Artificialisation des sols : quelle définition de la friche ?

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme

L’adoption des dispositions réglementaires pour l’application de l’objectif « zéro artificialisation nette » se poursuit avec l’adoption en fin d’année 2023 de deux décrets concernant les friches, l’un définissant la notion de friche au sens de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme (Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme) et l’autre établissant une liste des friches sur lesquelles des projets de production d’énergies renouvelables photovoltaïques ou thermique pourront être implantées (Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme)

Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023

Les objectifs du ZAN introduit par la loi « Climat Résilience » du 22 août 2021, ont mis sur le devant de la scène tout l’enjeu de la réhabilitation des friches.

A cet égard, la loi climat résilience (article 211) a introduit un nouvel article L. 152-6-2 dans le Code de l’urbanisme, afin de prévoir que si le projet vise à utiliser une friche, l’autorisation d’urbanisme pourra déroger aux règles relatives aux gabarits des constructions dans une limite de 30 %. En outre, l’article 212 de la loi créé une expérimentation pour trois ans portant sur le « certificat de projet », qui doit permettre à un porteur de projet sur une friche de connaître l’ensemble des règles juridiques (régimes, décisions, procédures, délais, difficultés juridiques et/ou techniques applicables à son projet).

La notion de friche qui présente donc un important enjeu pour la mise en œuvre du ZAN doit pouvoir être définit de manière relativement uniforme.

Pour rappel, c’est déjà la loi Climat et Résilience qui a commencé à établir le contour de cette définition, puisqu’elle a introduit le nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme qui définit la notion de friche selon deux critères cumulatifs :

  • D’une part, du caractère inutilisé du bien (ou du droit immobilier) ;
  • Et d’autre part, de l’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables.

Le décret n° 2023-1259 ici commenté a vocation à préciser les modalités d’application de cette définition en détaillant ces deux critères.

En ce sens, au sein d’une nouvelle section de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme consacrée aux friches, le décret n° 2023-1259 insère le nouvel article D. 111-54 qui vient préciser les différents critères à prendre en compte pour la définition d’une friche :

  • Une concentration élevée de logements vacants ou d’habitats indignes ;
  • Des locaux ou équipements vacants dégradés (notamment à la suite d’une cessation définitive d’activités) ;
  • Une pollution identifiée pour laquelle aucun responsable (ou substitut) n’est identifié ou solvable ;
  • Enfin, un coût significatif pour son réemploi voire un déséquilibre financier entre le coût d’achat et de réemploi et le prix du marché pour ce type de bien compte-tenu du changement d’usage envisagé.

Il est utile de noter que, du fait de l’insertion du terme « notamment » au sein de l’article D. 111-54, il faut considérer que ces éléments ne sont pas des conditions cumulatives mais bien des critères d’identification si bien qu’il serait possible de ne tenir compte que de certains d’entre eux pour l’identification de la friche industrielle.

Restera à la charge des praticiens et des juges administratifs notamment, d’interpréter certains des termes en cause, s’agissant par exemple de la notion de « concentration élevée », ou encore de « coût significatif ».

Le nouvel article D. 111-54 du Code de l’urbanisme précise aussi que l’aménagement ou les travaux préalables au réemploi d’un bien, qui constitue l’une des conditions de l’identification d’une friche au titre de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme, « s’entendent comme les interventions permettant la remise en état, la réhabilitation ou la transformation du bien concerné ».

Enfin, cet article exclut expressément de la notion de friche au sens du Code de l’urbanisme les terrains non-bâtis à usage ou vocation agricole ou forestier.

Le nouvel article D. 111-55 du Code de l’urbanisme apporte des précisions quant au recensement des friches industrielles en précisant qu’ils seront mis à disposition par les personnes publiques, réalisés « d’après les standards du Conseil national de l’information géolocalisée » et qu’ils permettront d’alimenter un inventaire national des friches.

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023

Un deuxième décret n° 2023-1311 en date du 27 décembre 2023 a été pris pour l’application des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi ENR.

Pour rappel, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables sur le territoire national, cet article a instauré une dérogation au principe de la continuité de la loi Littoral pour l’installation de dispositifs de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches définies à l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme et les bassins industriels de saumure saturée.

Afin de permettre l’application de ces dispositions, ce décret établit une liste de 22 friches identifiées pour permettre l’accueil de ces installations de production d’énergie photovoltaïque ou thermique réparties dans 12 départements métropolitains.

Pour rappel des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, s’agissant des friches, il appartient au pétitionnaire de justifier que le projet d’installation est préférable à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable en tenant compte notamment du « coût d’un tel projet de renaturation, des obstacles pratiques auxquels est susceptible de se heurter sa mise en œuvre, de sa durée de réalisation ainsi que des avantages que comporte le projet d’installation photovoltaïque ou thermique ».

De plus, cette dérogation est aussi applicable aux bassins industriels de saumure saturée qui sont constitués par les étangs de Lavalduc et d’Engrenier situés dans le département des Bouches-du-Rhône (cf. article 1er du décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023).

Publicité : actualités sur la décentralisation des pouvoirs de police

Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (1)

Auparavant exercés par l’Etat, les pouvoirs de police en matière de publicité ont été transférés au 1er janvier 2024, par la loi du 22 août 2021 dite climat et résilience, au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le décret en date du 29 décembre 2023 adapte ainsi la rédaction de la partie règlementaire du Code de l’environnement à ce transfert du pouvoir de police. A cet égard, outre des modifications terminologiques, des articles sont ainsi insérés pour prévoir, lorsqu’il est compétent, le transfert au président de l’EPCI des déclarations et demandes d’autorisation reçues par le maire (celui-ci ayant un rôle de guichet unique).

Il est également indiqué expressément que les saisines par voie électronique seront régies par le Code des relations entre le public et l’administration.

Outre ces modifications liées à la décentralisation des pouvoirs de police, d’autres mises à jour et précisions sont apportées :

  • Des dispositions obsolètes introduisant des dérogations jusqu’au 13 juillet 2015 ou 1er juillet 2022 sont supprimées ;
  • Le décret supprime le renvoi opéré par l’article R. 581-42 au premier alinéa de l’article R. 581-31 et qui avait pour effet d’interdire toute publicité, y compris la publicité non-lumineuse, sur le mobilier urbain dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Selon les services de l’Etat, la publicité lumineuse y demeure néanmoins interdite et le décret n’autorise que la publicité non-lumineuse ;
  • L’exception à l’obligation d’extinction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin est étendue aux marchés d’intérêt national ;
  • Le texte qui permettait aux publicités numériques inférieures à 2,1m² et 3m de haut de s’affranchir du respect de certaines normes technique est abrogé (article R. 581-41) ;
  • La procédure de publication de la délibération approuvant le règlement local de publicité est également modifiée, l’article R. 571-89 du Code de l’environnement prévoyant que celle-ci doit être publiée conformément aux exigences du Code général des collectivités territoriales.

Enfin, l’article 250 de la loi de finances pour 2024 met fin au transfert automatique des pouvoirs de police de la publicité au président de l’EPCI, qui avait été prévu par la loi climat et résilience, s’agissant des communes de moins de 3.500 habitants lorsque l’EPCI n’est compétent ni pour adopter le plan local d’urbanisme, ni le règlement local de publicité.

Dérogation espèces protégées : présomption de raison impérative d’intérêt public majeur pour certains projets ENR et nucléaires

L’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, prévoit que certains projets de production d’énergies renouvelables ou de stockage doivent être réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), qui est l’une des conditions requises pour l’obtention d’une dérogation espèces protégées fondée sur l’article L. 411-2, 4 du Code de l’environnement. Une présomption similaire a été introduite par la loi

Un décret devait néanmoins définir les conditions d’application de ces présomptions.

Le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 fixe donc ces conditions, qui sont :

  • codifiées au sein des articles R. 411-6-1 du Code de l’environnement et R. 211-1 et suivants du Code de l’énergie pour les projets d’installations de production ou de stockage d’énergies renouvelables en métropole. Deux conditions cumulatives sont fixées :
    • Un seuil de puissance prévisionnelle doit être dépassé. Il s’agit :
      • Des projets de production d’énergie photovoltaïque ou solaire thermique lorsque la puissance prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 2,5 mégawatts (crête pour le photovoltaïque) ;
      • Des projets de production d’énergie éolienne terrestre lorsque la puissance prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ;
      • Des projets de production d’énergie biogaz lorsque la production annuelle prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 12 gigawatts-heures de pouvoir calorifique supérieur par an ;
      • De certains projets de production d’énergie hydroélectrique gravitaire lorsque la puissance maximale brute prévisionnelle totale de l’installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ;
      • De certains projets de station de transfert d’énergie par pompage lorsque la puissance prévisionnelle totale de la station est supérieure ou égale à 1 mégawatt.
    • La puissance totale de cette source de production d’énergie doit être inférieure à l’objectif maximal de production annuelle prévisionnelle totale défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.
  • identifiées à l’article 3 du décret pour les projets de réalisation d’un réacteur électronucléaire (selon leur implantation et lorsqu’un certain seuil de puissance thermique prévisionnelle, fixé selon les caractéristiques du projet, est dépassé) ou d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires (pour certains projets faisant l’objet d’un arrêté et lorsque la capacité d’entreposage des combustibles est supérieure à 500 tonnes).

Déchets : suspension du règlement de collecte supprimant la collecte en porte-à-porte

Une communauté de communes a généralisé sur le territoire de certaines de ses communes membres la collecte des ordures ménagères résiduelles par rapport volontaire, supprimant ainsi la collecte en porte-à-porte.

