Condamnation de l’assureur à indemniser les pertes d’exploitation résultant de la crise sanitaire

L’assureur doit indemniser le restaurateur de ses pertes d’exploitation suite à une fermeture administrative pour cause de covid-19. La clause d’exclusion de garantie, qui ne remplit pas la condition de limitation (C. assur., art. L. 113-1) et qui prive l’obligation essentielle de garantie de sa substance, est réputée non écrite.

Par arrêt en date du 25 février 2021 n° 20/10357, la compagnie d’assurance AXA a été condamnée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à indemniser un restaurateur marseillais pour ses pertes d’exploitation dues au Covid-19. Il s’agit de la première juridiction d’appel à statuer au fond sur ce type de litige.

Le restaurateur avait souscrit un contrat générique garantissant l’indemnisation des pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative consécutive à une épidémie. Pour justifier son refus d’indemniser ses assurés, AXA invoquait une clause particulière de ses contrats excluant cette garantie pertes d’exploitation « lorsque au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ».

Selon les juges d’appel, la garantie trouve à s’appliquer car le contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit en l’espèce garantit les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative consécutive à une épidémie.

C’est en effet à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant les établissements de restauration à recevoir du public en raison de l’épidémie de Covid-19 que le restaurateur a subi des pertes d’exploitation.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence estime enfin que la clause d’exclusion présente dans la police ne peut recevoir application en raison de son imprécision et de son absence de limitation.

En effet, pour écarter l’application de la clause d’exclusion, la Cour considère que les dispositions de l’article L. 113-1 du Code des assurances doivent recevoir application : « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». À cet égard, il est de principe que le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie au sens de l’article L. 113-1 n’est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable.

La cour d’appel a condamné AXA à verser une indemnisation provisoire au restaurateur, non seulement pour la période du premier confinement mais aussi pour la fermeture administrative de l’automne 2020.

Hakim Ziane

L’ INPI lance « Alliance PI » : programme d’accompagnement destiné à renforcer le volet propriété intellectuelle des collaborations « privé-public »

Les start-up, ETI et TPE-PME pourront désormais être accompagnées par l’INPI dans leurs collaborations « public-privé » qui s’engage avec comme double ambition de fluidifier leur relation et d’assurer la maitrise des enjeux de propriété intellectuelle afin de renforcer la position de ces entreprises dans la chaine de valeur de l’innovation et éviter qu’elles ne tournent le dos à ces collaborations.

Avec ce programme, l’INPI a pour objectif de fluidifier, renforcer et pérenniser les relations entre les différents acteurs de l’innovation et sécuriser la valorisation des résultats de leur recherche, par l’utilisation de pratiques de propriété industrielle pertinentes, solides et équilibrées.

Ce programme se décline en trois volets distincts et complémentaires :

Un accompagnement individuel pour les PME, ETI et Start-Up destiné à valider leur positionnement technologique, sécuriser leurs apports de connaissances propres et les connaissances futures générées collectivement, identifier les éléments de la négociation, sécuriser le futur partenariat sur le plan juridique.

Concrètement, ce volet se matérialise par un soutien gratuit des experts de l’INPI sur mesure et adapté aux enjeux de la Recherche et Développement partenariale et du transfert de technologie se concluant par la remise d’un plan d’action « Bilan et perspective ».

A noter, que sous réserve d’éligibilité les entreprises visées par ce programme peuvent solliciter à ce stade un soutien financier leur permettant de solliciter un prestataire privé pour mettre en œuvre les recommandations formulées par l’INPI grâce au programme « Pass PI ».

 

Un accompagnement collectif animé par un prestataire spécialisé en Propriété industrielle afin de garantir les chances de formaliser un accord de consortium équilibré, et répondant aux critères des pôles et des financeurs en vue d’obtenir une labellisation par un pôle de compétitivité.

Ce volet permet d’assurer une meilleure compréhension des enjeux de propriété intellectuelle et anticiper les étapes de négociation grâce à une animation totalement neutre et transparente déclinée au profit de l’ensemble des partenaires du projet et dont le processus final sera mis en œuvre par un prestataire privé tel qu’un avocat.

Ici encore et sous réserve d’éligibilité les entreprises visées par ce programme peuvent solliciter à ce stade un soutien financier leur permettant de solliciter un prestataire privé pour mettre en œuvre les recommandations formulées par l’INPI grâce au programme « Pass PI ».

 

– L’INPI propose en dernier lieu un master class à destination des centres techniques et les pôles de compétitivité « ALLIANCE PI – MASTER CLASS » afin de mieux les former pour accompagner leur clients, adhérents ou membres et ainsi leur permettre de mieux gérer la valorisation de leurs propres résultats.

L’INPI, accompagnée par des prestataires spécialisés en Propriété industrielle propose ainsi une formation de six jours afin de leur permettre d’identifier les enjeux et comprendre les règles de Propriété industrielle liées à la R&D collaborative et au transfert public privé, structurer leur process internes de gestion des projets, gagner en autonomie dans l’évaluation des projets Propriété industrielle, consolider les acquis de Propriété industrielle sur les points de progrès identifiés, faciliter la définition d’une stratégie et d’une feuille de route, anticiper les besoins des membres et/ou des clients partenaires dans leurs projets collaboratifs & de transferts.

 

Cette formation « ALLIANCE PI – MASTER CLASS » se concrétise par :

  • une prestation d’accompagnement individuel et collectif au profit des centres techniques et des pôles de compétitivité afin de permettre aux structures bénéficiaires de bonifier leurs pratiques et de disposer de référents PI dans leurs équipes ;

  • 6 jours de formation-action échelonnés sur 6 mois : 3 journées collectives, 4 coachings d’une demi-journée chacun, une évaluation des pratiques et élaboration d’une feuille de route, un débriefing final ;

  • un tutorat des participants par des partenaires multiples et spécialisés : chargés d’affaires INPI tout au long du processus, une demi-journée de formation collective animée par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et coachings par des prestataires privés ;

  • un coût de 3 000 € TTC à la charge de chaque structure bénéficiaire.

 

 

Le programme « Alliance PI » entend répondre à trois besoins à savoir :

Doter de compétences en propriété industrielle les acteurs les moins armés, grâce à un accompagnement ciblé par des experts INPI : connaissance des enjeux de Propriété industrielle dans les relations « public-privé », maîtrise des règles applicables, sécurisation des apports et des résultats futurs, préparation à la négociation, partage des droits, exploitation et bonne prise en compte de leurs positions dans la formalisation des contrats… ;

Faciliter la collaboration entre les acteurs en créant un lien de confiance, par une animation neutre et transparente, déclinée au profit de l’ensemble des partenaires du projet, avec une méthode conçue pour faciliter l’élaboration d’accords équilibrés (partage et exploitation de la PI) et dont le processus final sera mis en œuvre par un prestataire qualifié ;

Apporter de la valeur ajoutée Propriété industrielle aux structures interfaces, en leur permettant notamment de disposer de référents PI dans leurs équipes.

Manon Boinet

Dans le cadre de la résolution d’une vente immobilière, peut-on demander la restitution des fruits tirés du bien vendu ?

Principe : Dans le chapitre « du droit d’accession sur ce qui est produit par la chose », l’article 549 du Code civil dispose :

« Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement ».

Clarification : Par acte notarié, une SCI a vendu à un particulier un immeuble à usage d’habitation. L’acquéreur à assigné la SCI venderesse en résolution de la vente pour vices cachés, paiement de frais et indemnisation de son préjudice.

Or, la SCI a formé un pourvoi en cassation, faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel de ne pas lui avoir restitué les fruits tirés du bien vendu, alors qu’il s’agissait d’une conséquence légale de la résolution de la vente.

Mais la Cour de cassation, au visa des articles 549 et 550 du Code civil, a considéré que « si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office, dès lors qu’en application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil, une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur ».

Apport : La motivation de cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de l’évolution actuelle du droit privé des contrats, qui fait une place toujours plus prégnante au principe de bonne foi, tant dans ses aspects normatifs que jurisprudentiels.

Aliénor De Roux

Conflit de propriété : la prescription acquisitive trentenaire opposée à un titre de propriété régulièrement publié

Principe : La propriété d’un bien immobilier peut s’acquérir de plusieurs matières, notamment par l’effet des obligations (vente, donation) mais également par prescription, c’est-à-dire par l’effet d’une possession utile, comme le prévoit l’article 712 du Code civil.

Le délai de prescription requis pour acquérir un bien immobilier par voie d’usucapion, est de trente ans.

En cas de ventes successives d’un bien immobilier, il peut survenir un conflit de propriété, notamment entre un possesseur justifiant d’une prescription trentaine, et une personne bénéficiant d’un titre de propriété régulièrement publié.

Dans ces conditions, se pose la question de la preuve de la qualité de propriétaire en cas de conflit.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 décembre 2020 répond à cette question et revient sur les modalités de preuve du droit de propriété, en cas de conflit de propriété entre deux acquéreurs.

Les faits : En l’espèce, le propriétaire d’un bien s’était engagé à le vendre. Par une décision définitive et irrévocable du 3 juin 1980 la vente a été déclarée parfaite ; néanmoins cette décision ordonnant la régularisation de la vente par acte authentique n’a jamais été publiée.

Par la suite, les ayants droit du vendeur ont vendu ce même bien immobilier à un tiers par acte du 23 août 1995, régulièrement publié le 13 décembre 1995. Ce tiers, second acquéreur du bien immobilier, a assigné le possesseur en expulsion, se prévalant d’un titre de propriété régulièrement publié.

La Cour d’appel fait droit aux demandes du second acquéreur, se fondant sur l’antériorité de la publication du titre de propriété. Le premier acquéreur se prévalant d’une prescription trentenaire forme un pourvoi en cassation.

Clarification :  La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au visa des articles 712 et 2272 du Code civil, en rappelant que la prescription trentenaire peut être opposée à un titre.

Ainsi, un titre de propriété régulièrement publié au Service de la publicité foncière ne constitue pas une preuve irréfragable de la qualité de propriété d’un bien immobilier, encore faut-il que le vendeur soit lui-même le véritable propriétaire du bien immobilier.

Dès lors, même face un titre de propriété régulièrement publié, la possession réunissant les conditions de la prescription acquisitive trentenaire constitue une preuve de la qualité de propriétaire.

Il convient donc d’être particulièrement attentif, dans le cadre de l’acquisition d’un bien immobilier, à l’origine trentenaire du bien. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle, l’origine de propriété trentenaire constitue une condition suspensive courante dans le cadre d’une promesse de vente portant sur un bien immobilier.

 

Myriam Dahmane

Covid 19 : Une nouvelle reconduction des mesures exceptionnelles aménageant le droit de la copropriété

Principe : Aux termes de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, plusieurs mesures ont été prises afin de permettre le fonctionnement des immeubles placés sous le régime de la copropriété, en cette période d’urgence sanitaire. (Articles 22 et suivants de l’ordonnance)

Ces mesures permettent notamment aux syndics de convoquer les assemblées générales par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique (Ord. 25 mars 2020, art. 22-2-I, al. 1er et 2) qu’ils choisiront librement jusqu’à ce que l’assemblée générale se prononce (Ord. 25 mars 2020, art. 22-5).

En cas d’impossibilité, les syndics peuvent également prévoir que les décisions prises en assemblée générale des copropriétaires seront prises uniquement par vote par correspondance. (Ord. 25 mars 2020, art. 22-2 I, al. 3).

Par ailleurs, ces mesures permettent aux copropriétaires de recevoir plus de trois délégations de vote et ce jusqu’à un maximum de 15% des voies du Syndicat des copropriétaires. (Ord. 25 mars 2020, art. 22-5).

Initialement, ces mesures exceptionnelles étaient applicables jusqu’au 31 janvier 2021, puis jusqu’au 1er avril 2021.

Clarification : Aux termes de l’Ordonnance n° 2021-142 du 10 février 2021 portant prorogation de certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, les mesures exceptionnelles font l’objet d’une nouvelle prorogation, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

La date de fin de l’état d’urgence est actuellement fixée au 1er juin 2021 (aux termes de la loi n° 2021-160 du 15 février 2021) et il n’est pas exclu qu’elle fasse l’objet d’une autre prorogation.

Il convient de noter que seules les mesures relatives à la tenue des assemblées générales font l’objet d’une reconduction.

A l’inverse, les mesures relatives aux mandats de syndic et des conseillers syndicaux ne sont pas reconduites. Ainsi, il appartient aux syndics de réunir une assemblée générale afin de renouveler leur mandat et d’élire les nouveaux membres du Conseil syndical.

