Adoption de la loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 : dérogation au principe de parité et nécessité d’assurer la continuité de la représentation des communes au sein des intercommunalités

La loi n° 2023-506 tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires a été promulguée le 26 juin 2023 (JORF n° 0147 du 27 juin 2023).

Aux termes d’un article unique, celle-ci vient insérer un nouvel alinéa à l’article L. 273-10 du Code électoral qui prévoit ainsi que :

« Par dérogation au troisième alinéa [de l’article L. 273-10 du Code électoral], au terme de la première année suivant l’installation du conseil municipal de la commune concernée, lorsqu’il n’existe pas de conseiller municipal ou de conseiller d’arrondissement pouvant être désigné en application des deux premiers alinéas [portant sur la vacance des sièges des conseillers communautaires], le siège devenu vacant est pourvu par le premier candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu, sans tenir compte de son sexe. Lorsqu’il n’y a plus de candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement pouvant pourvoir le siège sur la liste des candidats au siège de conseiller communautaire, le siège est pourvu par le premier conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe ».

Pour rappel, la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes a introduit à l’article 3 de la Constitution le principe selon lequel la loi « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (JORF n° 157 du 9 juillet 1999).

Ainsi, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires (JORF n° 0114 du 18 mai 2013) impose que la représentation des communes de plus de 1000 habitants dans les conseils communautaires doit répondre à un objectif de parité au sein des instances locales.

Plus précisément, les alinéas I et II de l’article L. 273-10 du Code électoral issus de l’adoption de la loi précitée prévoit que la parité, dans les communes de plus de 1000 habitants, s’applique pendant tout le mandat de conseiller communautaire, même en cas de vacance du siège.

Une stricte application de cette règle conduisait à ce qu’en l’absence de candidat de même sexe pouvant assurer la vacance du siège, le siège reste vacant jusqu’à la fin du mandat.

Les nouvelles dispositions, ont vocation à revenir la vacance permanente d’un siège des sièges de conseiller communautaire. Ainsi, comme le rappelle la Rapporteure de la loi devant l’Assemblée nationale, Madame Poussier-Winsback, la vacance des sièges est dommageable à plusieurs titres :

« En premier lieu, la commune voit sa représentation au sein du conseil communautaire amoindrie – lorsqu’elle ne disparaît pas purement et simplement. C’est particulièrement préjudiciable au vu des compétences de plus en plus étendues des intercommunalités et de la nécessaire représentation des communes en leur sein.

En deuxième lieu, la vacance d’un siège peut modifier les équilibres de représentation entre la commune-centre et les autres – notamment en faveur de la commune la plus peuplée, même si l’inverse est aussi vrai. Dans nombre d’intercommunalités, la commune-centre n’est pas loin de détenir la majorité absolue des sièges au conseil communautaire. Cette limite prévue par la loi peut alors être contournée du fait de la démission d’un conseiller communautaire d’une commune moins peuplée.

En troisième lieu, les droits de l’opposition peuvent se trouver limités lorsque le siège rendu vacant est celui d’un conseiller élu sur une liste d’opposition ». (Assemblée nationale, Débats parlementaires, « compte rendu intégral des séances du 15 juin 2023, 1ère séance, présentation, discussion générale, discussion des articles : art unique, après l’art unique, titre, vote sur l’ensemble »).

Au titre de ce constat, les nouvelles dispositions de la loi en date du 26 juin 2023 prévoient ainsi qu’à la fin de la première année suivant l’installation du conseil municipal de la commune concernée, lorsque le siège du conseiller est vacant et qu’il n’y a pas de conseiller municipal ou d’arrondissement de même sexe capable de le remplacer, il est possible d’attribuer le siège de conseiller vacant :

  • au premier candidat élu conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement suivant sur la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire sur laquelle le conseiller à remplacer a été élu, sans tenir compte de son sexe ;
  • au premier conseiller municipal ou conseiller d’arrondissement élu sur la liste correspondante des candidats aux sièges de conseiller municipal n’exerçant pas de mandat de conseiller communautaire, sans tenir compte de son sexe.

Dès lors, la loi n° 2023-506 du 26 juin 2023 illustre une volonté de concilier les principes de parité et de représentation des communes au sein des intercommunalités.

