.

Ce dispositif fait partie de ceux qui avait été contestés par les députés ayant déféré au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2024.

On rappellera qu’en vertu de l’article L. 336-3, le volume maximal d’électricité nucléaire cédé à un fournisseur est annuellement calculé par la CRE en fonction des caractéristiques d’évolution de la consommation des clients que celui-ci fournit ou prévoit de fournir. Et que, lorsque le volume d’électricité alloué est supérieur à la consommation constatée des clients dudit fournisseur, celui-ci doit verser un complément de prix correspondant à l’écart entre les prix moyens observés sur le marché de gros et le prix de l’ARENH.

Ce complément de prix versé par les fournisseurs ayant surestimé la prévision de consommation de leurs clients était jusque-là réparti entre EDF et les autres fournisseurs, avant que la loi de finances ici commentée ne vienne en réserver le bénéfice au seul fournisseur historique. Désormais, le complément de prix est donc uniquement reversé à EDF et déduit de la compensation des charges imputables à ses missions de service public.

Les sénateurs à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel avait alors considéré que la modification de cette clé de répartition était contraire à la Constitution au motif qu’il en résulterait une rupture d’égalité devant les charges publiques, une violation des principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines, une différence de traitement injustifiée entre les clients d’EDF et ceux des fournisseurs alternatifs ainsi qu’une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de la concurrence.

Aucun de ces griefs n’a toutefois été retenu par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision DC 2023-862 du 28 décembre 2023, a conclu que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.

Publication du décret relatif aux communautés d’énergies

Un décret en date du 26 décembre 2023 est venu compléter sur le  plan réglementaire l’encadrement juridique des communautés d’énergie.

Le texte était attendu, le dispositif en vigueur, limité aux dispositions des articles L. 291-1 à L. 293-4 du Code de l’énergie, demeurant en effet jusqu’alors incomplet sur plusieurs de ses modalités de mise en œuvre, malgré les compléments apportés par la loi du 10 mars 2023, dite loi « APER » en ce qui concerne les formes juridiques que peuvent revêtir les communautés d’énergie.

La publication de ce décret fait suite à une délibération de la CRE du 6 septembre 2023 ayant porté un avis favorable sur son projet, commentée dans notre lettre d’actualité juridique du mois d’octobre 2022.

En substance, ce décret prévoit d’abord les modalités de contrôle des communautés d’énergies pour l’application de leur condition d’autonomie (respectivement fixée aux articles L. 291-1 et L. 292-1 selon qu’il s’agit des communautés d’énergies renouvelables ou des communautés énergétiques citoyennes).

A ce titre, les articles R. 291-1 et R. 292-1 du Code de l’énergie prévoient que les salariés d’une entreprise détenant plus de 10 % de ses droits de vote et de 10 % de ses fonds propres et quasi-fonds propres ou d’une entreprise contrôlant ou étant contrôlée directement ou indirectement par une telle entreprise, ne peuvent détenir, de façon directe ou indirecte :

« 1° Individuellement, plus de 10 % des droits de vote et de 10 % des fonds propres et quasi-fonds propres de cette communauté ;

2° Conjointement, plus de 33 % des fonds propres et quasi-fonds propres et de droits de vote, ni plus de fonds propres et quasi-fonds propres et droits de vote que les autres personnes physiques, les collectivités ou leurs groupements, réunis collectivement ».

Par ailleurs, une entreprise et ses salariés ne doivent pas détenir ensemble plus de 40 % des fonds propres et quasi-fonds propres et droits de vote de la communauté d’énergie.

Le décret commenté pose ensuite la définition du critère de proximité des projets d’énergies imposée par l’article L. 2191 du Code de l’énergie aux actionnaires et membres contrôlant les communautés d’énergie renouvelables, selon leur statut.

Ainsi par exemple, lorsque l’actionnaire, l’associé ou le membre de la communauté d’énergie renouvelable est une commune ou un groupement de communes, ce critère de proximité sera rempli si chacun des projets d’énergies renouvelables en cause concerne une installation implantée, respectivement, sur le territoire de la commune ou du groupement ou sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de communes limitrophes.

Le texte prévoit en outre les modalités de sortie des communautés d’énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes. Il précise ainsi que dans le cas où le départ d’une communauté d’énergie entraine la fin d’une relation contractuelle ayant pour objet la fourniture d’électricité y compris via une opération d’autoconsommation collective, les articles L. 224-14 et L. 224-15 du Code de la consommation, relatifs au libre choix du fournisseur et au changement de fournisseur sans frais, trouveront à s’appliquer.

Enfin, le décret précise que le montant de l’indemnisation du gestionnaire de réseau susceptible d’être due par la communauté d’énergie pourra être déterminé « en tant que de besoin » par les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel ainsi que par les tarifs des prestations annexes des gestionnaires desdits réseaux.

Les recommandations de la Commission de régulation de l’énergie pour optimiser la mobilité électrique

Dans le prolongement de la publication en 2018 d’un recueil de propositions et réflexions intitulé « les réseaux électriques au service de la mobilité électrique » et face à l’augmentation importante depuis lors du nombre de véhicules électriques et des points de recharge, la CRE a publié le 13 décembre dernier ses recommandations pour accompagner le déploiement de la mobilité électrique.

Celles-ci, à destination des opérateurs de recharge, des gestionnaires de réseaux comme des autorités organisatrice de la distribution d’électricité, ont vocation à optimiser et faciliter le recours à la mobilité électrique, en tant que vecteur de réduction du recours aux énergies fossiles.

Synthétiquement, la CRE recommande d’abord de réduire les coûts et le délai de raccordement aux bornes de recharges de véhicules électriques par une optimisation des infrastructures comme de la puissance de raccordement grâce aux leviers suivants :

  • Mutualisation des ouvrages installés ;
  • Recours à des offres de raccordement « intelligentes », lesquelles permettent des raccordements moins coûteux et plus rapides à réaliser en contrepartie de limitations ponctuelles de puissance ;
  • Limitation du taux de réfaction des coûts de raccordement, et ce notamment pour éviter d’inciter les demandeurs au surdimensionnement des bornes de recharges.

En outre, elle suggère de développer davantage les systèmes de pilotage de la recharge du « quotidien ». La CRE considère en effet que la modulation de la puissance électrique appelée constitue un vecteur important de réduction des coûts. Elle recommande ainsi la généralisation d’un pilotage de type Heures Pleines/Heures Creuses pour la recharge individuelle à domicile.

Enfin, dans le but de contribuer au développement et à l’optimisation de ce pilotage intelligent, la CRE recommande la mise en place de solutions innovantes permettant aux bornes de recevoir une connexion internet et le partage de données (telles que le niveau de charge et la capacité des batteries des véhicule) avec les tiers autorisés via une plateforme de mise à disposition.

