Urbanisme, aménagement et foncier
le 11/03/2021
Arthur GAYET
Julie CAZOU

Projet de loi relatif à la lutte contre le dérèglement climatique : quelle concrétisation des propositions de la convention citoyenne pour le climat ?

Dossier législatif AN 

Avis du Conseil d’Etat du 10 février 2021 sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets 

Avis de février 2021 du Haut conseil pour le climat

 

Le 10 février 2021, un projet de loi (PJL) relatif à la lutte contre le dérèglement climatique a été présenté en conseil des ministres.

Ce PJL fait suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) et vise à entériner les propositions des 150 personnes tirées au sort afin de formuler des propositions de mesures qui permettraient de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport à 1990. Après neuf mois de travaux, la CCC avait ainsi présenté ses propositions au Gouvernement le 21 juin 2020, le Président de la République s’étant au préalable engagé à reprendre « sans filtre » les mesures qui seraient présentées par les 150 citoyens.

Le PJL présenté par le gouvernement a toutefois fait l’objet de nombreuses critiques, qui reprochent essentiellement le manque d’ambition des mesures proposées.

Les 150 citoyens de la CCC auraient donné au gouvernement une note particulièrement faible (on évoque ainsi la note de 2,5/10) s’agissant de l’ambition de ces mesures, considérant qu’elles ne permettront pas d’atteindre l’objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La prise en compte des propositions de la Convention par le PJL aurait été évaluée par les 150 citoyens à 3,3/10.

Certaines instances ont également émis des avis négatifs sur le PJL. Ainsi, le Haut conseil pour le climat, dans son avis de février 2021, appelle le Parlement à renforcer les mesures prévues. Par ailleurs, certaines dispositions ont fait l’objet de vives critiques de la part du Conseil d’Etat.

Ce projet de loi présenté par le gouvernement comporte 69 articles et se divise en six titres : consommer (I), produire et travailler (II), se déplacer (III), se loger (IV), se nourrir (V) et renforcer la protection judiciaire de l’environnement (VI).

De nombreux dispositifs ont ainsi trait à la réglementation environnementale et, en raison de leur lien avec les activités et missions des personnes publiques, méritent d’être ici examinées. Il importe toutefois de rappeler que les mesures présentées ci-dessous sont appelées à connaître des modifications. On relèvera ainsi que, à la date du 8 mars 2021, plus de 4 900 amendements ont déjà été déposés devant l’Assemblée Nationale.

 

I – Consommer 

 

Ce titre, qui comporte 12 articles, contient notamment des dispositions susceptibles d’intéresser les personnes publiques relatives à l’encadrement de la publicité (1) et au développement de la consigne pour les emballages en verre (2).

 

1 – Encadrement de la publicité (articles 4 à 10 du PJL)

La publicité a été définie par la jurisprudence de la Cour de cassation comme « tout moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés » (Cass. crim., 14 octobre 1998, n° 98-80527).

1°) Extension des pouvoirs de police du maire en matière de publicité (article 6 du PJL) : en application du droit actuellement en vigueur, l’autorité de police en matière de publicité est le préfet et, dans certaines hypothèses, le maire (article L. 581-14-2 Code de l’environnement – C. env.). L’article 6 du PJL introduit au sein du Code de l’environnement un nouvel article L. 581-3-1, lequel précise que le maire est l’autorité de police en matière de publicité et que ces pouvoirs sont exercés au nom de la commune. Ainsi, les références aux pouvoirs de police du préfet sont supprimées. Ce pouvoir de police peut néanmoins être transféré au président de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité en application de la procédure prévue à l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces dispositions entreraient en vigueur au 1er janvier 2024.

L’article 7 du PJL prévoit également que le règlement local de publicité pourrait soumettre à autorisation du maire l’installation de certaines publicités ou enseignes lumineuses. En outre, l’article 8 du PJL envisage d’étendre la possibilité, prévue à l’article L. 581-26 du C. env., pour le maire de prononcer une amende administrative de 1 500 euros en cas de non-respect des règles de publicité aux hypothèses de manquement aux dispositions encadrant la publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs (régies à l’article L. 581-15 du C. env.).