Myriam Dahmane

 

 

 

Consultation des associés en temps de crise sanitaire jusqu’au 31 juillet 20021

Décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020 portant prorogation et modification du décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 et du décret n° 2020-629 du 25 mai 2020 pour adapter le fonctionnement de certaines instances délibératives au contexte créé par l’épidémie de covid-19

 

Dans le contexte exceptionnel de crise sanitaire que nous traversons depuis le début de l’année 2020, de nombreuses adaptations ont dû être faites tant dans les modes de gestion des finances des sociétés que dans leur gestion administrative.

Ainsi, les sociétés, GIE, GEIE, coopératives, associations, fondations, mutuelles, caisses de crédit, ou encore les fonds de dotation ne sont pas exemptées de consulter leurs associés dans le cadre des assemblées générales ordinaires ou extraordinaires. A l’inverse, elles ont dû s’adapter, voire pour certaines, se moderniser.

Le régime dérogatoire de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux institué par l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 a été reconduit par une ordonnance du 2 décembre 2020, complétée par un décret du 18 décembre 2020.

L’ordonnance et le décret laissent ainsi la possibilité d’une prorogation, partielle ou complète, jusqu’au 31 juillet 2021.  

 

I – Principe fondamental du droit d’information des associés 

Chaque associé a en principe droit à la communication des documents sociaux avant la tenue des assemblées générales (comptes annuels, rapport de gestion, rapport du CAC s’il y en a un, texte des résolutions proposées, sous peine de voir la délibération annulée, compotes consolidés et rapport de gestion des groupes).

Pour la plupart des sociétés, groupements ou associations, un droit à l’information est donc directement reconnu aux associés.

Seule la SAS prévoit un aménagement du droit d’information des associés, dans le respect de l’information minimale prévue légalement (montant des honoraires versés au CAC, informations sur le réseau du CAC, bilans sociaux avec l’avis du comité d’entreprise pour les sociétés de + de 300 salariés, et si l’associé détient + de 5% du capital social, il a le droit de poser des questions deux fois par an sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, sur les opérations de gestion de la société, ou de demander la révocation du CAC).

En outre tout associé a de façon permanente le droit d’obtenir communication des livres et documents sociaux, ainsi que le droit de poser des questions écrites sur la gestion de la société, quelle que soit sa part dans le capital social de la société. Le dirigeant est obligé de répondre dans un délai imparti.

 

II – Rappel des modes de consultation des associés

 

Dans les SA et SARL :

La réunion des associés d’une SARL en assemblée générale n’est obligatoire qu’une seule fois par an pour approuver les comptes. En dehors de cette hypothèse, la consultation peut être effectuée par écrit (valable pour les SARL comportant peu d’associés), pour cela il suffit de rédiger un acte contenant la décision prise et de la faire signer par tous les associés de la SARL. Elle peut aussi être réalisée par correspondance (par lettre recommandée ou par internet, avec un délai de 15 jours accordé aux associés pour y répondre, sauf délai supérieur prévu par les statuts).

 

Dans les SAS :

Contrairement aux cas des SARL ou des SA, la loi n’impose nullement que les décisions collectives des associés de SAS soient prises en “assemblées générales”: c’est aux statuts de SAS de fixer les règles de prises de décisions collectives1.

En pratique, dans la majorité des statuts de SAS, il est prévu un fonctionnement de type assemblées générales comme dans les SA, avec toutefois certains assouplissements en matière de convocation et de mode de prises de décision, permettant d’alléger le formalisme de tenue des assemblées générales.

Les consultations peuvent ainsi être réalisées par le biais d’une réunion des associés, par écrit (texte des résolutions adressé par LRAR aux associés avec un délai pour y répondre), par acte sous seing privé (acte signé par tous les associés), par téléconférence ou visioconférence.

 

Dans les sociétés de personnes :

Comme dans les autres formes de société, l’approbation des comptes annuels, les modifications statutaires ou les opérations portant sur les droits sociaux relèvent du pouvoir exclusif des associés.

En principe, les décisions collectives doivent être prises en assemblée générale mais il est également possible, si les statuts le prévoient, de procéder à une consultation écrite, ou de recueillir le consentement de tous les associés dans un acte.

L’unanimité des associés est de mise, toutefois cette règle peut être écartée dans les statuts pour adopter une majorité plus faible2.

 

Dans les SNC :

Dans les sociétés en nom collectif, le principe est celui de la réunion d’une assemblée générale mais les statuts peuvent prévoir la consultation écrite3.

 

Dans les sociétés en participation :

Dans les sociétés en participation, l’organisation des décisions collectives relève de la liberté statutaire.

 

III – Le régime dérogatoire de réunion et de délibération des assemblées et des organes collégiaux

 

Comme exposé précédemment, l’ordonnance du 2 décembre 2020, complétée par un décret du 18 décembre 2020 laissent la possibilité d’une prorogation, partielle ou complète du régime dérogatoire, jusqu’au 31 juillet 2021.

Ainsi, les assemblées dématérialisées, consultations écrites  et au moins un mode de vote à distance doivent être rendus possibles pour toutes les entreprises, même lorsque les statuts ne le prévoient pas, voire l’interdisent.

Par ailleurs, depuis le 3 décembre 2020, le recours au vote par correspondance est ouvert aux groupements pour lesquels il n’est normalement pas prévu par la Loi ; aux groupements pour lesquels il n’est en principe autorisé par la Loi qu’à la condition du respect de certaines conditions (comme par exemple celle relative à l’existence d’une clause à cet effet dans les statuts) : ces conditions sont donc temporairement neutralisées. Le procès-verbal doit néanmoins préciser le recours au vote par correspondance.

Ainsi, pour toutes les formes de sociétés, les assemblées dématérialisées doivent être rendues possibles même si elles sont initialement interdites par les statuts, et des moyens techniques doivent être mis en place pour permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations. La consultation écrite doit aussi pouvoir être mise en place4, même si elle est initialement interdite par les statuts (sauf pour les sociétés cotées).

Encore, l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 autorisait, de façon exceptionnelle et temporaire, la tenue des assemblées « à huis clos », c’est-à-dire sans que leurs membres ni les autres personnes normalement autorisées à y assister (par exemple les CAC ou les représentants des syndicats du personnel) n’y participent, ni physiquement ni par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle.

L’ordonnance du 25 mars précisait que la condition de recours à l’assemblée en huis clos était l’édiction ou non de mesures administratives limitant ou interdisant les déplacements ou les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, appréciés in abstracto, soit de façon large. 

L’article 2 de l’ordonnance du 2 décembre 2020 vient resserrer cette appréciation et considère qu’elle doit dorénavant être appréciée in concreto, c’est-à-dire que dorénavant, les mesures restrictives susceptibles d’avoir une incidence sur l’organisation de l’assemblée et de conduire à ce qu’elle soit tenue « à huis clos » sont uniquement les mesures qui interdisent ou limitent les rassemblements collectifs pour des motifs sanitaires, ou celles qui interdisent ou limitent les déplacements pour de semblables motifs.

Concrètement, pour les SARL et dans le cadre d’une assemblée à huis clos, le vote par correspondance5,  est autorisé, le vote par procuration doit pouvoir être effectué par le conjoint ou un autre associé par le biais d’un pouvoir, et le vote électronique doit être rendu possible.

Pour les SAS et dans le cadre d’une assemblée à huis clos, le vote par correspondance est autorisé, le vote par procuration doit pouvoir être effectué via un pouvoir donné à un associé ou à un tiers dans la limite de ce que les statuts prévoient, mais l’ordonnance n’oblige pas au recours au vote électronique. 

La représentation de l’associé devra cependant respecter certaines règles. Ainsi, doivent parvenir à la société jusqu’au 4ème jour précédant la date de l’AG :

  • les mandat(s) de représentation indiquant le mandataire
  • les instructions du mandataire pour l’exercice du ou des mandats dont il dispose, par message électronique à l’adresse électronique indiquée et en utilisant le formulaire de vote par correspondance.

 

Pour aller plus loin, le Trésor Public propose une Foire Aux Questions sur le thème de la tenue des AG ou des CA et sur la tenue de la comptabilité des entreprises en période de crise sanitaire.

Par Lucy Labayen – sous la direction de My-Kim Yang-Paya

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1 article L. 227-9 du Code de commerce

2 C. com., art. L. 221-6 . – C. civ., art. 1852

3 C. com., art. L. 221-6

4 Réponse par mail possible à l’adresse électronique indiquée dans les documents adressés à l’associé, Décret 2020-418 art. 3, al. 2

5 Vote par mail possible à l’adresse électronique indiquée dans la convocation, Décret 2020-418 art. 3, al. 1

Le projet de loi n° 3649 « confortant le respect des principes de la République » vise à renforcer le contrôle de l’éligibilité des associations au régime du mécénat

En 2019, la dépense fiscale au titre des dons versés aux associations s’est élevée à 2,4 milliards d’euros, dont 950 millions au bénéfice des entreprises et 1,45 milliards pour les particuliers.

Devant l’importance des montants et au regard de l’absence de réelles mesures de la réalité des activités des associations au regard de leur objet social, ainsi que des risques de financement d’activités venant lutter contre les principes de la République, le gouvernement a décidé d’agir et de présenter un projet de loi visant à protéger les principes républicains.

Un  projet de loi n° 3649 « confortant le respect des principes de la République », a été présenté au Conseil des Ministres le 9 décembre 2020 puis déposé au Parlement  par Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur ainsi que par Marlène Schiappa, Ministre déléguée auprès du Ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté.

Les articles 10, 11 et 12 de ce projet de loi visent tout particulièrement les agréments, les fonds de dotation et le mécénat.

→ Rappel des conditions du rescrit mécénat

La déduction est fondée sur trois principes : une gestion désintéressée, un cercle étendu de bénéficiaires, une activité non lucrative.

→ Quels sont les apports du projet de loi ?

L’article 10 du projet de loi vise l’introduction de la possibilité pour l’administration fiscale de vérifier la concordance de l’objet et des conditions de fonctionnement d’un organisme bénéficiaire de dons avec les réductions d’impôts accordés à ses donateurs.

Actuellement, l’article L.14 A du livre des procédures fiscales autorise l’administration des impôts à exercer un contrôle de la concordance entre les montants portés sur les reçus fiscaux et les montants des dons et versements perçus par l’organisme qui en est bénéficiaire. Cependant, cette procédure ne permet pas  de vérifier le bien-fondé de la dépense fiscale au regard des conditions légales et donc ne permet l’application d’amende en cas de délivrance irrégulière de reçus fiscaux que dans un nombre limité de situations.

En résumé,  l’article 10 projeté introduit un contrôle à l’éligibilité au régime du mécénat de l’organisme qui a émis des reçus fiscaux. Il vise à permettre à l’administration de disposer de la possibilité de vérifier que les organismes bénéficiaires du régime du mécénat en respectent les conditions légales.

Pour rappel, le mécénat est le « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général » (arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière).

Autrement dit, le contrôle vise à vérifier que l’activité de l’association soit éligible, que les critères tenant au caractère désintéressé de sa gestion soient respectés, qu’elle remplisse la condition de poursuivre un but non lucratif et qu’elle n’agisse pas au profit d’un cercle restreint de personnes bénéficiaires.

Le contrôle fiscal sera un contrôle classique, suivant l’envoi d’un avis à l’association concernée qui aura le droit de se faire assister d’un conseil et d’avoir un débat contradictoire avec le vérificateur qui pourra consulter sur place tous les documents utiles et de réaliser certaines vérifications. Le résultat du contrôle sera adressé à l’association, même en l’absence de discordances, qui pourra formuler des observations ou former un recours hiérarchique. Les agents de vérification ne pourront en revanche pas réaliser un contrôle de l’opportunité des dépenses, mais pourront vérifier sur place et à l’occasion de la consultation des pièces, s’il y a bien une concordance entre les dépenses réalisées et l’objet de l’association.

L’article 11 du projet de loi concerne l’instauration d’une obligation, à la charge des organismes à but non lucratif bénéficiaires de dons estimant être éligibles au régime fiscal du mécénat, de déclarer le montant global de dons donnant lieu à réduction d’impôts ainsi que le nombre de reçus qu’ils ont délivrés.  L’identité des donateurs particuliers ou entreprises n’est en revanche pas à transmettre à l’administration fiscale, afin de préserver leur anonymat.

La mesure de déclaration est assortie de l’application aux entreprises de la règle, déjà en vigueur pour les particuliers, imposant de disposer d’un reçu de l’organisme bénéficiaire du don.

En cas de non-respect de l’obligation déclarative du montant des dons, l’amende prévue sera celle de l’article 1729 B du Code général des impôts, soit 150 €.

