La non-obtention de primes de financement de l’Etat peut-elle justifier l’annulation d’un contrat de vente d’une pompe à chaleur ?

Par un arrêt en date du 3 octobre 2023, la Cour d’appel d’Amiens a refusé de reconnaitre un dol affectant un contrat de vente de pompe à chaleur conclu entre un professionnel et des particuliers. La question dont était saisie la Cour portait sur l’inclusion dans le champ contractuel de l’obtention d’aides de l’Etat permettant de financer ladite pompe à chaleur.

Les époux G ont conclu un contrat d’achat d’une pompe à chaleur avec la société Installations des nouvelles énergies, financé par un crédit souscrit avec la société CA Consumer finance.

Aux termes des échanges oraux ayant précédé la conclusion des contrats, les époux G pensaient pouvoir bénéficier d’aides de l’Etat pour le financement de l’installation de la pompe à chaleur. Ils n’ont toutefois pas pu bénéficier de ces aides et ont assigné les sociétés aux fins d’annulation des contrats sur le fondement du dol.

Rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de dol, la Cour d’appel d’Amiens a souligné que la caractérisation d’un dol ne pouvait porter que sur les éléments faisant partie du champ contractuel (Cour de cassation, 21 octobre 2020, M. Y c/ société BNP Paribas personal finance, n° 18-26761).

La Cour d’appel a par suite considéré que l’obtention des primes n’était pas entrée dans le champ contractuel au motif d’une part, que l’absence de mention du montant de la prime lui conférait un caractère incertain et d’autre part, qu’une clause du contrat, bien qu’écrite en petits caractères, et stipulant que « le contrat avec le client ne pourra donc être résilié si le client n’obtient pas les subventions, aides ou crédit d’impôt qu’il escomptait », était de nature à renseigner correctement l’acquéreur sur l’étendue de l’engagement de son contractant.

Dès lors, la Cour a jugé qu’aucune manœuvre frauduleuse n’était caractérisée « ni même que l’erreur de l’acquéreur port[ait] sur un objet qui se situe dans le champ contractuel » et a logiquement rejeté le pourvoi.

Modification du régime du mécanisme de capacité

Délibération n° 2023-309 de la CRE du 28 septembre 2023 portant avis sur le projet de règles du mécanisme de capacité

Par un arrêté en date du 5 octobre 2023, la Ministre en charge de l’énergie a approuvé une modification des règles du mécanisme de capacité.

On rappellera que le mécanisme de capacité, défini par les articles L. 335-1 et suivants du Code de l’énergie, a pour objet de contribuer à la sécurité de l’approvisionnement énergétique en permettant la valorisation économique de la disponibilité des moyens de production ou d’effacement durant les heures de tensions. Ce mécanisme impose aux fournisseurs, aux consommateurs finals et aux gestionnaires de réseaux qui pour tout ou partie de leurs besoins ne s’approvisionnent pas auprès d’un fournisseur, de prouver leur capacité à alimenter en électricité leurs clients afin d’atteindre l’objectif de sécurité d’approvisionnement.

Conformément à l’article R. 335-2 du Code de l’énergie Ces règles, ainsi que leurs modifications éventuelles, sont élaborées et proposées par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, c’est à dire RTE. Elles sont soumises à la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) qui rend un avis et sont enfin approuvées (ou non) par voie d’arrêté ministériel.

En l’occurrence, RTE avait proposé ç la CRE le 11 septembre 2023 une évolution des règles du mécanisme afin de prévoir un cadre pour certaines situations rencontrées dans le contexte de crise des prix de l’énergie rencontré en 2022 et en 2023, et une mise à jour de paramètres pour les années de livraison 2025 et 2026.

Plus précisément, les évolutions sollicitées portent sur les points suivants :

  • Proposition d’instauration de règles permettant de limiter l’impact financier des résiliations anticipées de contrats d’obligation d’achat à la fois pour l’acheteur obligé ou l’organisme agréé et pour le nouveau Responsable de Périmètre de Certification (RPC) ;
  • Création d’aménagements aux limites d’émissions de CO2 pour les capacités participant au mécanisme de capacité résultant du Règlement (UE) 2019/943 du parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité (« Règlement Électricité »). A cet égard, la CRE note que la proposition d’aménagement formulée par RTE est conforme à l’avis n° 22/2019 du 17 décembre 2019 de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) portant sur ce sujet ;
  • Diverses adaptations techniques mineures visant à simplifier le fonctionnement opérationnel du mécanisme de capacité en réajustant certains délais ou en précisant certaines dispositions ;
  • Enfin, estimation pour 2025 et 2026 de la contribution des frontières de la France au mécanisme de capacité français consiste, c’est-à-dire estimation de puissance importée en moyenne depuis la frontière en question lors de périodes de défaillance simulées en France.

Dans sa délibération du 28 septembre 2023, la CRE s’était prononcée favorablement sur la proposition d’évolution en préconisant néanmoins quelques ajustements. L’arrêté du 5 octobre 2023 approuve les modifications sollicitées par RTE, intégrant les ajustements préconisés par le régulateur.

Aides à l’électrification rurale : modification de la répartition des montants d’aides pour 2023

Un arrêté en date du 5 octobre 2023 a modifié un précédent, du 4 avril dernier (signalé dans notre Lettre d’Actualités Juridiques Energie Environnement de mai 2023), concernant la répartition annuelle pour 2023 des montants d’aides allouées aux Autorités Organisatrices de la Distribution d’Electricité (ci-après, AODE) au titre des travaux d’électrification rurale dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage conformément aux dispositions de l’article L.322-6 du Code de l’énergie et des contrats de concession de distribution d’électricité localement applicables.

L’arrêté du 4 avril dernier prévoyait en particulier qu’un arrêté complémentaire serait pris en cours d’année afin de répartir les 6 M € de fonds de réserve restant à affecter sur le programme principal en fonction des besoins identifiés en cours d’année.

Le montant global du programme principal s’élevant à 361,6 millions d’euros n’est pas affecté, en revanche, la répartition entre sous programmes est modifié comme suit :

  • pour le sous-programme « renforcement des réseaux », le montant alloué est réduit à 176,6 M € au lieu de 179,1 M € initialement prévus ;
  • pour le sous-programme « extension des réseaux » le montant de 33 M € initialement prévu demeure identique ;
  • pour le sous-programme « enfouissement ou pose en façade, pour des raisons d’ordre esthétique » le montant alloué est porté à 56 M € au lieu des 41 M € initialement prévus ;
  • pour le sous-programme « sécurisation des fils nus », le montant alloué est réduit à 92 M € au lieu des 96 M € initialement prévus ;
  • pour le sous-programme « intempéries » le montant alloué est réduit à 3 M € au lieu des 6 M€ initialement prévus ;
  • enfin le montant alloué pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS) est porté de 0,5 M € à 1 M €.

C’est donc le sous-programme relatif à l’enfouissement ou pose en façade, pour des raisons d’ordre esthétique qui fait l’objet de l’évolution la plus importante.

Le programme spécial portant sur les sites isolés, les installations de proximité en zones non interconnectées, la maîtrise de la demande de l’énergie et la transition énergétique demeure en revanche inchangé.

Reprise de la publication des références de prix de l’électricité pour les PME et les collectivités territoriales

Alors qu’elle avait cessé de le faire, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a fait savoir sur son site internet qu’elle recommençait à publier des références de prix de l’électricité destinées aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) et aux collectivités territoriales.

La CRE souligne ainsi que ces références, qui seront actualisées de manière hebdomadaire, le mardi, « permettront aux Petites et Moyennes Entreprises (PME), aux collectivités territoriales et aux acheteurs soumis au Code de la commande publique amenés à souscrire ou renouveler un contrat de fourniture dans les prochaines semaines pour l’année 2024 de s’assurer que les offres de leurs fournisseurs sont compétitives et reflètent bien la réalité des coûts d’approvisionnement ».

Afin de prendre en compte la diversité des PME, des collectivités territoriales et des acheteurs publics en termes de consommation d’électricité, la CRE publiera plusieurs références de prix fondées sur :

  • les profils correspondant aux couleurs des anciens tarifs réglementés de vente d’électricité (Bleu, Jaune, Vert) qui représentent une plage de puissance souscrite croissante ;
  • au sein d’un profil, un ou deux consommateurs « type » dont un consommateur moyen et un consommateur très saisonnalisé consommant davantage en hiver et en heures pleines.

A l’occasion de cette publication, la CRE fournit par ailleurs différents conseils à ces acheteurs, en particulier celui « de souscrire ou renouveler leur contrat d’électricité avant la fin du guichet ARENH prévue le 21 novembre 2023 pour bénéficier de l’ARENH dans leurs prix ».

S’agissant plus particulièrement des personnes publiques, la CRE formule également un certain nombre d’observations destinées à les aider dans leurs procédures d’achat. Elle relève ainsi que les collectivités « bénéficient souvent de dispositions contractuelles spécifiques leur offrant un certain nombre de flexibilités (flexibilité pour contrats multisites, tenue de prix, prix unique, résiliation pour motif d’intérêt général sans indemnisation, prolongation des marchés, périmètre des marchés publics, …). ».

Or, la CRE estime que dans le contexte actuel de prix de gros « élevés et volatils », ces dispositions sont « couteuses pour les fournisseurs » et contribuent à renchérir les offres proposées et souscrites par les collectivités.

La CRE préconise donc aux collectivités de « ne requérir que des dispositions de flexibilité adaptées à leur besoin réel ».

Loi industrie verte : focus sur les dispositions visant à accélérer les implantations industrielles et la réhabilitation des friches

La loi industrie verte a été conçue afin de répondre à plusieurs objectifs. Elle ambitionne notamment de lutter contre la désindustrialisation de la France, au regard du constat de la perte de 2,5 millions d’emplois industriels en France ces cinquante dernières années.

Toutefois, un autre constat justifie l’ambition affichée de décarbonisation de l’industrie, puisque ce secteur représente actuellement 18 % des émissions de gaz à effet de serre nationales.

L’ambition affichée de ce texte est donc de faire de la France le leader des technologies vertes en Europe, afin de concurrencer les Etats-Unis et la Chine. L’investissement dans le développement de cette industrie doit permettre un gain environnemental, par la décarbonisation effective de l’industrie, ainsi qu’un gain économique, à travers notamment la réindustrialisation du pays et la création d’emplois.

La loi industrie verte a été publiée au Journal officiel du 24 octobre 2023 et comporte 40 articles articulés en trois titres. Seul le premier titre, relatif aux mesures destinées à faciliter et à accélérer les implantations industrielles et à réhabiliter les friches sera ici présenté, mais il est précisé que le titre II du projet de loi porte sur les enjeux environnementaux de la commande publique et le titre III porte sur le financement de l’industrie verte.

Ce titre Ier comporte donc des mesures principalement foncières, urbanistiques et environnementales en vue de faciliter et accélérer l’implantation des sites industriels. Ce focus sera l’occasion de revenir sur les principales dispositions de ce titre I de la loi industrie verte.

1. La planification industrielle

Les premiers articles de la loi industrie verte prévoient diverses dispositions visant à encadrer et mieux organiser la planification industrielle sur le territoire national et régional.

a. La stratégie nationale pour une industrie verte pour la période 2023-2030

Tout d’abord, afin de planifier la transition écologique et la décarbonisation de l’industrie à l’échelle nationale, l’article 2 de la loi prévoit que l’Etat doit élaborer une « stratégie nationale pour une industrie verte pour la période 2023-2030 ».

L’article 2 énumère le contenu et la fonction de cette stratégie nationale :

  • Elle détermine les filières stratégiques qui doivent être implantées ou développées prioritairement sur le territoire national ;
  • Elle favorise la recherche et l’expérimentation de nouveaux produits et procédés contribuant à la transition écologique ;
  • Elle recense les besoins nationaux en matériaux et en produits.
  • Elle précise les besoins en matière de formation professionnelle au regard des filières industrielles stratégiques ainsi déterminées ;
  • Elle évalue les besoins énergétiques nécessaires au développement industriel, en particulier ceux liés aux conséquences de l’électrification des usages.
  • Elle tient compte des objectifs et des trajectoires nationaux en matière de réduction de l’artificialisation des sols et de décarbonation ;
  • Elle définit les engagements attendus de l’ensemble des acteurs concernés, notamment en termes de réduction des incidences environnementales.

b. Une planification du foncier industriel à l’échelle régionale

L’article 1 modifie l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales afin d’inciter une planification du foncier industriel à l’échelle régionale.