A ce dernier titre, un texte pourrait prochainement voir le jour, la CRE suggérant l’adoption de mesures réglementaires afin d’encadrer la mise à disposition de ces données.

On observera que ces recommandations ont été publiées concomitamment au lancement du dispositif de leasing de voitures électriques à 100 euros par mois qui poursuit également l’objectif de démocratisation de la mobilité électrique.

Décret d’application de la loi APER relatif au classement des demandes de raccordement d’installations industrielles ou de projets de production d’hydrogène bas-carbone au renouvelable au réseau public d’électricité

Pour mémoire, l’article 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables autorise l’autorité administrative compétente de l’Etat, sur proposition du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, à fixer un ordre de classement des demandes de raccordement au réseau de transport ou de distribution d’électricité de projets d’installations de production ou d’opérations de modifications d’installations industrielles lorsque l’ensemble des demandes de raccordement de ces projets et opérations engendre, pour au moins l’un d’entre eux, un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité prévisionnelle du réseau public de transport d’électricité dans ce délai.

Cet ordre de classement doit être fixé selon des conditions et critères transparents et objectifs qui viennent d’être définis par un décret publié le 29 décembre 2023.

Tout d’abord, le décret précise, en son article 1er, que sont concernées par cette possibilité de classement les demandes de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution relatives à un ou plusieurs projets mentionnés au premier et avant-dernier alinéa du I de l’article 27 de la loi APER.

Il s’agit des projets suivants :

  • Les projets de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité lorsque ceux-ci ont pour objet le raccordement de projets se rapportant aux installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1 du Code de l’énergie ;
  • Les opérations de modifications d’installations industrielles ayant pour objectif le remplacement de combustibles fossiles pour la production d’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la diminution significative des émissions de gaz à effet de serre ;
  • Les projets de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité lorsque ceux-ci ont pour objet le raccordement des installations d’un projet industriel qualifié par décret de projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.

Sont exclues de ce dispositif les demandes de raccordement d’installations ayant pour seul objet la production d’électricité.

Ensuite, l’article 2 du décret précise que l’autorité administrative compétente pour fixer l’ordre de classement des demandes de raccordement est le préfet compétent dans la zone géographique concernée par ces demandes, étant précisé qu’aux termes de l’article 3 du décret, la zone géographique est définie par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Si la zone géographique se situe sur plusieurs régions, les préfets de région fixent conjointement l’ordre de classement.

L’article 3 précise également que le délai de raccordement supérieur à cinq ans mentionné par l’article 28 de la loi APER correspond au délai « entre la date d’acceptation par le demandeur de la proposition de raccordement émise par le gestionnaire de réseau compétent et la date prévisionnelle à compter de laquelle le gestionnaire de réseau aura achevé l’ensemble des travaux permettant de garantir au demandeur la puissance de raccordement sollicitée ».

Le décret précise en outre les modalités de saisine du préfet de région par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (article 5) ou indirectement par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité (article 6).

Les critères sur lesquels le préfet de région doit obligatoirement se fonder pour fixer l’ordre de classement de ces demandes sont précisées par l’article 7 du décret :

  • La date prévisionnelle de mise en service du projet, qui est appréciée au regard de l’avancement des études ou des travaux, de l’obtention d’autorisations d’urbanisme ou environnementales, de la maîtrise par le porteur de projet du foncier nécessaire au projet, ou du bénéfice d’une aide à l’investissement ou au fonctionnement pour le projet ;
  • Les caractéristiques du projet, qui s’entendent en particulier de la puissance de raccordement demandée ou de son caractère d’intérêt national majeur, au sens de l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme ;
  • La date de réception de la demande de raccordement par le gestionnaire de réseau ;
  • Les réductions des émissions de gaz à effet de serre qui sont permises par le projet au regard des installations déjà existantes sur la zone géographique auxquelles ce projet est relié.

En outre, le préfet de région peut également fonder son analyse sur la base d’autres critères :

  • La date d’acceptation par le porteur de projet de la proposition de raccordement émise par le gestionnaire de réseau ;
  • La sécurisation financière et juridique du projet, qui tient compte le cas échéant, pour les installations de production d’hydrogène, des accords conclus par le producteur pour l’achat de l’hydrogène produit par son installation ;
  • Le caractère flexible de la consommation électrique du projet, qui s’entend comme la capacité à moduler sa puissance pendant une période donnée en application de l’article L. 271-1 du Code de l’énergie ou sur signal d’un gestionnaire de réseau.

Le préfet doit, sur la base de ces critères, définir, dans les quatre mois à compter de sa saisine, l’ordre d’attribution des capacités disponibles et prévisionnelles aux projets concernés pour réduire le délai de raccordement d’au moins un projet (article 8 du décret). Il peut également décider de ne pas fixer d’ordre de classement lorsqu’il constate qu’il n’est pas possible de réduire le délai de raccordement d’au moins un des projets concernés (article 9 du décret). A défaut de réponse du préfet dans ce délai, les gestionnaires du réseau doivent instruire les demandes de raccordement suivant l’ordre qui prévalaient à la date de saisine du préfet (article 10 du décret).

Le gestionnaire du réseau dispose d’un délai de trois mois suivant la décision de classement du préfet pour notifier aux demandeurs concernés une nouvelle proposition de raccordement (article 11 du décret).

Il est également précisé qu’une demande de raccordement ayant intégré un ordre de classement par décision du préfet de région ne peut faire l’objet d’une nouvelle décision de classement dans un délai de deux ans à compter de la notification de la décision initiale (article 13 du décret).

Enfin, on précisera que le décret commenté a introduit un nouvel alinéa à l’article R. 311-2 du Code de justice administrative aux termes duquel désormais les litiges relatifs aux décisions de classement des demandes de raccordement des projets visés par l’article 28 de la loi APER relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la Cour administrative d’appel de Paris (article 14 du décret).

Consultation publique sur la structure tarifaire des prochains Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité 7 (TURPE 7)

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne une consultation publique portant sur la structure tarifaire des prochains Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (ci-après « TURPE 7 »). Pour mémoire, les tarifs actuels dits « TURPE 6 HTB » pour le réseau public de transport et « TURPE 6 HTA-BT » pour les réseaux publics de distribution d’électricité sont applicables depuis le 1er août 2021 pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 31 juillet 2025. Ainsi, à compter du 1er août 2025, de nouveaux tarifs TURPE 7 devront entrer en vigueur.