L’article 12 prévoit l’extension des motifs de suspension des avantages fiscaux bénéficiant aux mécènes en cas de condamnation définitive de l’organisme donataire. L’article 1378 octies du code général des impôts prévoit aujourd’hui cette suspension pour abus de confiance ou pour escroquerie. Il est proposé d’étendre ce mécanisme à d’autres infractions incompatibles avec le bénéfice d’une dépense fiscale, notamment les actes de terrorisme, le recel, le blanchiment ainsi que deux nouvelles infractions prévues par le présent projet de loi : la mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations et l’usage de menaces ou de pressions à l’encontre d’un agent public en vue de se soustraire aux règles du service public.

Lucy Labayen

Règlement des loyers commerciaux depuis la loi du 23 mars 2020 : où en sommes-nous ?

I – Tour d’horizon sur les mesures mises en place en 2020

Depuis le printemps 2020, des mesures ont été prises pour alléger les charges liées aux locaux commerciaux qui n’ont pas cessées d’évoluer tout au long de l’année.

 

Mesures prises au printemps 2020 et interprétations jurisprudentielles

Ces mesures ne concernaient alors que le report ou l’étalement des loyers, et ne bénéficiaient qu’aux microentreprises dont l’activité était affectée par la propagation de l’épidémie, excluant dans un premier temps les PME, ETI et GE.

Deux ordonnances du 25 mars 2020 sont venues aménager la protection des preneurs à bail commercial quant au risque d’acquisition de la clause résolutoire en cas de non-paiement de leur loyer.

Brièvement, dans le cas où le preneur à bail relevait des dispositions de l’ordonnance n° 2020-316, c’est-à-dire qu’il est une personne physique ou morale de droit privé exerçant une activité économique et est susceptible de bénéficier du fonds de solidarité (ne se trouvait pas en liquidation judiciaire au 1er mars 2020, effectif inférieur ou égal à 10 salariés, exigence de CA maximum remplie, la personne morale ne doit pas être contrôlée totalement par une société commerciale), il ne pouvait souffrir d’aucune pénalité afférente au retard de paiement du loyer et des charges afférentes au local commercial, du 12 mars 2020 au 11 septembre 2020 inclus et ce de manière définitive.

En revanche, s’il devait relever de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, il bénéficiait seulement d’un report de la date à laquelle les astreintes prenaient lieu ou de la date à laquelle la clause résolutoire était acquise (les clauses résolutoires ayant été privées d’effet du 12 mars au 23 juin 2020 inclus).

Parallèlement, un débat doctrinal était mené sur le point de savoir si les dispositions du droit commun des contrats pouvaient être mobilisées.

Tout d’abord, la question s’est posée de savoir si l’épidémie de COVID-19 représentait ou non un cas de force majeure, dont les caractéristiques sont données par l’article 1218 du Code civil : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteu».

Traditionnellement, la force majeure est caractérisée lorsque l’évènement survenu était imprévisible, irrésistible, et extérieur.

Cette solution n’a finalement pas été retenue par les juges du fond, qui retiennent que le bailleur n’a pas failli à son obligation de délivrance, et qu’il n’y a donc pas de privation totale de jouissance pour le preneur.

Ensuite, les praticiens ont tenté de mobiliser une autre disposition du droit des contrats, l’imprévision, dont les caractéristiques sont données par l’article 1195 du Code civil : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».

Cependant, les juges du fond ont rejeté ce moyen au même titre que la force majeure, estimant que les circonstances n’avaient pas rendu nécessaire une adaptation des modalités d’exécution des obligations respectives des parties, susceptibles d’influencer leur exigibilité. (TC PARIS – Ordonnances du 26/10/2020 et TJ PARIS – Ordonnances du 10/07/2020).

 

Mesures prises à l’automne 2020 et interprétations jurisprudentielles

A la suite du deuxième confinement, le Gouvernement a introduit la possibilité pour les bailleurs de consentir un abandon de loyer à leur locataire, concernant uniquement le mois de novembre 2020, en échange d’un crédit d’impôts  mobilisable jusqu’au 31 décembre 2021 et imputable sur les revenus de l’année 2020 ou 2021 en fonction de la date à laquelle le bailleur a consenti l’abandon de créances (loi de finances pour 2021 du 30 décembre 2020).

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire est venue reconduire le dispositif des ordonnances du 25 mars 2020, avec une applicabilité rétroactive au 17 octobre 2020, en prévoyant la suspension temporaire des sanctions au profit des personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative (couvre-feu, interdiction, règlementation de l’accueil du public …), ou dont l’activité a été affectée par une mesure de police.

Le décret d’application intervenu le 30 décembre 2020 précise  que seuls peuvent bénéficier de la protection les entreprises en deçà des seuils de salariés et de chiffres d’affaires qui définissent la catégorie des PME, ce qui exclut donc les entreprises de taille intermédiaire ainsi que les entreprises de grande taille.

Pour bénéficier de la protection, l’entreprise doit ainsi avoir un effectif inférieur à 250 salariés au premier jour d’application de la mesure de police administrative, ou avoir au moins un salarié si c’est une association, le chiffre d’affaires constaté au cours du dernier exercice clos doit être inférieur à 50 millions d’euros ou 4,17 millions d’euros mensuel moyen pour les activités n’ayant pas d’exercice clos. En outre, l’entreprise doit avoir perdu au moins 50% de son chiffre d’affaires sur le mois de novembre par rapport au chiffre d’affaires de référence, déterminé selon la date de création de l’entreprise.

La loi prévoit ainsi que l’entreprise locataire ne peut pas encourir d’intérêts, de pénalités, de mesure financière ou d’action, de sanction ou de voie d’exécution forcée à son encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où son activité est ou était ainsi affectée, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle son activité a cessé d’être affectée par une mesure de police.

La mesure est étendue aux fournisseurs d’électricité, de gaz et d’eau potable, qui ne peuvent pas suspendre, interrompre ou réduire, y compris par résiliation de contrat, la fourniture des services, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l’activité des entreprises protégées cesse d’être affectée par une mesure de police.

Par ailleurs, sur demande des entreprises protégées, les fournisseurs doivent leur accorder, sans pénalité financière, frais ou indemnité, le report des échéances de paiement des factures exigibles et non encore acquittées entre le 17 octobre 2020 et l’expiration du délai de protection. Le paiement des échéances ainsi reportées sera réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois.

Différence fondamentale avec les mesures du printemps : l’action du bailleur relative au paiement des loyers dus au titre de la période du second confinement n’est pas impossible, seulement repoussée. Cette protection pourrait s’étendre jusqu’au 1er juin 2021 au plus tard, sous réserve d’un nouveau texte venant prolonger les mesures de police, contrairement à l’immunité définitive accordée à certains preneurs en mars 2020.

Comme lors du premier confinement, les mesures coercitives du bailleur sont neutralisées. L’article 14 de la loi prévoit par ailleurs que « toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges est réputée non écrite ».

En outre, les bailleurs sont par ailleurs privés de leur capacité à mobiliser les sûretés personnelles ou réelles venant garantir le paiement des loyers et charges locatives et ne peuvent pas pratiquer de voie d’exécution forcée ni de mesure conservatoire pour les loyers ou les charges dus pendant la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée.

L’article 14 suspend de ce fait les procédures d’exécution déjà engagées par les bailleurs avant le 17 octobre 2020 pour non-paiement des loyers commerciaux, mais aussi celles engagées après cette date.

Logiquement, une question se pose donc sur la possibilité pour les bailleurs d’exercer des mesures conservatoires sur les loyers échus pour la période courant entre la fin du premier confinement et le début du second. 

Par deux ordonnances rendues le  26 octobre 2020, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a refusé de condamner un locataire au paiement des loyers commerciaux dus au titre du deuxième trimestre 2020 en retenant en premier lieu l’argument selon lequel l’action en paiement du bailleur se heurtait à une contestation sérieuse. En effet, si les dispositions dérogatoires découlant des ordonnances du 25 mars 2020 n’annulent pas l’exigibilité du loyer et donc de facto n’interdisent pas l’action du bailleur, l’exigence de bonne foi dans l’exécution des contrats rend cependant son action irrecevable en référé. En l’espèce, le locataire avait subi une forte perturbation de son secteur d’activité et avait justifié s’être rapproché de son bailleur pour tenter de trouver une solution amiable.

En second lieu, le juge des référés écarte la force majeure au bénéfice du locataire, puisque le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance des locaux et, par la même occasion, écarte l’application de la théorie du risque, selon laquelle les risques seraient supportés par le débiteur de l’obligation devenue impossible à la suite de la survenance d’un cas de force majeure ou du fait du prince (TJ Paris réf. 26-10-2020 no 20/53713, Sté Parapharmacie Prado Mermoz c/ Sté Massalia Shoping Mall et TJ Paris réf. 26-10-2020 no 22/55901, Sté Bethune Borghese c/ Sté Low & Co).

Cette solution a été confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 novembre 2020 qui retient qu’une résidence de tourisme ne pouvait invoquer ni l’exception d’inexécution ni la force majeure pour échapper au paiement des loyers commerciaux des premier et deuxième trimestres 2020 (CA Grenoble 5-11-2020 no 16/04533, D. c/ SAS Appart City).

 

II – Évolution de la jurisprudence à l’aube de 2021

Par deux décisions  du Tribunal judiciaire de Paris des 21 et 22 janvier 2021 les juges ont assimilé la fermeture des commerces pendant le premier confinement à la perte fortuite du local prévue par l’article 1722 du Code civil, libérant ainsi le locataire de l’obligation de payer le loyer durant cette période.

Le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 21 janvier 2021 a ordonné la mainlevée la saisie-attribution pratiquée par le bailleur commercial sur le compte bancaire du locataire pour le recouvrement du loyer du deuxième trimestre 2020 estimant que l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués étant la résultante d’une décision des pouvoirs publics, elle doit nécessairement être assimilée à la perte envisagée par l’article 1722 du Code civil. Ainsi, le locataire est libéré de l’obligation de payer le loyer tant qu’il ne peut pas jouir des locaux loués et le bailleur se voit opposer la bonne foi dans l’exécution des contrats tout comme  la perte fortuite du local.

Quant à la décision rendue le 22 janvier 2021, elle concerne une société qui a pris possession de locaux le 23 décembre 2019 dans le but d’ouvrir un restaurant, après y avoir fait réaliser de gros travaux d’aménagement. Suite à l’impossibilité du restaurant d’ouvrir ses portes à l’occasion du premier confinement, une négociation intervenue entre le bailleur et le locataire avait réduit le loyer du 15 mars au 22 juin de 50%. Cependant, la réouverture du restaurant a ensuite été affectée par des mesures de police administrative visant la distanciation sociale des clients, réduisant ainsi sa capacité d’accueil et de facto, ses bénéfices. Le locataire a de nouveau demandé une adaptation du montant du loyer au bailleur, que celui-ci a cette fois-ci refusée. Le bailleur a sollicité en référé l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail pour absence de paiement du solde des loyers du troisième trimestre 2020.

Le juge des référés rejette la demande du bailleur au motif qu’il existe une contestation sérieuse sur l’exigibilité de l’intégralité des loyers du 3e trimestre 2020 dont le locataire avait déjà réglé 50% du montant dû. Le Président du tribunal rappelle que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, et qu’ainsi, les parties sont tenues en cas de circonstances exceptionnelles, de négocier une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives afin de sauver le contrat. Le locataire n’ayant eu de cesse de demander à son bailleur des adaptations du montant du loyer, le bailleur n’a ainsi pas respecté son obligation de bonne foi.

De surcroît et de façon extraordinaire, le juge des référés accueille la demande du locataire sur le fondement de l’imprévision. Ainsi, il considère que le locataire peut, sans contestation sérieuse, se prévaloir des circonstances imprévisibles visées par les dispositions de l’article 1195 du Code civil, en vertu des mesures de police intervenues pendant la période de réouverture de son établissement, l’ayant empêché de démarrer son activité conformément à ses prévisions et d’amortir le coût des lourds travaux d’aménagement du local commercial engagés début 2020.

Le juge des référés renvoie au juge du fond le devoir de déterminer si les dispositions sur l’imprévision justifient une adaptation du contrat pour le troisième trimestre 2020.

Ainsi, c’est la première fois que les conditions d’application de l’imprévision sont non seulement reconnues comme remplies, mais qu’en plus la condition d’urgence requise pour l’action en référé est acquise, sûrement en considération des difficultés financières toutes particulières subies par les établissements de restauration depuis le début de la crise sanitaire.

 

***

En conclusion, force est de constater que l’évolution du droit et des pratiques jurisprudentielles tendent à un assouplissement en faveur des preneurs à bail  commercial, en analogie avec la situation de crise sanitaire et les difficultés financières qui pèsent sur les commerçants.

Reste à voir si la Cour de cassation confirmera les analyses des juges de première instance.