Fixation des seuils de réduction de capital des sociétés en cas de perte de leurs capitaux propres

Le Décret n° 2023-657 en date du 25 juillet 2023, entré en vigueur le 27 juillet 2023, fixe les seuils de réduction de capital des sociétés en cas de perte de leurs capitaux propres.

Lorsque les capitaux propres des sociétés commerciales (SARL, SA, SAS, SCA ou SE) deviennent inférieurs à la moitié de leur capital, les associés doivent convoquer une assemblée générale extraordinaire dans un délai de 4 mois à compter de la perte, pour décider de dissoudre la société de façon anticiper, ou de la maintenir en vie à condition de régulariser la situation[1].

Cette régularisation de la situation implique de reconstituer les capitaux propres ou de réduire le capital social dans un délai de deux ans, sauf à s’exposer à la dissolution de la société qui peut alors être sollicitée en justice par tout intéressé.

L’article 14 de la Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 a modifié la procédure de régularisation en ajoutant une étape intermédiaire : si, à l’issue du premier délai de deux ans, la société n’a pas reconstitué ses capitaux propres à une valeur au moins égale à la moitié du capital social mais que ce capital est supérieur à « un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat », la société bénéficie d’un nouveau délai de deux ans pour réduire son capital à une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

L’idée est de faciliter le rapprochement de valeur entre les capitaux propres et le capital social, y compris lorsque ce dernier est initialement trop élevé pour que ce rapprochement soit fait dans un seul délai de deux ans.

Le Décret n° 2023-657 du 25 juillet 2023 vient justement fixer les seuils auxquels le capital trop élevé doit être réduit au cours du second délai de deux ans.

Ces seuils varient selon la forme sociale :

  • Pour les SARL et les SAS, le seuil est fixé à 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice (article R.223-37 nouveau du Code de commerce pour les SARL, et article R. 225-166-1, a) nouveau du Code de commerce pour les SAS),
  • Pour les SA, les SCA et les SE, le seuil est fixé à la valeur la plus élevée entre 1 % du total du bilan de la société constaté lors de la dernière clôture d’exercice et le capital social minimal, fixé à 37.000 € pour les SA et les SCA (article L. 224-2 du Code de commerce) et à 120 000 € pour les SE (article R 225-166-1, b) nouveau du Code de commerce).

NB : ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

 

[1] Articles L. 225-248, L. 223-42, L. 227-1 al. 3, L. 226-1 al. 2 et L. 229-1 al. 2 du Code de commerce

Régime Dutreil – Transmission de biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle de loueur meublé

Le fait d’exercer une activité de loueur meublé sous la forme de l’entreprise individuelle et de louer les biens à une société, effectuant elle-même de la sous-location, ne prive pas le loueur du bénéfice de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (régime Dutreil, article 787 C du CGI) (Cass. Com., 21 juin 2023, n° 21-18.226).

Contexte

Une femme exerçait l’activité de loueur meublé sous la forme de l’entreprise individuelle. A partir de 2011, elle loue son meublé à une société effectuant elle-même de la sous-location.

La femme décède en 2012 et laisse pour lui succéder deux héritières qui se prévalent auprès de l’administration de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit applicable en cas de transmission de biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle (régime Dutreil, article 787 C CGI).

L’administration écarte l’exonération et considère qu’en louant ses biens à une société, la défunte s’était déchargée de leur gestion et avait cessé son activité individuelle au jour de son décès.

La Cour d’appel de Grenoble approuve la position de l’administration (CA Grenoble, 11 mai 2021, n° 19/01583).

Censure de l’arrêt d’appel : le fait de louer ses biens meublés à une société effectuant elle-même de la sous-location ne prive par du bénéfice de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : elle considère que le fait de louer ses biens meublés à une société effectuant elle-même de la sous-location ne constitue pas un arrêt de l’activité de loueur meublé, de sorte que l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit reste applicable à la transmission des biens affectés à cette exploitation.

La liste des communes « Zone Tendue » s’allonge – impact sur les baux d’habitation et les taxes

Le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 rallonge la liste des « Zones tendues » : 2.232 communes s’y ajoutent en raison de la crise du logement. Ce décret a des conséquences sur les baux d’habitation (loyers et préavis) et sur les taxes réglées par les propriétaires.