Dans cette perspective, le régulateur précise que l’élaboration du TURPE 7 doit prendre en compte et accompagner la transformation rapide du système énergétique afin de remplir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parmi ces objectifs, figurent notamment :

  • La réalisation d’importants investissements dans les réseaux électriques qui doivent notamment faire face à la hausse de la consommation d’électricité et accueillir les nouvelles capacités de productions renouvelables ;
  • Le développement de la production d’énergie renouvelable décentralisée ;
  • Des nouveaux besoins de flexibilité du système électrique au niveau national et local pour faire face au développement de la production d’énergie renouvelable et à la réduction du recours aux centrales thermiques à partie d’énergies fossiles ;
  • Le développement de l’autoconsommation collective ou individuelle.

Dans ce contexte, plusieurs consultations seront lancées jusqu’à la fin de l’année 2024 par la CRE pour recueillir l’avis des acteurs du marché sur la structure du futur TURPE 7. Le 14 décembre 2023, elle a ainsi lancé une première consultation publique qui devrait être suivie par des consultations publiques complémentaires au cours de l’année. Cette première consultation publique porte spécifiquement sur :

  • Les analyses préliminaires de la CRE sur les évolutions possibles du placement des plages temporelles type heures pleines / heures creuses pour s’adapter aux évolutions à venir et plus particulièrement pour tirer parti de l’accroissement de la production photovoltaïque, tout en répondant aux contraintes fortes du système électrique sur certaines heures ;
  • La possibilité d’introduire une nouvelle tarification soutirage / injection pour les batteries ;
  • La mise à jour des données et l’amélioration de la méthode utilisée par la CRE pour construire la composante de soutirage des TURPE 7.

Ces trois grandes thématiques sont déclinées en 34 questions. Les acteurs intéressés doivent adresser leur contribution à la CRE sur la plateforme mise en place à cet effet au plus tard le 9 février 2024.

Mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat : modifications réglementaires

Dans le prolongement du décret n° 2022-1035 en date du 22 juillet 2022 pris pour application l’article 164 de la loi Climat et Résilience, commenté dans notre lettre d’actualité juridique, et de l’arrêté du 22 décembre 2022 relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat (également commenté dans notre lettre d’actualité juridique), un nouvel arrêté du 14 décembre 2023 a été publié au journal officiel.

Plus précisément, cet arrêté – relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat, plus connu sous la dénomination « Mon accompagnateur Rénov » – modifie et complète l’arrêté du 21 décembre 2022 précité.

Pour rappel, dans le cadre du service public de la performance énergétique de l’habitat, les ménages peuvent bénéficier d’une mission d’accompagnement comprenant, le cas échéant, un appui à la réalisation d’un plan de financement et d’études énergétiques, une assistance à la prospection et à la sélection des professionnels mais également une évaluation de la qualité des travaux réalisés par ces derniers. Cette mission d’accompagnement peut notamment être réalisée par des opérateurs agréés pour une durée de cinq ans.

Tout d’abord, ledit arrêté reporte de quatre mois, autrement dit au 1er janvier 2024, l’entrée en vigueur des prestations d’accompagnement. De la même manière, il prolonge la dérogation bénéficiant aux conventions d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat, au sens de l’article L. 303-1 du Code de la construction de l’habitation, et aux programmes d’intérêt général d’amélioration de l’habitat, au sens de l’article R. 327-1 du même Code, ces derniers se voyant appliquer les prestations d’accompagnement renforcées prévues à l’annexe II de l’arrêté qu’à compter du 1er janvier 2026 – au lieu du 1er juillet 2024.

Ensuite, le texte élargit les cas de sous-traitance. En effet, la sous-traitance des prestations d’accompagnement est désormais autorisée non seulement pour les prestations d’accompagnement renforcées, inscrites à l’annexe II de l’arrêté du 21 décembre 2022, et d’audit énergétique, mais également pour l’ensemble de la prestation si elle est confiée à un accompagnateur agréé par l’Agence nationale de l’habitat (ci-après « ANAH »). Toutefois, à l’exception de la prestation renforcée, le cumul des sous-traitances est interdit. A ce titre, le contrat ou la convention conclu entre le ménage et l’accompagnateur agréé doit dorénavant mentionner les prestations réalisées par sous-traitance ainsi que l’identité du ou des sous-traitants.

Les modalités de délivrance et de contrôle de l’agrément sont également amendées. En effet, d’une part, l’utilisation de formulaires homologués mis à disposition par l’ANAH pour la constitution des dossiers de demande initiale et de renouvellement de l’agrément est rendue obligatoire à partir du 1er avril 2024 et, d’autre part, le contenu du rapport annuel prévu par le I de l’article R. 232-7 du Code de l’énergie – devant désormais être communiqué à l’ANAH avant le 31 mars de chaque année civile – est modifié et doit intégrer, notamment, les nouveaux éléments suivants :

  • une mise à jour du nombre de personnes consacrées à temps plein ou partiel à la mission d’accompagnement ;
  • en lieu et place d’un bilan d’activité pour l’année en cours, la liste intégrale des accompagnements effectués pour l’année écoulée, en identifiant les accompagnements comprenant une part sous-traitance, en précisant l’identité des sous-traitants concernés, et en indiquant les accompagnements en cours et ceux abandonnés ;
  • un prévisionnel d’activité pour l’année à venir, ce qui était d’ores et déjà prévu mais incluant en outre la part estimée d’accompagnements sous-traités ainsi que la nature des prestations sous-traitées.

En outre, l’arrêté susvisé opère des modifications quant aux prestations d’accompagnement obligatoires prévues à l’annexe 1. En particulier, l’arrêté :

  • impose à l’accompagnateur de veiller à ce que le ménage ne signe pas de devis avant la réalisation de sa prestation relative notamment à l’analyse des devis au regard de leur compatibilité avec le scénario de travaux retenu et leur prix, et avant le dépôt des demandes d’aides financières publiques ou privées ;
  • autorise les diagnostiqueurs énergétiques certifiés – répondant aux conditions de qualification mentionnées au VII de l’article 2 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 – à réaliser l’audit énergétique et précise que, dans le cas où les travaux mis en œuvre diffèrent des travaux préconisés, l’audit énergétique est mis à jour sur la base des travaux effectivement réalisé et ce, même si l’audit est réalisé préalablement à la mission d’accompagnement ;
  • complète le contenu du rapport d’accompagnement devant être remis et contresigné par le ménage dans le cadre de ces prestations. A cet égard, ce rapport doit contenir, outre les éléments déjà mentionnés dans l’arrêté du 21 décembre 2022, une attestation, sur la base des factures remises, de la concordance entre les travaux réalisés et les projets de travaux et, en cas de recours à la sous-traitance, la nature des prestations sous-traitées ainsi que l’identité du ou des sous-traitants. De même, si le rapport doit toujours contenir le projet de travaux retenu par le ménage, il n’est plus contraint de mentionner le projet de travaux recommandé par l’accompagnateur.