 

2°) Extension de l’objet des règlements locaux de publicité (article 7 du PJL) : le PJL prévoit que les règlements locaux de publicité pourront réglementer les publicités et enseignes situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial, lorsque celles-ci sont destinées à être visibles d’une voie ouverte à la circulation publique. Concernant ces publicités et enseignes, le règlement local de publicité pourra ainsi définir des prescriptions « en matière d’emplacement, de surface, de hauteur et, le cas échéant d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses ». Le Conseil d’Etat considère toutefois que ces dispositions seraient susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre et appelle à mieux les encadrer.

 

3°) Autres mesures d’encadrement de la publicité. D’autres dispositions du PJL visent à interdire les publicités pour les énergies fossiles (article 4 du PJL) ou à permettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’établir des codes de conduite publicitaire visant à « réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement » et à « prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement l’impact environnemental de ces biens ou services » (article 5 du PJL). D’autres dispositifs introduisent une expérimentation de trois ans de l’interdiction de distribuer à domicile des imprimés papiers ou cartonnés à visée commerciale non adressés, sauf mention contraire expresse sur la boîte aux lettres (article 9 du PJL) ou posent l’interdiction de distribuer des échantillons sans demande expresse du consommateur (article 10 du PJL).

 

2 – Développement de la consigne pour les emballages en verre

Le PJL habilite le Gouvernement à généraliser et rendre obligatoire pour les producteurs ou les éco-organismes dont ils relèvent, à partir au moins du 1er janvier 2025, un dispositif de consigne pour tous les emballages en verre, à des fins de réemploi ou de réutilisation (article 12 du PJL).

 

II – Produire et travailler

 

Certains dispositifs du titre « produire et travailler » du PJL, qui se compose de 12 articles), ont pour objectif d’améliorer la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics (1) et de protéger les écosystèmes et la biodiversité (2).

D’autres dispositions de ce titre apportent des modifications au Code du travail (articles 16 à 18 du PJL), ont pour objectif le développement des énergies renouvelables (articles 22 à 24 du PJL), visent la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie nationale bas‑carbone (article 14 du PJL) ou concernent la disponibilité de certaines pièces détachées (article 13 du PJL).

 

1°) Prise en compte de considérations environnementales dans les marchés publics (article 15 du PJL) ; L’article 15 du PJL prévoit de :

  • Rendre obligatoire, alors que cela était auparavant facultatif, la prise en compte des considérations relatives à l’environnement dans les conditions d’exécution des marchés (modification de l’article L. 2112-2 du Code de la commande publique) ;

  • Imposer la prise en compte des caractéristiques environnementales de l’offre par au moins l’un des critères de l’attribution du marché (modification de l’article L. 2152-7 du Code de la commande publique).

Les marchés de défense et de sécurité sont toutefois exclus de ces dispositifs ; concernant ceux-ci, la prise en compte des considérations relatives à l’environnement dans leurs conditions d’exécution deviendrait toutefois expressément une faculté. Par ailleurs, au sein de son avis sur le PJL, le Conseil d’Etat a regretté que ces dispositions ne soient également pas applicables aux concessions, considérant que cela aurait été pertinent et opportun.

 

2°) Ecosystèmes et diversité biologique (articles 19 à 24 du PJL) ;

L’article 19 du PJL apporte des précisions sur la définition des principes généraux en matière de protection de l’eau (article L. 210-1 du C. env.). Notamment, le texte précise la notion de « respects des équilibres naturels », qui figure déjà à l’article L. 210-1 C. env., et énonce que les écosystèmes aquatiques « constituent des éléments essentiels du patrimoine naturel et paysager de la nation ». Le Conseil d’Etat relève que la portée normative de cette mesure est faible mais non dépourvue de tout intérêt.

Au sein de ce chapitre, le PJL contient en outre plusieurs dispositifs entrainant des modifications du droit minier (article 20 du PJL) et habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer ce droit (article 21 du PJL).