Une association d’usagers a sollicité du juge administratif qu’il prononce la suspension de la délibération du conseil communautaire ayant approuvé le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés et demandé le rétablissement de la collecte en porte-à-porte sur l’ensemble du territoire communautaire.

Le juge administratif a donné droit à cette demande, aux motifs que :

  • L’urgence est caractérisée dès lors que la suppression de la collecte en porte-à-porte a eu pour conséquence le développement des dépôts sauvages et des nuisances occasionnées par ces dépôts ainsi qu’en raison de la saturation des bornes ou de leur inaccessibilité. Le juge se fonde également sur la circonstance qu’elle pénaliserait également des personnes vulnérables (personnes âgées) et certains usagers devant parcourir plusieurs kilomètres pour déposer leurs déchets ;
  • Plusieurs moyens identifiés par l’association soulèvent des doutes sérieux sur la légalité du règlement de collecte :
  • Tout d’abord, le juge rappelle que le président, et non le conseil communautaire, est compétent pour adopter le règlement de collecte. Dès lors, la circonstance en l’espèce que ce règlement ait été adopté par délibération du conseil communautaire caractérise l’existence d’un doute sérieux sur sa légalité ;
  • En outre, le juge considère que les modalités de collecte en point d’apport volontaire mises en œuvre par la communauté de communes ne permettent pas d’offrir un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement ainsi qu’un niveau de qualité de service à la personne équivalents à ceux de la collecte en porte à porte, en méconnaissance donc de l’article R. 2224-24, IV du CGCT.

Le juge prononce donc la suspension du règlement de collecte et enjoint à la communauté de communes, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de rétablir la collecte en porte à porte des déchets résiduels sur l’ensemble de son territoire.

Le juge judiciaire des référés peut-il suspendre une exploitation pour mettre fin aux atteintes à des espèces protégées ?

Par une décision en date du 21 décembre 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur la compétence du juge des référés judiciaire pour statuer sur une demande de suspension de l’activité d’une exploitation en raison d’atteintes portées à des espèces protégées, l’exploitant ne s’étant pas vu octroyer d’autorisation en ce sens.

En l’espèce, était en cause la mise en œuvre de travaux nécessaires à l’exploitation d’une carrière, qui avait fait l’objet d’une autorisation environnementale mais qui n’incluait pas de dérogation espèces protégées. Or, selon deux associations, « de nombreux rapports [attestaient] de la présence, sur ce site, de plusieurs espèces protégées, dont certaines en voie d’extinction » (CA Aix-en-Provence, 23 février 2023, n° 22/12634) ; le Conseil du parc naturel régional de la Sainte-Baume confirmant la présence de ces espèces sur la zone de la carrière. Les deux associations demandaient ainsi au juge des référés judiciaire d’enjoindre l’arrêt de l’exploitation jusqu’à l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées.

Pour fonder sa décision, la Cour rappelle en premier lieu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ainsi, « le juge judiciaire ne peut substituer sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée en application de ses pouvoirs de police spéciale ».

Les tribunaux judiciaires ne peuvent donc être saisis que pour se prononcer sur l’allocation de dommages-intérêts aux tiers lésés par une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ainsi que sur les mesures permettant de faire cesser à l’avenir le préjudice, mais uniquement si ces mesures « ne contrarient pas les prescriptions édictées par l’administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu’elle détient (TC, 23 mai 1927, n° 755 ; 1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-25.526, Bull. 2017, I, n° 28 ; 1re Civ., 8 novembre 2017, pourvoi n° 16-22.213) ».

En second lieu, la Cour rappelle que conformément à l’ordonnance n° 2017-80 du 27 janvier 2017, et depuis le 1er mars 2017, une autorisation environnementale unique regroupe en une seule procédure les autorisations, enregistrements, déclarations, absence d’opposition, approbations et agréments énumérés au I de l’article L. 181-2 du Code de l’environnement ; incluant ainsi l’autorisation délivrée au titre de la législation spéciale applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement et la dérogation espèces protégées.

La Cour de cassation indique ainsi que la délivrance d’une telle dérogation est une « possibilité » soumise à l’appréciation de l’autorité administrative, qui doit en apprécier la nécessité « dès lors que des spécimens d’une de ces espèces sont présents dans la zone du projet » ; le pétitionnaire devant quant à lui solliciter la dérogation « si le risque que son projet comporte pour ces espèces est suffisamment caractérisé ».

En ce sens, la Cour déclare que « les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l’eau et de celle des ICPE constituent, qu’elle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques, excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d’activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction de l’une de ces espèces protégées ».

En l’espèce, la Cour casse donc l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, considérant que le juge du fond a substitué son appréciation à celle de l’autorité administrative en ordonnant la suspension provisoire de tous travaux sur le site de la carrière jusqu’à l’obtention, par la société, d’une dérogation à l’interdiction de la destruction d’espèces protégées.

Utilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des espaces verts et l’irrigation de cultures : publication des arrêtés

Arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux conditions de production et d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures

Dans la continuité du développement de la réutilisation des eaux usées traitées, opéré notamment par les décrets du 10 mars 2022 (cf. notre article sur le sujet) et du 29 août 2023 (cf. notre article sur le sujet), deux arrêtés ont été publiés au mois de décembre 2023 pour encadrer et préciser les conditions de réutilisation des eaux usées traitées pour l’arrosage des espaces verts (arrêté du 14 décembre 2023) et l’irrigation des cultures (arrêté du 18 décembre 2023).

Ces arrêtés définissent ainsi notamment :

  • le contenu du dossier de demande d’autorisation et le contenu de l’autorisation ;
  • les prescriptions visant à garantir la protection de la santé publique, humaine et animale, et de l’environnement. Différentes exigences de qualité sont ainsi définies selon l’usage des eaux usées traitées :
  • Pour l’arrosage des espaces verts il s’agit des espaces verts ouverts au public ou des espaces verts dont l’accès au public est restreint ;
  • Pour l’irrigation des cultures, sont visés les cultures vivrières consommées crues (selon si la partie comestible est ou non en contact avec l’eau usée traitée), les cultures vivrières transformées et cultures non vivrières y compris servant à l’alimentation des animaux producteurs de lait ou de viande, le fourrage frais et pâturage ainsi que les cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières.

Sont également prévues des hypothèses dans lesquelles des eaux usées traitées de qualité inférieure peuvent être utilisées à condition qu’un système de barrières appropriées soient appliqués. Enfin, des mesures préventives de gestion du risque pouvant être rendues obligatoires sont déterminées :

  • les modalités de surveillance (fréquence minimale de surveillance, réalisation des analyses par un laboratoire accrédité, etc.) ;
  • le contenu des carnets sanitaires et des informations devant être transmises aux autorités administratives ainsi que les modalités de suivi de l’autorisation et de sanctions en cas de manquement.

GEMAPI : Transfert des digues domaniales de l’Etat

Décret n° 2023-1075 du 21 novembre 2023 relatif au soutien du fonds de prévention des risques naturels majeurs aux travaux de mise en conformité des digues domaniales transférées

A compter du 29 janvier 2024, la gestion des digues domaniales de l’Etat sera transférée aux structures exerçant la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI).

Les modalités de ce transfert ont été précisées par décrets du 21 novembre 2023.

1°) Le décret n° 2023-1074 précise :

  • les modalités de ce transfert, celui-ci étant régi par une convention conclue sur le fondement de l’article L. 566-12-1 du Code de l’environnement (dont le contenu est précisé par l’article 4 du décret) ou, à défaut de convention, par arrêté du Préfet constatant la mise à disposition. Il est également prévu qu’un arrêté ministériel établira la liste des digues domaniales mises à disposition ;
  • les droits et obligations liés à ces ouvrages et transférés à l’autorité Gemapienne, c’est-à-dire l’ensemble des obligations du propriétaire. Il est également indiqué qu’elle possède tous pouvoirs de gestion sur cet ouvrage, en assure le renouvellement, peut autoriser son occupation temporaire, peut en percevoir les fruits et produits et agit en justice en lieu et place du propriétaire, doit accomplir les formalités nécessaires à l’obtention des autorisations administratives requises et instruire les demandes de conventions de superposition d’affectation. Un principe de substitution dans les obligations contractuelles est également prévu, sauf pour certains travaux en cours et à la demande du Gemapien.

La mise en œuvre de la procédure de désaffectation des digues est également facilitée lorsqu’elles ne présentent plus d’utilité pour la prévention des inondations.

2°) Le décret n° 2023-1075 prévoit des mécanismes financiers liés à ce transfert. Il est notamment prévu que la compensation du transfert de gestion des digues peut être prise en charge par le Fonds Barnier. Ce Fonds pourra également contribuer, à hauteur de 80 % de la dépense, au financement des études et travaux de mise en conformité des digues.

Encadrement de l’utilisation des pesticides dans les zones Natura 2000

Par une décision n° 437613 en date du 15 novembre 2021, le Conseil d’Etat avait estimé insuffisantes les dispositions règlementaires encadrant l’utilisation des pesticides dans les zones Natura 2000, méconnaissant alors les exigences de l’article 12 de la directive 2009/128 relative à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (transposée à l’article L. 253-7 du Code rural et de la pêche maritime).

En conséquence, le Gouvernement a publié le 28 novembre 2022 le décret n° 2022-1496 relatif à l’encadrement de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans les espaces terrestres des sites Natura 2000 (voir notre article sur le sujet).

La mise en œuvre de ce décret par les préfets de région et de département est explicitée par une instruction du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle établit les actions à mener selon deux temporalités.

À court terme, l’action des services de l’Etat doit être menée en priorité sur les sites accueillant les espèces et habitats les plus sensibles à l’exposition des produits phytopharmaceutiques.