Enfin, dans un objectif de simplification, les annexes V et VI de l’arrêté du 21 décembre 2022, relatives aux pièces nécessaires dans le cadre des demandes initiales et de renouvellement d’agrément, sont modifiées.

Volet mobilités du contrat de plan État – Région Ile-de-France 2023 – 2027 : 8,4 milliards d’euros d’investissements

Le 20 décembre dernier, la Région Ile-de-France et l’Etat, représenté par le Ministre des transports Clément Beaune, ont signé un protocole relatif au volet mobilités 2023 – 2027 du contrat de plan Etat – Région (CPER).

Pour rappel, les CPER constituent des outils de financement de projets locaux destinés à mettre en cohérence les politiques publiques en matière d’aménagement, de développement des territoires et d’infrastructures. Issus de l’article 11 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, toujours en vigueur à ce jour, les CPER « définissent les actions que l’Etat et la région s’engagent à mener conjointement par voie contractuelle pendant la durée du plan ».

Si d’un point de vue juridique, les CPER sont des contrats administratifs[1], leur portée reste limitée car le Conseil d’Etat a jugé qu’ils n’emportent en eux-mêmes « aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions ou opérations qu’il prévoit » (CE, 25 octobre 1996, Association Estuaire Écologie, n° 169557). L’étude des CPER démontre qu’ils comportent très peu de clauses « juridiques » contraignantes pour les parties mais plutôt une série d’actions en mettre en œuvre, associées à des moyens de financement. Les engagements pris par les parties au CPER ne deviennent juridiquement contraignants que lors de l’engagement budgétaire décidé par la région dans le cadre de l’adoption de son budget annuel et lors de l’adoption par le Parlement de la loi de finance pour l’État.

En revanche, les contrats particuliers conclus en application de chaque CPER, qui fixent les moyens de mise en œuvre des actions définies dans le contrat de plan (art. 11, §4 loi n° 82-653), sont susceptibles d’engager la responsabilité des co-contractants, notamment en cas de rupture unilatérale fautive (CE, 7 mars 2008, Ministre de l’Écologie et du développement durable, n° 290259).

Ils comportent six volets[1], dont un volet mobilité multimodale qui prend une part de plus en plus importante au vu du caractère stratégique des transports dans l’aménagement des territoires et dans la transition écologique. Le protocole conclu le 20 décembre relatif au volet mobilité du CPER conclu avec la région Ile-de-France représente une avancée majeure pour les transports franciliens car il acte le principe d’un investissement sans précédent de la part des financeurs, à hauteur de 8,4 milliards d’euros sur les 4 années à venir.

La participation de l’Etat et de la Société du Grand Paris s’élève à 3 milliards d’euros (36 %), celle de la Région à 3,7 milliards d’euros (44 %). Le reste des investissements est porté par les collectivités locales, la RATP, SNCF et Ile-de-France Mobilités (IDFM).

Le plan de financement présente trois axes prioritaires :

  • la modernisation des gares franciliennes et le renforcement de l’intermodalité, notamment pour préparer l’arrivée du métro du Grand Paris Express et développer les interconnexions ;
  • l’amélioration des transports collectifs et ferroviaires du quotidien. Près de 25 % du financement est destiné à l’automatisation des RER B et D et à la modernisation des lignes RER et transilien (travaux d’électrification, travaux d’adaptation des infrastructures pour l’arrivée de nouveaux matériels roulants commandés par Ile-de-France Mobilités, etc) ;
  • le financement des grands projets de transport collectif telle que la prolongation du nouveau RER Eole (à La Défense prévu en 2024 et à Mantes-la-Jolie en 2026), les six nouveaux projets de tramways à achever d’ici 2027 et l’acquisition de bus à haut niveau de service en site propre.

On note également qu’une partie de l’enveloppe sera destinée aux investissements dans la décarbonation des transports de personnes et de marchandises et dans l’accessibilité des gares nationales. Le Gouvernement s’est engagé à réaliser les travaux d’accessibilité de toutes les gares nationales d’ici 2027.

Enfin, une part non négligeable de l’enveloppe sera investie dans les projets routiers prioritaires, pour favoriser l’intermodalité et créer des voies réservées aux bus et au covoiturage.

Artificialisation des sols : quelle définition de la friche ?

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme

L’adoption des dispositions réglementaires pour l’application de l’objectif « zéro artificialisation nette » se poursuit avec l’adoption en fin d’année 2023 de deux décrets concernant les friches, l’un définissant la notion de friche au sens de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme (Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme) et l’autre établissant une liste des friches sur lesquelles des projets de production d’énergies renouvelables photovoltaïques ou thermique pourront être implantées (Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme)

Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023

Les objectifs du ZAN introduit par la loi « Climat Résilience » du 22 août 2021, ont mis sur le devant de la scène tout l’enjeu de la réhabilitation des friches.

A cet égard, la loi climat résilience (article 211) a introduit un nouvel article L. 152-6-2 dans le Code de l’urbanisme, afin de prévoir que si le projet vise à utiliser une friche, l’autorisation d’urbanisme pourra déroger aux règles relatives aux gabarits des constructions dans une limite de 30 %. En outre, l’article 212 de la loi créé une expérimentation pour trois ans portant sur le « certificat de projet », qui doit permettre à un porteur de projet sur une friche de connaître l’ensemble des règles juridiques (régimes, décisions, procédures, délais, difficultés juridiques et/ou techniques applicables à son projet).

La notion de friche qui présente donc un important enjeu pour la mise en œuvre du ZAN doit pouvoir être définit de manière relativement uniforme.

Pour rappel, c’est déjà la loi Climat et Résilience qui a commencé à établir le contour de cette définition, puisqu’elle a introduit le nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme qui définit la notion de friche selon deux critères cumulatifs :

  • D’une part, du caractère inutilisé du bien (ou du droit immobilier) ;
  • Et d’autre part, de l’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables.

Le décret n° 2023-1259 ici commenté a vocation à préciser les modalités d’application de cette définition en détaillant ces deux critères.

En ce sens, au sein d’une nouvelle section de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme consacrée aux friches, le décret n° 2023-1259 insère le nouvel article D. 111-54 qui vient préciser les différents critères à prendre en compte pour la définition d’une friche :

  • Une concentration élevée de logements vacants ou d’habitats indignes ;
  • Des locaux ou équipements vacants dégradés (notamment à la suite d’une cessation définitive d’activités) ;
  • Une pollution identifiée pour laquelle aucun responsable (ou substitut) n’est identifié ou solvable ;
  • Enfin, un coût significatif pour son réemploi voire un déséquilibre financier entre le coût d’achat et de réemploi et le prix du marché pour ce type de bien compte-tenu du changement d’usage envisagé.