My-Kim Yang-Paya, Emilie Baycquerisses et Lucy Labayen

 

Tableau récapitulatif des mesures en vigueur

Bénéficiaires de l’article :

Personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative

Critères d’éligibilité précisés par décret n°2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 :

 I – les personnes physiques et morales de droit privé sont celles remplissant les critères d’éligibilité suivants :

1° Effectif salarié < 250 salariés ;

2° Montant CA constaté lors du dernier exercice clos < à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant CA mensuel moyen < à 4,17 millions d’euros ;

3° Perte CA est d’au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.

 II – Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de CA mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte CA d’au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d’une part, le chiffre d’affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d’autre part :

  • le CA durant la même période de l’année précédente ;
  • ou, si l’entreprise le souhaite, le CA mensuel moyen de l’année 2019 ;
  • ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le CA mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 ;
  • ou, pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le CA réalisé en février 2020 et ramené sur un mois ;
  • ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le CA mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l’entreprise, et le 30 septembre 2020.

 III – Pour les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public, le CA du mois de novembre 2020 mentionné au II n’intègre pas le CA réalisé sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison.

 IV – Lorsqu’elles sont constituées sous forme d’association, les personnes mentionnées au I ont au moins un salarié.

 V – Les conditions fixées aux 1° et 2° du I sont considérées au premier jour où la mesure de police administrative mentionnée au I de l’article 14 de la loi susvisée s’applique. Le seuil d’effectif est calculé selon les modalités prévues par le I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et il est tenu compte de l’ensemble des salariés des entités liées lorsque l’entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce.

Mesures administratives affectant l’activité des bénéficiaires de l’article :
  • Mesure règlementant l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’ERP ainsi que des lieux de réunion dont la fermeture provisoire de certaines catégories d’ERP ou de lieux de réunion (2° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020)
  • Mesure règlementant les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public (3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020)
  • La fermeture provisoire et la règlementation de l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité (5° du I de l’article L. 3131-15 du CSP)
Période d’application de l’article : A compter du 17 octobre 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle l’activité cesse d’être affectée par une mesure administrative
Mesures protectrices de l’article :
  • Aucuns intérêts, pénalités ou toute mesure financière ou ni aucune action, sanction ou voie d’exécution forcée à l’encontre des bénéficiaires pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
  • Les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
  • Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
  • Les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues pendant la période d’application de l’article
Loyers et charges visés par l’article :
  • Loyers charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure administrative
  • Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II

Conversion du réseau de gaz B de GRDF

Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 11 février 2021 portant approbation du projet de canalisation entre Lens et Béthune de GRTgaz et décision relative au budget cible de la phase 1 du programme de conversion de gaz B en gaz H du réseau de GRTgaz

 

Le réseau de gaz naturel d’une partie de la région des Hauts-de-France fait actuellement l’objet d’une opération de conversion du gaz naturel à bas pouvoir calorifique (ci-après « gaz B »), vers un gaz à haut pouvoir calorifique (ci-après « gaz H ») qui alimente le reste du territoire français.

En effet, une la diminution progressive du gisement de gaz B provenant des Pays Bas nécessitait de trouver une autre solution d‘approvisionnement sur cette partie du territoire qui concerne 1,3 million de consommateurs et 10 % de la consommation française.

Dans le cadre de cette opération de conversion, les gestionnaires des réseaux publics de distribution doivent notamment faciliter le remplacement des appareils et équipements gaziers ne pouvant être réglés ou adaptés.

A cette fin, la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 (commenté dans une précédente LAJEE) avait prévu la mise en place d’un titre spécial de paiement, le chèque conversion, afin que le consommateur puisse s’acquitter de la facture de remplacement de son appareil auprès du prestataire qu’il aura choisi.

Le montant de ce chèque conversion est actuellement encadré par le décret n° 2019-114 du 20 février 2019 et son arrêté d’application modifié en 2020 commenté dans une précédente LAJEE.

Les modalités de compensation de ce titre de paiement que GRDF envoie au consommateur nécessitaient en revanche être prévues dans le tarif ATRD, fixé par la CRE. C’est la raison pour laquelle la CRE a récemment adopté deux délibérations afin d’encadrer les investissements nécessaires au projet de conversion et fixe les budgets des gestionnaires de réseaux (de distribution comme de transport).

Ainsi, par une première délibération du 11 février 2021 la CRE a ainsi approuvé le projet de canalisation entre les secteurs de Lens et Béthune tel que proposé par GRTgaz, suite de l’analyse de plusieurs solutions alternatives par GRTgaz et GRDF.

Et par une seconde délibération du même jour, la CRE a fixé la nouvelle trajectoire financière de référence associée au projet de conversion de GRDF dans sa phase de déploiement industriel pour la fin de la période ATRD6, ainsi que le cadre de régulation incitative qui lui sera appliqué pour la période 2021-2029 ainsi.

Cette délibération intervient à la suite du retour d’expérience de la phase pilote du projet qui s’est déroulée sur la période 2016- 2020.

On rappellera que les investissements à réaliser par GRDF dans le cadre du projet de conversion concernent essentiellement l’adaptation des réseaux de distribution au changement de gaz. Ces travaux consistent en des renouvellements et des réglages de poste de détente réseau (PDR), de postes clients, de détendeurs en pied d’immeuble (CI/CM – conduite d’immeuble/colonne montante) et des travaux de maillage ou de renforcement du réseau.

Ensuite, pour s’assurer de la compatibilité des appareils des consommateurs finals durant la période de conversion, GRDF doit coordonner des interventions sur les équipements des consommateurs raccordés aux réseaux de distribution. GRDF est notamment chargé de faire un inventaire afin d’identifier les différents appareils fonctionnant au gaz du consommateur et de déterminer les actions à entreprendre pour les adapter et les rendre ainsi compatibles pour fonctionner avec du gaz H. Pour certains d’entre eux, du fait de leur vétusté, l’adaptation ne pourra pas se faire par un simple réglage mais nécessitera un remplacement de l’appareil.

C’est dans ce contexte que GRDF a transmis à la CRE, le 9 octobre 2020, sa demande tarifaire pour la phase de déploiement industriel. La majorité des coûts du projet de conversion (environ 76 %) concerne les interventions chez les consommateurs pour notamment réaliser l’inventaire, régler ou remplacer les appareils. Et c’est à la suite de cette demande que la CRE a pris la seconde délibération afin d’examiner les différentes charges proposées et fixer pour la période 2021-2023, les coûts unitaires et trajectoires de référence suivants pour la couverture des différents coûts associés au projet de conversion de GRDF sur la période ATRD6.

Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) : un nouveau modèle d’accord-cadre entre EDF et les fournisseurs

En application de l’article L. 336-5 du code de l’énergie, les fournisseurs d’électricité (dits alternatifs ») exercent leur droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique auprès de l’opérateur historique Electricité de France (EDF).

Les conditions techniques, économiques et contractuelles régissant les cessions annuelles d’électricité entre EDF (vendeur) et les fournisseurs d’électricité (acheteurs) sont fixées dans un accord-cadre fini pour la première fois le 28 avril 2011.

Comme on le sait ce droit d’accès a fait l’objet de modifications depuis l’adoption de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (dite loi « Energie-Climat »), afin notamment de prendre en compte le nouveau régime de vente d’électricité en cas d’atteinte du plafond de l’ARENH. 

Puis, au cours de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, d’autres modifications de l’accord-cadre en vigueur sont apparues nécessaires au vu des conflits d’interprétation qui sont apparus entre EDF et les fournisseurs au sujet de la mise en œuvre de la clause relative à a force majeure.

Ainsi, par une délibération n° 2020-250 du 1er octobre 2020, la CRE a proposé un arrêté modifiant le modèle d’accord-cadre ARENH. Et le dit arrêté avait lors été publié le 12 novembre 2020 (commenté dans notre LAJEE n°67).

Il restait toutefois d’autres modifications à apporter au modèle d’accord-cadre afin de décliner les modifications issues de la loi « Energie-Climat ». C’est dans ce cadre que la CRE avait proposé dans le cadre d’une seconde délibération le 17 décembre 2020, un nouvel arrêté portant proposition d’arrêté relatif aux conditions de vente et au modèle d’accord-cadre pour l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

C’est l’objet de l’arrêté du 12 février 2021 publié au Journal officiel du 27 février suivant qui entérine ce nouveau modèle d’accord-cadre avec de nouvelles dispositions relatives au défaut de paiement d’un fournisseur (acheteur) et à la facturation des compléments de prix en cas d’atteinte du plafond de l’ARENH.

La CRE précise les modalités de publication des coefficients et tarifs de dégressivité trimestrielle définis dans les arrêtés tarifaires relatifs au dispositif du tarif d’achat ou du complément de rémunération garanti

Pour rappel, les articles L. 1314-1 et L. 1314-18 du Code de l’énergie permettent aux installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables ou mettent en œuvre des techniques performantes en termes d’efficacité énergétique telles que la cogénération, de bénéficier des dispositifs d’obligation d’achat et de complément de revenu[1].

A ce titre, l’article R. 314-12 du Code de l’énergie prévoit que des arrêtés fixent les conditions notamment tarifaires, d’achat et de complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations éligibles.

L’article D. 446-12 du Code précise quant à lui que les tarifs d’achat du biométhane, leurs conditions d’application ainsi que les conditions d’efficacité énergétique devant être respectées par les installations de production de biométhane font également l’objet d’arrêtés tarifaires.

Et, pour que le niveau de soutien apporté par ces dispositifs d’obligation d’achat et complément de rémunération traduise au mieux la dynamique d’évolution des coûts, certains de ces arrêtés tarifaires introduisent des mécanismes de dégressivité des tarifs, dont la CRE est chargée de calculer et publier le coefficient.

Dans ce cadre et par la présente délibération, la CRE, après avoir rappelé les dispositifs de dégressivités ainsi fixés, énonce que les coefficients et tarifs d’achat applicables feront l’objet :

  • de publications trimestrielles sur le site internet de son Open Data dont les acteurs concernés seront informés par le biais d’un message (« push ») de la lettre d’information électronique de la CRE et sur ses comptes LinkedIn et Twitter ;
  • d’une communication trimestrielle et à la ministre de la transition énergétique.

La Commission précise par ailleurs qu’elle délibérera une fois par an sur un bilan du fonctionnement de ces dispositifs par une délibération qui fera l’analyse de l’évolution du nombre de projets ayant demandé le bénéfice d’un soutien, de l’évolution des tarifs et portera le cas échéant des recommandations visant à améliorer l’efficacité globale des mécanismes de dégressivité.

A noter que la première délibération se tiendra au premier trimestre de 2022.

 

 

[1] Ce dispositif a d’ailleurs récemment était modifié par un décret ainsi qu’un arrêté du 21 août 2021 tel que nous le commentions dans notre LAJEE du mois de  septembre 2020 disponible ici : http://www.seban-associes.avocat.fr/suppression-du-dispositif-dobligation-dachat-et-de-complement-de-remuneration-pour-les-installations-de-cogeneration-delectricite-et-de-chaleur-valorisees-a-partir-de-gaz-na/?idlajee=102197

Transposition du paquet « une énergie propre pour tous les européens » : trois ordonnances publiées

Ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021 portant transposition de diverses dispositions de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité

Ordonnance n° 2021-237 du 3 mars 2021 portant transposition de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, et mesures d’adaptation au règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité

 

 

Le Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » avait été présenté par la Commission européenne le 30 novembre 2016, et comportait huit propositions législatives commentées dans une précédente LAJEE.

Entre 2016 et 2019 ces propositions ont fait l’objet de nombreuses négociations qui se sont achevées le 26 mars 2019, date à laquelle le Parlement européen avait adopté les nouvelles règles d’organisation du marché de l’électricité de l’Union Européenne.

Deux textes avaient alors été publiés en juin 2019 :

  • Le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité
  • La directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE

 

Deux autres règlements avaient été publiés ce même jour : le règlement sur la préparation aux risques[1] et sur l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER)[2]

Il s’agissait là d’une étape importante pour l’Union européenne et ses États membres qui s’étaient alors engagés dans la transition vers une énergie propre à l’horizon 2030.

Les autres textes du Paquet, à savoir le règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie[3], la directive révisée sur l’efficacité énergétique[4], la directive révisée sur les énergies renouvelables[5] et la directive sur la performance énergétique des bâtiments étaient eux entrés en vigueur en 2018, comme nous l’avions commenté.

Depuis la fin des négociations au niveau européen sur le Paquet, il revenait aux état membres de transposer certaines de ces règles, à savoir les directives, dans leur législation.

L’article 39 de la loi 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat avait alors confié au Gouvernement le soin de prendre par ordonnance toutes les mesures nécessaires à la transposition des directives du Paquet.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a publié trois ordonnances transposant les dispositions des deux directives :

  • la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (dite « RED II ») ;
  • de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Ces trois ordonnances contribuent à la poursuite de la construction d’un cadre législatif en faveur de la transition énergétique.