En ce sens, une phase d’identification doit permettre de recenser les sites terrestres Natura 2000 « pour lesquels l’utilisation des produits phytopharmaceutiques constitue une pression de nature à compromettre les objectifs de préservation et de restauration des espèces et des habitats identifiés dans le document d’objectifs (DOCOB – plan de gestion des sites Natura 2000) ». Elle est suivie d’une phase d’examen des mesures existantes (mesures volontaires ou règlementaires).

Au regard de cette analyse, il doit être déterminé si les mesures sont manifestement inappropriées, à l’impact difficile à évaluer ou si elles répondent aux objectifs du site.

En cas de mesures manifestement inappropriées, une solution par voie contractuelle devra être privilégiée. Et en l’absence de mesures dans le DOCOB, il pourra être nécessaire de « réviser ou de demander à l’autorité compétente de réviser le DOCOB et de renforcer les engagements contractuels afin qu’ils répondent aux enjeux du site ».

Un encadrement règlementaire n’interviendra qu’en dernier lieu, et pourra alors se traduire par une interdiction ou un encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par arrêté. Dans ce cas, la participation du public énoncée à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement sera requise, de même que l’association étroite des représentants des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.

À moyen terme, il est demandé aux préfets de suivre une « trajectoire d’amélioration continue » en continuant et en intensifiant les engagements de mesures agroenvironnementales et en évaluant régulièrement leur adéquation et leur efficacité par rapport aux objectifs établis. Un dispositif de suivi de l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les sites Natura 2000 sera également mis en œuvre

À noter enfin que l’ensemble des informations recueillies par les services préfectoraux devra être partagé avec le Conseil Régional, compétent depuis le 1er janvier 2023 en matière de gestion des sites Natura 2000 terrestres.

Nomination de Monsieur Thierry Guimbaud à la tête de l’Autorité de Régulation des Transports, un pilote dans l’avion de la régulation des transports

Par décret du Président de la République du 29 décembre 2023, publié le 30 décembre au Journal officiel de la République française, Thierry Guimbaud a été nommé président de l’Autorité de régulation des transports (ART). Monsieur Guimbaud est un fin connaisseur des sujets de transports. Il a en effet notamment occupé le poste de directeur chargé des services de transport et de l’exploitation au Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF), devenue Île-de-France Mobilités (IDFM), avant de devenir directeur des services de transports au sein du ministère chargé des Transports. Et il était depuis 2017 directeur général des Voies navigables de France (VNF).

Rappelons que ce poste était précédemment occupé par Monsieur Bernard Roman, entre 2016 et aout 2022. Monsieur Roman avait donc quitté son poste à la fin de son mandat, lequel n’était pas renouvelable. Le Président de la République avait soutenu une première candidature en février 2023, celle de Marc Papinutti. Cependant, le profil « politique » de Monsieur Papinutti, ancien directeur de cabinet du Ministre de la Transition écologique Christophe Béchu après avoir été directeur de l’administration centrale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, alors Ministre des Transports avant secoué le landerneau. Et ce dernier avait retiré sa candidature pour des raisons personnelles.

C’est donc une nouvelle page qui peut s’ouvrir pour l’ART, à un moment où la révolution des transports, implique une Autorité de régulation forte et impliquée… même si, bien entendu, et comme n’a pas manqué de le souligner Monsieur Guimbaud, l’ART n’avait pas cessé de fonctionner, rendant des décisions importantes sous la présidence par intérim de Monsieur Richert, vice-président de l’Autorité.

Le Conseil d’État enjoint à l’Autorité de régulation des transports de procéder à l’examen de manquements qui auraient été commis par la société Aéroport Toulouse-Blagnac

Par une lettre en date du 31 janvier 2023, le syndicat des compagnies aériennes autonomes (ci-après le « SCARA ») et la chambre syndicale du transport aérien (ci-après la « CSTA ») ont saisi conjointement l’Autorité de régulation des transports, sur le fondement de l’article L. 1264-1 du Code des transports, d’une demande tendant à la recherche et à la constatation de manquements qui auraient été commis par la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ci-après « ATB ») lorsqu’elle a institué une redevance par bagage.

Les plaignantes invoquaient deux manquements :

  • D’une part, ATB aurait intégré, de manière illégale au regard notamment des dispositions de l’article L. 6325-1 du Code des transports, une prestation concurrentielle d’assistance en escale, consistant en un service de réconciliation des bagages, dans le périmètre de la redevance par bagage ;
  • D’autre part, le tarif de la redevance par bagage ne serait pas conforme aux principes généraux applicables en matière de tarification des redevances pour services rendus dès lors que les compagnies aériennes seraient exonérées du coût de mise à disposition des installations de traitement des bagages.

Le SCARA et la CSTA estiment que cette mise à disposition devrait être payée par les compagnies pour chaque touchée d’avion et qu’en exonérant les compagnies de tout paiement de ce service si leurs passagers n’ont pas de bagages de soute, la tarification d’ATB n’aurait pas été établie sur la base de critères objectifs et rationnels et ne serait pas conforme aux principes de non-discrimination et d’orientation vers les coûts.

Par une décision en date du 20 avril 2023, l’Autorité a rejeté la demande présentée en raison de son incompétence à connaître de ladite demande. L’Autorité soutenait tout d’abord que l’exigence d’impartialité qui s’imposait à elle s’opposait à ce qu’elle puisse procéder à la recherche et à la constatation d’un manquement portant sur les tarifs de redevances aéroportuaires qu’elle avait elle-même homologués au titre de l’article L. 6327-2 du Code des transports. L’Autorité estimait ensuite que la contestation d’une redevance plusieurs années après son homologation était de nature à porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime inhérents à la régulation économique sectorielle. Saisi d’un recours à l’encontre de cette décision, le Conseil d’État a infirmé le raisonnement et la décision de l’Autorité par un arrêt du 21 décembre 2023.

Dans sa décision, le Conseil d’État commence par rappeler le principe classique de la séparation fonctionnelle des instances de poursuite et de sanction au sein des autorités indépendantes en jugeant que « si le principe d’impartialité des juridictions, qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que rappelle le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et qui est applicable à l’Autorité de régulation des transports, autorité publique indépendante dotée d’un pouvoir de sanction, conduit à la séparation entre, d’une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, ce principe ne peut être opposé à l’autorité assurant les fonctions de poursuite, qui n’est pas appelée à décider d’une éventuelle sanction ».

Le Conseil d’État énonce ensuite que si le principe d’impartialité « exige que l’autorité se prononçant sur l’opportunité des poursuites ne manifeste, dans son pouvoir d’appréciation, ni partialité, ni animosité personnelle », il ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité procède à la recherche et à la constatation de manquements liés à une redevance qu’elle a homologuée.

De façon beaucoup plus laconique, le Conseil d’État juge ensuite que « les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ne sauraient davantage faire obstacle à ce que l’Autorité de régulation des transports procède à la recherche et, le cas échéant, à la constatation de manquements liés à un tarif qu’elle a homologué ». Bien qu’il n’ait pas développé son raisonnement, on comprend aisément le raisonnement du Conseil d’État. Les autorités administratives indépendantes ont vocation à réguler un secteur d’activités et elles ont usuellement vocation, à ce titre, à homologuer certains tarifs et redevances. Elles ne sauraient donc soutenir que les principes de sécurité juridique et de confiance légitime font obstacle à ce qu’elles apprécient la licéité de ces tarifs et redevances puisque ces derniers seraient alors à l’abri de toute contestation possible. Et, l’argument temporel invoqué par l’Autorité (seules les demandes d’examen survenant plusieurs années après l’homologation seraient irrecevables) n’est pas véritablement convaincant puisqu’à le supposer applicable, les nouveaux entrants ne pourraient pas contester des tarifs anciens.

Après avoir écarté les moyens invoqués par l’Autorité, le Conseil d’État annule ensuite sa et, sur le fondement du pouvoir d’injonction qu’il détient au titre de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, lui enjoint de procéder à l’examen de la demande formulée par les requérantes dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Le contrat de revente du surplus d’électricité produite par une installation de production d’énergie renouvelable ne fait pas partie des pièces exigées dans le cadre d’une demande de permis de construire portant sur l’installation.

Par une décision en date du 14 décembre dernier, la Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle, à propos d’un contrat d’achat d’électricité, le principe du caractère limitatif des pièces exigées à l’occasion d’une demande de permis de construire.

Par un arrêté en date du 9 décembre 2019, le Maire de la commune de Monestier délivre, au bénéfice d’un particulier, un permis pour la construction, entre autres, d’un hangar dont la toiture doit être équipée d’une couverture photovoltaïque. Le permis de construire est ensuite partiellement annulé par un jugement du Tribunal administratif de Bordeaux, en tant qu’il ne respecte pas les règles du PLU interdisant, sur certaines parcelles cadastrées, l’implantation des constructions à moins de 100 mètres des limites séparatives.

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme le jugement sur ce point.

En réponse à une moyen soulevé devant elle par les requérants de première instance ayant formé un appel incident, celle-ci rappelle également que, conformément au caractère limitatif des pièces exigées dans les demandes de permis de construire, aucune pièce autre que celles citées par l’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme ne peut être exigée par l’autorité compétente. Dans ces conditions, à défaut de texte le prévoyant expressément, contrairement à ce que soutenaient les appelants, le pétitionnaire n’avait pas à fournir à l’administration le contrat qu’il souhaite conclure pour revendre le surplus d’électricité produit par ses panneaux photovoltaïques (Article L. 314-1 du Code de l’énergie).

Ainsi le moyen tiré de l’incomplétude du dossier de demande de permis de construire sur le fondement de l’absence de transmission du contrat de revente d’électricité n’a pu qu’être écarté, de même que les autres moyens soulevés devant la Cour.