Cet article prévoit que les SRADDET et autres documents de planification régionale (SDRIF, SAR, PADDUC, etc.) fixent des objectifs de moyen et long terme sur le territoire de la région. Cet article énumère les sujets sur lesquelles portent ces objectifs. Ceux-ci notamment doivent intervenir en matière d’équilibre et d’égalité des territoires, d’habitat, de gestion économe de l’espace, de lutte contre l’artificialisation des sols, etc.

L’article 1 de la loi industrie verte ajoute à cette liste des objectifs fixés par le SRADDET, des objectifs en matière « de développement logistique et industriel, notamment en matière de localisation préférentielle ».  Ces nouveaux objectifs sont fixés pour la première fois dans le SRADDET au plus tard lors de la procédure de modification prévue au VI de l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, engagée pour rendre ce schéma compatible avec les objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables établis par le décret prévu à l’article L. 141-5-1 du Code de l’énergie.

2. La maitrise foncière

a. Accroissement des compétences des établissements publics fonciers

Sous le chapitre 1er relatif à la planification industrielle, l’article 3 de la loi relative à l’industrie verte renforce les compétences des établissements publics fonciers de l’Etat et des établissements publics fonciers locaux.

En effet, la loi relative à l’industrie verte énonce que les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable, la lutte contre l’étalement urbain et la limitation de l’artificialisation des sols, y compris par des actions ou des opérations de renaturation.

La renaturation d’un sol ou désartificialisation consiste, en vertu de l’article L.101-2-1 du Code de l’urbanisme, en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.

L’article 3 de la loi relative à l’industrie verte ajoute que les établissements publics fonciers peuvent contribuer au développement, au maintien ou à la transformation des activités économiques, notamment pour faciliter les projets d’implantations industrielles.

b. Présomption de raison impérative d’intérêt public majeur permettant d’obtenir une dérogation « espèces protégées » pour les DUP ‘industrielles’

Sous le chapitre 5 visant à faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes, l’article 21 de la loi relative à l’industrie verte complète l’article L.122-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et crée un nouvel article L.122-1-1 dans le même Code.

L’article L.122-1 du Code précité régente le cas des déclarations d’utilité publique relatives aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement et soumises à ce titre à enquête publique environnementale. Celles-ci sont soumises à l’obligation d’effectuer une déclaration de projet et l’acte déclarant l’utilité publique de l’opération doit être accompagné d’un document exposant les motifs et considérations justifiant ladite utilité publique.

Avec la loi relative à l’industrie verte, ce document devra comporter, le cas échéant, la justification de sa qualification de projet ou d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Et pour cause, le nouvel article L.122-1-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que pour les déclarations d’utilité publique (DUP) portant sur :

  • Un projet industriel ;
  • Un projet d’infrastructure directement liée à ce projet industriel ;
  • Un projet de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité ayant pour objet le raccordement dudit projet industriel dont la réalisation nécessite ou est susceptible de nécessiter une dérogation dite « espèces protégées », ladite DUP peut, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, leur reconnaître le caractère d’opération ou de travaux répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur pour la durée de validité initiale de la déclaration d’utilité publique et, le cas échéant, pour la durée de prorogation de cette déclaration, dans la limite de dix ans. Cette reconnaissance ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique, dont elle est divisible. Elle ne peut être contestée à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation « espèce protégée ».

Ainsi, par détermination de la loi, la loi relative à l’industrie verte instaure une présomption de « raison impérative d’intérêt public majeur » au profit des projets d’installations de d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie dans le système électrique qui satisfont à certaines conditions.

Cette disposition permet ainsi de freiner les annulations contentieuses de dérogations « espèces protégées » du fait d’une absence de raison impérative d’intérêt public majeur.

c. Elargissement du droit de préemption commercial

Sous le chapitre 5 visant à faciliter et accélérer l’implantation d’industries vertes, l’article 22 de la loi relative à l’industrie verte crée un nouvel article L.214-2-1 au Code de l’urbanisme. Cet article s’insère au corpus juridique du droit de préemption commercial.

Il prévoit que ce dernier peut être instauré par délibération motivée, à l’intérieur du périmètre d’une grande opération d’urbanisme mentionnée à l’article L. 312-3 mise en œuvre dans tout ou partie d’une zone d’activité économique, au sens de l’article L. 318-8-1, dont la transformation, notamment afin d’en favoriser la mixité fonctionnelle, est prévue par cette opération d’aménagement.

L’acte décidant de la qualification de grande opération d’urbanisme mentionné à l’article L. 312-4 ou tout acte ultérieur pris dans les mêmes formes peut délimiter les secteurs de la grande opération d’urbanisme dans lesquels ce droit de préemption est instauré, après avis de la commune prévu à l’article L. 312-7.

Par dérogation aux articles L. 214-1 et L. 214-2, dans les secteurs où il est instauré :

1° Sont également soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de terrains accueillant ou destinés à accueillir des commerces d’une surface de vente comprise entre 1 000 et 4 000 mètres carrés ;

2° Le délai de rétrocession peut être porté à six ans, et à sept ans en cas de mise en location-gérance du fonds de commerce ou du fonds artisanal.

3. Réforme des procédures d’autorisation environnementale et de consultation du public

Le Chapitre II de la loi opère une réforme de la procédure de consultation du public, et plus largement de l’instruction, des autorisations environnementales.

a. Création d’une nouvelle procédure de consultation du public

L’article 4 de la loi a créé un nouvel article L. 181-10-1 du Code de l’environnement, qui définit une nouvelle procédure hybride de participation du public pour les demandes d’autorisation environnementale entre l’enquête publique et la procédure de participation du public par voie électronique définie à l’article L. 123-19.

Dans l’objectif de raccourcir les délais d’obtention d’une autorisation environnementale, il est désormais prévu que la phase de consultation sera menée concomitamment à la phase d’instruction de la demande d’autorisation environnementale. Ainsi, la consultation du public sera lancée dès que le dossier de demande d’autorisation sera jugé complet et régulier et que le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête sera désigné. Les avis recueillis par l’administration sur la demande d’autorisation seront alors mis à la disposition du public sans délai au fur et à mesure de leur émission.

S’agissant des nouveautés de cette procédure, il peut être mis en avant notamment que :

  • La durée de la consultation est de trois mois, au lieu du minimum de 30 jours actuellement, ou, lorsque l’avis de l’autorité environnementale est requis, d’un mois de plus que le délai imparti à celle-ci pour rendre son avis ;
  • Une réunion publique est organisée, Dans un délai de quinze jours à compter du début de la consultation, avec la participation du pétitionnaire. Une nouvelle réunion publique est organisée en fin de procédure de consultation ;
  • Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale.

Cette procédure sera applicable aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter d’une date fixée par décret, et au plus tard le 24 octobre 2024.

La loi a également eu deux apports en matière de contentieux sur les autorisations environnementales :

  • Elle a tout d’abord créé article L. 123-1 B du Code de l’environnement, selon lequel le juge administratif des référés devra faire droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans que la participation du public requise ait eu lieu. Les dispositions similaires qui étaient prévues à l’article L. 123-16 sont supprimées ;
  • L’introduction, lors du passage du texte devant l’assemblée nationale, d’une sanction des recours « abusifs ». Ainsi, l’article L. 181-17 du Code de l’environnement prévoit désormais que lorsqu’un recours contre une autorisation environnementale traduit un comportement abusif et cause un préjudice au bénéficiaire de l’autorisation, le bénéficiaire peut demander au juge administratif de condamner le requérant à lui verser des dommages et intérêts.

b. Mutualisation des procédures en phase amont

L’article 5 de la loi industrie verte a créé un nouvel article L. 121-8-2 du Code de l’environnement, visant à permettra la mutualisation des procédures de débat public ou de concertation préalable.

Cette procédure de mutualisation concerne l’hypothèse où plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement susceptibles de relever de l’obligation de saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) sont envisagés sur un même territoire délimité et homogène au cours des huit ans à venir. Cela permettra ainsi, sauf décision motivée contraire de la CNDP, de dispenser de débat public propre ou de concertation préalable propre les projets sur ce territoire, notamment ceux envisagés ultérieurement sur le même territoire et cohérents avec sa vocation, si leur mise en œuvre débute au cours des huit années suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale.

4. Economie circulaire

Le Chapitre III de la loi industrie verte vise à favoriser le développement de l’économie circulaire.

Pour cela, la loi exclut qu’un produit puisse être qualifié de déchets dans différentes situations :

  • L’article L. 541-4-3 du Code de l’environnement prévoit désormais, en son paragraphe I ter, que n’a pas le statut de déchet la substance ou l’objet élaboré dans une installation de production qui utilise pour tout ou partie des déchets comme matière première. Différentes conditions doivent toutefois être remplies. Ainsi, il faut que cette substance ou cet objet soit similaire à la substance ou à l’objet qui aurait été produit sans avoir recours à des déchets et que l’exploitant de l’installation de production respecte les conditions de la sortie du statut de déchet. Il est également prévu que l’exploitant doive transmettre à l’autorité administrative compétente les éléments de justification nécessaires.
  • L’article L. 541-5 dispose également à présent qu’une substance ou un objet produit au sein d’une plateforme industrielle définie à l’article L. 515-48 et dont la production n’était pas le but premier du processus ne prend pas le statut de déchet lorsque certaines conditions sont remplies. Il est alors nécessaire que l’utilisation de la substance ou de l’objet au sein de cette même plateforme industrielle soit certaine, qu’il n’ait pas d’incidence globale nocive pour l’environnement ou la santé humaine et que les justificatifs requis aient été transmis à l’autorité administrative.

En outre, de nouvelles hypothèses d’amendes administratives sont introduites au sein d’un nouvel article L. 541-42-3 du Code de l’environnement, pour les transferts, exportation et importation irrégulières de déchets. Les sanctions pénales applicables en matière de gestion des déchets sont également alourdies.

5. Réhabilitation des friches pour un usage industriel

Le chapitre IV vise la réhabilitation des friches pour un usage industriel.

On peut indiquer notamment à cet égard que l’article L. 556-1 du Code de l’environnement est modifié pour rendre obligatoire la délivrance d’attestations au sein des demandes de permis de construire ou d’aménager déposées à partir du 1er juillet 2024 pour tous les projets situés sur des terrains ayant accueilli des ICPE en l’absence d’éléments montrant que l’installation a été régulièrement réhabilitée.

Par ailleurs, la loi prévoit en son article 10 que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 24 avril 2024, un rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans en faveur de la réindustrialisation et des enjeux de lutte contre l’artificialisation.

Les dispositions portent également sur la cessation d’activités des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les pouvoirs de sanction du préfet, les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation, et la prise en compte des friches par le SCOT.

a. Modifications en matière de cessation d’activités

Dans ce but, l’article 8 modifie le régime de la cessation d’activités des ICPE afin de faciliter cette procédure.

La loi industrie verte modifie ainsi les articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 du Code de l’environnement sur :

  • La détermination de l’usage futur du site en cas de défaut d’accord sur l’usage lorsqu’une ICPE soumise à autorisation ou enregistrement est mise à l’arrêt définitif. Désormais, faute d’accord sur ce point, l’usage retenu pour déterminer l’état dans lequel devra être mis le site est un usage comparable à celui des installations autorisées. Cette disposition vise à éviter la prescription par le Préfet d’une remise en état « maximaliste » du site ;
  • La possibilité, jusqu’au 1er janvier 2026, de faire attester l’adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site ainsi que la mise en œuvre de ces mesures, pour certaines cessations d’activités notifiées avant le 1er juin 2022.

Par ailleurs, la procédure du tiers intéressé définie à l’article L. 512-21 du Code de l’environnement est modifiée pour permettre au tiers de :

  • Se substituer à l’exploitant dès la notification de la cessation d’activités de l’ICPE voire, par anticipation, en cas de future cessation d’activité ;
  • Réaliser, outre la réhabilitation, tout ou partie des mesures de mise en sécurité de l’installation.

