Mobilité et transports
le 07/03/2024
Marion TERRAUX
Sylvain BOUEYRE

Document de référence du réseau ferré national (DRR) 2024 et 2025, que d’enseignements

CE, 5 mars 2024, n° 472859

Article L’Autorité de régulation des transports exprime de fortes attentes vis-à-vis de SNCF Réseau concernant l’amélioration des conditions opérationnelles d’accès au réseau ferroviaire

Prévu par le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003, le Document de référence du réseau ferré national (DRR) est un document, publié chaque année par SNCF Réseau, qui a pour objet de présenter les renseignements techniques et juridiques indispensables à la circulation des trains. Il décrit les principes et procédures pour l’accès aux infrastructures ferroviaires gérées par SNCF Réseau, du point de vue de l’accès aux infrastructures et des tarifs (définition figurant sur le site internet de l’Autorité de régulation des transports – ici l’ART).

L’ART est chargée d’émettre un avis sur le DRR, en émettant des recommandations et injonctions à SNCF Réseau.

Or, par un arrêt rendu le 5 mars dernier, le Conseil d’État vient de rendre sa décision dans le cadre du litige opposant sept régions à SNCF Réseau. S’il annule ce DRR, c’est pour un motif de procédure. En effet, d’une part, SNCF Réseau n’a pas respecté l’exigence de transparence qui s’impose lors de la détermination de la tarification de l’usage du réseau en ne transmettant pas aux régions des informations suffisantes sur l’estimation des coûts complets de l’infrastructure ferroviaire et leur évolution. D’autre part, la Haute Juridiction ne peut que constater que SNCF Réseau ne s’est pas mise en situation de prendre en compte les observations des autorités organisatrices de transport, les privant ainsi d’une garantie qu’elles tiennent des textes applicables. Et pour cause, les observations ont été reçues les 7 et 8 décembre 2022 et le DRR a été approuvé par le conseil d’administration de SNCF Réseau le 9 décembre ! Alors, certes, le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur le fond et, certes, il a reporté les effets de l’annulation au 1er octobre 2024. Mais cela reste une première victoire pour les régions. Et il y a fort à parier que SNCF Réseau reverra sa copie pour le DRR 2025 en cours de validation !

Or, précisément, le 1er février dernier, l’ART a rendu son avis sur le DRR pour l’horaire de service 2024 modifié et pour l’horaire de service 2025 (avis n° 2024-009). L’ART constate que si le gestionnaire d’infrastructures a mis en œuvre les ¾ des recommandations visées dans son avis précédent du 09 février 2023, cinq injonctions sur dix-sept qui figuraient dans une décision de l’ART du 28 juillet 2022 (règlement de différend) n’ont pas été pleinement respectées par SNCF Réseau et deux injonctions n’ont pas du tout été mises en œuvre.

A titre d’exemple, il est reproché à SNCF Réseau de na pas avoir rempli l’ensemble des champs relatifs aux impacts des écarts-travaux sur les sillons des candidats dans l’outil « TCAP ». SNCF Réseau s’est néanmoins engagée à exécuter les deux injonctions qui n’ont pas été mises en œuvre, avant la fin du premier trimestre 2024. Il est également reproché à SNCF Réseau d’avoir mal défini la notion de sillon-jour lié, afin de mieux prendre en compte la réalité des plans de transport des entreprises ferroviaires.

Par ailleurs, l’ART émet 13 recommandations relatives aux conditions opérationnelles d’accès au réseau, qu’elle regroupe en deux grands ensembles :

  • fournir davantage d’efforts dans l’accompagnement des nouveaux entrants sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs ;
  • revoir les processus industriels pour améliorer la qualité du service aux usagers.

Sur le premier ensemble, SNCF Réseau est notamment invité à améliorer la visibilité à long terme de l’allocation des capacités dans les accords-cadres conclus avec les opérateurs. A titre d’exemples :

  • les critères d’éligibilité imposant un nombre minimal de circulations par jour par semaine et par an ne permettraient pas aux services de trains de nuit d’être éligibles à des accords-cadres ;
  • S’agissant des raccordements de sites appartenant à des tiers au réseau ferroviaire, « les conditions sont peu transparentes et peu favorables en matière de coûts et de délais» et « les conditions de raccordement au réseau ferroviaire pourraient gagner en transparence » (§37 de l’avis). L’ART recommande à SNCF Réseau de détailler précisément les différentes étapes et délai du raccordement et d’annexer au DRR un modèle de contrat de raccordement.

Sur le second ensemble, SNCF Réseau est invité à revoir certains processus industriels afin d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, et notamment :

  • rendre plus performante et transparente la procédure d’allocation des capacités, en y associant « plus clairement les parties prenantes». Il est demandé au gestionnaire d’infrastructure de renforcer l’accès des nouveaux entrants aux systèmes d’information (caractéristiques de l’infrastructure, travaux, commande de capacités, exploitation, etc.), en réduisant la dissymétrie d’information avec les clients actuels de SNCF Réseau qui circulent déjà sur le réseau ;
  • minimiser les impacts des travaux d’infrastructure sur les circulations, en amplifiant les efforts du gestionnaire d’infrastructure en matière de concertation et d’information. Ce dernier doit mettre en place un outil digital à disposition des entreprise ferroviaires afin d’accéder aux informations sur les capacités-travaux et permettant de recueillir leurs observations ;
  • fournir aux clients des « informations plus précises et plus fiables» en matière d’exploitation ferroviaire. Il s’agit de minimiser l’impact des situations perturbées sur les circulations commerciales.