1 – L’ordonnance n° 2021-235 entrera en vigueur le 1er juillet 2021.transpose le volet durabilité des bioénergies de la directive RED II et vise à garantir le niveau d’exigence environnementale de la production d’énergie renouvelable à partir de biomasse dans l’Union européenne.

Elle étend des exigences en vigueur en matière de durabilité des matières premières, de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’efficacité énergétique pour les différentes filières de production énergétique à partir de biomasse : biocarburants et bioliquides, production d’électricité, de chaleur, de froid, production de combustibles ou carburants solides, production de biogaz.

2 – L’ordonnance n° 2021-236 portant transposition de diverses dispositions de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité

Cette ordonnance définit dans la loi les communautés énergétiques citoyennes, en complément des communautés d’énergie renouvelable. Les communautés énergétiques citoyennes fournissent un cadre favorable aux projets portés par des citoyens et des collectivités locales, en leur permettant de produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie.

Un groupe de travail, lancé en février 2021, a pour mission, d’ici la fin de l’année, de préciser les dispositions spécifiquement applicables à ces communautés, qui feront l’objet d’un décret, et d’identifier les freins à lever pour le développement des projets énergétiques citoyens qui favorisent une meilleure acceptabilité des énergies renouvelables et dont les retombées locales sont très positives.

Cette ordonnance complète également les dispositions relatives aux garanties d’origine, associées à la production d’énergie. L’entrée en vigueur de plusieurs de ces dispositions est très attendue par les acteurs du secteur, notamment la possibilité pour les producteurs d’énergie renouvelable bénéficiant d’un soutien public de bénéficier d’un droit de priorité sur l’achat des garanties d’origine issues de leurs installations, avant ou après leur mise aux enchères par l’État.

L’ordonnance contient également des dispositions visant à favoriser l’autoconsommation d’électricité, notamment en permettant que les installations de production d’électricité renouvelable participant à des opérations d’autoconsommation puissent être raccordées au réseau public de distribution, alors qu’elles ne pouvaient jusqu’alors être raccordées qu’au réseau basse tension.

Enfin, l’ordonnance transpose les nouveaux objectifs de part des biocarburants et biogaz avancés dans le secteur des transports prévus par la directive pour 2022, 2025 et 2030.

Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er juillet 2021.

 

3 – L’ordonnance n° 2021- 237 vient transposer la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, et mesures d’adaptation au règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité

Cette ordonnance concerne les dispositions relatives au marché de l’électricité.

Elle a pour objet de :

  • renforcer l’information et les droits des consommateurs dans le cadre de l’ouverture des marchés, et favoriser leur participation au fonctionnement du marché ;

  • encourager le recours aux leviers de flexibilité pour l’exploitation des réseaux électriques ;

  • favoriser et encadrer le stockage de l’électricité ;

  • codifier les dispositions relatives à la recharge des véhicules électriques pour une meilleure lisibilité dans le code de l’énergie ;

  • adapter le « mécanisme de capacité », qui vise à assurer la sécurité d’approvisionnement électrique lors des périodes de pointe, en particulier en excluant progressivement de la participation à ce mécanisme les installations de production les plus polluantes, jusqu’à une exclusion totale à compter de 2025.

 

Cette ordonnance permet ainsi de poursuivre la construction du marché de l’électricité afin notamment de favoriser le développement et la participation des services de flexibilité qui sont amenés à prendre une place croissante dans le système électrique pour accompagner la transition énergétique, tout en assurant une plus grande participation et une meilleure protection des consommateurs.

Elle entrera en vigueur le lendemain de sa publication.

[1] Règlement (UE) 2019/941 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur la préparation aux risques dans le secteur de l’électricité et abrogeant la directive 2005/89/CE

[2] Règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie

[3] Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) no 663/2009 et (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 525/2013 du Parlement européen et du Conseil

[4] Directive (UE) n° 2018/2002 du 11/12/18 modifiant la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique

[5] Directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables

Modification du seuil d’éligibilité au chèque énergie et instauration d’un plafond aux frais de gestion pouvant être déduits de l’aide spécifique

Dans le prolongement du décret du 30 décembre 2020[1] modifiant les modalités de mise en œuvre du chèque énergie commenté dans notre LAJEE du mois de janvier[2], l’arrêté du 24 février 2021 vient modifier le seuil d’éligibilité au chèque énergie et instaurer un plafond aux frais de gestion des gestionnaires de résidences sociales pouvant être déduits de l’aide spécifique, abrogeant ainsi l’arrêté du 26 décembre 2018[3].

Pour l’essentiel, il prévoit :

  • qu’ à compter du 1er janvier 2021, le bénéfice du chèque énergie est ouvert aux ménages dont le revenu de référence annuel par unité de consommation est inférieur à 10 800 € (article 1) ;
  • la valeur faciale du chèque énergie (TTC) en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) du ménage et du nombre d’unités de consommation (UC) (article 2 et 3) ;
  • un plafond aux frais de gestion des gestionnaires de résidences sociales pouvant être déduits de l’aide spécifique prévue à l’article L. 124-1 alinéa 5 du Code de l’énergie fixé à 5% du montant de l’aide distribuée (article 5).

 

 

[1] Décret n° 2020-1763 du 30 décembre 2020 modifiant les modalités de mise en œuvre du chèque énergie

[2]http://www.seban-associes.avocat.fr/modification-des-modalites-de-mise-en-oeuvre-du-cheque-energie-a-partir-du-1er-janvier-2021/?idlajee=103237

[3] Arrêté du 26 décembre 2018 modifiant le plafond et la valeur faciale du chèque énergie

Une aide pour l’installation de bornes de recharge rapide sur les grands axes routiers

Arrêté du 15 février 2021 relatif aux modalités de gestion de l’aide en faveur des investissements relatifs aux installations de recharge rapide pour véhicules électriques sur les grands axes routiers

 

Un décret du 12 février 2021[1] instaure une aide prenant la forme d’une subvention aux entreprises qui réalisent un investissement relatif à une activité de service de recharge pour véhicules sur les aires de services situées sur le domaine public autoroutier et sur le domaine public du réseau routier national dont les modalités de gestion sont précisées par arrêté du 15 février 2021[2].

Concernant d’abord les bénéficiaires de l’aide et leur éligibilité, l’article 2 dudit décret précise que toute entreprise exerçant l’activité d’installateur ou d’opérateur d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques ou assumant des investissements relatifs à une activité de service de recharge pour véhicules électriques sur les aires de services situées sur le domaine public autoroutier et sur le domaine public du réseau routier national peut bénéficier de cette aide.

Toutefois, elles devront :

    • d’une part, démontrer qu’elles ont été sélectionnées au terme de procédures ouvertes et transparentes ou que les investissements qu’elles assument, relatifs à une activité de service de recharge pour véhicules électriques, sont réalisés par des entreprises sélectionnées au terme de procédures ouvertes et transparentes;
    • d’autre part, attester de leur régularité fiscale et sociale pour y être éligible.

S’agissant du montant de cette aide, selon les articles 3 et 4 du décret, il ne doit pas excéder la dépense éligible (constituée du coût hors taxe de l’investissement et des travaux d’aménagements et de raccordement des stations de recharge) [3] ni les niveaux autorisés par la règlementation européenne.

La somme de la subvention versée est ensuite fixée sur la base de ce montant des dépenses éligibles et d’un coefficient d’intensité de l’aide allant de 10 à 40 % dudit montant (article 5 de l’arrêté).

En ce qui concerne enfin les modalités de présentation et d’instruction des demandes de subvention, les articles 6 à 10 du décret énoncent que c’est l’Agence de services et de paiement qui est chargée de leur réception, leur instruction ainsi que du contrôle de l’exactitude des déclarations du bénéficiaire ainsi que, le cas échéant, des conséquences à en tirer sur la décision d’attribution.

Toujours sous cet angle procédural, l’arrêté précise en ses articles 1 à 4 la liste et le contenu des pièces à fournir par le demandeur de l’aide ainsi que ses modalités de versement.

 

[1] Décret du 12 février 2021 n°2021-153 instaurant une aide en faveur des investissements relatifs aux installations de recharge rapide pour véhicules électriques sur les grands axes routiers.

[2] Arrêté du 15 février 2021 relatif aux modalités de gestion de l’aide en faveur des investissements relatifs aux installations de recharge rapide pour véhicules électriques sur les grands axes routiers.

[3] Les dépenses éligibles sont définies en annexe du décret. A noter que les frais de personnels du bénéficiaire ne sont pas éligibles.

Refus d’Enedis de proposer un comptage en décompte : pas nécessairement d’abus de la part du GRD

La Cour de cassation a récemment eu à connaître d’une problématique de raccordement indirect au réseau public de distribution d’électricité.

La société Fibre excellence Tarascon (la société FET) exploite un site industriel qui comportait initialement deux installations de production électrique dénommées « TA1 » et « TA2 », pour le raccordement desquelles elle avait conclu avec la société ERDF, devenue Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, un contrat d’accès au réseau, entré en vigueur le 1er janvier 2006.

La société FET a ensuite été autorisée à exploiter une nouvelle unité de production dite « TA3 » dont la création nécessitait (au vu des volumes d’électricité à injecter dans le réseau public) le dépôt d’une nouvelle demande de contrat d’accès et la communication par ERDF d’une nouvelle proposition technique et financière (PTF). Après dépôt d’un dossier par la société FET, ERDF a délivré une PTF permettant l’adjonction de TA3 sur le réseau interne de la société FET et le comptage de son énergie.

Informée ultérieurement par la société FET que l’autorisation d’exploiter l’installation TA3 avait été, par un arrêté ministériel du 13 mai 2008, transférée à la société Bioenerg, la société ERDF a refusé de fournir une prestation de comptage à cette dernière au motif qu’elle n’était pas directement raccordée au réseau public de distribution puisqu’elle faisait transiter sa production d’électricité par les installations et le poste de raccordement de la société FET. La centrale TA3 a néanmoins été mise en service et l’électricité produite par elle a été injectée sur le réseau public d’électricité à compter du 20 mai 2009.

Après avoir porté le différend entre les parties a été devant le Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), et conformément à la décision rendue par ce dernier, un contrat de service de comptage en décompte à effet au 1er décembre 2009 a été conclu entre ERDF et la société Bioenerg avec effet au 1er décembre 2009. Ce différend avait néanmoins donné lieu à plusieurs décisions juridictionnelles portant sur la question du bien-fondé du refus de comptage en décompte, et notamment à une décision de la Cour d’appel de Paris du 12 décembre 2013 (rendue après un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2012) rejetant le recours de la société ERDF et confirmant le caractère mal fondé de son refus initial.

Et, reprochant à la société ERDF d’avoir, du 20 mai au 1er décembre 2009, refusé le comptage en décompte pour l’installation TA3, les sociétés Bioenerg et FET ont engagé une nouvelle procédure, de nature indemnitaire cette fois, en faisant valoir que le refus initial d’Enedis constituait un abus de position dominante sur le marché du comptage en décompte, en ce qu’il procédait de conditions de vente discriminatoires et imposait une vente liée, ainsi qu’un abus de la dépendance économique de la société Bioenerg.

Alors que le tribunal de commerce de Paris avait rejeté les demandes des deux sociétés par un jugement du 11 mars 2016, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 8 février 2019 a octroyé une indemnité de plus de 1,5 million d’euros aux demandeurs (379 871,21 euros pour la société Bioenerg et 1 244 108 euros pour la société FET, ces deux sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2014).

La Cour de cassation, saisie par Enedis, casse à son tour l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Parmi les différents moyens soulevés, Enedis soutenait notamment que les règles applicables en matière de raccordement indirect et de prestation de comptage en décompte n’avaient été clairement fixées qu’à compter de l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2012 rendu dans le cadre du premier litige opposant les parties et qu’en conséquence entre le 20 mai 2009 et le 1er décembre 2009, le refus opposé par le gestionnaire du réseau de distribution aux deux sociétés ne pouvait être regardé comme abusif.

Ce raisonnement est en parti suivi par la Cour de cassation qui estime que la Cour d’appel de Paris a commis une erreur en s’abstenant de rechercher « pour apprécier le caractère abusif du comportement de la société Enedis, si ce n’était pas seulement à partir de la décision de la Cour de cassation que cette société était en mesure d’imposer au producteur, pour assurer la prestation de comptage qui lui incombait, même dans l’hypothèse d’un raccordement indirect, l’obligation de souscrire aux conventions de raccordement et d’exploitation, et de déterminer qui, du client hébergeur, la société FET, ou du producteur hébergé, la société Bioenerg, devait supporter la charge des normes de sécurité, et, par suite, de proposer aux intéressées les conditions du raccordement indirect conformes aux règles ainsi définies ».