 

 

III – Se déplacer

 

Le PJL définit un nouvel objectif à l’horizon 2030 en matière de vente de véhicules peu émetteurs, son article 25 énonçant que ceux-ci doivent représenter au moins 95 % des ventes de voitures particulières neuves.

1°) Mesures en faveur du stationnement des véhicules des usagers des transports publics de personnes : Le PJL prévoit la modification de l’article L. 1214-2 du Code des transports et énonce que le plan de mobilité devra contenir des informations relatives aux caractéristiques des parcs de rabattement destinés à accueillir les véhicules près des gares ou entrées de villes et que ceux-ci devront être localisés en cohérence avec les conditions de desserte des transports publics (article 26 du PJL). Cet article du PJL prévoit également la possibilité pour le maire, sur le fondement de l’article L. 2213-2 du CGCT, d’identifier des places de stationnement réservées aux véhicules des usagers des transports publics de personnes.

 

2°) Extension de l’obligation de créer des zones à faible émission mobilités (ZFE-m), des restrictions afférentes et des pouvoirs de police ; l’article 27 du PJL instaure, pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain, une obligation de créer des ZFE-m avant le 31 décembre 2024. La liste des agglomérations concernées sera définie par un arrêté. Quand dans certaines hypothèses, l’instauration d’une ZFE-m est rendue obligatoire, il est en outre prévu que les mesures de restriction devront interdire, de manière progressive, la circulation de certaines catégories de véhicules considérés comme étant particulièrement polluants. Le PJL prévoit également qu’un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles il sera possible de déroger à l’obligation de créer une ZFE-m.

Par ailleurs, en application de l’article L. 5211-9-2 du CGCT modifié, le maire transfèrerait les compétences et prérogatives qu’il détient en matière de ZFE-m au président de l’EPCI lorsque ce dernier est situé dans une ZFEM ou une zone concernée par des dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. L’exposé des motifs du PJL indique à cet égard que ce texte met en place « la création d’un pouvoir de police ad hoc ».

L’article 28 du PJL instaure également une expérimentation portant sur la création, par l’autorité de police en matière de circulation, de voies spéciales sur les autoroutes et routes express du réseau routier national et départemental desservant une ZFE-m pour les transports en commun, véhicules peu polluants, etc.

 

3°) Rôle des régions : le PJL prévoit que les régions doivent définir la politique tarifaire des services d’intérêt régional en vue d’obtenir, notamment sur le plan environnemental, la meilleure utilisation du système de transport et doivent proposer des tarifs permettant de favoriser l’usage des transports collectifs par rapport aux transports individuels (article 29 du PJL). Ces dispositions s’appliqueraient également à Ile-de-France Mobilités. Par ailleurs, le gouvernement serait habilité à légiférer par ordonnance afin de permettre aux régions et aux départements d’instituer une écotaxe routière (article 32 du PJL).

 

4°) Programmation de la fiscalité des carburants : l’article 30 du PJL énonce que, à l’issue de la présidence française de l’Union européenne en 2022, le gouvernement devra proposer au Parlement une trajectoire de suppression en 2030 du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce remboursement partiel étant régi à l’article 265 septies du Code des douanes et bénéficiant aux transporteurs routiers de marchandises.

 

5°) Mesures diverses : la participation des habitants au comité des partenaires des autorités organisatrices de transport serait également renforcée (article 34 du PJL). Diverses mesures concernent également le transport aérien, l’article 36 du PJL prévoyant l’interdiction, soumise à conditions, des lignes aériennes intérieures dont le trajet est également assuré quotidiennement par plusieurs liaisons de train de moins de 2h30 (article 36 du PJL), ainsi que l’interdiction, encadrée par les textes, des créations et extension des aéroports (article 37 du PJL).

 

 

V – Se loger

 

1 – Lutte contre l’artificialisation des sols

1°) Adaptation des règles d’urbanisme 

L’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols se traduit dans les objectifs généraux du droit de l’urbanisme, les documents de planification et les règles applicables à certaines autorisations d’urbanisme commercial et opérations d’aménagement.

