Droit pénal et de la presse
le 14/03/2024
Marlène JOUBIER
Marguerite SAUREL

Après la démocratisation du télétravail et de la téléconsultation, celle de la téléjustice : le décret organisant le recours à la visioplainte

Décret 2024-139 du 23 février 2024 relatif au dépôt de plainte par voie de télécommunication audiovisuelle

Le distanciel tend-il à devenir la norme ?

Par la loi en date du 24 janvier 2023[1], consacrée à la « modernisation du ministère de l’intérieur », la création de l’article 15-3-1-1 du Code de procédure pénale avait initié le recours à la visioplainte en prévoyant :

« Toute victime d’une infraction pénale peut déposer plainte et voir recueillir sa déposition par les services ou unités de police judiciaire par un moyen de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission ».

Récemment, le décret du 23 février 2024, entré en vigueur le 24 février, est venu préciser les modalités d’application de cette disposition permettant désormais aux victimes de déposer plainte à distance, « par voie de télécommunication audiovisuelle »[2]. Pour y procéder, la victime doit s’identifier de façon sécurisée par un téléservice défini qui assure une transmission « fidèle, loyale et confidentielle » des échanges entre elle et l’officier de police judiciaire et une qualité de transmission des images permettant de certifier son identité.

Lors du dépôt de plainte, la victime est informée :

  • Du caractère facultatif de la visioplainte qui ne peut lui être imposée ;
  • De la possibilité d’une audition ultérieure en sa présence si la nature ou la gravité des faits la rend nécessaire ;
  • De ses droits ;
  • Des suites données à sa plainte et des modalités de recours contre un éventuel classement sans suite ;
  • De la possibilité d’une prise en charge psychologique et médicale si la nature de l’infraction le justifie.

Le décret exclut expressément certaines infractions du champ de la visioplainte, savoir les infractions à caractère sexuel[3] – pour lesquelles les officiers ou agents de police judiciaire doivent procéder à une audition en présence de la personne. A l’issue du recueil de la plainte, le procès-verbal est communiqué à la victime par voie électronique. Elle peut alors solliciter des modifications, avant d’en confirmer le contenu « par tout moyen et par un accord exprès ». La signature de la victime n’est pas exigée. Relevons que ce récent mécanisme fait suite à la dématérialisation progressive des moyens de dépôt de plainte pour les victimes. La loi du 25 mars 2019[4] – codifiée à l’article 15-3-1 du Code de procédure pénale – avait déjà instauré la possibilité de déposer une plainte par voie électronique.

La visioplainte est aujourd’hui, et depuis octobre 2023, expérimentée dans les départements de la Sarthe (72) et des Yvelines (78) et une centaine de visioplaintes ont été enregistrées à cette occasion. Elle devrait être étendue au reste de la France courant 2024 selon des modalités qui seront précisées par arrêté conjoint du ministre de l’Intérieur et du Garde des Sceaux [5].

 

[1] Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

[2] Articles R. 2-25 et suivants du code de procédure pénale

[3] Prévues par les articles 222-22 à 222-31-2 et 227-25 à 227-27-3 du code pénal

[4] Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

[5] Déposer une plainte à distance avec Visioplainte, Direction de l’information légale et administrative, 5 mars 2024