La Cour de cassation ne tranche néanmoins pas le fond du litige et ne se prononce pas sur le caractère abusif ou non du comportement de la société Enedis mais renvoie à la Cour d’appel de Paris le soin de se prononcer sur cette question et sur le bien-fondé des demandes indemnitaires des deux sociétés.

Précisions relatives au régime juridique de l’hydrogène renouvelable et bas carbone

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-167 du 17 février 2021 relative à l’hydrogène

Par une ordonnance du 17 février 2021, ici commentée, le Gouvernement vient d’intégrer au sein du Code de l’énergie différentes dispositions intéressant l’hydrogène renouvelable et bas carbone.

La loi dite « Energie Climat » (loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat) avait en effet habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant « de définir un cadre de soutien et de traçabilité de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone » (art. 52).

L’ordonnance du 17 février 2021 prise pour l’application de cette disposition législative crée de nouvelles dispositions au sein du Code de l’énergie, notamment en définissant les différents types d’hydrogène qui feront l’objet de régimes particuliers, à savoir l’hydrogène renouvelable, l’hydrogène bas carbone ou encore l’hydrogène carboné.

Parmi les nouveaux textes, on retiendra la création de dispositions relatives à l’injection d’hydrogène et de gaz renouvelables dans les réseaux de gaz naturel (nouveaux articles L. 445-1 et suivants du Code de l’énergie) ou encore l’intégration au sein du Code de l’énergie d’un nouveau livre consacré à l’hydrogène (Livre 8 du Code de l’énergie).

Ce nouveau livre traite de la production, des garanties de traçabilité et d’origine, du transport, de la distribution, du stockage et de la vente de l’hydrogène. On y relève :

  • l’intégration des définitions de l’hydrogène, de l’hydrogène renouvelable, de l’hydrogène bas carbone et de l’hydrogène carboné (art. L. 811-1 du Code de l’énergie) ; ces différentes définitions reposent sur des conditions, seuils techniques et procédés, qui seront précisés par arrêté du ministre chargé de l’énergie ;
  • la définition d’un régime de soutien à la production d’hydrogène renouvelable ou d’hydrogène bas carbone par électrolyse de l’eau (art. L. 812-1 à L. 812-10 du Code de l’énergie) ;
  • la création de la notion d’autoconsommation d’hydrogène dont les contours restent à préciser par voie réglementaire (art. L. 813-1 et suivants du Code de l’énergie) ;
  • la définition des régimes des garanties de traçabilité et d’origine de l’hydrogène (art. L. 821-1 et suivants du Code de l’énergie) ;

Ces nouvelles dispositions seront par ailleurs complétées d’un décret en Conseil d’Etat et d’un autre décret pour son application.

Application par le CoRDiS de la notion de colonne montante électrique

Le Comité de Règlement des Différents et des Sanctions (CoRDiS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a été récemment amené à faire application de la définition de colonne montante électrique posée par l’article L. 346-1 du Code de l’énergie issu de la loi ELAN (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique).

Le CoRDiS était saisi d’un différend opposant la société Nexity Lamy, syndic de copropriété, à Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité, au sujet :

  • de la propriété d’une armoire métallique contenant, notamment, les compteurs électriques et le disjoncteur général pour l’alimentation électrique des habitants de la résidence au regard de la définition des colonnes montantes électriques ;
  • et, par voie de conséquence, de la prise en charge des travaux de remise en état de cette armoire ou, le cas échéant, du déplacement des ouvrages contenus dans cette armoire pour permettre l’accès au réseau public.

Sur le fondement de l’article L. 346-2 du Code de l’énergie également issu de la loi ELAN, la copropriété concernée avait délibéré afin de procéder au transfert anticipé des colonnes montantes électriques équipant l’immeuble (avant, donc, le transfert automatique à compter du 24 novembre 2020 résultant de la loi ELAN). Le syndic de copropriété estimait que cette armoire métallique devait être regardée comme faisant partie de la colonne montante électrique et, par conséquent, comme devant être entretenue aux frais de la société Enedis depuis le transfert anticipé voté par la copropriété. Ladite armoire se trouvait en effet dans un état vétuste, notamment parce qu’elle n’était pas étanche.

Le CoRDiS, répondant au moyen d’incompétence soulevé par la société Enedis, commence par confirmer sa compétence en soulignant que « le différend porte bien sur les modalités d’accès ou d’utilisation du réseau public de distribution d’électricité ».

Ensuite, le CoRDiS, comme Enedis, rejette l’argumentaire du syndic au regard de la définition posée par l’article L. 346-1 du Code de l’énergie, lequel prévoit que la colonne montante désigne « l’ensemble des ouvrages électriques situés en aval du coupe-circuit principal nécessaires au raccordement au réseau public de distribution d’électricité des différents consommateurs ou producteurs situés au sein d’un même immeuble ou de bâtiments séparés construits sur une même parcelle cadastrale, à l’exception des dispositifs de comptage ». On relèvera néanmoins que le CoRDiS considère que les colonnes montantes électriques définies à l’article L. 346-1 du Code de l’énergie et ayant fait l’objet du transfert dans le réseau public de distribution d’électricité concernent, outre les «  ouvrages électriques nécessaires au raccordement à ce réseau, à sa sécurité, à son intégrité et à sa bonne exploitation », les « installations de support direct de ces ouvrages qui en sont fonctionnellement indissociables et à défaut desquelles le fonctionnement du réseau ne pourrait pas être assuré, comme en l’espèce, les panneaux en bois ». L’approche retenue par le CoRDiS est donc plus large que celle résultant d’une lecture qui se voudrait restrictive de l’article L. 346-1 du Code de l’énergie.

Pour autant, dans cette affaire, l’armoire métallique n’est pas regardée comme faisant partie de la colonne montante électrique dès lors qu’elle n’est pas un ouvrage électrique et n’en constitue pas non plus un élément indissociable.

Le CoRDiS estime, plus largement, que cette armoire ne fait pas partie du réseau concédé mais qu’elle relève de la catégorie « des équipements, mobiliers ou immobiliers, d’accueil et de protection qui permettent d’assurer la sûreté, la sécurité et le bon fonctionnement effectif du raccordement » et qui appartiennent au bénéficiaire du raccordement. Le CoRDiS rejette donc le recours de la société Nexity Lamy en considérant qu’il lui incombe de renouveler à ses frais l’armoire métallique.

C’est là une solution surprenante, le CoRDIS voyant pourtant, dans l’équipement qu’il ne regarde pas comme faisant partie de la colonne montante pas plus que du réseau, un équipement qui permet d’assurer le bon fonctionnement du raccordement, donc du réseau.

Projet de loi relatif à la lutte contre le dérèglement climatique : quelle concrétisation des propositions de la convention citoyenne pour le climat ?

Dossier législatif AN 

Avis du Conseil d’Etat du 10 février 2021 sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets 

Avis de février 2021 du Haut conseil pour le climat

 

Le 10 février 2021, un projet de loi (PJL) relatif à la lutte contre le dérèglement climatique a été présenté en conseil des ministres.

Ce PJL fait suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) et vise à entériner les propositions des 150 personnes tirées au sort afin de formuler des propositions de mesures qui permettraient de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport à 1990. Après neuf mois de travaux, la CCC avait ainsi présenté ses propositions au Gouvernement le 21 juin 2020, le Président de la République s’étant au préalable engagé à reprendre « sans filtre » les mesures qui seraient présentées par les 150 citoyens.

Le PJL présenté par le gouvernement a toutefois fait l’objet de nombreuses critiques, qui reprochent essentiellement le manque d’ambition des mesures proposées.

Les 150 citoyens de la CCC auraient donné au gouvernement une note particulièrement faible (on évoque ainsi la note de 2,5/10) s’agissant de l’ambition de ces mesures, considérant qu’elles ne permettront pas d’atteindre l’objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La prise en compte des propositions de la Convention par le PJL aurait été évaluée par les 150 citoyens à 3,3/10.

Certaines instances ont également émis des avis négatifs sur le PJL. Ainsi, le Haut conseil pour le climat, dans son avis de février 2021, appelle le Parlement à renforcer les mesures prévues. Par ailleurs, certaines dispositions ont fait l’objet de vives critiques de la part du Conseil d’Etat.

Ce projet de loi présenté par le gouvernement comporte 69 articles et se divise en six titres : consommer (I), produire et travailler (II), se déplacer (III), se loger (IV), se nourrir (V) et renforcer la protection judiciaire de l’environnement (VI).

De nombreux dispositifs ont ainsi trait à la réglementation environnementale et, en raison de leur lien avec les activités et missions des personnes publiques, méritent d’être ici examinées. Il importe toutefois de rappeler que les mesures présentées ci-dessous sont appelées à connaître des modifications. On relèvera ainsi que, à la date du 8 mars 2021, plus de 4 900 amendements ont déjà été déposés devant l’Assemblée Nationale.

 

I – Consommer 

 

Ce titre, qui comporte 12 articles, contient notamment des dispositions susceptibles d’intéresser les personnes publiques relatives à l’encadrement de la publicité (1) et au développement de la consigne pour les emballages en verre (2).

 

1 – Encadrement de la publicité (articles 4 à 10 du PJL)

La publicité a été définie par la jurisprudence de la Cour de cassation comme « tout moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés » (Cass. crim., 14 octobre 1998, n° 98-80527).

1°) Extension des pouvoirs de police du maire en matière de publicité (article 6 du PJL) : en application du droit actuellement en vigueur, l’autorité de police en matière de publicité est le préfet et, dans certaines hypothèses, le maire (article L. 581-14-2 Code de l’environnement – C. env.). L’article 6 du PJL introduit au sein du Code de l’environnement un nouvel article L. 581-3-1, lequel précise que le maire est l’autorité de police en matière de publicité et que ces pouvoirs sont exercés au nom de la commune. Ainsi, les références aux pouvoirs de police du préfet sont supprimées. Ce pouvoir de police peut néanmoins être transféré au président de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité en application de la procédure prévue à l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces dispositions entreraient en vigueur au 1er janvier 2024.

L’article 7 du PJL prévoit également que le règlement local de publicité pourrait soumettre à autorisation du maire l’installation de certaines publicités ou enseignes lumineuses. En outre, l’article 8 du PJL envisage d’étendre la possibilité, prévue à l’article L. 581-26 du C. env., pour le maire de prononcer une amende administrative de 1 500 euros en cas de non-respect des règles de publicité aux hypothèses de manquement aux dispositions encadrant la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs (régies à l’article L. 581-15 du C. env.).

 

2°) Extension de l’objet des règlements locaux de publicité (article 7 du PJL) : le PJL prévoit que les règlements locaux de publicité pourront réglementer les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial, lorsque celles-ci sont destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique. Concernant ces publicités et enseignes, le règlement local de publicité pourra ainsi définir des prescriptions « en matière d’emplacement, de surface, de hauteur et, le cas échéant d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses ». Le Conseil d’Etat considère toutefois que ces dispositions seraient susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre et appelle à mieux les encadrer.

 

3°) Autres mesures d’encadrement de la publicité. D’autres dispositions du PJL visent à interdire les publicités pour les énergies fossiles (article 4 du PJL) ou à permettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’établir des codes de conduite publicitaire visant à « réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement » et à « prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement l’impact environnemental de ces biens ou services » (article 5 du PJL). D’autres dispositifs introduisent une expérimentation de trois ans de l’interdiction de distribuer à domicile des imprimés papiers ou cartonnés à visée commerciale non adressés, sauf mention contraire expresse sur la boîte aux lettres (article 9 du PJL) ou posent l’interdiction de distribuer des échantillons sans demande expresse du consommateur (article 10 du PJL).

 

2 – Développement de la consigne pour les emballages en verre

Le PJL habilite le Gouvernement à généraliser et rendre obligatoire pour les producteurs ou les éco-organismes dont ils relèvent, à partir au moins du 1er janvier 2025, un dispositif de consigne pour tous les emballages en verre, à des fins de réemploi ou de réutilisation (article 12 du PJL).

 

II – Produire et travailler

 

Certains dispositifs du titre « produire et travailler » du PJL, qui se compose de 12 articles), ont pour objectif d’améliorer la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics (1) et de protéger les écosystèmes et la biodiversité (2).

D’autres dispositions de ce titre apportent des modifications au Code du travail (articles 16 à 18 du PJL), ont pour objectif le développement des énergies renouvelables (articles 22 à 24 du PJL), visent la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas‑carbone (article 14 du PJL) ou concernent la disponibilité de certaines pièces détachées (article 13 du PJL).

 

1°) Prise en compte de considérations environnementales dans les marchés publics (article 15 du PJL) ; L’article 15 du PJL prévoit de :

  • Rendre obligatoire, alors que cela était auparavant facultatif, la prise en compte des considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution des marchés (modification de l’article L. 2112-2 du Code de la commande publique) ;

  • Imposer la prise en compte des caractéristiques environnementales de l’offre par au moins l’un des critères de l’attribution du marché (modification de l’article L. 2152-7 du Code de la commande publique).