Il est utile de noter que, du fait de l’insertion du terme « notamment » au sein de l’article D. 111-54, il faut considérer que ces éléments ne sont pas des conditions cumulatives mais bien des critères d’identification si bien qu’il serait possible de ne tenir compte que de certains d’entre eux pour l’identification de la friche industrielle.

Restera à la charge des praticiens et des juges administratifs notamment, d’interpréter certains des termes en cause, s’agissant par exemple de la notion de « concentration élevée », ou encore de « coût significatif ».

Le nouvel article D. 111-54 du Code de l’urbanisme précise aussi que l’aménagement ou les travaux préalables au réemploi d’un bien, qui constitue l’une des conditions de l’identification d’une friche au titre de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme, « s’entendent comme les interventions permettant la remise en état, la réhabilitation ou la transformation du bien concerné ».

Enfin, cet article exclut expressément de la notion de friche au sens du Code de l’urbanisme les terrains non-bâtis à usage ou vocation agricole ou forestier.

Le nouvel article D. 111-55 du Code de l’urbanisme apporte des précisions quant au recensement des friches industrielles en précisant qu’ils seront mis à disposition par les personnes publiques, réalisés « d’après les standards du Conseil national de l’information géolocalisée » et qu’ils permettront d’alimenter un inventaire national des friches.

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023

Un deuxième décret n° 2023-1311 en date du 27 décembre 2023 a été pris pour l’application des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi ENR.

Pour rappel, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables sur le territoire national, cet article a instauré une dérogation au principe de la continuité de la loi Littoral pour l’installation de dispositifs de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches définies à l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme et les bassins industriels de saumure saturée.

Afin de permettre l’application de ces dispositions, ce décret établit une liste de 22 friches identifiées pour permettre l’accueil de ces installations de production d’énergie photovoltaïque ou thermique réparties dans 12 départements métropolitains.

Pour rappel des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, s’agissant des friches, il appartient au pétitionnaire de justifier que le projet d’installation est préférable à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable en tenant compte notamment du « coût d’un tel projet de renaturation, des obstacles pratiques auxquels est susceptible de se heurter sa mise en œuvre, de sa durée de réalisation ainsi que des avantages que comporte le projet d’installation photovoltaïque ou thermique ».

De plus, cette dérogation est aussi applicable aux bassins industriels de saumure saturée qui sont constitués par les étangs de Lavalduc et d’Engrenier situés dans le département des Bouches-du-Rhône (cf. article 1er du décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023).

Publicité : actualités sur la décentralisation des pouvoirs de police

Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (1)

Auparavant exercés par l’Etat, les pouvoirs de police en matière de publicité ont été transférés au 1er janvier 2024, par la loi du 22 août 2021 dite climat et résilience, au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le décret en date du 29 décembre 2023 adapte ainsi la rédaction de la partie règlementaire du Code de l’environnement à ce transfert du pouvoir de police. A cet égard, outre des modifications terminologiques, des articles sont ainsi insérés pour prévoir, lorsqu’il est compétent, le transfert au président de l’EPCI des déclarations et demandes d’autorisation reçues par le maire (celui-ci ayant un rôle de guichet unique).

Il est également indiqué expressément que les saisines par voie électronique seront régies par le Code des relations entre le public et l’administration.

Outre ces modifications liées à la décentralisation des pouvoirs de police, d’autres mises à jour et précisions sont apportées :

  • Des dispositions obsolètes introduisant des dérogations jusqu’au 13 juillet 2015 ou 1er juillet 2022 sont supprimées ;
  • Le décret supprime le renvoi opéré par l’article R. 581-42 au premier alinéa de l’article R. 581-31 et qui avait pour effet d’interdire toute publicité, y compris la publicité non-lumineuse, sur le mobilier urbain dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Selon les services de l’Etat, la publicité lumineuse y demeure néanmoins interdite et le décret n’autorise que la publicité non-lumineuse ;
  • L’exception à l’obligation d’extinction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin est étendue aux marchés d’intérêt national ;
  • Le texte qui permettait aux publicités numériques inférieures à 2,1m² et 3m de haut de s’affranchir du respect de certaines normes technique est abrogé (article R. 581-41) ;
  • La procédure de publication de la délibération approuvant le règlement local de publicité est également modifiée, l’article R. 571-89 du Code de l’environnement prévoyant que celle-ci doit être publiée conformément aux exigences du Code général des collectivités territoriales.

Enfin, l’article 250 de la loi de finances pour 2024 met fin au transfert automatique des pouvoirs de police de la publicité au président de l’EPCI, qui avait été prévu par la loi climat et résilience, s’agissant des communes de moins de 3.500 habitants lorsque l’EPCI n’est compétent ni pour adopter le plan local d’urbanisme, ni le règlement local de publicité.

Dérogation espèces protégées : présomption de raison impérative d’intérêt public majeur pour certains projets ENR et nucléaires

L’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, prévoit que certains projets de production d’énergies renouvelables ou de stockage doivent être réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), qui est l’une des conditions requises pour l’obtention d’une dérogation espèces protégées fondée sur l’article L. 411-2, 4 du Code de l’environnement. Une présomption similaire a été introduite par la loi

Un décret devait néanmoins définir les conditions d’application de ces présomptions.

Le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 fixe donc ces conditions, qui sont :

  • codifiées au sein des articles R. 411-6-1 du Code de l’environnement et R. 211-1 et suivants du Code de l’énergie pour les projets d’installations de production ou de stockage d’énergies renouvelables en métropole. Deux conditions cumulatives sont fixées :
    • Un seuil de puissance prévisionnelle doit être dépassé. Il s’agit :
      • Des projets de production d’énergie photovoltaïque ou solaire thermique lorsque la puissance prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 2,5 mégawatts (crête pour le photovoltaïque) ;
      • Des projets de production d’énergie éolienne terrestre lorsque la puissance prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ;
      • Des projets de production d’énergie biogaz lorsque la production annuelle prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 12 gigawatts-heures de pouvoir calorifique supérieur par an ;
      • De certains projets de production d’énergie hydroélectrique gravitaire lorsque la puissance maximale brute prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ;
      • De certains projets de station de transfert d’énergie par pompage lorsque la puissance prévisionnelle totale de la station est supérieure ou égale à 1 mégawatt.
    • La puissance totale de cette source de production d’énergie doit être inférieure à l’objectif maximal de production annuelle prévisionnelle totale défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
  • identifiées à l’article 3 du décret pour les projets de réalisation d’un réacteur électronucléaire (selon leur implantation et lorsqu’un certain seuil de puissance thermique prévisionnelle, fixé selon les caractéristiques du projet, est dépassé) ou d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires (pour certains projets faisant l’objet d’un arrêté et lorsque la capacité d’entreposage des combustibles est supérieure à 500 tonnes).