Encore, le préfet pourra imposer un délai contraignant pour la réhabilitation (article L. 512-22) et mettre en demeure l’exploitant de procéder à la mise à l’arrêt définitif en cas d’absence d’exploitation pendant trois années consécutives (L. 512-19), sur une partie d’installation seulement.

b. Renforcement des pouvoirs de sanction du préfet

Les pouvoirs de sanctions du préfet sont renforcés en cas de méconnaissance des règlementations définies par le Code de l’environnement, notamment en matière d’ICPE.

Il doit notamment être souligné que, pour les installations fonctionnant sans les autorisations requises et sur le fondement de l’article L. 171-7 du Code de l’environnement :

  • Une nouvelle amende administrative au plus égale à 45.000 € peut être ordonnée par le même acte que celui de mise en demeure ou par un acte distinct ;
  • Une nouvelle amende administrative au plus égale à 45.000 € peut être ordonnée pour garantir la complète exécution des mesures de suspension ou conservatoires prises sur le fondement de l’article L. 171-7. En outre, le montant maximal de l’astreinte journalière est augmenté de 1.500 à 4.500 euros ;
  • Il est possible d’obliger l’exploitant à s’acquitter entre les mains d’un comptable public du paiement d’une somme correspondant au montant des travaux à réaliser, lequel consigne de cette somme entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations et ces sommes étant utilisées pour régler les dépenses afférentes à l’exécution d’office. Cette référence à la Caisse des dépôts et consignations est également introduite à l’article L. 171-8 du Code de l’environnement.

Concernant les sanctions adoptées sur le fondement de l’article L. 171-8, en cas de méconnaissance des prescriptions applicables, le montant maximal de l’amende encourue a été augmenté de 15.000 à 45.000 euros et le montant maximal de l’astreinte journalière de 1.500 à 4.500 euros.

Des mesures sont également prévues pour faciliter le recouvrement des sommes dont est redevable l’exploitant en cas de liquidation judiciaire.

c. Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR)

Deux nouvelles sections, intitulées « Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » et « Compensation des atteintes à la biodiversité », sont créées au sein du Code de l’environnement.

Les SNCRR sont des sites, préalablement agréé par l’autorité administrative compétente et incluant les sites naturels de compensation agréés avant la loi industrie verte, sur lesquels des opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité peuvent être mises en place par des personnes publiques ou privées. Les gains écologiques de ces opérations sont identifiés par des unités de compensation, de restauration ou de renaturation qui peuvent être vendues à toute autre personne publique ou privée, l’Etat devant mettre en place une plateforme en ligne de référencement de ces unités.

La nouveauté par rapport aux anciens sites naturels de compensation est que l’acquisition de ces unités peut permettre aux personnes soumises à une obligation de compensation des atteintes à la biodiversité d’y satisfaire de manière anticipée et que ces sites peuvent également donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label « bas-carbone ».

Enfin, dans le cadre de la compensation, le critère géographique est abandonné au profit de celui de « proximité fonctionnelle ».

d. Prise en compte des friches par les SCOT

Toujours afin de viser une réhabilitation des friches pour un usage industriel, l’article 13 de la loi industrie verte modifie les article L. 141-3 et L. 141-6 du Code de l’urbanisme, pour organiser une meilleure prise en compte des friches dans le SCOT.

Plus précisément, l’article L. 141-3 porte sur la partie projet d’aménagement stratégique du SCOT. Cette partie définit les objectifs de développement et d’aménagement du territoire et cet article prévoit désormais que ces objectifs doivent tenir de l’existence de friches lorsqu’elles favorisent une gestion économe de l’espace, limitant l’artificialisation des sols.

L’article L. 141-6 quant à lui concerne le document d’orientation et d’objectif du SCOT. Ce DOO comprend un document d’aménagement artisanal, commercial et logistique déterminant les conditions d’implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. La nouvelle version de l’article L. 141-6 prévoit désormais que pour déterminer les conditions d’implantation des constructions commerciales et logistiques, il convient de privilégier l’utilisation prioritaire des friches.

6. Modification du champ de la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du SCOT et du PLU

L’article 17 complète l’article L. 300-6 du Code de l’urbanisme afin de compléter les hypothèses du recours à la procédure de mise en compatibilité des PLU et SCOT avec un projet d’intérêt général faisant l’objet d’une déclaration de projet.

Sous l’effet de la loi industrie verte, la procédure de déclaration préalable valant mise en compatibilité du document d’urbanisme pourra être mise en œuvre dans le cas de :

  • L’implantation d’une installation industrielle de fabrication, d’assemblage ou de recyclage des produits ou des équipements, y compris de PME, qui participent aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable, définis par décret en Conseil d’Etat, y compris des entrepôts de logistique situés sur le site et nécessaires au fonctionnement de cette installation ;
  • L’implantation d’une installation de recherche et développement ou d’expérimentation de nouveaux produits ou procédés qui participent directement auxdites chaînes de valeurs des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable.

Par ailleurs, le même article L. 300-6 vise des cas où, lorsque le projet objet de la déclaration préalable doit faire l’objet d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées prévue par l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, alors cette déclaration de projet peut également se prononcer sur l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur qui justifie ce projet.

Ce paragraphe vise les hypothèses suivantes :

  • L’implantation d’une installation industrielle de fabrication, d’assemblage ou de recyclage des produits ou des équipements qui participent aux chaînes de valeur des activités dans les secteurs des technologies favorables au développement durable (visée désormais au 4° de l’article L. 300-6) ;
  • Les projets d’infrastructures directement liées à cette installation visée au tiré précédent ;
  • Ou aux projets de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité ayant pour objet le raccordement de ladite installation

Ainsi, dans ces hypothèses, la déclaration de projet peut également indiquer que ce projet est justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Pour rappel, cette RIIPM est l’une des trois conditions cumulatives permettant d’obtenir une dérogation préfectorale à l’interdiction de porter atteinte à une espèce protégée ou à son habitat naturel.

Cette condition de la RIIPM représente souvent une insécurité juridique pour les projets, susceptible de se matérialiser lorsque le projet est d’ores et déjà avancé dans sa conception. Prévoir que cette question peut être tranchée dès les premières étapes du projet, au moment de la déclaration de projet, permet d’évacuer l’insécurité juridique liée à ce sujet.

A cet égard, afin de pouvoir sécuriser entièrement ce sujet efficacement, l’article L. 300-6 prévoit que, lorsque la déclaration de projet se prononce sur la justification du projet au regard d’une RIIPM, alors l’existence d’une telle RIIPM peut être contestée lors d’un recours contre la déclaration de projet, mais pas lors d’un éventuel contentieux à l’encontre de la dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées qui sera délivrée en application de l’article L. 400-2 du Code de l’environnement.

7. Les projets d’intérêt national majeur (PINM)

L’article 19 de la loi industrie verte prévoit également de nouveaux dispositifs de mise en compatibilité des PLU, SCOT, SRADDET, SDRIF, PADDUC, SAR, etc., visant à accélérer l’implantation des industries vertes.

En ce sens, la loi créé un nouvel article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme, prévoyant la création des « projets d’intérêt national majeur » (PINM). Cet article prévoit que l’Etat peut engager une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme, pour permettre la réalisation de ces PINM.

a. Création de ces PINM

Concrètement, lorsqu’un projet industriel revêt, eu égard à son objet et à son envergure, notamment en termes d’investissement et d’emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale, l’Etat peut qualifier par décret ce projet de PINM.

Ces projets représenteraient en réalité assez peu d’occurrence, selon les débats à l’Assemblée nationale, seuls 1 à 3 projets par an seraient susceptible de recevoir cette qualification de PINM.

Cette sélection peut être réalisée sur proposition de la région qui signale au ministre en charge de l’industrie, les projets qui lui semblent susceptibles d’être reconnus d’intérêt national majeure, après avoir recueilli l’avis des communes et EPCI d’implantation de ces projets.

b. La mise en compatibilité pour permettre la réalisation de ces PINM

Le nouvel article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme tel qu’issu de la loi industrie verte, prévoit que l’Etat peut engager une procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme pour permettre la réalisation du projet.

Cette incursion assez importante de l’Etat dans la vie des documents d’urbanisme a créé de vifs débats lors de l’élaboration de la loi. C’est pourquoi, la version finale de la loi prévoit que cette procédure de mise en compatibilité ne peut être « engagée qu’après l’accord du maire de la commune dans laquelle le projet industriel pourrait être implanté, ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale […] concerné lorsqu’un plan local d’urbanisme intercommunal est applicable sur le territoire de celle-ci, et du président de la région correspondante lorsque son document de planification doit être mis en compatibilité ». Sans cet ou ces accord(s) la procédure de mise en compatibilité ne peut donc être engagé.

L’Etat doit en outre être assez complet et clair sur le contenu de la mise en compatibilité puisque l’article L. 300-6-2 prévoit que l’Etat doit transmettre à la collectivité territoriale ou la personne publique compétente pour adopter ce document un dossier qui indique ou rappelle la nécessité de la mise en compatibilité et ses motifs et qui précise les modifications qu’elle estime nécessaires pour y parvenir.

c. L’évaluation environnementale et l’examen conjoint de la mise en compatibilité

Le porteur du projet procède à l’analyse des incidences notables sur l’environnement du projet de mise en compatibilité et transmet le dossier nécessaire à l’évaluation environnementale à l’autorité administrative compétente de l’Etat, qui le transmet ensuite à l’autorité environnementale. En somme, l’autorité environnementale doit procéder à un examen au cas par cas.

L’avis de l’autorité environnementale ou sa décision de ne pas soumettre le projet à une évaluation environnementale est transmis à la collectivité territoriale ou à la personne publique compétente pour adopter le document qui fait l’objet de la procédure de mise en compatibilité.

Doit ensuite être organisé, comme assez classiquement dans la procédure de mise en compatibilité, un examen conjoint entre l’Etat, la personne compétente pour le document mis en compatibilité et d’autres personnes publiques.

Est ensuite organisée une procédure de participation par voie électronique, dont le bilan est présenté par l’Etat devant la personne compétente s’agissant du document mis en compatibilité (par exemple la commune s’il s’agit de mettre en compatibilité le PLU). La personne compétente rend un avis.

d. L’adoption de la mise en compatibilité

La mise en compatibilité pour permettre la réalisation du PINM est adoptée par décret.

e. Incidences sur l’instruction des autorisations d’urbanisme

Quand le détail du PINM es suffisamment connu au moment de l’engagement de la mise en compatibilité, les autorisations d’urbanisme requises pour la réalisation du projet peuvent être sollicitées sans attendre l’adoption de la mise en compatibilité. Cela permet donc d’accélérer la réalisation du PINM en travaillant en temps masqué.

f. La reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur par le décret identifiant le PINM

Lorsque le projet est susceptible de porter atteinte à des espèces protégées ou à leur habitat naturel, le Code de l’environnement prévoit qu’il convient de solliciter une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées prévue à l’article L. 411-2.

Pour obtenir une telle dérogation, il convient de remplir trois conditions cumulatives, dont la délicate raison impérative d’intérêt public majeur. Plus précisément, la réalisation du projet objet de la dérogation doit être justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur. Cette condition est souvent source d’insécurité juridique, et cette insécurité peut intervenir alors que le projet est très avancé.

Pour contourner cette difficulté, l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement issu de la loi industrie verte prévoit que le décret qualifiant le PINM peut lui reconnaitre le caractère de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM). Cette qualification de RIIPM ne peut être contestée qu’à l’occasion de la contestation contentieuse de ce décret, et non à l’occasion d’un éventuel recours contre la dérogation faune flore qui sera délivrée postérieurement.

Présence de nos avocats au 105ème salon des maires et des collectivités locales du 21 au 23 novembre

Les avocats de Seban Avocats seront présents au salon des maires et des collectivités locales organisé par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et Infopro Digital sur le thème : « anticipons demain » du 21 au 23 novembre.