La gratuité des transports publics locaux : on en parle ?

Depuis le 21 décembre 2023, le réseau de tram et de bus de la métropole de Montpellier est gratuit pour ses habitants. Et c’est un réel mouvement de fond qui se met en œuvre pour assurer l’égalité d’accès des usagers au service de transports publics locaux. Ainsi, la gratuité des transports réguliers de personnes concerne aujourd’hui plus de 376 communes. Il s’agit de de ne pas faire payer l’usager pour le service rendu, ce qui, en matière de transports, peut être motivé par des préoccupations tant environnementales (limiter l’utilisation des voitures dans les villes) sociales (gratuité pour les titulaires du RSA) ou économiques (favoriser l’attractivité des centres villes) …

C’est donc tout naturellement que nous vous proposons, pour le premier focus « Mobilités » de la LAJEEM, de nous arrêter sur les conditions de mise en œuvre d’une telle gratuité.

A l’échelle du territoire de l’autorité organisatrice des mobilités (AOM), la gratuité des transports réguliers peut se matérialiser sous deux formes : la gratuité temporaire (de manière éphémère : pic de pollution, nuit du nouvel an …) et la gratuité permanente (transport public régulier de personnes).

En ce qui concerne la gratuité permanente, elle peut aller de la gratuité partielle (une ou plusieurs parties du réseau ou catégories de personnes : personnes à mobilité réduite ou usagers résidents de la collectivité comme au sein de la Métropole de Montpellier) à la gratuité totale (pour l’ensemble du réseau de l’AOM, pour tous les usagers et tous les jours, comme c’est le cas dans la communauté urbaine de Dunkerque).

 

Mais alors, quels financements ?

Ne nous y trompons pas : la gratuité n’est évidemment qu’apparente. Et si ce n’est pas l’usager, les collectivités doivent trouver d’autres leviers de financements. En effet, la perte des recettes issues de la vente des titres de transport (recettes commerciales) représente un coût (environ 17 % en 2019 et 11 % en 2020)[1]. Ces pertes de recettes ont pu être partiellement compensées. Ainsi, à Dunkerque, les recettes du délégataire sont assises sur les vélos en libre-service et les taxibus de nuit[2]. Et dans la Métropole de Montpellier, le délégataire du service public se rémunérera notamment sur les redevances des usagers non-résidents de la Métropole de Montpellier.

Mais le financement des coûts d’exploitation et d’investissement repose alors essentiellement sur le versement mobilité (anciennement versement transport : environ 47 % en 2019 et 46 % en 2020)[3], les contributions locales (environ 34 % en 2019 et 35 % en 2020), les dotations de l’Etat (environ 2 % en 2019 et 8 % en 2020), et plus marginalement les recettes liées à la publicité dans les transports ou aux contraventions[4]. S’agissant plus particulièrement du versement mobilité, rappelons que, conformément à l’article L. 1221-13 du Code des transports le financement des transports publics locaux est assuré par les autres bénéficiaires publics et privés qui, sans être usagers des services, en retirent un avantage direct ou indirect. Les employeurs publics et privés participent au financement des transports via le versement mobilité (47 % en 2019 et 46 % en 2020)[5].

Ce prélèvement correspond à un impôt[6] destiné à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement des transports en commun. Il prend la forme d’un pourcentage de la masse salariale des employeurs publics et privés en charges d’au moins 11 salariés et situés dans le ressort territorial de la collectivité organisatrice des transports (Articles L. 2333-64 et s. du Code général des collectivités territoriales)[7].

Les AOM ont la possibilité d’augmenter son montant dans la limite d’un plafond prévu à l’article L. 2333-67 du Code général des collectivités territoriales : 0,55 % des salaires (population entre 10 000 et 100 000 habitants), 2,95 % des salaires (Paris et alentours) ou encore 1,75 % des salaires (population supérieure à 100 000 habitants et réalisation d’une infrastructure de transport collectif routier ou guidé)[8]. A titre d’exemple, la Métropole de Montpellier (4 lignes de tramways et 41 lignes de bus) indique qu’elle comble le manque de recettes tarifaires (entre 20 % et 23 % en 2019)[9] grâce aux prélèvements issus du versement mobilité (dont le taux est fixé à 2 %)[10], la rationalisation des coûts, notamment grâce à la suppression des billetteries, et les contributions publiques.

Son taux de versement mobilité a pu atteindre jusqu’à 2 % (malgré le plafond fixé à 1,75 % en province) grâce à l’addition des majorations permises par l’article L. 2333-67 du Code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire : le bonus communauté (+0,05 %) et le bonus « commune touristique » (+0,2 %). La communauté urbaine de Dunkerque (15 lignes de bus)[11], dont le réseau est moindre, a comblé le manque de recettes par l’augmentation du taux du versement mobilité (fixé à 2 %)[12].

 

La gratuité est-elle conforme au principe d’égalité de traitement entre les usagers ?

La gratuité n’apparaît pas contraire au principe d’égalité devant le service public. Evidemment, en ce qui concerne la gratuité permanente totale et l’exemple de Dunkerque, la question ne se pose pas : en supprimant la tarification pour tous les usagers indistinctement, l’administration leur permet de bénéficier d’un traitement égalitaire devant le service.

En ce qui concerne la gratuité permanente partielle et l’exemple de la Métropole de Montpellier, il est possible d’instaurer la gratuité pour les habitants dès lors que cette mesure est justifiée par le fait que leur domicile se trouve dans le ressort de l’AOM (CC, DC, 12 juillet 1979, Ponts à péage, n° 79-107 ; CE, 29 décembre 1997, Commune de Gennevilliers, n° 157425)[13].

 

La gratuité est-elle compatible avec le régime de service public des transports ?

Une partie de la doctrine considère que la suppression de la tarification en matière de transports publics aurait pour effet de faire reposer le financement essentiellement sur des ressources fiscales et de changer ainsi la nature du service public en contradiction avec l’article L. 1221-13 du Code des transports (selon lequel le financement est assuré par les usagers et par les autres bénéficiaires publics et privés qui, sans être usagers des services, en retirent un avantage direct ou indirect), ce qui nécessiterait l’intervention du législateur[14].

A contrario, certains estiment que la gratuité permanente et totale du service des transports est une faculté prévue par l’article L. 1221-5 du Code des transports lequel dispose que l’autorité organisatrice définit la politique tarifaire de manière à obtenir l’utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant. Ainsi, lorsque les AOM décident de mettre en œuvre ce principe de gratuité, il leur appartiendra d’en définir des conditions permettant de limiter les risques juridiques.

En tout état de cause, si le service de transport public est délégué, il conviendra de s’assurer que l’exploitant supporte un risque d’exploitation.

 

Compatibilité entre la gratuité et délégation de service public

Conformément à l’article L. 1121-1 du Code de la commande publique, le délégataire doit supporter un risque d’exploitation réel de sorte qu’il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, qu’il a supporté. A défaut, le contrat sera requalifié de marché public.

Cependant, la gratuité n’implique pas nécessairement une requalification en marché public. Ainsi, la Cour administrative de Marseille a pu considérer, à propos de la communauté d’agglomération du pays d’Aubagne, qu’un avenant instaurant la gratuité du réseau de transport public de voyageurs n’avait pas eu pour effet de supprimer tout risque d’exploitation pesant sur le délégataire (CAA de Marseille, 28 avril 2014, n° 12MA00238). En l’espèce, la rémunération du délégataire était fonction d’une contribution financière forfaitaire annuellement versée par l’AOM et égale à la différence entre l’engagement du délégataire sur les dépenses d’exploitation et son engagement sur la fréquentation des lignes. La Cour en a alors conclu qu’un risque d’exploitation demeurait à la charge du délégataire dès lors que la contribution ne couvrait qu’un résultat d’exploitation prévisionnel (et non pas l’ensemble des dépenses du délégataire) et était pondérée en fonction des résultats d’exploitation.

En conclusion, donc, ce modèle est séduisant. Mais il ne va pas sans poser de véritables questions juridiques. Et une fois encore, la gratuité pour les usagers passe également nécessairement par la perception d’autres recettes, au premier rang desquelles l’augmentation du versement mobilité. C’est donc un choix politique structurant que de décider d’une telle gratuité.

 

[1] Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, Sénat, 4 juillet 2023, n° 830, selon les chiffres sur l’année 2019-2020 et selon une moyenne faite des chiffres issus de collectivités de tailles disparates.

[2] Communauté urbaine de Dunkerque, Extrait du registre aux délibérations du Conseil de communauté, Séance du mercredi 30 septembre 2020 18h15

[3] Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel,  Sénat, 4 juillet 2023, n° 830, selon les chiffres sur l’année 2019-2020 et selon une moyenne faite des chiffres issus de collectivités de tailles disparates.

[4] Rapport d’information fait au nom de la commission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », Michèle Vullien et Guillaume Gontard, Sénat, 25 septembre 2019, n° 744.

[5] Ibid selon les chiffres sur l’année 2019-2020 et selon une moyenne faite des chiffres issus de collectivités de tailles disparates.

[6] Décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1991, n° 90-287.

[7] Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », Michèle Vullien et Guillaume Gontard, Sénat, 25 septembre 2019, n° 744.

[8] Versement mobilité, Direction de l’information légale et administrative (Première ministre), site internet Entreprendre.Service-Public, 1 janvier 2024.

[9] Rapport d’information fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel,  Sénat, 4 juillet 2023, n° 830.

[10] Site de l’URSSAF, Bénéficiaire du versement mobilité : Montpellier Méditerranée Métropole, Taux en cours : 2.