Les marchés de défense et de sécurité sont toutefois exclus de ces dispositifs ; concernant ceux-ci, la prise en compte des considérations relatives à l’environnement dans leurs conditions d’exécution deviendrait toutefois expressément une faculté. Par ailleurs, au sein de son avis sur le PJL, le Conseil d’Etat a regretté que ces dispositions ne soient également pas applicables aux concessions, considérant que cela aurait été pertinent et opportun.

 

2°) Ecosystèmes et diversité biologique (articles 19 à 24 du PJL) ;

L’article 19 du PJL apporte des précisions sur la définition des principes généraux en matière de protection de l’eau (article L. 210-1 du C. env.). Notamment, le texte précise la notion de « respects des équilibres naturels », qui figure déjà à l’article L. 210-1 C. env., et énonce que les écosystèmes aquatiques « constituent des éléments essentiels du patrimoine naturel et paysager de la nation ». Le Conseil d’Etat relève que la portée normative de cette mesure est faible mais non dépourvue de tout intérêt.

Au sein de ce chapitre, le PJL contient en outre plusieurs dispositifs entrainant des modifications du droit minier (article 20 du PJL) et habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer ce droit (article 21 du PJL).

 

 

III – Se déplacer

 

Le PJL définit un nouvel objectif à l’horizon 2030 en matière de vente de véhicules peu émetteurs, son article 25 énonçant que ceux-ci doivent représenter au moins 95 % des ventes de voitures particulières neuves.

1°) Mesures en faveur du stationnement des véhicules des usagers des transports publics de personnes : Le PJL prévoit la modification de l’article L. 1214-2 du Code des transports et énonce que le plan de mobilité devra contenir des informations relatives aux caractéristiques des parcs de rabattement destinés à accueillir les véhicules près des gares ou entrées de villes et que ceux-ci devront être localisés en cohérence avec les conditions de desserte des transports publics (article 26 du PJL). Cet article du PJL prévoit également la possibilité pour le maire, sur le fondement de l’article L. 2213-2 du CGCT, d’identifier des places de stationnement réservées aux véhicules des usagers des transports publics de personnes.

 

2°) Extension de l’obligation de créer des zones à faible émission mobilités (ZFE-m), des restrictions afférentes et des pouvoirs de police ; l’article 27 du PJL instaure, pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain, une obligation de créer des ZFE-m avant le 31 décembre 2024. La liste des agglomérations concernées sera définie par un arrêté. Quand dans certaines hypothèses, l’instauration d’une ZFE-m est rendue obligatoire, il est en outre prévu que les mesures de restriction devront interdire, de manière progressive, la circulation de certaines catégories de véhicules considérés comme étant particulièrement polluants. Le PJL prévoit également qu’un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles il sera possible de déroger à l’obligation de créer une ZFE-m.

Par ailleurs, en application de l’article L. 5211-9-2 du CGCT modifié, le maire transfèrerait les compétences et prérogatives qu’il détient en matière de ZFE-m au président de l’EPCI lorsque ce dernier est situé dans une ZFEM ou une zone concernée par des dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. L’exposé des motifs du PJL indique à cet égard que ce texte met en place « la création d’un pouvoir de police ad hoc ».

L’article 28 du PJL instaure également une expérimentation portant sur la création, par l’autorité de police en matière de circulation, de voies spéciales sur les autoroutes et routes express du réseau routier national et départemental desservant une ZFE-m pour les transports en commun, véhicules peu polluants, etc.

 

3°) Rôle des régions : le PJL prévoit que les régions doivent définir la politique tarifaire des services d’intérêt régional en vue d’obtenir, notamment sur le plan environnemental, la meilleure utilisation du système de transport et doivent proposer des tarifs permettant de favoriser l’usage des transports collectifs par rapport aux transports individuels (article 29 du PJL). Ces dispositions s’appliqueraient également à Ile-de-France Mobilités. Par ailleurs, le gouvernement serait habilité à légiférer par ordonnance afin de permettre aux régions et aux départements d’instituer une écotaxe routière (article 32 du PJL).

 

4°) Programmation de la fiscalité des carburants : l’article 30 du PJL énonce que, à l’issue de la présidence française de l’Union européenne en 2022, le gouvernement devra proposer au Parlement une trajectoire de suppression en 2030 du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce remboursement partiel étant régi à l’article 265 septies du Code des douanes et bénéficiant aux transporteurs routiers de marchandises.

 

5°) Mesures diverses : la participation des habitants au comité des partenaires des autorités organisatrices de transport serait également renforcée (article 34 du PJL). Diverses mesures concernent également le transport aérien, l’article 36 du PJL prévoyant l’interdiction, soumise à conditions, des lignes aériennes intérieures dont le trajet est également assuré quotidiennement par plusieurs liaisons de train de moins de 2h30 (article 36 du PJL), ainsi que l’interdiction, encadrée par les textes, des créations et extension des aéroports (article 37 du PJL).

 

 

V – Se loger

 

1 – Lutte contre l’artificialisation des sols

1°) Adaptation des règles d’urbanisme 

L’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols se traduit dans les objectifs généraux du droit de l’urbanisme, les documents de planification et les règles applicables à certaines autorisations d’urbanisme commercial et opérations d’aménagement.

S’agissant des objectifs généraux du droit de l’urbanisme, le projet de loi prévoit, à l’article 48, d’ériger la lutte contre l’artificialisation des sols au rang des objectifs généraux de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme en l’intégrant à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme.

En effet, la lutte contre l’artificialisation des sols a vocation à concerner le droit de l’urbanisme d’une manière transversale, comme le relève justement le Conseil d’Etat dans son avis du 4 février 2021.

Le projet de loi prévoit également d’insérer une définition de la notion de sols artificialisés : « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions ». Un décret en Conseil d’Etat devant, par ailleurs, établir « une nomenclature des sols artificialisés en fonction de leur occupation et de leur usage, ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée ».

S’agissant des documents d’urbanisme, Le projet de loi prévoit, à l’article 49, la mise en œuvre de cet objectif par la modification documents de planification au sein desquelles il est prévu d’intégrer « la lutte contre l’artificialisation des sols » parmi leurs objectifs.

Ceux-ci devront en effet fixer « une trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols, ainsi que, par tranches de dix années, un rythme maximal d’artificialisation calculé par rapport à la consommation d’espace observée sur les dix années précédentes ». Il s’agit de retranscrire l’objectif affiché et rappelé dans l’exposé des motifs du « Zéro artificialisation nette »

Pour sa mise en œuvre, le projet de loi privilégie l’échelon régional en prévoyant l’intégration de cet objectif au sein des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (ou en l’absence, dans le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDuC) ; schéma d’aménagement régional (SAR) pour la Guadeloupe, La Réunion, la Guyane, la Martinique et Mayotte et schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF).

Comme le relève le Conseil d’Etat dans son avis, ce niveau régional « permet de prendre en compte la diversité des situations des territoires, des effets de leurs politiques passées en matière d’artificialisation des sols et de leurs besoins actuels ».

Ces objectifs devront, ensuite, être déclinés dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales.

Temporellement, les évolutions ainsi imposées seront contraignantes dans la mesure où la procédure de modification des SRADDET, du PADDuC, des SAR et du SDRIFF devra être engagée dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Quant aux SCoT, plans locaux d’urbanisme et cartes communales, la procédure de modification devra être engagée dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme modifié immédiatement supérieur.

A noter que, dans l’hypothèse où le PLU ou la carte communale ne serait pas modifié ou révisé pour être mis en comptabilité avec les documents de planification susvisés avant le 1er juillet 2025, le projet de loi prévoit le gel de toute autorisation d’urbanisme jusqu’à l’entrée en vigueur du PLU ou de la carte modifiée.

Le projet de loi prévoit également d’intégrer au sein des SCoT la subordination de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs comportant des sols naturels, agricoles ou forestiers à soit l’existence de besoins liés aux évolutions démographique ou l’accueil d’activité économique soit à la justification de l’impossibilité de répondre aux besoins susmentionnés dans les espaces déjà urbanisés.

Une règle similaire est intégrée dans le PLU et la carte communale qui ne pourront « prévoir l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers, quel que soit leur classement dans ce document, que s’il est justifié que la capacité de construire ou d’aménager est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés ».

Enfin, le projet de loi prévoit, un nouvel article L. 2231-1 dans le CGCT prévoyant que le maire ou le président de l’EPCI compétant en matière d’urbanisme présente respectivement, au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante un rapport annuel sur la manière dont les objectifs pour lutter contre l’artificialisation des sols sur son territoire sont atteints.

S’agissant des opérations d’aménagement, en l’état, le projet de loi vise les grandes opérations d’urbanisme (GOU) – créées par la loi ELAN – en imposant la détermination d’une densité minimale afin de limiter l’étalement urbain (article 51).

S’agissant des autorisations d’urbanisme commercial, le projet de loi, dans la continuité des précédentes réformes, tend à limiter – cette fois-ci très fortement – les zones commerciales périurbaines.

L’article 52 fixe ainsi un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Par dérogation, la commission départementale d’aménagement commercial pourra, à titre exceptionnel, et sous la réserve qu’aucun foncier déjà artificialisé ne soit disponible, autoriser un projet d’une surface de vente inférieure à 10 000 m², à condition que la dérogation soit justifiée au regard des caractéristiques du territoire et en particulier de la vacance commerciale constatée, du type d’urbanisation du secteur et de la continuité du projet avec le tissu urbain existant, ou d’une éventuelle opération de revitalisation du territoire, ainsi que des qualités urbanistiques et environnementales du projet présenté, notamment si celui-ci introduit de la mixité fonctionnelle. Cette exception est également possible dans le cas d’une compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé.

Les différentes mesures précitées pourront être complétées par voie d’ordonnance par le Gouvernement (article 55).

 

2°) D’autres mesures de lutte contre l’artificialisation des sols visent plus particulièrement la protection des écosystèmes ; Le PJL prévoit ainsi l’élaboration, par l’Etat, d’une stratégie nationale des aires protégées « dont l’objectif est de couvrir, par un réseau cohérent d’aires protégées, au moins 30 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française » (article 56 du PJL).

Le projet de loi prévoit, à l’article 57, d’insérer un nouvel article L. 215-4-1 dans le Code de l’urbanisme afin de redonner à leur titulaire le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (ENS) mentionnés aux articles L. 215-4 à L. 215-18 du même code.

En effet, l’ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre premier du code de l’urbanisme avait supprimé ce droit au département dans les zones délimitées par le préfet avant l’entrée en vigueur de la loi n°85-726 du 18 juillet 1985. Il semblerait qu’une erreur de rédaction de l’ordonnance soit à l’origine de cette suppression.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de valider l’ensemble des décisions de préemption intervenues dans les périmètres sensibles depuis le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Le Conseil d’Etat a émis un avis favorable à propos de ces dispositions et relève que la suppression opérée en 2015 ne répondait pas à la volonté de ses auteurs et que « la lutte pour la protection de la biodiversité constitue un motif impérieux d’intérêt général et […] ces dispositions de validation répondent aux exigences tant constitutionnelles que conventionnelles à ce sujet ».

A noter, enfin, que le projet de loi introduit, à l’article 58, une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour permettre au Gouvernement de prendre des dispositions en matière de planification territoriale, d’urbanisme et d’aménagement pour la prise en compte du recul du trait de côte.

 

2 – Rénovation des bâtiments

 

1°) Mesure de la performance énergétique et climatique. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) constitue un document de référence qui évalue la performance énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment et la restitue à travers des étiquettes allant de A à G (article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation, CCH). Prévue par la loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique de 2018 (dite loi ELAN) qui fixait son opposabilité au 1er janvier 2021, la refonte du DPE est encore en cours. La date d’entrée en vigueur du nouveau DPE a été repoussée au 1er juillet 2021 (présentation plus lisible, méthode de calcul unique, prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, etc.). L’article 39 du PJL vise à donner une assise législative aux étiquettes du DPE en introduisant au sein du CCH un article L. 173‑1‑1 définissant les niveaux de performance énergétique utilisés, lesquels iraient de « très performant » (classe A) à « extrêmement consommateurs d’énergie » (classe G). Dans son avis du 4 février dernier sur le PJL, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que ces définitions relèvent du pouvoir réglementaire et n’ont pas vocation à figurer dans une loi.