S’agissant des objectifs généraux du droit de l’urbanisme, le projet de loi prévoit, à l’article 48, d’ériger la lutte contre l’artificialisation des sols au rang des objectifs généraux de l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme en l’intégrant à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme.

En effet, la lutte contre l’artificialisation des sols a vocation à concerner le droit de l’urbanisme d’une manière transversale, comme le relève justement le Conseil d’Etat dans son avis du 4 février 2021.

Le projet de loi prévoit également d’insérer une définition de la notion de sols artificialisés : « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions ». Un décret en Conseil d’Etat devant, par ailleurs, établir « une nomenclature des sols artificialisés en fonction de leur occupation et de leur usage, ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée ».

S’agissant des documents d’urbanisme, Le projet de loi prévoit, à l’article 49, la mise en œuvre de cet objectif par la modification documents de planification au sein desquelles il est prévu d’intégrer « la lutte contre l’artificialisation des sols » parmi leurs objectifs.

Ceux-ci devront en effet fixer « une trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols, ainsi que, par tranches de dix années, un rythme maximal d’artificialisation calculé par rapport à la consommation d’espace observée sur les dix années précédentes ». Il s’agit de retranscrire l’objectif affiché et rappelé dans l’exposé des motifs du « Zéro artificialisation nette »

Pour sa mise en œuvre, le projet de loi privilégie l’échelon régional en prévoyant l’intégration de cet objectif au sein des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (ou en l’absence, dans le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDuC) ; schéma d’aménagement régional (SAR) pour la Guadeloupe, La Réunion, la Guyane, la Martinique et Mayotte et schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF).

Comme le relève le Conseil d’Etat dans son avis, ce niveau régional « permet de prendre en compte la diversité des situations des territoires, des effets de leurs politiques passées en matière d’artificialisation des sols et de leurs besoins actuels ».

Ces objectifs devront, ensuite, être déclinés dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales.

Temporellement, les évolutions ainsi imposées seront contraignantes dans la mesure où la procédure de modification des SRADDET, du PADDuC, des SAR et du SDRIFF devra être engagée dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Quant aux SCoT, plans locaux d’urbanisme et cartes communales, la procédure de modification devra être engagée dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du document d’urbanisme modifié immédiatement supérieur.

A noter que, dans l’hypothèse où le PLU ou la carte communale ne serait pas modifié ou révisé pour être mis en comptabilité avec les documents de planification susvisés avant le 1er juillet 2025, le projet de loi prévoit le gel de toute autorisation d’urbanisme jusqu’à l’entrée en vigueur du PLU ou de la carte modifiée.

Le projet de loi prévoit également d’intégrer au sein des SCoT la subordination de l’ouverture à l’urbanisation de nouveaux secteurs comportant des sols naturels, agricoles ou forestiers à soit l’existence de besoins liés aux évolutions démographique ou l’accueil d’activité économique soit à la justification de l’impossibilité de répondre aux besoins susmentionnés dans les espaces déjà urbanisés.

Une règle similaire est intégrée dans le PLU et la carte communale qui ne pourront « prévoir l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers, quel que soit leur classement dans ce document, que s’il est justifié que la capacité de construire ou d’aménager est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés ».

Enfin, le projet de loi prévoit, un nouvel article L. 2231-1 dans le CGCT prévoyant que le maire ou le président de l’EPCI compétant en matière d’urbanisme présente respectivement, au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante un rapport annuel sur la manière dont les objectifs pour lutter contre l’artificialisation des sols sur son territoire sont atteints.

S’agissant des opérations d’aménagement, en l’état, le projet de loi vise les grandes opérations d’urbanisme (GOU) – créées par la loi ELAN – en imposant la détermination d’une densité minimale afin de limiter l’étalement urbain (article 51).

S’agissant des autorisations d’urbanisme commercial, le projet de loi, dans la continuité des précédentes réformes, tend à limiter – cette fois-ci très fortement – les zones commerciales périurbaines.