[11] Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », Michèle Vullien et Guillaume Gontard, Sénat, 25 septembre 2019, n° 744

[12] Site de l’URSSAF, Bénéficiaire du versement mobilité : Communauté de Dunkerque, taux en cours : 2.

[13] La gratuité du service public des transports, Sébastien Martin, AJDA 2020. 999

[14] Contribution de Serge Pugeault, professeur agrégé de droit public à l’Université de Reims, Directeur du Centre de recherche droit et territoire, in Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le thème : « Gratuité des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ? », Michèle Vullien et Guillaume Gontard, Sénat, 25 septembre 2019, n° 744

Extinction du cuivre : la lumière au bout du fourreau ?

Le réseau cuivre correspond au réseau de téléphonie historique, essentiellement développé dans le courant des années 1970. Depuis de la privatisation de France télécom – devenu la société Orange -, ce réseau et les infrastructures qui le supportent (fourreaux, poteaux, armoires, jusqu’à la prise finale située dans le logement des usagers…) appartiennent à cette dernière.

Et les opérateurs, au premier rang desquels les grands opérateurs commerciaux d’envergure nationale que sont Bouygues Telecom, Free, Free et Orange, utilisent historiquement ce réseau pour offrir leurs offres de téléphonie fixe et d’internet.

Dans le programme de son premier quinquennat, le Président de la République avait promis de couvrir en très haut débit ou en fibre optique tout le territoire national. L’objectif n’a pas été atteint mais ce sont aujourd’hui plus de 80% des locaux du territoire national qui sont raccordables à la fibre optique.

Or, ces réseaux en fibre optique, souvent déployés dans les infrastructures de génie civil appartenant à Orange en parallèle du réseau cuivre, offrent des débits plus importants aux abonnés. Autrement dit, ces deux réseaux n’ont pas vocation à coexister.

Bien entendu, les opérateurs qui ont massivement investi dans les réseaux en fibre optique poussent à la fin du réseau cuivre. Et le premier de ces opérateurs n’est autre qu’Orange.

Cependant, comment mettre fin à ce réseau historique sans priver les abonnés de l’accès devenu aujourd’hui nécessaire aux services de communications électroniques, et en particulier à internet ?

Or, certes, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques, des Postes et de la distribution de la Presse (“ci-après, ARCEP”)[1] a fixé des cadres dans lesquels Orange peut éteindre son réseau. Il reste que le plan d’arrêt de ce réseau d’importance national n’a été décidé ni par le législateur, ni par le pouvoir règlementaire, ni même par l’ARCEP mais par Orange seule.

Nous vous en présentons les conditions et les enjeux.

 

Quelles échéances pour l’arrêt du cuivre ?

Orange a annoncé sa volonté de fermer techniquement le réseau de cuivre entre 2023 et 2030.

Et en effet, le processus a déjà commencé. Il débute par une fermeture des offres commerciales. Ainsi, à compter de 2026, aucune offre internet ou de téléphonie fixe ne sera proposée sur le réseau cuivre. Autrement dit, à compter de cette date, si un abonné souhaite bénéficier d’une offre internet ou de téléphonie fixe sur un réseau filaire, il devra impérativement faire déployer la fibre optique.

Bien plus, Comme l’ARCEP le rappelle[2], “Depuis le 3 décembre 2020, il n’y a plus d’opérateur en charge du service universel pour les prestations de raccordement au réseau et de fourniture d’un service téléphonique.”  La société Orange s’est engagée auprès du Gouvernement à maintenir ses offres « abonnement principal » et « réduction sociale téléphonique » qui relevaient du périmètre du service universel jusqu’en 2023.

En revanche, elle refuse en principe de procéder à tout nouveau raccordement d’un logement ou local professionnel au réseau cuivre dès lors que celui-ci est situé dans une zone où un réseau en fibre optique est déployé.

Et en 2030, Orange éteindra définitivement le réseau cuivre, cessant de le faire fonctionner.

Cette extinction va être progressive.

En effet, Orange a défini des lots de fermeture. Les communes du premier lot verront la fin du réseau cuivre en janvier 2025, les communes du deuxième lot en janvier 2026 et les dernières entre 2026 et 2030.

Et ces arrêts pourraient être reporté sur les zones dans lesquelles le déploiement du réseau en fibre optique ne sera pas complet. Toute la question sera de définir ce que recouvre la notion de déploiement “complet”. L’ARCEP devrait prochainement apporter des précisions sur ce sujet.

Par ailleurs, Orange a déjà mené un certain nombre d’expérimentations sur plusieurs communes du territoire national.

 

Les Usagers et les entreprises doivent anticiper leurs besoins

Il est donc important, tant pour les entreprises que pour les particuliers, d’anticiper leurs besoins en matière d’accès à internet, afin d’identifier les offres de services sur fibre disponibles là où les offres sur cuivre ne le sont plus ou ne seront bientôt plus[3]. On précisera que, hors de la zone très dense qui englobe 106 grandes villes[4], les opérateurs et collectivités qui déploient la fibre optique doivent avoir achevé son déploiement dans la zone concernée dans un délai de 5 ans à compter de la pose de l’armoire technique (dite point de mutualisation de zone)[5].

Il est également nécessaire pour les entreprises et particuliers de veiller au respect des règles applicables lorsque leur demande de raccordement à un réseau concerne une maison, un immeuble ou un lotissement neuf, des obligations précises pesant sur le constructeur ou lotisseur.

En effet, plusieurs lois ont successivement imposé, depuis 2009, le prééquipement en réseaux à très haut débit de ces constructions neuves.

Plus précisément :

  • Pour les immeubles neufs :
    • l’article D. 407-1 du Code des postes et des communications électroniques indique que les réseaux de communications électroniques intérieurs aux immeubles groupant plusieurs logements sont construits par les promoteurs jusqu’aux dispositifs de connexion placés dans chaque logement conformément à l’article R. 111-14 du code de la construction et de l’habitation (devenu article R. 113-4 dudit Code) ;
    • l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation précise que tous les bâtiments d’habitation doivent être équipés de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique desservant chacun des logements. De plus, le bâtiment doit disposer d’une adduction d’une taille suffisante pour permettre le passage des câbles de plusieurs opérateurs depuis la voie publique jusqu’au point de raccordement aux lignes de l’immeuble (généralement situé dans la cave ou le local technique de l’immeuble) ;
  • Pour les maisons individuelles neuves, l’article D. 407-2 du Code des postes et des communications électroniques indique que les lignes de communications électroniques intérieures à une propriété privée peuvent être construites par tout opérateur de réseau autorisé en application de l’article L. 33-1. Toutefois, l’opérateur n’y est tenu que s’il existe des gaines techniques et des passages horizontaux permettant la pose des câbles ;
  • Pour les lotissements neufs, l’article 118-II de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a exigé qu’ils soient pourvus des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte de chacun des lots par un réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique ouvert au public. Un décret en Conseil d’État devait fixer les modalités d’application de cette disposition. Toutefois, une réponse ministérielle est venue indiquer que cette disposition était suffisamment claire pour ne pas recourir à un décret d’application[6].

 

Quels sont les premiers retours d’expérience ?

Invité à s’exprimer sur son retour d’expérience quant à la fermeture du réseau cuivre sur la commune de Provin, située sur son territoire, Monsieur Christophe Coulon, Président du Syndicat Mixte La Fibre 59/62[7], a indiqué que cette expérimentation s’était “trop bien passée”, en particulier parce que Orange avait mis beaucoup de moyens humains pour que l’expérimentation fonctionne mais également parce que les élus locaux ont été très présents pour assurer cette bascule.

Et pour que la migration fonctionne, il a insisté sur la nécessaire implication des élus locaux car c’est eux qui sauront gérer les usagers derrière le dernier kilomètre, pour s’assurer que chacun pourra continuer à avoir le téléphone et internet[8].

 

Que vont devenir le réseau cuivre et les infrastructures ?

En principe, Orange devrait se charger de démanteler le réseau cuivre. Cependant, en l’état, à notre connaissance, Orange n’a pas précisé les conditions de réalisation d’un démantèlement d’un réseau dont on rappellera qu’il entre dans chaque maison de chaque commune, ou presque. On rappellera également qu’il se situe à proximité immédiate des réseaux fibre. Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant quant aux conditions de ce démantèlement.

Quant aux infrastructures, elles continueront d’être la propriété d’Orange mais la question d’une cession aux propriétaires des réseaux fibre serait légitime.

 

Quelles difficultés ?

Comme expliqué par Monsieur Christophe Coulon lors de la présentation de son retour d’expérience, la communication autour de l’extinction du réseau cuivre sera un élément majeur pour éviter les problèmes liés aux coupures de services qui pourraient ne pas avoir été anticipées, par exemple par des personnes âgées. En ce sens, bien qu’il ne s’agisse pas d’un réseau public, le rôle des communes et des élus paraît incontournable vis-à-vis de la communication.

On peut aussi craindre une ruée des abonnés du réseau cuivre pour solliciter leur raccordement à la fibre optique juste avant l’échéance de l’extinction des services sur cuivre. Compte-tenu des difficultés actuelles et persistantes de qualité des raccordements actuels (liées au mécanisme appelé « mode STOC »)[9], le risque est que celles-ci s’aggravent davantage à l’occasion du décommissionnement du réseau cuivre.