Déchets : suspension du règlement de collecte supprimant la collecte en porte-à-porte

Une communauté de communes a généralisé sur le territoire de certaines de ses communes membres la collecte des ordures ménagères résiduelles par rapport volontaire, supprimant ainsi la collecte en porte-à-porte.

Une association d’usagers a sollicité du juge administratif qu’il prononce la suspension de la délibération du conseil communautaire ayant approuvé le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés et demandé le rétablissement de la collecte en porte-à-porte sur l’ensemble du territoire communautaire.

Le juge administratif a donné droit à cette demande, aux motifs que :

  • L’urgence est caractérisée dès lors que la suppression de la collecte en porte-à-porte a eu pour conséquence le développement des dépôts sauvages et des nuisances occasionnées par ces dépôts ainsi qu’en raison de la saturation des bornes ou de leur inaccessibilité. Le juge se fonde également sur la circonstance qu’elle pénaliserait également des personnes vulnérables (personnes âgées) et certains usagers devant parcourir plusieurs kilomètres pour déposer leurs déchets ;
  • Plusieurs moyens identifiés par l’association soulèvent des doutes sérieux sur la légalité du règlement de collecte :
  • Tout d’abord, le juge rappelle que le président, et non le conseil communautaire, est compétent pour adopter le règlement de collecte. Dès lors, la circonstance en l’espèce que ce règlement ait été adopté par délibération du conseil communautaire caractérise l’existence d’un doute sérieux sur sa légalité ;
  • En outre, le juge considère que les modalités de collecte en point d’apport volontaire mises en œuvre par la communauté de communes ne permettent pas d’offrir un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement ainsi qu’un niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte à porte, en méconnaissance donc de l’article R. 2224-24, IV du CGCT.

Le juge prononce donc la suspension du règlement de collecte et enjoint à la communauté de communes, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de rétablir la collecte en porte à porte des déchets résiduels sur l’ensemble de son territoire.

Le juge judiciaire des référés peut-il suspendre une exploitation pour mettre fin aux atteintes à des espèces protégées ?

Par une décision en date du 21 décembre 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur la compétence du juge des référés judiciaire pour statuer sur une demande de suspension de l’activité d’une exploitation en raison d’atteintes portées à des espèces protégées, l’exploitant ne s’étant pas vu octroyer d’autorisation en ce sens.

En l’espèce, était en cause la mise en œuvre de travaux nécessaires à l’exploitation d’une carrière, qui avait fait l’objet d’une autorisation environnementale mais qui n’incluait pas de dérogation espèces protégées. Or, selon deux associations, « de nombreux rapports [attestaient] de la présence, sur ce site, de plusieurs espèces protégées, dont certaines en voie d’extinction » (CA Aix-en-Provence, 23 février 2023, n° 22/12634) ; le Conseil du parc naturel régional de la Sainte-Baume confirmant la présence de ces espèces sur la zone de la carrière. Les deux associations demandaient ainsi au juge des référés judiciaire d’enjoindre l’arrêt de l’exploitation jusqu’à l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées.

Pour fonder sa décision, la Cour rappelle en premier lieu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ainsi, « le juge judiciaire ne peut substituer sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée en application de ses pouvoirs de police spéciale ».

Les tribunaux judiciaires ne peuvent donc être saisis que pour se prononcer sur l’allocation de dommages-intérêts aux tiers lésés par une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ainsi que sur les mesures permettant de faire cesser à l’avenir le préjudice, mais uniquement si ces mesures « ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient (TC, 23 mai 1927, n° 755 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.526, Bull. 2017, I, n° 28 ; 1re Civ., 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-22.213) ».

En second lieu, la Cour rappelle que conformément à l’ordonnance n° 2017-80 du 27 janvier 2017, et depuis le 1er mars 2017, une autorisation environnementale unique regroupe en une seule procédure les autorisations, enregistrements, déclarations, absence d’opposition, approbations et agréments énumérés au I de l’article L. 181-2 du Code de l’environnement ; incluant ainsi l’autorisation délivrée au titre de la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement et la dérogation espèces protégées.

La Cour de cassation indique ainsi que la délivrance d’une telle dérogation est une « possibilité » soumise à l’appréciation de l’autorité administrative, qui doit en apprécier la nécessité « dès lors que des spécimens d’une de ces espèces sont présents dans la zone du projet » ; le pétitionnaire devant quant à lui solliciter la dérogation « si le risque que son projet comporte pour ces espèces est suffisamment caractérisé ».

En ce sens, la Cour déclare que « les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des ICPE constituent, qu’elle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques, excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction de l’une de ces espèces protégées ».

En l’espèce, la Cour casse donc l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, considérant que le juge du fond a substitué son appréciation à celle de l’autorité administrative en ordonnant la suspension provisoire de tous travaux sur le site de la carrière jusqu’à l’obtention, par la société, d’une dérogation à l’interdiction de la destruction d’espèces protégées.

Utilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des espaces verts et l’irrigation de cultures : publication des arrêtés

Arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux conditions de production et d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures

Dans la continuité du développement de la réutilisation des eaux usées traitées, opéré notamment par les décrets du 10 mars 2022 (cf. notre article sur le sujet) et du 29 août 2023 (cf. notre article sur le sujet), deux arrêtés ont été publiés au mois de décembre 2023 pour encadrer et préciser les conditions de réutilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des espaces verts (arrêté du 14 décembre 2023) et l’irrigation des cultures (arrêté du 18 décembre 2023).

Ces arrêtés définissent ainsi notamment :

  • le contenu du dossier de demande d’autorisation et le contenu de l’autorisation ;
  • les prescriptions visant à garantir la protection de la santé publique, humaine et animale, et de l’environnement. Différentes exigences de qualité sont ainsi définies selon l’usage des eaux usées traitées :
  • Pour l’arrosage des espaces verts il s’agit des espaces verts ouverts au public ou des espaces verts dont l’accès au public est restreint ;
  • Pour l’irrigation des cultures, sont visés les cultures vivrières consommées crues (selon si la partie comestible est ou non en contact avec l’eau usée traitée), les cultures vivrières transformées et cultures non vivrières y compris servant à l’alimentation des animaux producteurs de lait ou de viande, le fourrage frais et pâturage ainsi que les cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières.