L’article 52 fixe ainsi un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraîneraient une artificialisation des sols. Par dérogation, la commission départementale d’aménagement commercial pourra, à titre exceptionnel, et sous la réserve qu’aucun foncier déjà artificialisé ne soit disponible, autoriser un projet d’une surface de vente inférieure à 10 000 m², à condition que la dérogation soit justifiée au regard des caractéristiques du territoire et en particulier de la vacance commerciale constatée, du type d’urbanisation du secteur et de la continuité du projet avec le tissu urbain existant, ou d’une éventuelle opération de revitalisation du territoire, ainsi que des qualités urbanistiques et environnementales du projet présenté, notamment si celui-ci introduit de la mixité fonctionnelle. Cette exception est également possible dans le cas d’une compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé.

Les différentes mesures précitées pourront être complétées par voie d’ordonnance par le Gouvernement (article 55).

 

2°) D’autres mesures de lutte contre l’artificialisation des sols visent plus particulièrement la protection des écosystèmes ; Le PJL prévoit ainsi l’élaboration, par l’Etat, d’une stratégie nationale des aires protégées « dont l’objectif est de couvrir, par un réseau cohérent d’aires protégées, au moins 30 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française » (article 56 du PJL).

Le projet de loi prévoit, à l’article 57, d’insérer un nouvel article L. 215-4-1 dans le Code de l’urbanisme afin de redonner à leur titulaire le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (ENS) mentionnés aux articles L. 215-4 à L. 215-18 du même code.

En effet, l’ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre premier du code de l’urbanisme avait supprimé ce droit au département dans les zones délimitées par le préfet avant l’entrée en vigueur de la loi n°85-726 du 18 juillet 1985. Il semblerait qu’une erreur de rédaction de l’ordonnance soit à l’origine de cette suppression.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de valider l’ensemble des décisions de préemption intervenues dans les périmètres sensibles depuis le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Le Conseil d’Etat a émis un avis favorable à propos de ces dispositions et relève que la suppression opérée en 2015 ne répondait pas à la volonté de ses auteurs et que « la lutte pour la protection de la biodiversité constitue un motif impérieux d’intérêt général et […] ces dispositions de validation répondent aux exigences tant constitutionnelles que conventionnelles à ce sujet ».

A noter, enfin, que le projet de loi introduit, à l’article 58, une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour permettre au Gouvernement de prendre des dispositions en matière de planification territoriale, d’urbanisme et d’aménagement pour la prise en compte du recul du trait de côte.

 

2 – Rénovation des bâtiments

 

1°) Mesure de la performance énergétique et climatique. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) constitue un document de référence qui évalue la performance énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment et la restitue à travers des étiquettes allant de A à G (article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation, CCH). Prévue par la loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique de 2018 (dite loi ELAN) qui fixait son opposabilité au 1er janvier 2021, la refonte du DPE est encore en cours. La date d’entrée en vigueur du nouveau DPE a été repoussée au 1er juillet 2021 (présentation plus lisible, méthode de calcul unique, prise en compte des émissions de gaz à effet de serre, etc.). L’article 39 du PJL vise à donner une assise législative aux étiquettes du DPE en introduisant au sein du CCH un article L. 173‑1‑1 définissant les niveaux de performance énergétique utilisés, lesquels iraient de « très performant » (classe A) à « extrêmement consommateurs d’énergie » (classe G). Dans son avis du 4 février dernier sur le PJL, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que ces définitions relèvent du pouvoir réglementaire et n’ont pas vocation à figurer dans une loi.

 

2°) Adaptation des obligations d’audit énergétique et de DPE. Le PJL modifie le champ d’application de l’obligation de réaliser un audit énergétique avant la vente d’un bien immobilier. Cette obligation concerne actuellement la vente de tout ou partie d’un bâtiment lorsque sa consommation énergétique primaire est supérieure ou égale à 331 kilowattheures par mètre carré et par an (article L. 126-28 du CCH). Le PJL retire du champ d’application de cette exigence la vente de logements en copropriété. Il supprime par ailleurs la référence à la consommation énergétique primaire de l’article L.126-28 du CCH précité et introduit au sein de ce code un article L. 126-28-1 qui vise les « logements qui sont extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie au sens de l’article L. 173-1-1 ».