 

2°) Adaptation des obligations d’audit énergétique et de DPE. Le PJL modifie le champ d’application de l’obligation de réaliser un audit énergétique avant la vente d’un bien immobilier. Cette obligation concerne actuellement la vente de tout ou partie d’un bâtiment lorsque sa consommation énergétique primaire est supérieure ou égale à 331 kilowattheures par mètre carré et par an (article L. 126-28 du CCH). Le PJL retire du champ d’application de cette exigence la vente de logements en copropriété. Il supprime par ailleurs la référence à la consommation énergétique primaire de l’article L.126-28 du CCH précité et introduit au sein de ce code un article L. 126-28-1 qui vise les « logements qui sont extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie au sens de l’article L. 173-1-1 ».

En ce qui concerne le DPE pour les bâtiments d’habitation collective, l’article L. 126-31 du CCH prévoit actuellement la réalisation de ce diagnostic pour les bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement. L’article 40 du PJL modifie cet article pour que « tout bâtiment d’habitation collective dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 » dispose d’un diagnostic de performance énergétique devant en principe être renouvelé ou mis à jour au minimum tous les dix ans et ce, à compter du 1er janvier 2024 (selon un calendrier échelonné à compter de 2024 pour les copropriétés).

 

3°) Interdiction pour un propriétaire de rehausser le loyer de son bien en cas de consommation énergétique excessive. L’article 41 du PJL modifie la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs en prévoyant notamment l’interdiction pour un propriétaire de rehausser le loyer de son bien à l’occasion d’un nouveau bail, d’un renouvellement de bail ou en cours de bail lorsque la consommation énergétique du logement est excessive au sens de l’article L. 173‑1‑1 du CPH introduit par le PJL, à savoir pour les logements des classes F et G.

L’article 42 du PJL prévoit par ailleurs qu’à compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance d’un logement décent ne pourra être inférieur au niveau « très peu performant » du DPE (classe E).

 

4°) Elargissement des missions du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Le PJL complète, notamment, les missions du SPPEH organisé aux articles L. 232-1 et L. 232-2 du Code de l’énergie, pour y ajouter une mission d’accompagnement des ménages dans la définition et la réalisation des travaux d’amélioration thermique de leur logement.

 

5°) Obligation d’élaborer un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés. Afin d’anticiper la réalisation et le financement de travaux au sein des copropriétés, la loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, avait mis en place un dispositif reposant à la fois sur la réalisation d’un diagnostic technique global facultatif (articles L. 731-1 et suivants du CCH), la possibilité d’adopter un plan pluriannuel de travaux (article L. 731-2 du CCH) ainsi que l’obligation, à l’issue d’une période de cinq ans suivant la date de la réception de l’immeuble concerné, de constituer et d’abonder un fonds de travaux chaque année à hauteur de 5 % du montant du budget prévisionnel (article 14-2 de la loi n° 65 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis). L’article 44 du PJL renforce ce dispositif en instaurant, à l’issue d’un délai de quinze ans à compter de la date de réception de tout immeuble relevant du statut de la copropriété, une obligation de faire élaborer et de soumettre à l’assemblée générale des copropriétaires un projet de plan pluriannuel de travaux et de le faire réviser tous les dix ans. Cette obligation n’est néanmoins pas applicable si l’immeuble a fait l’objet d’un diagnostic technique global qui n’a fait apparaître aucun besoin de travaux dans les dix prochaines années. Par ailleurs, l’adoption du plan demeure, dans tous les cas, facultative. De plus, le PJL amende les dispositions existantes de la loi de 1965 précitée relatives au fonds de travaux. Il est notamment prévu que, lorsqu’un plan pluriannuel de travaux a été adopté, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 2,5 % du montant estimé de ces travaux (en l’absence de plan adopté, cette cotisation demeurerait fixée à un minimum de 5 % du montant du budget prévisionnel) – tout en passant de cinq à dix ans le délai au terme duquel l’obligation de constituer un fonds de travaux s’impose et en recentrant les dépenses concernées.

 

6°) Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour généraliser la référence à un niveau de performance énergétique. L’article 45 du PJL habilite le Gouvernement (article 38 de la Constitution) à généraliser, dans les différents textes législatifs, la notion de « niveau » pour qualifier la performance énergétique d’un bâtiment ou partie de bâtiment (selon le nouvel article L. 173-1-1 du CCH) en la substituant aux références chiffrées.

 

3 – Domaine public

Interdiction des terrasses chauffées ou climatisées. L’article 46 du PJL renvoie au pouvoir règlementaire la définition des conditions permettant aux personnes publiques de subordonner la délivrance des autorisations d’occupation à la prise en compte de considérations environnementales (modification de l’article L. 2122-1 du CG3P). L’exposé des motifs de la loi indique que cet article « ambitionne de diminuer la consommation d’énergie superflue, notamment en sécurisant l’interdiction généralisée des terrasses chauffées ».

 

 

V – Se nourrir

 

1°) Mesures relatives à la restauration collective : l’article 59 du PJL instaure une expérimentation, pour les collectivités territoriales volontaires, qui pourront proposer quotidiennement un menu végétarien dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Le Conseil d’Etat relève néanmoins que le caractère purement volontaire de cette expérimentation rend cette disposition « dépourvue de portée normative » et considère ainsi qu’elle devrait donc être retirée de la loi.

En outre, les exigences de la loi EGALIM qui s’imposent à la restauration collective publique et qui sont régies à l’article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) seraient étendues aux restaurations collectives privées à compter du 1er janvier 2025 (article 60 du PJL). A titre d’exemple, l’article L. 230-5-1 du CRPM prévoit une part minimale, dans les repas proposés, de produits issus notamment de l’agriculture biologique, faisant l’objet d’un écolabel ou d’une certification à haute valeur environnementale, etc.

 

2°) Mesures relatives à l’agriculture : l’article 65 du PJL introduit un nouvel article préliminaire au sein du CRPM, aux termes duquel les objectifs des documents de programmation stratégique nationale visant à mettre en œuvre la politique agricole commune devraient être compatibles avec la stratégie bas‑carbone, la stratégie nationale pour la biodiversité, le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement, ainsi qu’avec l’objectif de lutte contre la déforestation importée.

Par ailleurs, une taxation des engrais azotés pourrait être adoptée si, durant deux années consécutives, les objectifs annuels en matière de réduction des émissions d’ammoniac et des émissions de protoxyde d’azote ne seraient pas atteints (article 62 du PJL).

 

3°) Autres mesures : le mécanisme d’alerte pour la déforestation importée qui avait été discuté lors de l’adoption de la loi de finances pour 2021 mais censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire, est repris à l’article 64 du PJL. Cet article prévoit ainsi que les agents des douanes, tenus au secret professionnel, pourraient échanger des informations intéressant la lutte contre la déforestation importée avec les agents chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale contre la déforestation importée (SNDI).

Enfin, il peut être souligné que le PJL vise à encadrer et réformer l’utilisation du label « équitable », lequel fait déjà l’objet d’un encadrement à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (article 66 du PJL). Le PJL apporte deux précisions, la première « vise à rendre obligatoire le recours à un label pour les entreprises se revendiquant du commerce équitable », la seconde indique que les entreprises du commerce équitable doivent valoriser des modes de production et d’exploitation respectueux de l’environnement et de la biodiversité.

 

VI – Renforcement de la protection judiciaire de l’environnement

 

Le PJL prévoit la création de deux nouveaux délits au sein du Code de l’environnement, dits « délits d’écocide » (articles 67 à 69 du PJL).

Tout d’abord, l’article 67 du PJL sanctionne la mise en danger de l’environnement. Ainsi, constitue un délit certains comportements exposant la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat de dégradation grave et durable. Ce texte précise également qu’une dégradation durable est une dégradation susceptible de durer au moins 10 ans. La sanction encourue serait de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

En outre, l’article 68 du PJL vise à élargir le délit de pollution des eaux et à instaurer un délit de pollution de l’air. Cet article sanctionne ainsi le fait direct ou indirect, en la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air ou de déverser dans l’eau une substance entrainant des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau. Lorsque les faits de ces infractions sont commis de manière intentionnelle, elles sont alors qualifiées « d’écocide ».

L’article 68 du PJL instaure également un nouvel article dans le Code de l’environnement, visant à réprimer certaines pollutions des sols. Ce délit sera également qualifié d’écocide lorsque les faits sont commis en connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits.

Ces dispositions ont été critiquées par les associations de protection de l’environnement, qui énoncent que ces deux délits vident la notion d’écocide de son sens. Les 150 citoyens de la convention climat avaient en effet initialement proposé la rédaction suivante du crime d’écocide : « Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Arthur Gayet, Christophe Farineau, Julie Cazou, Marine Corbière et Garance Bouvet

Augmentation des contributions financières des Agences de l’eau à l’Office français de la biodiversité

Un arrêté en date du 28 janvier 2021 relatif à la contribution financière des agences de l’eau à l’Office français de la biodiversité vient d’être publié au Journal officiel.

Cet arrêté, pris sur le fondement de l’article 135 de la loi de finances pour 2018, vise à déterminer le montant et l’échéancier de versement de chaque Agence de l’eau auprès de l’Office français de la biodiversité. Il importe de souligner que le montant de ces contributions financières a été augmenté par l’article 82 de la loi de finances pour 2021. En effet, si la loi de finances pour 2018 prévoyait que ces contributions devaient être comprises entre 321,6 millions et 348,6 millions d’euros, la loi de finances pour 2021 énonce que leur montant doit se situer entre 362,6 millions d’euros et 389,6 millions d’euros. Cette augmentation s’explique par le fait que, tel que cela a été prévu par la loi de finances pour 2021, la contribution financière des agences de l’eau intègre désormais une dotation de 41 millions d’euros dédiée au financement du programme Ecophyto.

Pour l’année 2021, les redevances des Agences de l’eau à l’OFB ont ainsi été fixées à 372 894 272 euros. Ce montant avait été fixé, en 2020, à 331 894 272 euros et à 280 274 272 euros en 2019 (montant fixés respectivement par les arrêtés du 4 février 2020 relatif à la contribution financière des agences de l’eau à l’Office français de la biodiversité et du 11 février 2019 relatif à la contribution financière des agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage).

On note ainsi une augmentation non négligeable du montant de la contribution due par les agences de l’eau, laquelle a fait l’objet de critiques, notamment lors des débats parlementaires ayant entouré l’adoption de la loi de finances pour 2021. Cette modification entraine en effet une diminution du budget de ces agences et est susceptible de limiter par là-même leurs capacités d’intervention.

Arrêté anti-pesticides fondé sur la compétence déchet : le Préfet n’a pas d’intérêt à agir sur le fondement d’un référé-liberté

A la suite du coup d’arrêt imposé par le Conseil d’Etat par sa décision du 31 décembre 2020 s’agissant des arrêtés des Maires interdisant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de leurs communes fondés sur l’exercice de leur pouvoir de police générale, les élus de plusieurs communes ont réengagé la bataille en adoptant de nouveaux arrêtés fondés cette fois-ci sur leur compétence de police des déchets.

L’arrêté du Maire de La Montagne prévoit ainsi, à son article 3, que tout rejet de produits phytopharmaceutiques hors de la propriété à laquelle ils sont destinés constitue un dépôt de déchets et est interdit sur le territoire communal.

Dans la même logique que pour les arrêtés précédents, le Préfet de Loire-Atlantique a alors déféré cet arrêté devant le juge administratif afin de faire suspendre, dans un premier temps, puis de faire annuler cet arrêté, en soutenant que l’article 3 en question porterait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, au droit de propriété et aux principes régissant la matière répressive.

Sa demande de suspension était ainsi fondée sur le référé-liberté prévu par l’article L. 554-3 du Code de justice administrative, contrairement aux référés auxquels il était « habituellement » fait recours dans le cadre des arrêtés fondés sur le pouvoir de police générale du Maire, fondés sur le référé-suspension de l’article L. 554-1 du Code de justice administrative

Le Tribunal administratif de Nantes, saisi du recours en référé, a alors jugé, par une ordonnance du 5 mars 2021, que le Préfet n’avait pas intérêt à agir via ce référé-liberté et que sa requête devait donc être rejetée. Le juge a notamment rappelé que les demandes présentées sur ce fondement s’inscrivent dans une procédure contentieuse dérogatoire au droit commun des déférés préfectoraux à fins de suspension, et doivent ainsi être conditionnées par la justification d’un degré suffisant quant à l’atteinte aux libertés publiques ou individuelles qu’elles visent à prévenir.

Or, en l’espèce, eu égard à la situation sur le territoire de la commune de La Montagne, le juge a estimé qu’aucune des atteintes visées par le Préfet n’était susceptible de revêtir un degré de gravité justifiant le recours à l’article L. 554-3 du Code de justice administrative. En outre, le juge retient que les atteintes aux principes régissant la matière répressive invoquées par le Préfet ne lui confère pas plus un intérêt à agir dans la mesure où les amendes prévues par l’arrêté correspondent à un mécanisme prévu par la loi et mis en œuvre par le Maire en sa qualité d’officier de police judiciaire.