Sont également prévues des hypothèses dans lesquelles des eaux usées traitées de qualité inférieure peuvent être utilisées à condition qu’un système de barrières appropriées soient appliqués. Enfin, des mesures préventives de gestion du risque pouvant être rendues obligatoires sont déterminées :

  • les modalités de surveillance (fréquence minimale de surveillance, réalisation des analyses par un laboratoire accrédité, etc.) ;
  • le contenu des carnets sanitaires et des informations devant être transmises aux autorités administratives ainsi que les modalités de suivi de l’autorisation et de sanctions en cas de manquement.

GEMAPI : Transfert des digues domaniales de l’Etat

Décret n° 2023-1075 du 21 novembre 2023 relatif au soutien du fonds de prévention des risques naturels majeurs aux travaux de mise en conformité des digues domaniales transférées

A compter du 29 janvier 2024, la gestion des digues domaniales de l’Etat sera transférée aux structures exerçant la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI).

Les modalités de ce transfert ont été précisées par décrets du 21 novembre 2023.

1°) Le décret n° 2023-1074 précise :

  • les modalités de ce transfert, celui-ci étant régi par une convention conclue sur le fondement de l’article L. 566-12-1 du Code de l’environnement (dont le contenu est précisé par l’article 4 du décret) ou, à défaut de convention, par arrêté du Préfet constatant la mise à disposition. Il est également prévu qu’un arrêté ministériel établira la liste des digues domaniales mises à disposition ;
  • les droits et obligations liés à ces ouvrages et transférés à l’autorité Gemapienne, c’est-à-dire l’ensemble des obligations du propriétaire. Il est également indiqué qu’elle possède tous pouvoirs de gestion sur cet ouvrage, en assure le renouvellement, peut autoriser son occupation temporaire, peut en percevoir les fruits et produits et agit en justice en lieu et place du propriétaire, doit accomplir les formalités nécessaires à l’obtention des autorisations administratives requises et instruire les demandes de conventions de superposition d’affectation. Un principe de substitution dans les obligations contractuelles est également prévu, sauf pour certains travaux en cours et à la demande du Gemapien.

La mise en œuvre de la procédure de désaffectation des digues est également facilitée lorsqu’elles ne présentent plus d’utilité pour la prévention des inondations.

2°) Le décret n° 2023-1075 prévoit des mécanismes financiers liés à ce transfert. Il est notamment prévu que la compensation du transfert de gestion des digues peut être prise en charge par le Fonds Barnier. Ce Fonds pourra également contribuer, à hauteur de 80 % de la dépense, au financement des études et travaux de mise en conformité des digues.

Encadrement de l’utilisation des pesticides dans les zones Natura 2000

Par une décision n° 437613 en date du 15 novembre 2021, le Conseil d’Etat avait estimé insuffisantes les dispositions règlementaires encadrant l’utilisation des pesticides dans les zones Natura 2000, méconnaissant alors les exigences de l’article 12 de la directive 2009/128 relative à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (transposée à l’article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime).

En conséquence, le Gouvernement a publié le 28 novembre 2022 le décret n° 2022-1496 relatif à l’encadrement de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces terrestres des sites Natura 2000 (voir notre article sur le sujet).

La mise en œuvre de ce décret par les préfets de région et de département est explicitée par une instruction du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle établit les actions à mener selon deux temporalités.

À court terme, l’action des services de l’Etat doit être menée en priorité sur les sites accueillant les espèces et habitats les plus sensibles à l’exposition des produits phytopharmaceutiques.

En ce sens, une phase d’identification doit permettre de recenser les sites terrestres Natura 2000 « pour lesquels l’utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue une pression de nature à compromettre les objectifs de préservation et de restauration des espèces et des habitats identifiés dans le document d’objectifs (DOCOB – plan de gestion des sites Natura 2000) ». Elle est suivie d’une phase d’examen des mesures existantes (mesures volontaires ou règlementaires).

Au regard de cette analyse, il doit être déterminé si les mesures sont manifestement inappropriées, à l’impact difficile à évaluer ou si elles répondent aux objectifs du site.

En cas de mesures manifestement inappropriées, une solution par voie contractuelle devra être privilégiée. Et en l’absence de mesures dans le DOCOB, il pourra être nécessaire de « réviser ou de demander à l’autorité compétente de réviser le DOCOB et de renforcer les engagements contractuels afin qu’ils répondent aux enjeux du site ».

Un encadrement règlementaire n’interviendra qu’en dernier lieu, et pourra alors se traduire par une interdiction ou un encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par arrêté. Dans ce cas, la participation du public énoncée à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement sera requise, de même que l’association étroite des représentants des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.

À moyen terme, il est demandé aux préfets de suivre une « trajectoire d’amélioration continue » en continuant et en intensifiant les engagements de mesures agroenvironnementales et en évaluant régulièrement leur adéquation et leur efficacité par rapport aux objectifs établis. Un dispositif de suivi de l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 sera également mis en œuvre

À noter enfin que l’ensemble des informations recueillies par les services préfectoraux devra être partagé avec le Conseil Régional, compétent depuis le 1er janvier 2023 en matière de gestion des sites Natura 2000 terrestres.

Nomination de Monsieur Thierry Guimbaud à la tête de l’Autorité de Régulation des Transports, un pilote dans l’avion de la régulation des transports

Par décret du Président de la République du 29 décembre 2023, publié le 30 décembre au Journal officiel de la République française, Thierry Guimbaud a été nommé président de l’Autorité de régulation des transports (ART). Monsieur Guimbaud est un fin connaisseur des sujets de transports. Il a en effet notamment occupé le poste de directeur chargé des services de transport et de l’exploitation au Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF), devenue Île-de-France Mobilités (IDFM), avant de devenir directeur des services de transports au sein du ministère chargé des Transports. Et il était depuis 2017 directeur général des Voies navigables de France (VNF).

Rappelons que ce poste était précédemment occupé par Monsieur Bernard Roman, entre 2016 et aout 2022. Monsieur Roman avait donc quitté son poste à la fin de son mandat, lequel n’était pas renouvelable. Le Président de la République avait soutenu une première candidature en février 2023, celle de Marc Papinutti. Cependant, le profil « politique » de Monsieur Papinutti, ancien directeur de cabinet du Ministre de la Transition écologique Christophe Béchu après avoir été directeur de l’administration centrale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, alors Ministre des Transports avant secoué le landerneau. Et ce dernier avait retiré sa candidature pour des raisons personnelles.