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Nos avocats présents au salon :

Retrouvez l’ensemble de nos avocats présents sur le congrès et contactez les pour convenir d’une rencontre :


Claire-Marie
Dubois

Avocate associée
Présente le 22 novembre

cmdubois@seban-avocat.fr


Marion
Terraux

Avocate associée
Présente le 21 et le 23 novembre

mterraux@seban-avocat.fr


Marjorie
Abbal

Avocate associée
Présente le 22 novembre

mabbal@seban-avocat.fr


Marlène
Joubier

Avocate associée
Présente le 23 novembre

mjoubier@seban-avocat.fr

Eglantine
Enjalbert

Avocate associée
Présente le 23 novembre

eenjalbert@seban-avocat.fr


Alexandra
Aderno

Avocate associée
Présente le 22 novembre

aaderno@seban-avocat.fr


Tadjdine
Bakari-Baroini

Avocat directeur
Présent le 22 novembre

tbakaribaroini@seban-avocat.fr


Emmanuelle
Baron

Avocate directrice
Présente le 22 novembre

ebaron@seban-avocat.fr


Marianne
Hauton

Avocate directrice
Présente le 22 novembre

mhauton@seban-avocat.fr


Margaux
Davrainville

Avocate directrice
Présente le 22 novembre

mdavrainville@seban-avocat.fr


Julie
Cazou

Avocate à la Cour
Présente le 22 novembre

jcazou@seban-avocat.fr

Informations pratiques sur l’événement :

Porte de Versailles, Paris
Du 21 au 23 novembre 2023
Organisé par l’AMF et infopro Digital
Informations et inscriptions : https://www.salondesmaires.com/

 

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Les délais entourant l’action en garantie des vices cachés

Cass. mixte, 21 juillet 2023, n° 21-17.789

Cass. mixte, 21 juillet 2023, n° 21-19.936

Cass. mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10.763

Par les quatre arrêts précités, rendus le 21 juillet 2023, la chambre mixte de la Cour de cassation se prononce sur les délais qui entourent l’action en garantie des vices cachés.

  • Le délai de deux ans, prévu à l’article 1648 du Code civil est -il un délai de prescription ou de forclusion ? ;
  • Le concours du délai d’action en garantie des vices cachés avec le délai quinquennal de l’article L. 110-4 du Code de commerce,
  • L’encadrement du délai de l’action en garantie des vices cachés par la prescription extinctive vicennale prévue à l’article 2232 du Code civil.

1. La nature du délai de l’action en garantie des vices cachés

L’article 1648 alinéa 1er du Code civil ne précise pas la nature juridique de ce délai, laissant ainsi s’instaurer des divergences d’interprétation entre la chambre commerciale, la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation. La chambre commerciale et la première chambre civile considéraient qu’il s’agissait d’un délai de prescription pouvant être suspendu et interrompu (Cass. Civ., 1ère, 25 novembre 2020 n° 19-10.824, RTD Com 2021.177), tandis que la troisième considérait qu’il s’agissait d’un délai de forclusion (Cass. Civ., 3ème, 5 janvier 2022, n° 20-22.670).

Dans le prolongement de la volonté du législateur, de protéger l’acquéreur agissant sur ce fondement, la Cour de cassation a retenu une solution favorable à ce dernier. Elle a considéré que le délai prévu à l’article 1648 alinéa 1er du Code civil est un délai de prescription qui commençait à courir au jour de la découverte du vice.

 

2. le concours avec la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du Code de commerce

L’autre problématique posée par le délai d’action en garantie des vices cachés est celle du concours avec la prescription quinquennale du cCde de commerce (article L. 110-4), par exemple dans le cas des chaînes de contrats.

Tandis que la chambre commerciale et la première chambre civile considéraient que le délai quinquennal commençait à courir à compter de la vente initiale, la troisième chambre civile le faisait partir, en matière d’action récursoire, à compter du jour où la responsabilité de l’entrepreneur est recherchée par le maître de l’ouvrage.

La chambre mixte rappelle que « le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l’article 1648 alinéa premier du code civil à savoir la découverte du vice ».

Dès lors, les délais de droit commun prévus aux article 2224 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce ne viennent pas encadrer le délai d’action en garantie des vices cachés puisqu’ils ont le même point de départ.

 

3. L’encadrement de l’action en garantie des vices cachés par le délai fixé à l’article 2232 du Code civil

La chambre mixte considère que le délai de l’action en garantie des vices caché est enfermé dans le délai maximum de vingt ans, prévu à l’article 2232 du Code civil, commençant à courir en matière de vices cachés « au jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. » Au-delà de ce délai aucune action civile ou commerciale ne pourra plus être exercée.

En conclusion l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans le délai de prescription de deux ans suivant la découverte du vice, sans excéder le délai de vingt ans à compter de la vente conclue par la partie dont la responsabilité est recherchée.

La Cour de cassation confirme le droit de l’Union européenne : le salarié acquiert des congés payés pendant un arrêt pour maladie d’origine non professionnelle

Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638

Cass. Soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529

Par 3 arrêts en date du 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que le droit national n’était pas conforme au droit de l’Union européenne et confirme l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’absence pour des arrêt maladie d’origine non professionnelle (Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.340 à 342, n° 22-17638, n° 22-10529).

Ces précisions jurisprudentielles sont susceptibles d’avoir un impact important pour les Ressources humaines et impliquent plusieurs points de vigilances

1er arrêt : les périodes de suspension du contrat de travail pour arrêt maladie ou accident non professionnel ouvrent droit à congés payés ( Soc. 13 septembre 2023, n° 22-17340 à 342)

A l’occasion de cette première affaire, la Cour de cassation a dû déterminer si, compte tenu du droit de l’Union européenne, un salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel pouvait acquérir des congés payés. Plus particulièrement, notre droit national prévoit qu’en principe l’acquisition de jours de congés payés est subordonnée à l’exécution d’un temps de travail effectif. Cela découle directement de l’article L. 3141-3 du Code du travail, qui dispose :

« Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables ».

Par exception, l’article L. 3141-5 du même Code prévoit une liste de certains cas, ne consistant pas en du temps de travail, pouvant être assimilés à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés. Le législateur prévoit notamment, par cet article, que la période de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnel est assimilée à du temps de travail effectif pour l’acquisition de jours de congés payés, dans la limite d’un an. Toutefois, celui-ci reste silencieux concernant les arrêts de travail pour maladie ou accident non professionnel.

Jusque-là, la Cour de cassation avait déjà jugé que les périodes de suspension du contrat de travail en raison d’un arrêt pour maladie ou accident non professionnel ne pouvaient être assimilées à du temps de travail pour l’acquisition de jour de congés payés. [1] A l’opposé, la « Cour de Justice de l’Union européenne » (CJUE) précisait que la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail n’opérait aucune distinction entre les travailleurs absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence pour l’acquisition des congés payés, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. [2]

Il découlait, donc, de la jurisprudence de la CJUE que le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne pouvait être subordonné, par un Etat membre, à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat.

La Cour de cassation a souligné que la directive 2003/88/CE ne pouvait permettre, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire.

Un salarié ne pouvait donc, au regard de l’article L. 3141-3 du Code du travail, prétendre faire condamner un employeur qui ne s’assimile pas à l’Etat au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie non professionnel.[3] En revanche, la Cour de cassation pouvait se fonder sur l’article 31 § 2 de la Charte sociale des droits fondamentaux de l’Union européenne, applicable dans un litige entre particuliers pour juger que les périodes de suspension du contrat de travail pour arrêt maladie ou accident non professionnel donnaient lieu à l’acquisition de congés payés. C’est, ainsi, qu’elle a retenu que :

« 16. La cour d’appel, après avoir, à bon droit, écarté partiellement les dispositions de droit interne contraires à l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a exactement décidé que les salariés avaient acquis des droits à congé payé pendant la suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle ».

La Cour de cassation précise donc qu’un salarié peut solliciter que soient écartées, dans un litige entre particuliers, les dispositions d’un texte s’opposant à ce qu’il acquiert des congés payés durant la période de suspension de son contrat de travail pour un arrêt en raison d’une maladie ou d’un accident non professionnel. Il pourra, ainsi, prétendre à une indemnité à cet égard, si ces jours de congés ne sont ni pris, ni indemnisés, ni prescrits.

2ème arrêt : l’acquisition des congés pendant la période de suspension du contrat de travail pour maladie ou accident professionnel ne peut être limitée à un an (Cass. soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.638)

A l’occasion de la deuxième affaire, la Cour de cassation a eu à déterminer si un salarié en arrêt pour maladie professionnelle ou accident de travail pouvait acquérir des congés payés au-delà de la période d’un an prévue par l’article L. 3141-5 du Code du travail. En effet, l’article L. 3141-5 du Code du travail dispose que sont assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés :

« […] 5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».

Dans cette affaire, la Cour de cassation a écarté cet alinéa en se fondant, de nouveau, sur l’article 31 §2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Elle a, ainsi, précisé que l’acquisition des congés payés durant une période de suspension du contrat de travail ne pouvait être limitée à un an. Elle énonce ainsi qu’un salarié acquiert donc des congés payés pendant toute la période de suspension de son contrat de travail, sans limite de temps.

3ème arrêt : la Cour de cassation précise quel est le point de départ de la prescription de l’action en rappel d’indemnité de congés payés (Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-10.529)

Dans la troisième affaire, la Cour de cassation a eu à déterminer quel était le point de départ du délai de prescription de l’action en rappel d’indemnité de congés payés. Jusqu’alors, la Cour de cassation avait jugé que le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congé payé devait être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. Soc., 14 novembre 2013, n° 12-17.409, Bull. 2013, V, n° 271).

A présent, la Cour de cassation précise que « la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile ».

Cette formulation soulève plusieurs interrogations selon l’assimilation du délai pour agir en justice et la période d’acquisition des congés payés. Au regard de ces éléments, il pourrait être estimé que le salarié qui n’a pas été mis en mesure d’exercer son droit à congé payé pourrait saisir le juge dans le délai de la prescription de l’action en rappel aux des créances de nature salariale d’indemnité de 3 ans (art. L. 3245-1 du Code du travail).

Que faire au sein des Directions des ressources humaines ?

En pratique, il convient d’engager une réflexion sur la gestion et la quantification du risque en tenant compte des règles conventionnelles qui sont applicables jusqu’alors. De nombreuses conventions collectives prévoient déjà que les salariés puissent bénéficier de l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail.

L’une des pistes à envisager serait celle d’organiser la limitation de la durée du report des congés pour cantonner les risques liés à des demandes de rappel de salaires. Il convient également de favoriser le « rendez-vous de liaison », instauré par la loi du 2 août 2021, qui permet d’échanger avec le salarié pendant son arrêt maladie supérieur à 30 jours et ainsi évoquer le sujet des congés payés sur leur acquisition et leur prise afin de limiter les risques liés à une demande de rappel de salaires.

 

[1] Cass. soc., 14 mars 2001, n°99-41.568

[2] CJUE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C-350/06, point 41 ; CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20

[3] Cass. Soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, Bull. 2013, V, n° 73

Irrecevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le statut d’ordre public du fermage

Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, établissement public de l’Etat, a acquis, en 2005, plusieurs parcelles occupées depuis 1995 par un agriculteur. Par jugement en date du 15 mai 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit que l’exploitant bénéficiait d’un bail rural depuis 1995.

Le 18 août 2020, le Conservatoire du littoral notifie à l’agriculteur un congé portant refus de renouvellement du bail rural. Le preneur conteste ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Dans le cadre de cette procédure, le tribunal paritaire des baux ruraux a transmis à la Cour de cassation plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité qu’il entendait voir soumettre au Conseil constitutionnel. Ces questions portaient notamment sur le fait de savoir si « le statut d’ordre public du fermage agricole est un principe fondamental reconnu par les lois de la République », et si l’article L. 322-9 du Code de l’environnement, qui dispose notamment que « le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l’exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre », est conforme à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme.

La Cour de cassation considère que cette question est irrecevable, dès lors qu’elle n’explicite pas « ce que recouvrirait le principe de statut d’ordre public du fermage agricole, ni ne précise les droits conférés par le statut du fermage, tel qu’institué par le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, dont le fermier entend se prévaloir ».