Réduction du préavis de départ du locataire

Le fait, pour une commune, de faire partie de la liste des villes situées en « Zone Tendue » octroie aux locataires le bénéfice d’un préavis de départ systématiquement réduit à un mois au lieu de trois, quel que soit le type d’habitation.

Encadrement des loyers

L’encadrement des loyers visés à l’article 140 de la Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « Loi ELAN » est également applicable dans les communes qui font partie de la liste des villes situées en « Zone Tendue ».

Taxes réglées par les propriétaires

Enfin, le fait, pour une commune, de faire partie de la liste des villes situées en « Zone Tendue » permet également l’application de la taxe sur les logements vacants (« TLV »), voire de la taxe d’habitation sur les logements vacants (« THLV ») sur décision de la commune.

La TLV vise les locaux d’habitation non-meublés (appartements ou maisons) vacants depuis au moins un an au 1er janvier de l’année d’imposition (article 232 CGI). Sont exclus du champ de la TLV :

  • Les résidences secondaires meublées soumises à la taxe d’habitation ;
  • Les logements détenus par les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) ;
  • Les logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du contribuable (ex : biens en vente qui ne trouvent pas d’acheteur, biens visés par des opérations de réhabilitation).

Lorsque les logements vacants ne sont pas concernés par la TLV, la commune peut décider d’instaurer la THLV qui est alors due par les propriétaires possédant un logement vacant à usage d’habitation depuis plus de deux ans consécutifs au 1er janvier de l’année d’imposition.

Bail commercial – Exclusion du droit de préemption pour les locaux à usage industriel et définition de la notion par la Cour de cassation calquée sur celle retenue par le Conseil d’Etat en matière fiscale

Confirmant que les locaux à usage industriel n’entrent pas dans le champ d’application du droit de préemption conféré au locataire commercial, la Cour de cassation saisit l’occasion de donner, pour la première fois, une définition de la notion de local à usage industriel calquée sur celle retenue par le Conseil d’Etat en matière fiscale.

Le contexte

Une société fabriquant des éléments de construction loue un local en vertu d’un bail commercial. Le bailleur met en vente son local sans mettre en œuvre le droit de préemption au profit de la société locataire, au motif qu’elle n’en bénéficierait pas compte-tenu de son activité industrielle non visée par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. En effet, cet article confère un droit de préemption au locataire qui exerce une activité dans un local « à usage commercial ou artisanal ».

La locataire saisit les juridictions pour solliciter l’annulation de la vente en raison de la violation du droit de préemption, mais la Cour de cassation rejette sa demande et donne raison au bailleur.

Confirmation de l’exclusion du droit de préemption et définition du local à usage industriel selon les critères du Conseil d’Etat

La Cour confirme en premier lieu l’exclusion des locaux à usage industriel du champ d’application du droit de préemption en matière de bail commercial (Cass. Com., art. L. 145-46-1). En l’absence de définition légale de local à usage industriel, la Cour de cassation s’appuie sur les critères dégagés par le Conseil d’Etat en matière fiscale pour caractériser cette notion :

« Le Conseil d’Etat a […] jugé que, au sens des articles 44 septies (CE, 28 février 2007, n° 283441), 244 quater B (CE, 13 juin 2016, n° 380490) et 1465 (CE, 3 juillet 2015, n° 369851) du Code général des impôts, ont un caractère industriel les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.

  1. Si la définition donnée par le juge administratif relève de la matière fiscale, les critères dégagés sont opérants […] pour délimiter la portée de l’exclusion des locaux à usage industriel du droit de préférence.
  1. Dès lors, au sens de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant ».

En l’espèce, la Cour de cassation constate sur ce fondement que le local loué n’est pas à usage commercial mais bien industriel :

  • Les locaux loués sont destinés à la fabrication d’agglomérés ;
  • Les statuts de la société prévoient une activité de « préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite, plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton » ;
  • L’activité de négoce n’est qu’accessoire.

Confirmant le caractère industriel de l’activité et de la destination des locaux dans lequel elle était exercée, la Cour de cassation écarte tout droit de préemption au profit du locataire.