C’est donc une nouvelle page qui peut s’ouvrir pour l’ART, à un moment où la révolution des transports, implique une Autorité de régulation forte et impliquée… même si, bien entendu, et comme n’a pas manqué de le souligner Monsieur Guimbaud, l’ART n’avait pas cessé de fonctionner, rendant des décisions importantes sous la présidence par intérim de Monsieur Richert, vice-président de l’Autorité.

Le Conseil d’État enjoint à l’Autorité de régulation des transports de procéder à l’examen de manquements qui auraient été commis par la société Aéroport Toulouse-Blagnac

Par une lettre en date du 31 janvier 2023, le syndicat des compagnies aériennes autonomes (ci-après le « SCARA ») et la chambre syndicale du transport aérien (ci-après la « CSTA ») ont saisi conjointement l’Autorité de régulation des transports, sur le fondement de l’article L. 1264-1 du Code des transports, d’une demande tendant à la recherche et à la constatation de manquements qui auraient été commis par la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ci-après « ATB ») lorsqu’elle a institué une redevance par bagage.

Les plaignantes invoquaient deux manquements :

  • D’une part, ATB aurait intégré, de manière illégale au regard notamment des dispositions de l’article L. 6325-1 du Code des transports, une prestation concurrentielle d’assistance en escale, consistant en un service de réconciliation des bagages, dans le périmètre de la redevance par bagage ;
  • D’autre part, le tarif de la redevance par bagage ne serait pas conforme aux principes généraux applicables en matière de tarification des redevances pour services rendus dès lors que les compagnies aériennes seraient exonérées du coût de mise à disposition des installations de traitement des bagages.

Le SCARA et la CSTA estiment que cette mise à disposition devrait être payée par les compagnies pour chaque touchée d’avion et qu’en exonérant les compagnies de tout paiement de ce service si leurs passagers n’ont pas de bagages de soute, la tarification d’ATB n’aurait pas été établie sur la base de critères objectifs et rationnels et ne serait pas conforme aux principes de non-discrimination et d’orientation vers les coûts.

Par une décision en date du 20 avril 2023, l’Autorité a rejeté la demande présentée en raison de son incompétence à connaître de ladite demande. L’Autorité soutenait tout d’abord que l’exigence d’impartialité qui s’imposait à elle s’opposait à ce qu’elle puisse procéder à la recherche et à la constatation d’un manquement portant sur les tarifs de redevances aéroportuaires qu’elle avait elle-même homologués au titre de l’article L. 6327-2 du Code des transports. L’Autorité estimait ensuite que la contestation d’une redevance plusieurs années après son homologation était de nature à porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime inhérents à la régulation économique sectorielle. Saisi d’un recours à l’encontre de cette décision, le Conseil d’État a infirmé le raisonnement et la décision de l’Autorité par un arrêt du 21 décembre 2023.

Dans sa décision, le Conseil d’État commence par rappeler le principe classique de la séparation fonctionnelle des instances de poursuite et de sanction au sein des autorités indépendantes en jugeant que « si le principe d’impartialité des juridictions, qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que rappelle le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et qui est applicable à l’Autorité de régulation des transports, autorité publique indépendante dotée d’un pouvoir de sanction, conduit à la séparation entre, d’une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, ce principe ne peut être opposé à l’autorité assurant les fonctions de poursuite, qui n’est pas appelée à décider d’une éventuelle sanction ».

Le Conseil d’État énonce ensuite que si le principe d’impartialité « exige que l’autorité se prononçant sur l’opportunité des poursuites ne manifeste, dans son pouvoir d’appréciation, ni partialité, ni animosité personnelle », il ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité procède à la recherche et à la constatation de manquements liés à une redevance qu’elle a homologuée.

De façon beaucoup plus laconique, le Conseil d’État juge ensuite que « les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne sauraient davantage faire obstacle à ce que l’Autorité de régulation des transports procède à la recherche et, le cas échéant, à la constatation de manquements liés à un tarif qu’elle a homologué ». Bien qu’il n’ait pas développé son raisonnement, on comprend aisément le raisonnement du Conseil d’État. Les autorités administratives indépendantes ont vocation à réguler un secteur d’activités et elles ont usuellement vocation, à ce titre, à homologuer certains tarifs et redevances. Elles ne sauraient donc soutenir que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime font obstacle à ce qu’elles apprécient la licéité de ces tarifs et redevances puisque ces derniers seraient alors à l’abri de toute contestation possible. Et, l’argument temporel invoqué par l’Autorité (seules les demandes d’examen survenant plusieurs années après l’homologation seraient irrecevables) n’est pas véritablement convaincant puisqu’à le supposer applicable, les nouveaux entrants ne pourraient pas contester des tarifs anciens.

Après avoir écarté les moyens invoqués par l’Autorité, le Conseil d’État annule ensuite sa et, sur le fondement du pouvoir d’injonction qu’il détient au titre de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, lui enjoint de procéder à l’examen de la demande formulée par les requérantes dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Le contrat de revente du surplus d’électricité produite par une installation de production d’énergie renouvelable ne fait pas partie des pièces exigées dans le cadre d’une demande de permis de construire portant sur l’installation.

Par une décision en date du 14 décembre dernier, la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle, à propos d’un contrat d’achat d’électricité, le principe du caractère limitatif des pièces exigées à l’occasion d’une demande de permis de construire.

Par un arrêté en date du 9 décembre 2019, le Maire de la commune de Monestier délivre, au bénéfice d’un particulier, un permis pour la construction, entre autres, d’un hangar dont la toiture doit être équipée d’une couverture photovoltaïque. Le permis de construire est ensuite partiellement annulé par un jugement du Tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu’il ne respecte pas les règles du PLU interdisant, sur certaines parcelles cadastrées, l’implantation des constructions à moins de 100 mètres des limites séparatives.

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme le jugement sur ce point.

En réponse à une moyen soulevé devant elle par les requérants de première instance ayant formé un appel incident, celle-ci rappelle également que, conformément au caractère limitatif des pièces exigées dans les demandes de permis de construire, aucune pièce autre que celles citées par l’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme ne peut être exigée par l’autorité compétente. Dans ces conditions, à défaut de texte le prévoyant expressément, contrairement à ce que soutenaient les appelants, le pétitionnaire n’avait pas à fournir à l’administration le contrat qu’il souhaite conclure pour revendre le surplus d’électricité produit par ses panneaux photovoltaïques (Article L. 314-1 du Code de l’énergie).

Ainsi le moyen tiré de l’incomplétude du dossier de demande de permis de construire sur le fondement de l’absence de transmission du contrat de revente d’électricité n’a pu qu’être écarté, de même que les autres moyens soulevés devant la Cour.