 

La Cour de cassation ajoute que les questions, qui « ne précisent pas en quoi la disposition législative critiquée porterait atteinte aux principes constitutionnels garantis par les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 » ne lui permettent pas « d’en vérifier le sens et la portée ». Rappelons que les conditions de recevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité sont les suivantes :

  • L’applicabilité de la loi au litige : La disposition législative en cause doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites ;
  • L’absence de déclaration préalable de conformité ;
  • Le caractère sérieux ou nouveau de la question.

En l’espèce, la question ne permettait pas de comprendre en quoi la disposition législative contrevenait à la norme constitutionnelle invoquée par l’agriculteur, auteur de la question. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que les questions prioritaires de constitutionnalité doivent être explicite et intelligible, à défaut de quoi elle ne peut qu’en constater l’irrecevabilité.

La nouvelle procédure d’évaluation des ESSMS a été précisée

Une instruction de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du 28 juin 2023 précise les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif d’évaluation de la qualité des prestations délivrées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) depuis le 1er juillet 2023.

 

Retour sur la réforme de l’évaluation des ESSMS

La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, et plus précisément son article 75 codifié à l’article L. 312-8 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), a réformé les évaluations des ESSMS : nouveau rythme calendaire (quinquennal), procédure confiée à la Haute autorité de santé (HAS), fusion des évaluations internes et externes avec la création d’une procédure d’évaluation unique et définition d’un référentiel d’évaluation national[1].

Deux décrets parus en 2021 et 2022 avaient précisé le nouveau cadre de la refonte des évaluations des ESSMS : un premier portant sur le rythme des évaluations de la qualité des ESSMS[2] et un second sur l’accréditation des organismes pouvant procéder à l’évaluation de la qualité des ESSMS[3]. Un doute demeurait cependant quant à l’application de cette réforme au sujet de l’accréditation des organismes évaluateurs. En effet, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 52 du projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2022 qui prévoyait l’obligation pour les organismes évaluateurs d’être accrédités – et non plus seulement habilités – par le Comité français d’accréditation (COFRAC) au motif qu’il constituait un cavalier législatif[4].

Des précisions précieuses apportées par l’instruction du 28 juin 2023

Le texte revient sur le rythme des nouvelles évaluations en détaillant les modalités d’élaboration des calendriers d’évaluation. Il donne notamment, en vue des programmations des évaluations que les autorités de tarification et de contrôle (ATC) arrêteront pour la période du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2027, des clés pour prioriser entre les ESSMS. Il détaille également la procédure d’accréditation par le COFRAC des organismes évaluateurs, alors même, tel que nous l’avons vu, qu’elle ne repose à ce jour sur aucune base légale du fait de la censure susmentionnée.

L’instruction revient également sur les premiers ESSMS concernés par la réforme – ceux ayant été autorisés entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009 – qui devaient procéder à une évaluation, sur la base du référentiel de la HAS, par un organisme évaluateur figurant sur la liste publiée par la HAS afin de transmettre leur rapport d’évaluation entre le 1er janvier et le 30 juin 2023. Une certaine indulgence est attendue de la part des autorités dans l’hypothèse où le gestionnaire viendrait à transmettre tardivement son rapport d’évaluation.

En effet, l’instruction met l’accent sur la bienveillance dont doivent faire preuve les ATC avec les gestionnaires d’ESSMS. Il est rappelé à ce sujet que la procédure d’évaluation des ESSMS a une importance capitale puisqu’elle conditionne le renouvellement de l’autorisation détenue par le gestionnaire. Or, le cadre lié à la procédure d’évaluation ayant radicalement évolué, les gestionnaires doivent se l’approprier (tout comme le référentiel de la HAS, par les organismes évaluateurs).

Cette instruction est précieuse car elle vient apporter de nombreuses précisions sur le nouveau cadre juridique qui s’applique aux évaluations des ESSMS, et qui peuvent intéresser les ATC tout comme les gestionnaires.

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[1] Référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux HAS, 8 mars 2022

[2] Décret n° 2021-1476 du 12 novembre 2021 modifié relatif au rythme des évaluations de la qualité des ESSMS

[3] Décret n° 2022-742 du 28 avril 2022 relatif à l’accréditation des organismes pouvant procéder à l’évaluation de la qualité des ESSMS

[4] Conseil constitutionnel, décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022

Indemnisation des victimes de transfusions sanguines : le Conseil d’Etat encadre les recours de l’ONIAM contre les hôpitaux.

Dans un arrêt en date du 20 juin 2023 (CE – 5ème et 6ème ch – n° 460868), le Conseil d’Etat est venu repréciser les principes généraux de l’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et les recours que ce dernier peut exercer à l’endroit des hôpitaux.

En l’espèce, M. B a été contaminé par le virus de l’hépatite C, à l’occasion d’une transfusion sanguine, au cours d’une hospitalisation à l’hôpital Avicenne de Bobigny en 1985. Deux transactions ont été conclues, en suite de cette contamination, entre l’ONIAM et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont dépend l’hôpital Avicenne, en 2016 et 2017, pour une indemnisation globale de 15.287 €.

Le 27 juillet 2018, l’ONIAM a émis, à l’encontre de l’AP-HP, un titre exécutoire pour la somme de 15.287 € à titre subrogatoire. Par un jugement en date du 14 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, saisi par l’AP-HP, a annulé ce titre exécutoire et déchargé l’AP-HP du paiement de la somme ainsi mise à sa charge. Par un arrêt du 26 novembre 2021, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par l’ONIAM contre ce jugement.

C’est dans ces conditions que l’ONIAM a saisi le Conseil d’Etat.

Dans un évident souci de pédagogie et afin de fixer sa jurisprudence en la matière, le Conseil d’Etat va reprendre point par point le cadre de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux et, notamment, le rôle dévolu à chacun des acteurs et les recours mis, le cas échéant, à leur disposition.

L’article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 dispose que l’Etablissement Français du Sang (EFS) est substitué aux établissements de transfusion sanguine dans les droits et obligations résultant des contrats conclus antérieurement à la loi. D’autre part, l’article 67 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a chargé l’ONIAM d’indemniser les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang.

Par ailleurs, l’article L. 1221-14 du Code de la santé publique dispose que la transaction intervenue entre l’ONIAM et la victime, ou ses ayants-droits, est opposable à l’assureur de l’établissement reconnu responsable, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction de procès éventuellement contenue dans le contrat d’assurance.

Enfin, l’article 14 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 prévoit que l’ONIAM et les tiers payeurs ne peuvent exercer d’action subrogatoire contre l’EFS, venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, si ledit établissement n’est pas assuré et si sa couverture d’assurance est expirée.

L’AP-HP et l’EFS ont ainsi conclu, le 29 décembre 1999, une convention prévoyant la prise en charge par l’EFS de l’ensemble des contentieux transfusionnels et des demandes transactionnelles nées ou susceptibles de naître. Le Conseil d’Etat vient ici rappeler que ces stipulations sont opposables à l’ONIAM et en conclut que la Cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’ONIAM n’est pas fondé à exercer un recours subrogatoire contre l’AP-HP en sa qualité de personne responsable du dommage.

Cependant, l’ONIAM avait soulevé un autre moyen qui visait à considérer que l’AP-HP ayant obtenu une dérogation de l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique obligeant les établissements de santé à s’assurer au titre de la responsabilité civile susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers, l’AP-HP devait être regardée comme un assureur contre lequel un recours devenait possible.

En effet, l’article L. 1221-14 du Code de la santé publique vise à permettre à l’ONIAM, lorsqu’il a indemnisé une victime de contamination transfusionnelle par le virus de l’hépatite C, d’exercer soit directement une action en garantie auprès des assureurs des établissements de transfusion sanguine repris par l’EFS, soit l’action subrogatoire contre l’EFS, qui est subordonnée à l’existence d’une couverture d’assurance de l’établissement de transfusion aux droits duquel est venu l’EFS.

Le Conseil d’Etat va également rejeter ce moyen en considérant que si, aux termes de l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique, l’AP-HP avait bénéficié d’une dérogation à l’obligation de souscrire un contrat d’assurance, elle ne pouvait à ce titre être considérée comme un assureur. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris est donc également confirmé sur ce point.

Ce rappel du cadre juridique dans lequel l’ONIAM peut exercer un recours contre les établissements de santé responsables d’un accident transfusionnel était plus que salutaire, tant les relations s’étaient tendues et les décisions des juridictions administratives de première instance aléatoires d’une région à l’autre. Une bonne administration doit toujours être transparente et prévisible.

Publication d’un avis consultatif du Conseil d’Etat en matière de concessions d’autoroutes : l’Etat peut-il résilier de telles concessions en cas de rémunération excessive du concessionnaire ?

Par un avis consultatif (n° 407003) en date du 8 juin 2023 et rendu public par le Gouvernement le 12 septembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur des problématiques majeures en matière de concessions autoroutières.

Le 7 avril 2023, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a souhaité recueillir l’avis du Conseil d’Etat au sujet de la méthode à retenir pour apprécier la rentabilité d’un concessionnaire, la possibilité de résilier unilatéralement la concession en cas de rémunération excessive et, le cas échéant, les modalités à respecter pour résilier cette concession.

D’abord, s’agissant de la méthode permettant d’apprécier la rentabilité d’une concession, le Conseil d’Etat souligne que dans le cadre de son pouvoir de contrôle exercé sur son concessionnaire, l’Etat « n’est en rien tenu par tel ou tel choix méthodologique ». Au titre de son rôle de concédant, il appartient à l’Etat « de contrôler les conditions d’exécution, y compris financières, de chaque contrat de concession par une analyse détaillée et critique, effectuée à date régulière, non seulement des résultats des exercices mais aussi du plan d’affaires du concessionnaire et des prévisions financières qui en ressortent ».

Ensuite, s’agissant de la possibilité de résilier une convention en cas de rémunération excessive du concessionnaire, le Conseil d’Etat rappelle que l’Etat dispose d’un pouvoir de résiliation unilatérale lorsqu’il se fonde sur un motif d’intérêt général ou lorsque le cocontractant a commis une faute.

Aussi, par l’avis du 5 février 2015, le Conseil d’Etat avait déjà affirmé que peut être envisagée une « résiliation pour motif d’intérêt général dans le cas où l’évolution économique constatée aurait pour effet d’accélérer sensiblement, contrairement aux prévisions, l’amortissement des ouvrages et la rémunération raisonnable du concessionnaire, au point que la durée initialement convenue n’aurait plus de justification. Une telle mesure supposerait une appréciation globale de l’amortissement des investissements et de la rémunération du concessionnaire ».

Ainsi, en cas de constatation d’une importante augmentation de la rémunération du concessionnaire, il appartient à l’Etat « pour apprécier les conséquences à en tirer, de tenir compte du transfert de risque auquel procède le contrat de concession, qui est le corollaire de l’équilibre de ce dernier ». Le Conseil d’Etat précise à ce titre que « si le transfert de risque joue essentiellement dans les cas d’évolutions défavorables au concessionnaire, il doit jouer également dans les cas d’évolutions favorables à ce dernier ».

Le Conseil d’Etat en conclut ainsi que « la seule circonstance que le concessionnaire ait optimisé le financement de sa dette en raison de taux historiquement bas, voire négatifs, comme cela a été le cas dans la période récente, ou qu’une baisse des coûts de construction et d’entretien, corrélée à une inflation particulièrement faible, lui ait procuré des bénéfices importants, ne pourrait suffire à fonder légalement une résiliation pour motif d’intérêt général, au regard du risque de pertes que le concessionnaire a accepté de courir en contrepartie des possibilités de gains que peut lui procurer une situation économique favorable ».

Enfin, s’agissant des modalités juridiques à observer pour résilier, par anticipation, une concession autoroutière, le Conseil d’Etat rappelle d’emblée qu’une telle décision appelle une particulière vigilance de la part du concédant. En effet, en amont, le concédant doit avoir envisagé l’organisation future du service public et prendre en compte les délais de préparation d’une éventuelle remise en concurrence ainsi que la nécessité de disposer d’un inventaire des biens de retour.