Enfin, un débat agite le secteur des télécom pour savoir si les obligations de pré-fibrage susvisées, condition pour assurer une migration vers le réseau fibre, s’étendent en dehors du terrain privé, en vue de financer et de réaliser les équipements propres à l’adduction de la maison, de l’immeuble ou du lotissement neuf sur la partie se trouvant au droit du terrain (sur le domaine public). En ce sens, l’ARCEP indique dans une fiche, en se fondant sur un guide, que[10] :

« Pendant les travaux, le maître d’ouvrage réalise ou fait réaliser :

–        l’installation de la totalité du réseau optique à l’intérieur du domaine privé, jusqu’au point de raccordement (« PR »), généralement situé à la limite du domaine privé (L.113-10, R.113-3, R.113-4 du code de la construction et de l’habitation) (…)

–        en général, la construction du génie civil d’adduction au droit du terrain jusqu’au « PAR » indiqué par l’opérateur d’infrastructure de la zone (article L. 332-15 du code de l’urbanisme) (…) »

Deux réponses ministérielles récentes adoptent une position inverse au motif qu’il n’existe pas d’obligation pour les collectivités qui délivrent les autorisations d’urbanisme de raccorder une maison, un immeuble ou un lotissement à un réseau en fibre optique et qu’elles ne peuvent donc pas fixer de prescriptions à ce sujet dans lesdites autorisations [11] :

Le réseau de fibre optique n’étant pas financé par le budget des collectivités locales, les dispositions de l’article L. 332-15 ne s’appliquent pas au réseau de fibre optique. »

Ce que l’on peut affirmer, au-delà du débat sur l’application de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme aux réseaux de communications électroniques, est que :

  • Cette disposition ne concerne que le branchement aux réseaux publics, et ne trouve donc pas à s’appliquer aux réseaux de communications électroniques privés[12], comme ceux déployés par les opérateurs dans les grandes villes et certaines métropoles ;
  • La réalisation et le financement d’équipements propres est une possibilité qui ne s’applique que si la prescription figure dans l’autorisation d’urbanisme[13];
  • La notion de « point au réseau» (PAR) évoquée par l’ARCEP n’existe plus dans le droit positif depuis la fin du service universel sur cuivre, puisqu’elle n’a été reprise ni dans le Code des postes et des communications électroniques, ni dans le Code de construction et de l’habitation.

Ainsi, l’absence de prescription dans l’autorisation d’urbanisme relative au branchement d’équipements propres à un réseau public de fibre optique suffit à écarter toute obligation pour les constructeurs de maisons ou d’immeubles et pour les lotisseurs de déployer des infrastructures au droit du terrain, en domaine public.

Ceci est cohérent avec le fait que l’occupation du domaine public par des particuliers ou des entreprises leur générerait des contraintes majeures (paiement des redevances d’occupation du domaine public, charges d’enfouissements et de dévoiements…)[14].

 

 

En conclusion donc, on ne peut que regretter que l’extinction d’un tel réseau ne se fasse pas sous une direction et un encadrement plus ferme de l’État ou de l’autorité de régulation (ARCEP), d’autant qu’elle conduira nécessairement une implication forte des élus locaux. Ce sont vers ces élus que les personnes concernées se retourneront lorsque l’extinction du réseau cuivre sera annoncée dans leur commune, comme c’est le cas aujourd’hui pour les problèmes de raccordement à la fibre.

[1] Décisions Arcep n° 2020-1446, n° 2020-1447 et n° 2020-1448, en date du 15 décembre 2020, ces décisions étant en cours d’actualisation

[2] www.arcep.fr/demarches-et-services/utilisateurs/le-service-universel-des-communications-electroniques.html

[3] https://cartefibre.arcep.fr/

[4] www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000021696769 ; www.arcep.fr/demarches-et-services/utilisateurs/fibre-optique-immeubles-ztd.html

[5] www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000023443180

[6] www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ180706270.html

[7] Syndicat mixte en charge du déploiement du réseau de communications électroniques en fibre optique dans le Nord et le Pas de Calais et sur les zones ne faisant l’objet d’un déploiement par les opérateurs privés.

[8] Intervention de Christophe Coulon, TRIP de l’AVICCA, Novembre 2023,

[9] www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-reseaux-fixes/la-fibre/infrastructures-raccordements-processus-suivi-des-travaux-pour-ameliorer-la-qualite-des-reseaux-en-fibre-optique.html

[10] https://www.arcep.fr/demarches-et-services/utilisateurs/raccorder-batiment-neuf-fibre-optique-zone-moins-dense-demarches.html

[11] www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701893.html; voir aussi : https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-9476QE.htm

[12] www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701893.html

[13] www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701185.html; CE, 1er avril 1981, n° 12882 ; CAA Lyon, 20 décembre 2022, n° 22LY00744

[14] Enfin, une disposition peu connue concerne l’obligation d’équiper en gaines techniques et en lignes de communications électroniques à très haut débit et à potentiel de débit d’une fibre optique les immeubles groupant plusieurs logements ou locaux à usage professionnel faisant l’objet de travaux de rénovation soumis à permis de construire. Il est toutefois prévu une exception « lorsque le coût des travaux d’équipement en lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, y compris les travaux induits, est supérieur à 5 % du coût des travaux faisant l’objet du permis de construire ».

Caractérisation d’un harcèlement sexuel malgré l’absence de demande expresse à caractère sexuel

Par un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de Lyon a apporté une nouvelle illustration en matière de harcèlement sexuel.

Pour rappel, l’article L. 133-1 du Code général de la fonction publique (CGFP) définit désormais le harcèlement sexuel comme suit :

« Aucun agent public ne doit subir les faits :
1° De harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Ou assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
 ».

Si la définition ainsi retenue se rapproche sensiblement de celle prévue à l’article L. 1153‑1 du Code du travail, la jurisprudence administrative est cependant plus rare concernant le harcèlement sexuel. Les exemples qu’elle fournit sont donc toujours utiles pour approfondir la compréhension de cette question.

En l’espèce, un agent qui exerce les fonctions de maîtresse de maison au sein d’un foyer départemental avait sollicité la protection fonctionnelle le 25 mai 2020 en raison du harcèlement sexuel qu’elle estimait subir de la part d’un nouveau psychologue et contre lequel elle avait également porté plainte.

La requérante faisait notamment état du fait que cet agent, qui disposait d’un bureau, s’installait pour travailler dans la cuisine où elle exerçait ses missions, qu’il était en recherche constante de proximité avec elle, créant un climat de mal-être, et la rabaissait par le biais d’insultes.

Si la Cour a relevé que l’agent en cause n’avait jamais expressément fait de demande à caractère sexuel à l’intéressée, elle a cependant considéré que « les pièces du dossier établissent le comportement et les propos, déplacés et ambigus, et ce de façon répétée, de l’intéressé à son égard, durant le service, lesquels revêtent une connotation sexuelle. En outre, il ressort des pièces versées et n’est pas contesté en défense que Mme A s’est explicitement opposée à la venue de l’agent concerné au sein de la cuisine, qu’elle lui a demandé de cesser ces agissements sans qu’il n’en tienne compte, et a tenté d’obtenir de l’aide auprès de ses collègues lors des jours de présence de l’agent dans la structure. Il n’est pas enfin contesté que ces propos et comportement ont créé une situation intimidante pour Mme A la plaçant dans un climat d’insécurité au travail. ».

Ce faisant, et contrairement à la solution initialement retenue par Le Tribunal administratif de Lyon, la Cour a apprécié très concrètement les deux conditions nécessaires à caractériser le harcèlement sexuel tel que défini au 1° de l’article L. 133-1 du CGFP précité, à savoir, en l’espèce, des propos répétés à connotation sexuelle qui crée à l’encontre de l’agent qui en a été victime une situation intimidante.

Il existait dès lors une présomption de harcèlement sexuel qui, en l’absence de démonstration de l’existence de circonstances étrangères à tout harcèlement, justifiait qu’il soit accordé à la requérante la protection fonctionnelle.

Le rappel est donc important, alors que les obligations des employeurs publics ont été renforcées en la matière puisqu’elles sont tenues, depuis le 1er mai 2020, de mettre en place un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements d’agents qui estiment subir différents types d’atteintes, dont le harcèlement sexuel, mais aussi des personnes qui en sont témoins, afin d’orienter et d’apporter aux victimes l’accompagnement nécessaire.

Nécessité de publicité de la vacance d’emploi avant le recrutement d’un directeur de régie

La jurisprudence commentée illustre une nouvelle fois la difficulté à appréhender le cadre juridique applicable aux directeurs de services publics industriels et commerciaux, en venant confirmer l’annulation d’un recrutement d’un tel directeur, en l’occurrence contractuel, qui n’avait pas été précédé d’une publication de vacances préalable au recrutement.

On sait qu’à l’inverse des personnels employés par un tel service, il a la qualité d’agent public (CE, 26 janvier 1923, Robert Lafrégeyre, n° 62529).

Lorsque ces régies sont dotées de la personnalité morale, et donc sous la forme d’un établissement public industriel et commercial, il est classiquement considéré que cet emploi de directeur, malgré son caractère public, n’est pas un emploi permanent, relevant du statut de la fonction publique : les seuls emplois permanents sont en effet ceux créés par délibération d’une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics administratifs (Cf. L. 313-1 et L. 4 du CGFP).

Il est dans ces cas bien difficile de déterminer quel statut appliquer aux agents nommés sur de tels emplois, puisqu’ils ne relèvent alors, ni du droit de la fonction publique (puisque l’emploi sur lequel ils sont nommés n’en fait pas partie), ni du droit du travail (puisqu’il s’agit d’un emploi public).