En ce qui concerne le DPE pour les bâtiments d’habitation collective, l’article L. 126-31 du CCH prévoit actuellement la réalisation de ce diagnostic pour les bâtiments équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement. L’article 40 du PJL modifie cet article pour que « tout bâtiment d’habitation collective dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 » dispose d’un diagnostic de performance énergétique devant en principe être renouvelé ou mis à jour au minimum tous les dix ans et ce, à compter du 1er janvier 2024 (selon un calendrier échelonné à compter de 2024 pour les copropriétés).

 

3°) Interdiction pour un propriétaire de rehausser le loyer de son bien en cas de consommation énergétique excessive. L’article 41 du PJL modifie la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs en prévoyant notamment l’interdiction pour un propriétaire de rehausser le loyer de son bien à l’occasion d’un nouveau bail, d’un renouvellement de bail ou en cours de bail lorsque la consommation énergétique du logement est excessive au sens de l’article L. 173‑1‑1 du CPH introduit par le PJL, à savoir pour les logements des classes F et G.

L’article 42 du PJL prévoit par ailleurs qu’à compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance d’un logement décent ne pourra être inférieur au niveau « très peu performant » du DPE (classe E).

 

4°) Elargissement des missions du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Le PJL complète, notamment, les missions du SPPEH organisé aux articles L. 232-1 et L. 232-2 du Code de l’énergie, pour y ajouter une mission d’accompagnement des ménages dans la définition et la réalisation des travaux d’amélioration thermique de leur logement.

 

5°) Obligation d’élaborer un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés. Afin d’anticiper la réalisation et le financement de travaux au sein des copropriétés, la loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, avait mis en place un dispositif reposant à la fois sur la réalisation d’un diagnostic technique global facultatif (articles L. 731-1 et suivants du CCH), la possibilité d’adopter un plan pluriannuel de travaux (article L. 731-2 du CCH) ainsi que l’obligation, à l’issue d’une période de cinq ans suivant la date de la réception de l’immeuble concerné, de constituer et d’abonder un fonds de travaux chaque année à hauteur de 5 % du montant du budget prévisionnel (article 14-2 de la loi n° 65 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis). L’article 44 du PJL renforce ce dispositif en instaurant, à l’issue d’un délai de quinze ans à compter de la date de réception de tout immeuble relevant du statut de la copropriété, une obligation de faire élaborer et de soumettre à l’assemblée générale des copropriétaires un projet de plan pluriannuel de travaux et de le faire réviser tous les dix ans. Cette obligation n’est néanmoins pas applicable si l’immeuble a fait l’objet d’un diagnostic technique global qui n’a fait apparaître aucun besoin de travaux dans les dix prochaines années. Par ailleurs, l’adoption du plan demeure, dans tous les cas, facultative. De plus, le PJL amende les dispositions existantes de la loi de 1965 précitée relatives au fonds de travaux. Il est notamment prévu que, lorsqu’un plan pluriannuel de travaux a été adopté, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 2,5 % du montant estimé de ces travaux (en l’absence de plan adopté, cette cotisation demeurerait fixée à un minimum de 5 % du montant du budget prévisionnel) – tout en passant de cinq à dix ans le délai au terme duquel l’obligation de constituer un fonds de travaux s’impose et en recentrant les dépenses concernées.

 

6°) Habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour généraliser la référence à un niveau de performance énergétique. L’article 45 du PJL habilite le Gouvernement (article 38 de la Constitution) à généraliser, dans les différents textes législatifs, la notion de « niveau » pour qualifier la performance énergétique d’un bâtiment ou partie de bâtiment (selon le nouvel article L. 173-1-1 du CCH) en la substituant aux références chiffrées.

 

3 – Domaine public

Interdiction des terrasses chauffées ou climatisées. L’article 46 du PJL renvoie au pouvoir règlementaire la définition des conditions permettant aux personnes publiques de subordonner la délivrance des autorisations d’occupation à la prise en compte de considérations environnementales (modification de l’article L. 2122-1 du CG3P). L’exposé des motifs de la loi indique que cet article « ambitionne de diminuer la consommation d’énergie superflue, notamment en sécurisant l’interdiction généralisée des terrasses chauffées ».