Le Conseil d’Etat suggère ainsi de ménager un délai de préavis suffisant entre la décision de résiliation et sa prise d’effet mais aussi, le cas échéant, de prévoir un effet différé. La décision de résiliation devra également prendre en considération l’existence de clauses de rachat pour motif d’intérêt général (prévoyant une indemnisation) qui figurent dans les contrats détenus par les sociétés concessionnaires d’autoroutes historiques. Selon le Conseil d’Etat, une telle clause « est une alternative à la résiliation unilatérale du contrat. [Cette clause de rachat] peut, en effet, être regardé[e] comme un mode de résiliation unilatérale, à l’initiative du concédant, organisé par le contrat de concession ».

Recours « Tarn-et-Garonne » : précisions sur l’intérêt à agir et les moyens invocables par une association de riverains

Par sa jurisprudence dite « Tarn-et-Garonne » du 4 avril 2014, le Conseil d’État a ouvert le recours en contestation de la validité d’un contrat public à « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses », ainsi qu’aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné et au représentant de l’État dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994).

Depuis lors, le Conseil d’Etat a progressivement précisé les contours de la notion de « tiers susceptibles d’être lésés » et recevables, à ce titre, à former un recours Tarn-et-Garonne, au-delà des seuls candidats évincés de la procédure de passation, dans l’intérêt lésé est évident.

Ainsi, la recevabilité d’un recours introduit par des contribuables locaux a été reconnue, sous réserve toutefois que les requérants établissent « que la convention ou les clauses dont ils contestent la validité sont susceptibles d’emporter des conséquences significatives sur les finances ou le patrimoine de la collectivité » (CE, 27 mars 2020, req. n° 426291).

A l’inverse, le Conseil d’Etat a dénié la recevabilité de recours formés par des ordres professionnels se prévalant uniquement des intérêts collectifs dont ils ont la charge (CE, 3 juin 2020, Département de la Loire-Atlantique, req. n° 426932 ; CE 20 juillet 2021, req. n° 443346) et, plus récemment, des membres du conseil d’administration d’un établissement public à caractère scientifique qui ne se prévalaient que de leur seule qualité sans justifier par ailleurs de l’existence d’un intérêt lésé par le contrat litigieux (CE, 2 décembre 2022, req. n° 454323).

Par son arrêt en date du 4 octobre 2023, la Cour administrative d’appel de Marseille fournit une utile illustration d’une association de riverains se voyant reconnaitre, compte tenu de son objet statutaire, un intérêt à agir contre un contrat public.

En l’occurrence, le contrat litigieux était une concession de service public ayant pour objet l’exploitation, l’entretien et la valorisation de l’aérodrome d’Aix-Les Milles, attribué par l’Etat en décembre 2017 à la Société Edeis Management (devenue par la suite Edeis Concessions).

Sa validité a été contestée par l’association Collectif Danger Aix Avenir devant le Tribunal administratif de Marseille, qui a toutefois rejeté sa requête.

Saisi en appel par l’association, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par annuler le jugement, constatant que les mémoires déposés par le Ministre de la transition écologique et solidaire n’avaient pas été transmis à l’association, en méconnaissance du principe du contradictoire posé à l’article 5 du Code de justice administrative et des dispositions de l’article R. 611-1 du même code.

Ensuite, la Cour administrative d’appel examine l’objet statutaire de l’association au moment de l’introduction de la requête, défini comme : « la défense de la population du bassin aéroportuaire Aix-Les Milles contre les diverses nuisances générées par l’aérodrome d’Aix-Les Milles dans le cadre local mais aussi dans le cadre de la lutte pour la préservation des conditions de vie sur notre seule planète. Elle est un mouvement citoyen qui regroupe, à des fins d’efficacité, des riverains et des non riverains de l’aérodrome, des membres d’autres associations du bassin aéroportuaire et plus largement toute personne concernée par la dégradation de la zone et la dégradation de l’environnement ».

A cet égard, l’arrêt précise – et c’est là l’un de ses principaux apports – que l’association ne peut se prévaloir des modifications statutaires intervenues postérieurement à l’introduction de sa requête.

Elle tient également compte du fait que l’association avait été désignée par le Préfet des Bouches-du-Rhône comme membre de la commission consultative de l’environnement de l’aérodrome.

Au vu de ces éléments, la Cour administrative d’appel conclut que l’association retire de son objet statutaire un intérêt susceptible d’être lésé par le contrat litigieux, tenant aux nuisances que les conditions d’exploitation de l’aérodrome peuvent faire subir aux riverains ou, de manière plus générale, aux atteintes qu’elles peuvent porter à l’environnement.

L’autre intérêt de cet arrêt est qu’il illustre l’application du principe selon lequel le requérant ne peut, dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne », soulever que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont il se prévaut.

Ainsi, la Cour administrative d’appel écarte comme inopérants certains des moyens soulevés par l’association, au motif que l’argumentation développée à leur appui n’est pas en rapport avec les nuisances subies par les riverains de l’aérodrome ou, de manière plus générale, les atteintes portées à l’environnement et que ces vices ne sont pas, en outre, d’une gravité telle qu’ils devraient être relevés d’office par le Juge.

Ces moyens écartés comme inopérants par l’arrêt sont les suivants :

  • Les vices tirés du caractère illégal du périmètre de la délégation de service public ;
  • Les vices tirés de l’insuffisante publicité donnée à la mise en concurrence ;
  • Les vices tirés de l’absence de mention dans le contrat de l’ensemble des travaux à la charge du candidat ;
  • Les vices tirés de l’irrégularité de la durée de la concession au regard des conditions de la mise en concurrence et de son caractère, en tout état de cause, excessif.

En outre, la Cour administrative d’appel précise que l’association ne peut davantage utilement se prévaloir, en tant que tels, d’évènements postérieurs à la conclusion du contrat (avenant, manquements du concessionnaire à ses obligations contractuelles), dès lors que ceux-ci sont, par hypothèse, sans incidence sur la validité du contrat tel qu’il a été initialement souscrit.

A l’inverse, les autres moyens d’irrégularité soulevés par l’association, listés ci-après, font l’objet d’un examen sur le fond, dans la mesure où ils sont considérés par la Cour administrative d’appel soit comme étant directement en lien avec les intérêts dont l’association se prévaut, soit comme d’une gravité telle qu’ils auraient dû être soulevés d’office par le juge (essentiellement les vices de consentement) :

  • Le vice tiré du fait que le contrat aurait été accordé par simple arrêté ministériel et non par décret en Conseil d’Etat, en méconnaissance de l’article R. 223-2 du Code de l’aviation civile ;
  • Le vice de consentement de l’Etat tiré de la « tromperie » sur les capacités financières du candidat attributaire ;
  • Le vice tiré de la méconnaissance par les stipulations du contrat de l’objectif de valeur constitutionnelle fixé par l’article 6 de la Charte de l’environnement ou les dispositions des articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement.

Pour autant, la Cour écarte l’ensemble de ces moyens comme infondés et, par suite, rejette les demandes de première instance de l’association.

Retrait d’une commune d’une communauté d’agglomération : L’absence de condition de seuil dans le cadre de la procédure de retrait de l’article L. 5211-19 du Code général des collectivité territoriale ?

Pour rappel, une communauté d’agglomération est un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) dont la loi n’autorise la création qu’à la condition de regrouper un certain nombre d’habitants. En effet, aux termes de l’article L. 5216-1 du Code général des collectivité territoriale (CGCT) une communauté d’agglomération doit former « un ensemble de plus de 50.000 habitants […] autour d’une ou plusieurs communes centre de plus de 15.000 habitants ». Ce principe souffre, toutefois, de plusieurs exceptions, le législateur écartant par exemple le seuil démographique de 50.000 habitants à 30.000 habitants lorsque la communauté d’agglomération comprend le chef-lieu du département.

Par ailleurs, une commune membre d’une communauté d’agglomération dispose de la possibilité de se retirer d’une communauté d’agglomération dont elle est membre selon deux procédures : la procédure de retrait de droit commun des EPCI prévue par l’article L. 5211-19 du CGCT et la procédure de retrait dérogatoire prévue par l’article L. 5216-11 du CGCT (au titre de laquelle une commune peut être autorisée à se retirer d’une communauté d’agglomération pour adhérer à un autre EPCI à fiscalité propre dont l’organe délibérant a accepté la demande d’adhésion).

A cet égard, dans un jugement en date du 25 septembre dernier, le Tribunal administratif de Caen a jugé que cette condition de seuil prévue par l’article L. 5216-1 du CGCT n’avait pas à être prise en compte dans le cadre de la procédure de retrait de droit commun prévue par l’article L. 5211-19 du CGCT.

En effet, le Tribunal a estimé qu’il ne ressortait pas des dispositions générales de l’article L. 5211-19 du CGCT, ni des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de ces dispositions, que le retrait d’une commune d’un EPCI était soumis à une condition de seuil de population. Il a, ainsi, considéré qu’en estimant que le retrait de la commune, selon la procédure de droit commun, était soumis à une condition de seuil, le préfet s’était estimé à tort en situation de compétence liée et avait commis une erreur de droit en refusant de faire droit à la demande de la Commune sur ce motif.

Toutefois, cette solution interroge compte-tenu des dispositions de l’article L. 5216-1 du CGCT. A cet égard, on notera que le Conseil d’Etat avait, en son temps, jugé s’agissant du retrait d’une commune d’une communauté de communes que le fait que l’article L. 5211-19 du CGCT ne subordonnait pas la possibilité d’un retrait à la circonstance qu’il n’avait pas pour effet d’enclaver une ou plusieurs communes ne saurait écarter la règle de continuité territoriale posée par l’article L. 5214-1 du CGCT qui devait être regardée comme ayant une portée générale (CE, 28 décembre 2005, Commune de Poigny, n° 281849).

Il sera donc intéressant de savoir si cette solution serait confirmée en appel.

A contrario, le Tribunal administratif de Caen a estimé que les seuils mentionnés à l’article L. 5216-1 du CGCT avaient vocation à être pris en compte dans le cadre de la procédure de retrait dérogatoire prévue par l’article L. 5216-11 du CGCT, dès lors que ce dernier prévoit expressément que le retrait de la commune ne peut avoir pour conséquence de faire passer la population de la communauté d’agglomération en dessous des seuils mentionnés à l’article L. 5216-1 du CGCT.

La protection fonctionnelle des policiers : droit à une provision pour préjudice moral en cas d’outrage à agent

Le Juge du référé-provision de la Cour administrative d’appel de Toulouse a, par une ordonnance en date du 21 août 2023, jugé que l’octroi de la protection fonctionnelle à un agent brigadier-chef de police pour un outrage à agent, lui ouvrait également droit à une provision sur la réparation du préjudice que lui a causé cet outrage.

En l’espèce, lors d’une manifestation sur la voie publique non déclarée, l’agent de police a été victime dans l’exercice de ses fonctions d’un outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique par l’une des manifestantes ; outrage pour lequel il a adressé à son administration une demande d’indemnisation de son préjudice et sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 7 avril 2022, le Préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, d’une part, accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’agent, et d’autre part, rejeté implicitement sa réclamation indemnitaire.

Le brigadier-chef a alors saisi le Juge du référé provision[1] du Tribunal administratif de Nîmes afin qu’il condamne l’État à lui verser une provision d’un montant de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il estimait avoir subi du fait de l’outrage dont il a été victime. Saisi en appel, le Juge des référés de la Cour administrative d’appel de Toulouse a infirmé l’ordonnance du Tribunal administratif rejetant la demande de provision de l’agent.

Pour cela, le Juge des référés a rappelé que les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983[2] portant droits et obligations des fonctionnaires prévoyant le régime de la protection fonctionnelle établissaient à la charge de l’administration une obligation de protection de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l’agent est exposé, mais aussi d’assurer une réparation adéquate des torts qu’il a subis[3], à la charge de l’employeur, et sous réserve des actions qu’il peut ensuite engager pour obtenir auprès de l’auteur des faits le remboursement des sommes exposées.