Plusieurs réponses ministérielles considéraient ainsi classiquement que « l’emploi de directeur d’une régie chargée de l’exploitation d’un service public industriel et commercial (SPIC) ne relève pas du statut de la fonction publique territoriale fixé par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Le poste de directeur ne peut donc être assuré que par un contractuel de droit public ou par un fonctionnaire en position de détachement » (Rep. min. n° 37483 publiée au JOAN le 22 juin 2021 p.5058 ; Réponse du ministre en charge des collectivités territoriales au JO Sénat du 24 juin 2021, p. 3978 ; V. également rep. min. n° 23997 publiée au JO du Sénat le 2 novembre 2006 ; rep. min. à la question n° 353 publiée au JOAN le 30 juin 2003).

L’arrêt commenté remet en partie en question cette position, s’agissant des régies non personnalisées. Il est vrai que, pour ces dernières, l’emploi de directeur de régie est bien un emploi d’une collectivité ou d’un établissement public administratif, puisque le SPIC n’est institué que comme une activité autonome mais accomplie par la collectivité ou l’établissement lui-même. Il n’est donc pas exclu du champ défini par les dispositions des articles L. 313-1 et L. 4 du CGFP.

Selon le Conseil d’Etat, un tel emploi constitue bien un emploi permanent d’une collectivité territoriale, au sens de l’article L. 313-1 du CGFP, et est bien, contrairement à ce qu’affirmaient les réponses ministérielles précitées, un emploi qui relève de la fonction publique.

La Haute juridiction en déduit une conséquence : l’emploi doit être créé par l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement, et, lorsqu’il l’a été et doit être pourvu, il doit faire l’objet de la publication d’une vacance préalable, à défaut de quoi, le recrutement de l’agent, contractuel ou non, sera illégal et par conséquent censuré.

Il n’est pas possible d’en déduire si cette obligation de forme s’imposera également aux directeurs de régie SPIC dotées de la personnalité morale (qui ne relèvent a priori pas du statut), mais, tant que la jurisprudence ne l’aura pas confirmé, la prudence impliquerait sans doute cette publication préalable.

L’encadrement des centres de santé spécialisés

Qu’ils soient municipaux, intercommunaux, associatifs ou privés, les centres de santé se sont multipliés ces dernières années pour désormais passer la barre des 3 000 structures. La plupart sont des centres de santé de proximité où la prise en charge se fait d’abord en médecine générale.

Mais, les derniers mois ont vu l’émergence rapide de centres de santé spécialisés en ophtalmologie ou en santé dentaire, à l’initiative de groupes privés. Quelques scandales retentissants ont d’ailleurs frappé certains centres de santé dentaire qui avaient tendance à multiplier les actes au détriment de la qualité des soins.

L’occasion pour nous de rappeler que le législateur s’est saisi de cette question de santé publique en adoptant la loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, pour encadrer plus strictement la création et le fonctionnement des centres de santé dédiés à l’ophtalmologie, l’orthoptie et la santé dentaire.

Jusqu’à la publication de ce texte, tous les centres de santé étaient soumis à une procédure déclarative. La structure porteuse d’un centre devait ainsi remettre au directeur général de l’agence régionale de santé, préalablement à l’ouverture, un projet de santé portant sur l’accessibilité et la continuité des soins ainsi que sur la coordination des soins entre les professionnels de santé du centre et avec les professionnels de santé extérieurs au centre. Le porteur de projet devait, en outre, produire un engagement de conformité du centre aux obligations législatives et réglementaires régissant leur fonctionnement et notamment l’arrêté ministériel du 27 février 2018, relatif aux centres de santé.

Désormais, un agrément délivré par l’administration est nécessaire, tant pour l’ouverture d’un nouveau centre dans les trois spécialités mentionnées que pour les centres existants pratiquant dans ces trois spécialités.

Les centres existants disposaient d’un délai de six mois, à compter de la date de publication de la loi, pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article L. 6323-1-11 du Code de la santé publique. Ce délai de six mois ayant expiré le 21 novembre 2023, tous les centres qui n’auront pas effectué cette demande d’agrément se verront notifier une interdiction de poursuivre leurs activités par l’agence régionale de santé, territorialement compétente.

Pour les nouveaux centres, l’obtention de l’agrément est désormais la condition sine qua non de leur ouverture. Le dossier de demande d’agrément comprend, outre le projet de santé déjà évoqué, une déclaration des liens d’intérêt de chacun des dirigeants du centre ainsi que les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces. De surcroît, le directeur général de l’ARS ne peut délivrer son agrément que si la création du centre répond aux objectifs stratégiques du projet régional de santé, arrêté tous les cinq ans.

La loi du 19 mai 2023 a également fixé quelques règles supplémentaires qui s’imposent aux centres de santé dans les trois spécialités visées.

Existe désormais une règle d’incompatibilité entre les fonctions de dirigeant d’un centre de santé et celle de dirigeant de la structure gestionnaire. Il est à noter que cette règle, qui vise à prévenir les conflits d’intérêts, trouve également à s’appliquer aux centres existants.

Dans les centres employant plus d’un professionnel médical en soins dentaires ou en ophtalmologie, il y a l’obligation nouvelle de constituer un comité dentaire ou un comité médical qui est le responsable de la politique d’amélioration de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins ainsi que de la formation continue des professionnels exerçant au sein du centre.

Pèse aussi sur ces centres l’obligation d’identifier les professionnels de santé intervenant, tant pour les patients que pour l’Assurance maladie ou l’agence régionale de santé.

Le centre de santé se voit aussi confier par la loi la conservation du dossier médical de chacun des patients.

Enfin, la loi commentée est venue renforcer les contrôles qui peuvent être diligentés par l’administration. S’il existait déjà une faculté de contrôle offerte à l’Assurance maladie, désormais les agences régionales de santé disposent de pouvoirs élargis.

Elles pourront ainsi, dans l’année qui suit la délivrance de l’agrément, effectuer un contrôle de conformité. Outre ces contrôles sur place, des contrôles sur pièces sont également exercés. En effet, les centres de santé ont l’obligation de communiquer tant à l’ARS qu’aux ordres compétents les copies des diplômes et des contrats de travail des professionnels intervenant au sein du centre. Tout avenant à un contrat de travail ou toute modification de l’organigramme du centre doit être également porté à la connaissance de l’ARS.

Ces contrôles ont pour corollaire un régime de sanctions qui peuvent être lourdes. Toute absence de conformité du centre constatée par l’ARS peut entraîner une suspension ou un retrait de l’agrément, ce qui se traduit par une fermeture du centre, provisoire ou définitive. Le Directeur général de l’ARS dispose de plus du pouvoir d’enjoindre un centre à se mettre en conformité, le non-respect de cette injonction pouvant entraîner une amende administrative de 500.000 € et une astreinte journalière de 5.000 €.

La loi est ainsi venue nettoyer les écuries d’Augias à un moment où la multiplication exponentielle du nombre de centres de santé privés ne permettait plus de garantir aux patients la qualité des soins et des prises en charge.

Requalification des cessions domaniales avec charges en contrat de la commande publique : la Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence administrative

Par un arrêt du 26 octobre 2023, la Cour de cassation fait sienne la jurisprudence déjà tracée par la Cour de justice de l’Union européenne et par le Conseil d’État quant aux critères de requalification des cessions domaniales en contrats de la commande publique.

Dans le cadre d’une affaire portant sur la cession de terrains à une société civile de construction-vente et deux promoteurs avec charge de réaliser entre autres 250 logements dont 40 % sociaux, des places de stationnement ainsi qu’un local « brut » destiné à être remis à la commune pour qu’elle y réalise une crèche, la Cour de cassation a en effet recherché si (i) les travaux présentaient un « intérêt économique direct » pour la commune, (ii) si la commune avait eu une influence déterminante sur la nature ou la conception de ces travaux et (iii) si les deux objets de la cession avec charge (la vente des terrains et la réalisation des travaux) formaient un tout indissociable.

Pour ce faire, la Cour de cassation a repris le faisceau d’indices généralement mis en œuvre par la jurisprudence européenne et administrative. Elle a ainsi notamment relevé que le cahier des charges était très peu prescriptif (liberté de détermination des catégories de logements et de leur mode d’acquisition, absence de prescription architecturale) et que l’équipement rétrocédé à la commune représentait une part très minoritaire du projet, tant d’un point de vue financier (27 % du prix) que d’un point de vue constructif (650 m2 sur 16 350 m2 au total). La Cour de cassation relève par ailleurs que si 40 % des logements devront être affectés à du logement social, cette proportion résulte uniquement de l’application stricte des documents d’urbanisme de la commune. Et elle en déduit, sans entrer toutefois dans le détail, qu’il résulte de ces éléments que l’ensemble forme un tout ; un tout dont l’objet principal n’est pas la réalisation de travaux.

La Cour de cassation s’inscrit ainsi pleinement dans la droite lignée de la jurisprudence européenne et administrative, qui considèrent classiquement qu’une cession foncière avec charges de travaux est un contrat mixte, dont les deux objets sont “objectivement indissociables”, pour reprendre la lettre de l’article L. 1312-1 du Code de la commande publique. Le régime applicable dépend alors de l’objet principal, objet dont la détermination commande une appréciation fine, au cas par cas.

Ce n’est certes pas la première fois que la Cour de cassation a l’occasion de se pencher sur ce type de montage[1], et elle avait déjà, alors, mobilisé les arrêts de principe de la Cour de justice de l’Union européenne pour motiver sa décision. Mais ces occasions demeurent rares, et face à une jurisprudence administrative de plus en plus évolutive, il est satisfaisant (et sécurisant pour les personnes publiques) que la Cour de cassation reprenne à son compte le chemin déjà balisé par les juridictions administratives et européennes concernant la requalification de ces cessions avec charges.