 

 

V – Se nourrir

 

1°) Mesures relatives à la restauration collective : l’article 59 du PJL instaure une expérimentation, pour les collectivités territoriales volontaires, qui pourront proposer quotidiennement un menu végétarien dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Le Conseil d’Etat relève néanmoins que le caractère purement volontaire de cette expérimentation rend cette disposition « dépourvue de portée normative » et considère ainsi qu’elle devrait donc être retirée de la loi.

En outre, les exigences de la loi EGALIM qui s’imposent à la restauration collective publique et qui sont régies à l’article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) seraient étendues aux restaurations collectives privées à compter du 1er janvier 2025 (article 60 du PJL). A titre d’exemple, l’article L. 230-5-1 du CRPM prévoit une part minimale, dans les repas proposés, de produits issus notamment de l’agriculture biologique, faisant l’objet d’un écolabel ou d’une certification à haute valeur environnementale, etc.

 

2°) Mesures relatives à l’agriculture : l’article 65 du PJL introduit un nouvel article préliminaire au sein du CRPM, aux termes duquel les objectifs des documents de programmation stratégique nationale visant à mettre en œuvre la politique agricole commune devraient être compatibles avec la stratégie bas‑carbone, la stratégie nationale pour la biodiversité, le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l’environnement, ainsi qu’avec l’objectif de lutte contre la déforestation importée.

Par ailleurs, une taxation des engrais azotés pourrait être adoptée si, durant deux années consécutives, les objectifs annuels en matière de réduction des émissions d’ammoniac et des émissions de protoxyde d’azote ne seraient pas atteints (article 62 du PJL).

 

3°) Autres mesures : le mécanisme d’alerte pour la déforestation importée qui avait été discuté lors de l’adoption de la loi de finances pour 2021 mais censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire, est repris à l’article 64 du PJL. Cet article prévoit ainsi que les agents des douanes, tenus au secret professionnel, pourraient échanger des informations intéressant la lutte contre la déforestation importée avec les agents chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale contre la déforestation importée (SNDI).

Enfin, il peut être souligné que le PJL vise à encadrer et réformer l’utilisation du label « équitable », lequel fait déjà l’objet d’un encadrement à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (article 66 du PJL). Le PJL apporte deux précisions, la première « vise à rendre obligatoire le recours à un label pour les entreprises se revendiquant du commerce équitable », la seconde indique que les entreprises du commerce équitable doivent valoriser des modes de production et d’exploitation respectueux de l’environnement et de la biodiversité.

 

VI – Renforcement de la protection judiciaire de l’environnement

 

Le PJL prévoit la création de deux nouveaux délits au sein du Code de l’environnement, dits « délits d’écocide » (articles 67 à 69 du PJL).

Tout d’abord, l’article 67 du PJL sanctionne la mise en danger de l’environnement. Ainsi, constitue un délit certains comportements exposant la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat de dégradation grave et durable. Ce texte précise également qu’une dégradation durable est une dégradation susceptible de durer au moins 10 ans. La sanction encourue serait de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

En outre, l’article 68 du PJL vise à élargir le délit de pollution des eaux et à instaurer un délit de pollution de l’air. Cet article sanctionne ainsi le fait direct ou indirect, en la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air ou de déverser dans l’eau une substance entrainant des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau. Lorsque les faits de ces infractions sont commis de manière intentionnelle, elles sont alors qualifiées « d’écocide ».

L’article 68 du PJL instaure également un nouvel article dans le Code de l’environnement, visant à réprimer certaines pollutions des sols. Ce délit sera également qualifié d’écocide lorsque les faits sont commis en connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits.

Ces dispositions ont été critiquées par les associations de protection de l’environnement, qui énoncent que ces deux délits vident la notion d’écocide de son sens. Les 150 citoyens de la convention climat avaient en effet initialement proposé la rédaction suivante du crime d’écocide : « Constitue un crime d’écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

Arthur Gayet, Christophe Farineau, Julie Cazou, Marine Corbière et Garance Bouvet