Il a ensuite souligné qu’il était constant que l’agent avait été victime lors de l’exercice de ses fonctions d’un outrage de la part d’une manifestante qui lui a adressé un doigt d’honneur devant ses collègues et les autres manifestants, et qu’il s’était vu accorder, à la suite de cet incident, le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Le Juge des référés a ainsi considéré, d’une part, que la protection fonctionnelle accordée entraînait une obligation de réparation à l’égard du requérant qui n’était pas sérieusement contestable, et d’autre part, que l’agent avait droit à la réparation adéquate du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de son outrage.

Il a donc retenu que, dans ces conditions, l’agent de police était fondé à soutenir avoir subi un préjudice moral qu’il incombe à l’État de réparer du fait de la protection fonctionnelle et que, dès lors que l’obligation dont il se prévalait n’était pas sérieusement contestable, il y avait lieu de fixer la provision à la somme demandée par l’agent, soit 1 000 euros.

Si la procédure de référé provision est fréquemment utilisée dans le cadre de la protection fonctionnelle pour demander une provision pour les sommes engagées par l’agent lors d’un procès, et en particulier pour couvrir les frais d’avocat, la Cour administrative d’appel précise ici que le préjudice moral né d’un outrage est également susceptible de constituer une créance non sérieusement contestable permettant d’ouvrir le bénéfice d’une provision pour l’agent victime.

En tout état de cause, dans le cadre d’une de demande de référé-provision, et telle qu’en témoigne l’ordonnance commentée, le Juge dispose d’une grande latitude dans le choix des éléments déterminant son appréciation, et par conséquent, recourt à une motivation renforcée de sa décision, dans la mesure où elle constitue à certains égards, un quasi-jugement.

 

[1] Sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative

[2] « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. […]. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté », dispositions dont la substance est aujourd’hui codifiée aux articles L. 134-1 et suivants

[3] v. aussi sur le principe CE, 4 avril 2011, n°334402 ; CE, 1 octobre 2014, n°366002 ; CE, 14 février 2023, n° 461247

La possibilité d’un cumul d’activités à durée indéterminée pour les agents publics

Par un arrêt en date du 19 juillet 2023, le Conseil d’Etat confirme qu’une autorisation de cumul d’activités peut être sollicitée et délivrée pour une durée indéterminée.

En l’espèce, M. A., brigadier-chef de la police nationale, avait obtenu du Tribunal administratif de Versailles l’annulation des refus en 2013, 2014 et 2015 du Ministre de l’Intérieur de l’autoriser à cumuler son activité principale avec des activités accessoires d’enseignement musical. M. A. a alors demandé au Tribunal administratif de Versailles de l’indemniser de l’illégalité de ces refus.

Le Tribunal administratif de Versailles a condamné l’Etat à l’indemniser de son préjudice financier au titre des années scolaires 2013-2014 et 2014-2015, mais a rejeté les conclusions indemnitaires pour la période postérieure à l’année scolaire 2014-2015, ce qu’a confirmé la Cour administrative d’appel de Versailles.

Saisie à son tour, le Conseil d’Etat affirme que « sous réserve du cas où elles prévoient expressément que les activités sont exercées à titre accessoire pour une durée limitée, les dispositions [du I de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 et les articles 1 à 8 du décret du 2 mai 2007] ne font pas obstacle à ce qu’une demande d’autorisation de cumul d’activités soit formée sans en préciser le terme. Si l’autorité appelée à statuer sur une telle demande peut lui fixer un terme, elle n’y est toutefois pas tenue, sans préjudice de la possibilité qu’elle a de s’opposer à tout moment, dans l’intérêt du service, à la poursuite de l’activité dont l’exercice a été autorisé et de l’obligation faite à l’intéressé de solliciter une nouvelle autorisation pour tout changement substantiel intervenant dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité qu’il exerce à titre accessoire ».

Par conséquent, il juge que l’arrêt d’appel est entaché d’erreur de droit, dès lors que la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré qu’une autorisation de cumul d’activités ne pouvait être demandée et délivrée que pour une durée limitée, pour en déduire que M. A n’était pas fondé à se prévaloir d’un préjudice financier pour la période postérieure à l’année 2014-2015 résultant de l’illégalité de la décision de refus d’autorisation de cumul d’activités du 27 février 2014.

Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme la solution déjà énoncée dans son arrêt M. D et Mme B. du 27 juillet 2016 (CE, 27 juillet 2016, M. D et Mme B, n° 395292 et 395293), également rendue sous l’empire des dispositions du décret de 2007, tenant à la possibilité pour un agent public d’obtenir une autorisation de cumul d’activités à durée indéterminée.

Il préserve néanmoins la possibilité pour l’administration, saisie d’une demande en ce sens, de l’assortir d’un terme.

Si cette confirmation est bienvenue, on relèvera que la haute assemblée n’a pas profité de cet arrêt pour prendre une position de principe sur les conséquences indemnitaires du refus illégal d’une demande de cumul d’activités à durée indéterminée.

En effet, elle a rejeté les prétentions indemnitaires du requérant en se plaçant sur le terrain de la preuve, estimant que le caractère certain du préjudice financier invoqué pour la période postérieure à l’année 2014-2015 n’était en l’espèce pas démontré.

Il faudra dès lors attendre des précisions ultérieures sur ce point.

On soulignera enfin qu’ainsi que l’a relevé le rapporteur public, la solution énoncée par le Conseil d’Etat, tenant à la possibilité de solliciter et de délivrer une autorisation de cumul d’activités pour une durée indéterminée, devrait valoir pour tous les textes qui régissent depuis 2007 le cumul d’activités des agents publics, y compris celui aujourd’hui en vigueur, dès lors que ceux-ci sont rédigés en des termes voisins.

Agents publics : que sont les « informations et règles essentielles à l’exercice des fonctions » ?

Arrêté du 30 août 2023 fixant les modèles de documents d’information prévus par le décret n° 2023-845 du 30 août 2023 portant sur la communication aux agents publics des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de leurs fonctions

Une loi n° 2023-171 en date du 9 mars 2023 avait transposé en droit interne une disposition du droit communautaire selon laquelle les employeurs sont tenus d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. En a résulté la création au sein du Code général de la fonction publique de l’article L. 115-7, qui dispose : « l’agent public reçoit de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions ».

Restait à fixer précisément le champ de ces « informations et règles essentielles », ce qui est désormais chose faite, par un décret dédié en date du 30 aout dernier, dont l’article 2 indique que l’agent public doit recevoir communication des informations suivantes : la dénomination et l’adresse de l’autorité administrative assurant sa gestion, son corps ou cadre d’emplois et son grade lorsque l’agent est fonctionnaire et sa catégorie hiérarchique lorsqu’il est contractuel, la date de début d’exercice de ses fonctions ou de début de la période de stage ou de la période d’essai, ainsi que leur durée, la date de conclusion d’un contrat à durée déterminée et sa durée, le ou les lieux d’exercice de ses fonctions (avec des adaptations et précisions en cas d’exercice à l’étranger, sa durée ou son régime de travail ainsi que les règles relatives à l’organisation du travail qui lui sont applicables et celles relatives aux heures supplémentaires, le montant de sa rémunération (en précisant chacun de ses éléments constitutifs, sa périodicité ainsi que ses modalités de versement), ses droits à congés rémunérés et à la formation, les accords collectifs relatifs à ses conditions de travail comportant des dispositions édictant des mesures réglementaires, l’organisme de sécurité sociale percevant les cotisations sociales ainsi que les dispositifs de protection sociale et, dernière information et non des moindres, les procédures et les droits en cas de cessation de ses fonctions.

Un arrêté du même jour comprend un modèle de document d’information, qui n’est cependant pas obligatoire, le décret prévoyant d’ailleurs dans son article 3 plusieurs options de communication, et notamment la mise à disposition par voie électronique d’un ou plusieurs documents. L’arrêté a cependant ceci d’intéressant qu’il illustre le champ de l’information des agents quant aux procédures et droits en cas de cessation des fonctions, laquelle se limite à un rappel des textes en vigueur.

En principe, la communication prévue intervient dans les 7 jours calendaires à compter du premier jour d’exercice des fonctions, mais l’article 12 du décret prévoit également le cas des agents nommés ou recrutés antérieurement, en indiquant que lorsqu’une ou plusieurs informations mentionnées à l’article 2 n’ont pas été communiquées, l’intéressé peut en demander communication à tout moment auprès de l’autorité administrative assurant sa gestion.

Il s’agit là d’une disposition qui évite aux administrations de mettre en place une procédure d’information spécifique massive mais qui, en tout état de cause, devrait générer les prochaines semaines nombre de demandes de documents en plus de celles auxquelles il fait habituellement face.

Promesse de bail commercial sur le domaine public : le chant des sirènes

Une convention de location-gérance d’un fonds de commerce contenant une promesse de bail commercial, sur le domaine public : « ne montre jamais ça à personne » ! Ou les déboires des gérants d’un bar-brasserie-restaurant-salon de thé souhaitant s’installer sur le front de mer de Villerville.

Par un jugement en date du 23 juin 2023, le Tribunal administratif de Caen[1] applique sans écart les principes issus d’une décision du Conseil d’Etat rendue en 2014[2] qui sera notre fil rouge. Il rappelle utilement le régime indemnitaire du commerçant ayant été laissé dans la croyance de pouvoir signer, un jour, peut-être, un bail commercial.

En mai 2014, la commune et le gérant de cet établissement concluent une convention de location-gérance du fonds de commerce sur trois ans. Cette convention vise une promesse de bail commercial. En 2017, la société informe la commune de sa volonté de se prévaloir de la promesse de bail commercial contenue dans la convention. Les parties échangent, mais la commune s’oppose notamment à ce que les locaux donnés à bail incluent la terrasse sur la digue, en front de mer. Devant les juridictions judiciaires, la commune obtient la restitution du fonds de commerce mis à disposition en location-gérance. La société est placée en liquidation judiciaire.

Le liquidateur judiciaire porte dans un premier temps l’enjeu indemnitaire devant les juridictions judiciaires, incompétentes. Il parvient à la juridiction administrative avec une ardoise de 665.710 euros en réparation des préjudices allégués compte tenu de la faute commise concernant la promesse de bail commercial.

L’indemnisation du préjudice tiré de la fausse croyance du bénéfice des garanties des baux commerciaux : Perdu d’avance

Utile rappel : l’article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise depuis la loi du 18 juin 2014[3] qu’« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre ». Ces dispositions ne sont applicables qu’aux contrats d’occupation qui sont postérieurs au texte[4]. En outre, le fonds de commerce doit ici être distingué du bail commercial, lequel demeure interdit sur le domaine public compte du caractère précaire et révocable de l’occupation[5]. Enfin, il n’est pas possible d’écarter la possibilité de constituer un fonds de commerce dans un contrat d’occupation domaniale[6].

Ces éléments précisés, revenons aux juges normands qui commencent par indiquer que :

En raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public. Lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits.

Exposé en 2014 par le Conseil d’Etat[7], le principe est aujourd’hui éculé[8]. Il tire sa généalogie de décisions plus anciennes, mais non moins importantes qui se limitaient à suggérer que le cocontractant de l’administration « est toutefois en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès lors qu’aucune stipulation contractuelle n’y fait obstacle »[9]. Gare néanmoins aux illusions perdues, car la déconvenue peut être sévère[10].

Au cas présent, le contrat de location-gérance vise également une « promesse de bail commercial » selon laquelle, durant la seconde période de location gérance, le locataire bénéficiera, s’il le désire, du sésame. Néanmoins, et c’est là la difficulté : le contrat est censé porter sur une digue incorporée au domaine public communal. Dupé et induit en erreur, le gérant de l’établissement se voit reconnaitre l’existence d’une faute commise par la commune de Villerville :

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et alors que la convention ne prévoit aucune condition particulière pour l’occupation de la digue contrairement à l’usage du premier étage notamment, et dont les conditions ont été précisées, les requérants ont légitimement pu croire, à tort, que la promesse de bail commercial portait également sur la terrasse alors qu’il est constant que celle-ci est incorporée au domaine public de la commune. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en leur laissant croire qu’ils pouvaient bénéficier, selon leur volonté, des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux sur une terrasse appartenant au domaine public.