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[1] Cass. Com., 23 juin 2015, Société Passenaud Recyclage c/ SNCF, n° 14-12.419

Rejet d’un référé suspension portant sur la défusion d’une commune nouvelle

Le Tribunal administratif de Nantes a récemment été amené à se prononcer sur le cas assez particulier d’un arrêté préfectoral prononçant la défusion d’une commune nouvelle.

En 2016, quatre communes avaient demandé et obtenu la création d’une commune nouvelle.

En 2019, un collectif citoyen composé notamment d’anciens élus de la commune nouvelle s’est constitué afin d’obtenir la scission de la commune nouvelle.

Ce collectif reprochait, en synthèse, à la commune nouvelle un manque d’investissements portés par la commune nouvelle sur le territoire des communes déléguées et alléguait du manque d’efficience des services publics ainsi qu’une perte d’identité et de proximité.

A titre liminaire on précisera que le législateur n’a pas prévu de procédure spécifique en matière de « défusion » ou de « scission » de commune nouvelle de sorte que lorsque cet objectif est recherché, la procédure alors applicable est celle de la modification, plus générale, des limites territoriales d’une commune et conduisant à la dissolution de la commune nouvelle initiale (articles L. 2112-2 et suivants Code général des collectivités territoriales (CGCT)).

Cette procédure prévoit en substance :

  • l’organisation d’une enquête publique lorsque la demande de modification des limites territoriales d’une commune est demandée par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la portion de territoire en question (article L. 2112-2 du CGCT) ;
  • l’institution d’une commission dont le nombre de membres est fixé par arrêté du préfet et composée de personnes éligibles au conseil municipal de la commune qui rend un avis sur le projet de scission (article L. 2112-3 du CGCT) ;
  • l’avis du conseil municipal et du conseil départemental (articles L. 2112-4 et L. 2112-6 du CGCT) ;
  • l’arrêté du préfet prononçant la modification du territoire.

Aux termes de cette procédure, le préfet a finalement ordonné la défusion de la commune nouvelle au 1er janvier 2024.

Toutefois, la légalité de cet arrêté préfectoral interrogeait à plusieurs égards.

D’abord, le comité social territorial n’avait pas été saisi préalablement à la décision préfectorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 253-5 du Code général de la fonction publique.

Sur cette question, le Tribunal administratif de la Réunion a déjà eu l’occasion de juger que cette omission, qui prive les représentants du personnel d’une garantie, constituait une irrégularité de nature à entacher la légalité d’un arrêté portant défusion d’une commune nouvelle (TA de La Réunion, 7 décembre 2017, n° 1700424, 1700611).

Ensuite, aucune analyse approfondie n’avait été menée par le collectif citoyen ayant sollicité la défusion ou encore par l’Etat pour apprécier les conséquences de cette défusion notamment sur la viabilité financière des communes issues de la défusion ou encore l’organisation future des services publics. Alors qu’il est constant que ces éléments ont normalement vocation à être pris en compte par le préfet pour apprécier la pertinence d’une décision de défusion d’une commune nouvelle (CE, 30 avril 1997, n° 154083 ; CAA de Bordeaux, 8 octobre 2020, n° 18BX04361).

Enfin, certains éléments pris en compte par le préfet pour justifier son arrêté semblaient contestables dès lors qu’ils n’apparaissaient pas vraiment établis, en particulier la mise en exergue d’un « sentiment d’abandon » dont se prévalait le collectif citoyen vis-à-vis de la commune nouvelle ou encore les relations qu’entretenaient la commune nouvelle avec la communauté de communes dont elle était membre.

Aussi, la décision du juge des référés du Tribunal administratif aurait pu être l’occasion d’apporter des précisions sur cette procédure de défusion d’une commune nouvelle (obligation de saisir le CST ? éléments d’informations devant impérativement être communiqués aux personnes appelées à se prononcer sur le projet de défusion ? éléments susceptibles de justifier une décision préfectorale prononçant la défusion d’une commune nouvelle ?). En effet, la jurisprudence n’est pas très riche en la matière et encore moins s’agissant d’une demande de défusion portée, non pas par les communes déléguées, mais par un collectif citoyen habitant ces communes déléguées.

Toutefois, l’ensemble de ces questions est resté en suspens, le juge des référés s’étant contenté d’indiquer de manière assez surprenante qu’aucun des moyens invoqués n’était, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision préfectorale.

Précisions sur le transfert de la compétence « eau » vers les intercommunalités

A l’occasion d’une question écrite, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été interrogé sur les modalités de transfert de la compétence « eau » détenue par les communes vers les intercommunalités prévue au 1er janvier 2026.

Dans sa réponse écrite du 12 octobre 2023, le Secrétariat d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la biodiversité a ainsi rappelé que, les compétences en matière d’eau et d’assainissement des eaux usées sont des compétences obligatoires des intercommunalités à fiscalité propre (EPCI-FP). L’exercice de ces compétences par les intercommunalités se justifie par le besoin de faciliter la création de regroupements au bénéfice de la qualité de l’eau, de l’entretien et de la modernisation des équipements.

La réponse ministérielle précise ensuite les différentes modalités prévues au moment du transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement des eaux usées :

  • La loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (JORF n° 0179 du 5 août 2018) permet que le transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement puisse être reporté au sein des communautés de communes, au plus tard au 1er janvier 2026, dès lors qu’une minorité de blocage a été activée par les communes membres au plus tard avant fin 2019 ;
  • La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (JORF n° 0301 du 28 décembre 2019) permet à une communauté de communes ou d’agglomérations de déléguer tout ou partie des compétences relatives à l’eau, l’assainissement et la gestion des eaux pluviales urbaines à ses communes-membres qui en feraient la demande ou à un syndicat de communes infra-communautaires existant au 1er janvier 2019 ;
  • La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (JORF n° 0044 du 22 février 2022) a prévu des mesures d’accompagnement pour faciliter le transfert des compétences en matière d’eau et d’assainissement aux EPCI-FP dont l’extension du maintien automatique des syndicats infra-communautaires compétents en matière d’eau, d’assainissement des eaux usées (et de gestion des eaux pluviales urbaines) par la voie de la délégation aux communautés de communes qui deviennent compétentes à titre obligatoire au 1er janvier 2026 (sauf délibération contraire de la communauté de communes).

Par ailleurs, il est également rappelé que ces mesures ne modifient pas les dispositions prévues aux articles L.5214-21 et L.5216-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ainsi :

  • Les syndicats supra-communautaires, tels que ceux dont le périmètre comprend au moins deux EPCI-FP, restent soumis aux dispositions de droit commun ;
  • En cas de chevauchements de périmètre et inclusion de la communauté de communes dans le périmètre syndical, la communauté de communes est automatiquement substituée à ses communes-membres au sein des syndicats de communes et des syndicats mixtes préexistants (article L. 5214-21 du CGCT).

Dans ce dernier cas, le syndicat reste compétent en matière d’eau et d’assainissement mais il devient un syndicat mixte puisque la communauté de communes y adhère à la place communes-membres.

Compétence « eau » et transfert de compétence

Interrogée par une sénatrice à l’occasion d’une question écrite, la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a eu l’occasion de rappeler les règles relatives à la gestion de la compétence « eau » par un syndicat dont plusieurs des communes sont rattachées à des intercommunalités différentes. La question portait également que les pouvoirs de police du maire en matière d’eau à la suite du transfert de la compétence à l’intercommunalité.

Il a ainsi été rappelé qu’en vertu des lois n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (JORF n° 0179 du 5 août 2018) et n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (JORF n° 0301 du 28 décembre 2019), la compétence « eau » est actuellement exercée à titre obligatoire par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP), à l’exception des communautés de communes pour lesquelles la date de transfert a été reportée au 1er janvier 2026.

Toutefois, il est possible pour les communes de transférer l’exercice de la compétence « eau », de manière anticipée, à leur communauté de communes de rattachement dans les conditions prévues à l’article 1er de la loi du 3 août 2018 précitée. Ce même article rappelle également que les EPCI-FP (tels que les communautés de communes) peuvent alors transférer l’exercice de la compétence eau à un syndicat supra-communautaire sur tout ou partie de son territoire ou à plusieurs syndicats situés chacun sur des parties distinctes de son territoire, en application de l’article L. 5211-61 du CGCT.

Le Ministère souligne alors que ce transfert de compétence entraine plusieurs conséquences bien connues :

  • D’une part, au regard du principe d’exclusivité, la commune est dessaisie de la compétence « eau » ;
  • D’autre part, au regard du principe de représentation-substitution, le transfert à l’EPCI-FP de la compétence « eau » qu’une commune avait antérieurement confiée à un syndicat dont le périmètre recouvre ou dépasse celui de l’EPCI-FP entraîne la substitution de ce dernier à la commune dans les conditions de l’article L. 5214-21 du CGCT pour les communautés de communes, du IV de l’article L. 5216-7 du CGCT pour les communautés d’agglomération, du IV de l’article L. 5215-22 du CGCT pour les communautés urbaines et du IV bis de l’article L. 5217-7 du CGCT pour les métropoles.

De même, l’EPCI-FP se substitue à la commune dans ses droits et obligations vis-à-vis du syndicat pour les missions liées à l’exercice de la compétence « eau ». De même, ce sont les conseillers communautaires (et non plus les représentants de la commune) qui siègent au comité syndical.

Enfin, le Ministère rappelle également que, si en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du CGCT, le maire de la commune demeure compétent pour faire usage de ses pouvoirs de police générale, celui-ci ne peut toutefois plus intervenir dans l’exercice de la police spéciale de l’eau sauf en cas de péril imminent. Cette police spéciale relève ainsi de la compétence du préfet conformément à l’article L. 211-5 du Code de l’environnement (CE, 2 décembre 2009, Commune de Rachecourt-sur-Marne, n° 309684).