A retenir : c’est la première fois que la Cour de cassation donne une définition du local à usage industriel, en s’inspirant des critères retenus par le Conseil d’Etat en matière fiscale.

La clause résolutoire ne joue pas pour l’occupation illicite de locaux non-compris dans l’assiette du bail commercial

L’occupation illicite de locaux non-compris dans l’assiette du bail commercial ne peut être sanctionnée par la clause résolutoire générale de ce bail, qui prévoit la résiliation en cas d’inexécution ou défaut de paiement d’une seule charge et condition du contrat.

Le contexte

Un propriétaire délivre un commandement de payer à son locataire commercial, visant la clause résolutoire prévoyant de façon générale que « le bail sera résilié de plein droit à défaut du paiement d’un seul terme à son échéance ou à défaut d’exécution d’une seule des charges et conditions du bail » (classique). Le propriétaire profite de cet acte pour sommer son locataire de cesser d’occuper de façon illicite des locaux non-compris dans l’assiette du bail, et de se conformer à la surface prévue au contrat. Le locataire règle sa dette locative dans le délai imparti mais ne cesse pas son occupation illicite, de sorte que le propriétaire l’assigne en acquisition de la clause résolutoire.

Sanction de la Cour de cassation : Interprétation restrictive de la clause résolutoire

La Cour de cassation rejette la demande du propriétaire au motif que : « la résiliation de plein droit du bail prévue par l’article L. 145-41 du Code de commerce ne peut sanctionner qu’un manquement pour lequel la mise en œuvre de la clause résolutoire est prévue ». La Haute Juridiction rappelle ainsi que la clause doit sanctionner contractuellement et précisément l’infraction, et qu’elle ne peut jouer que pour la violation d’une obligation expressément prévue au bail.

En conséquence, une attention toute particulière doit être portée à la rédaction précise de la clause résolutoire.

La Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite dite Loi « Anti-squat » est entrée en vigueur le 29 juillet suivant et a beaucoup fait parler d’elle.

Elle lutte contre l’occupation illicite du bien d’autrui et protège davantage les propriétaires. Certaines mesures sont toutefois mises en place pour favoriser en parallèle la recherche de solutions amiables contre les impayés locatifs.

Aggravation des sanctions pénales contre le squat

L’article 226-4 du Code pénal sanctionne désormais l’occupation illicite du domicile d’autrui par 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende (au lieu de 1 an et 15.000 € avant la Loi). La notion de domicile est élargie à « tout local d’habitation contenant des biens meubles appartenant [à autrui], que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ». Les résidences secondaires sont donc également protégées. Le nouvel article 315-1 du Code pénal créé par la Loi sanctionne quant à lui l’occupation illicite des bâtiments à usage commercial, agricole ou professionnel par 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

Clause résolutoire obligatoire

Les baux d’habitation doivent désormais contenir une clause résolutoire pour loyers impayés (art. 24 de la Loi du 6 juillet 1989).

Attention : en l’absence de précision contraire par la Loi, cette obligation devrait s’appliquer à tous les baux conclus après son entrée en vigueur le 29 juillet 2023. Cela reste toutefois à préciser par le législateur ou par la jurisprudence. 

Révision de la procédure d’acquisition de la clause résolutoire en faveur des propriétaires

Le délai octroyé au locataire pour régulariser sa dette locative après délivrance d’un commandement de payer passe de 2 mois à 6 semaines (article 24 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Si les impayés persistent, le bailleur peut délivrer une assignation aux fins d’acquisition de la clause résolutoire et expulsion du locataire. Elle doit être dénoncée au préfet 6 semaines minimum avant la date d’audience, au lieu de 2 mois avant l’entrée en vigueur de la Loi.

Attention : l’obligation de signaler le commandement de payer à la CCAPEX subsiste si l’impayé dure depuis plus de deux mois ou s’il est égal à 2 fois le montant du loyer.

En revanche, le délai de saisine de la CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) au moins de 2 mois avant l’assignation sous peine d’irrecevabilité de celle-ci demeure, ce qui, dans cette situation précise, rend concrètement inefficace le nouveau délai d’effet du commandement.