Pour quelle indemnité ? Modique : la somme de 3000 euros est allouée pour le préjudice moral subi à raison de l’arrêt de l’activité commerciale dans laquelle le gérant s’est investi. Si peu ? selon le Tribunal administratif, le titre dont disposait le gérant ayant été délivré antérieurement à l’entrée en vigueur en juin 2014 de l’article L. 2124-32-1 précité, celui-ci n’a dès lors jamais été en mesure de revendiquer un fonds de commerce sur le domaine public et ne pouvait y prétendre. Le contrat initial ayant été conclu en mai 2014, l’affaire semble donc s’être jouée à un mois près.

On pourrait néanmoins se livrer une analyse critique de cette position, car le jugement semble faire de l’entrée en vigueur du texte une date pivot pour déterminer l’éligibilité du requérant à une indemnisation plus généreuse. Cependant, c’est davantage le recours au contrat de location-gérance, qui, par sa nature, n’entraine pas le transfert de propriété du fonds, mais sa mise à disposition en vue de sa seule exploitation, qui apparait devoir prédominer pour écarter l’allocation d’une somme d’argent plus substantielle. En effet, un contrat de location-gérance[11] ne permet pas, sinon empêche expressément par une clause idoine, la possibilité de revendiquer un tel fonds. Sous cette analyse, la solution serait donc probablement identique si le contrat de location-gérance avait été conclu après juin 2014.

Allons plus loin : les juges ont également pu voir dans la promesse de bail commercial l’assurance, en germe, de la détention future d’un fonds de commerce pour estimer nécessaire d’invoquer la loi du 18 juin 2014, mais le jugement ne le dit pas. Rappeler les dispositions du Code civil relatives à la promesse[12] eut été opportun. Et dans ce cas, l’on aurait tout aussi bien pu alléguer que la consolidation du droit à revendiquer la détention d’un fonds de commerce par l’effet de la promesse serait intervenue le 30 novembre 2017, date d’échéance du contrat de location-gérance, soit postérieurement à juin 2014. Ne nous risquons pas à une telle supposition, mais il pourrait au moins être reproché aux juges ne pas avoir déterminé à quel moment la croyance d’un droit a pu émerger : à échéance ou ab initio ?

La requalification du bail commercial en convention d’occupation domaniale : La fête est finie

A présent, quel sort réserver au contrat de droit privé autorisant une dépendance qui s’avère relever du domaine public ? Le Tribunal administratif de Caen compulse encore la décision de référence du Conseil d’Etat de 2014 selon laquelle :

En outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu. Il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation.

Cette transmutation du contrat pensée pour la nécessité de protéger le domaine public n’est pas atypique : on la retrouve également avec un bail rural[13], toute chose étant égale par ailleurs. La particularité du raisonnement pousse ainsi à penser l’indemnisation non sous l’égide du bail commercial anéanti, mais sous celui du contrat d’occupation du domaine public frais émoulu. Hélas pour les commerçants, on l’a vu, les garanties d’un tel titre sont moindres.

L’issue de ce litige est d’autant plus étonnante que des solutions existent afin de garantir les droits des commerçants et commuer un contrat douteux en un titre solide. Le déclassement[14] du bien en vue de la conclusion d’un bail commercial global (pourvu naturellement que le déclassement soit possible, ce qui ne semblait pas être le cas en l’espèce) ou à la conclusion d’une autorisation domaniale distincte avec reconnaissance explicite d’un fonds de commerce sur la portion relevant du domaine public sont autant de voies possibles pour une issue négociée. A Villerville, cependant, après avoir fait le tour du monde, le dialogue n’a pas dû aboutir.

En résumé, bien qualifier son domaine en amont de la conclusion du contrat, c’est simple, basique, et cela permet d’éviter les pérégrinations judiciaires.

 

[1] Voir Orelsan, Dans ma ville, on traîne, Orelsan, (4’00), Album : La Fête est finie, CD Wagram Music 3351932, 2017

[2] CE, 8e – 3e ss-sect. réunies, 24 nov. 2014, société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais : n° 352402, Lebon.

[3] relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel.

[4] CE, 8e – 3e ss-sect. réunies, 24 nov. 2014 : n° 352402, Lebon, préc.

[5] CE, 8e ch, 27 déc. 2021, n° 452381, pour un exemple, à propos d’un pourvoi non admis.

[6] CE, 11 mars 2022, M. B. c. commune de Cap-d’Ail, n° 453440 – Commentaire https://www.seban-associes.avocat.fr/fonds-de-commerce-et-domaine-public-les-liaisons-toujours-dangereuses/#_ftnref2

[7] CE, 8e – 3e ss-sect. réunies, 24 nov. 2014, société des remontées mécaniques Les Houches-Saint-Gervais : n° 352402, Lebon.

[8] CAA Lyon, 4e ch. – formation à 3, 17 déc. 2015, n° 14LY03708 ; CE, 10e ch., 19 janv. 2017, n° 388010 ; CAA Marseille, 2e ch. – formation à 3, 29 juin 2017, n° 17MA00294 ; CAA Paris, 4e ch., 9 avr. 2021, n° 20PA01314  20PA01315 pour quelques illustrations éparses.

[9] CE, 7e et 2e ss-sect. réunies, 31 juill. 2009, société Jonathan Loisirs : n° 316534, Lebon T. ; voir encore CE, 2 / 6 ss-sect. réunies, 6 déc. 1985, n° 44716, Lebon. ; pour l’archéologie du principe : CE, sect., 21 déc. 1977, n° 03997, Lebon.

[10] CAA Marseille, 7e ch. – formation à 3, 21 avr. 2023, n°21MA03573, s’agissant d’un bar-restaurant dans l’aérodrome de Barcelonnette Saint-Pons pour une convention signée en 1995.

[11] Pour le régime de la location-gérance : art. L. 144-1 et suivants du Code de commerce, notamment.

[12] Art. 1124 du Code civil, alinéa 1 et 2 : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis. »

[13] CE, 5-6 chr, 7 juin 2023, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres : n° 447797, Lebon.

[14] Art. L. 2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.

Adoption de la loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 : dérogation au principe de parité et nécessité d’assurer la continuité de la représentation des communes au sein des intercommunalités

La loi n° 2023-506 tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires a été promulguée le 26 juin 2023 (JORF n° 0147 du 27 juin 2023).

Aux termes d’un article unique, celle-ci vient insérer un nouvel alinéa à l’article L. 273-10 du Code électoral qui prévoit ainsi que :

« Par dérogation au troisième alinéa [de l’article L. 273-10 du Code électoral], au terme de la première année suivant l’installation du conseil municipal de la commune concernée, lorsqu’il n’existe pas de conseiller municipal ou de conseiller d’arrondissement pouvant être désigné en application des deux premiers alinéas [portant sur la vacance des sièges des conseillers communautaires], le siège devenu vacant est pourvu par le premier candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu, sans tenir compte de son sexe. Lorsqu’il n’y a plus de candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement pouvant pourvoir le siège sur la liste des candidats au siège de conseiller communautaire, le siège est pourvu par le premier conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe ».

Pour rappel, la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes a introduit à l’article 3 de la Constitution le principe selon lequel la loi « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (JORF n° 157 du 9 juillet 1999).

Ainsi, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires (JORF n° 0114 du 18 mai 2013) impose que la représentation des communes de plus de 1000 habitants dans les conseils communautaires doit répondre à un objectif de parité au sein des instances locales.

Plus précisément, les alinéas I et II de l’article L. 273-10 du Code électoral issus de l’adoption de la loi précitée prévoit que la parité, dans les communes de plus de 1000 habitants, s’applique pendant tout le mandat de conseiller communautaire, même en cas de vacance du siège.

Une stricte application de cette règle conduisait à ce qu’en l’absence de candidat de même sexe pouvant assurer la vacance du siège, le siège reste vacant jusqu’à la fin du mandat.

Les nouvelles dispositions, ont vocation à revenir la vacance permanente d’un siège des sièges de conseiller communautaire. Ainsi, comme le rappelle la Rapporteure de la loi devant l’Assemblée nationale, Madame Poussier-Winsback, la vacance des sièges est dommageable à plusieurs titres :

« En premier lieu, la commune voit sa représentation au sein du conseil communautaire amoindrie – lorsqu’elle ne disparaît pas purement et simplement. C’est particulièrement préjudiciable au vu des compétences de plus en plus étendues des intercommunalités et de la nécessaire représentation des communes en leur sein.

En deuxième lieu, la vacance d’un siège peut modifier les équilibres de représentation entre la commune-centre et les autres – notamment en faveur de la commune la plus peuplée, même si l’inverse est aussi vrai. Dans nombre d’intercommunalités, la commune-centre n’est pas loin de détenir la majorité absolue des sièges au conseil communautaire. Cette limite prévue par la loi peut alors être contournée du fait de la démission d’un conseiller communautaire d’une commune moins peuplée.

En troisième lieu, les droits de l’opposition peuvent se trouver limités lorsque le siège rendu vacant est celui d’un conseiller élu sur une liste d’opposition ». (Assemblée nationale, Débats parlementaires, « compte rendu intégral des séances du 15 juin 2023, 1ère séance, présentation, discussion générale, discussion des articles : art unique, après l’art unique, titre, vote sur l’ensemble »).

Au titre de ce constat, les nouvelles dispositions de la loi en date du 26 juin 2023 prévoient ainsi qu’à la fin de la première année suivant l’installation du conseil municipal de la commune concernée, lorsque le siège du conseiller est vacant et qu’il n’y a pas de conseiller municipal ou d’arrondissement de même sexe capable de le remplacer, il est possible d’attribuer le siège de conseiller vacant :

  • au premier candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu, sans tenir compte de son sexe ;
  • au premier conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe.

Dès lors, la loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 illustre une volonté de concilier les principes de parité et de représentation des communes au sein des intercommunalités.

Fixation des seuils de réduction de capital des sociétés en cas de perte de leurs capitaux propres

Le Décret n° 2023-657 en date du 25 juillet 2023, entré en vigueur le 27 juillet 2023, fixe les seuils de réduction de capital des sociétés en cas de perte de leurs capitaux propres.

Lorsque les capitaux propres des sociétés commerciales (SARL, SA, SAS, SCA ou SE) deviennent inférieurs à la moitié de leur capital, les associés doivent convoquer une assemblée générale extraordinaire dans un délai de 4 mois à compter de la perte, pour décider de dissoudre la société de façon anticiper, ou de la maintenir en vie à condition de régulariser la situation[1].

Cette régularisation de la situation implique de reconstituer les capitaux propres ou de réduire le capital social dans un délai de deux ans, sauf à s’exposer à la dissolution de la société qui peut alors être sollicitée en justice par tout intéressé.

L’article 14 de la Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 a modifié la procédure de régularisation en ajoutant une étape intermédiaire : si, à l’issue du premier délai de deux ans, la société n’a pas reconstitué ses capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social mais que ce capital est supérieur à « un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat », la société bénéficie d’un nouveau délai de deux ans pour réduire son capital à une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

L’idée est de faciliter le rapprochement de valeur entre les capitaux propres et le capital social, y compris lorsque ce dernier est initialement trop élevé pour que ce rapprochement soit fait dans un seul délai de deux ans.

Le Décret n° 2023-657 du 25 juillet 2023 vient justement fixer les seuils auxquels le capital trop élevé doit être réduit au cours du second délai de deux ans.

Ces seuils varient selon la forme sociale :

  • Pour les SARL et les SAS, le seuil est fixé à 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice (article R.223-37 nouveau du Code de commerce pour les SARL, et article R. 225-166-1, a) nouveau du Code de commerce pour les SAS),
  • Pour les SA, les SCA et les SE, le seuil est fixé à la valeur la plus élevée entre 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice et le capital social minimal, fixé à 37.000 € pour les SA et les SCA (article L. 224-2 du Code de commerce) et à 120 000 € pour les SE (article R 225-166-1, b) nouveau du Code de commerce).

NB : ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

 

[1] Articles L. 225-248, L. 223-42, L. 227-1 al. 3, L. 226-1 al. 2 et L. 229-1 al. 2 du Code de commerce