L’article 24 modifié rappelle enfin que le juge peut octroyer des délais de paiement si, au jour de l’audience, le locataire est en situation de régler sa dette et qu’il a repris le versement intégral du loyer courant. Le délai maximum est de 3 ans par dérogation à l’article 1343-5 du Code civil.

Recommandations :

  • Notifier tout impayé à la CAF/CCAPEX pour favoriser les solutions amiables ;
  • Saisir un Commissaire de Justice pour délivrer le commandement de payer et le notifier simultanément à la CCAPEX ;
  • Laisser courir un délai de 2 mois ;
  • Délivrer l’assignation avec une notification simultanée au préfet ;
  • La date d’audience doit être postérieure à 6 semaines.

Recherche de solutions amiables favorisée en matière d’impayés locatifs

L’article 7-2 de la Loi n° 90-449 du 31 mai 1990 dite « BESSON I » a été mis à jour : il renforce les missions des Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX).

La coordination des CCAPEX avec le préfet et les CAF est également favorisée pour permettre de mieux évaluer la situation des expulsions locatives, décider du maintien ou de la suspension des APL, et orienter le traitement des signalements d’impayés vers un accompagnement social en vue de l’apurement de la dette.

Censure seulement partielle par le Conseil d’Etat de l’un des décrets Zéro Artificialisation Nette du 29 avril 2022 en ce qui concerne la définition des zones artificialisées

CE, 4 octobre 2023, n° 465343

    L’association des maires de France (AMF) a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation du décret n° 2022-763 en date du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme, décret consécutif à la loi dite « Climat et Résilience » de 2021 ayant notamment fixé l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en France à l’horizon 2050. Ce décret, dit décret « Nomenclature » a pour objectif de déterminer les surfaces devant être considérées comme artificialisées et celles comme non artificialisées.

Le Conseil d’Etat a jugé que le décret ne remplissait pas pleinement son office. Il a, d’abord, cité l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme, créé par l’article 1er du décret attaqué. Pour rappel, selon cet article :

« I.- Les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d’urbanisme portent sur les surfaces terrestres jusqu’à la limite haute du rivage de la mer.

 II.- Les surfaces sont classées dans les catégories de la nomenclature annexée au présent article. Le classement est effectué selon l’occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme.

 L’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géolocalisée.

Le solde entre les surfaces artificialisées et les surfaces désartificialisées est évalué au regard des catégories indiquées dans la nomenclature.

III.-Au sens de l’article L. 101-2-1 et du présent article, les documents de planification régionale sont :

1° Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires mentionné à l’article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales ;

2° Le plan d’aménagement et développement durable de Corse mentionné à l’article L. 4424-9 du Code général des collectivités territoriales ;

3° Le schéma d’aménagement régional mentionné à l’article L. 4433-7 du Code général des collectivités territoriales ;

4° Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France mentionné à l’article L. 123-1 du présent code ».

Ensuite, le Conseil d’Etat a relevé que cet article se référait à la notion de « polygone » et renvoyait, s’agissant de la définition de la surface desdits polygones, à « un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme selon les standards du Conseil national de l’information géolocalisée », lesquels ne font pas l’objet d’une définition par décret en Conseil d’Etat.

L’AMF reprochait au décret de déléguer à un arrêté une précision qui devait être prise par décret.

Retenant le bienfondé de cette critique, le Conseil d’Etat a considéré que « les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, comme il leur appartenait de le faire […] l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».

En d’autres termes, en revoyant simplement à la notion de polygone sans donner de précision suffisante sur la manière seraient déterminés et appliqués, le Gouvernement n’a pas satisfait à ses obligations résultant de la loi Climat Résilience.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé le 2ème alinéa du II. de l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme.

Il y a fort à parier qu’un futur décret va venir combler cette carence née de cette annulation. En effet, l’on vous rappelle qu’en parallèle de l’adoption de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux dite « Loi ZAN », deux projets de décrets ont été mis à la consultation du public durant l’été, dont les versions finalisées devraient être publiées prochainement.

    A l’inverse, le Conseil d’Etat a rejeté, le même jour, un second recours émanant également de l’AMF et tendant à l’annulation du décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), dit décret SRADDET (CE, 4 octobre 2023, n° 465343).

L’association requérante reprochait au décret de prévoir que la cible d’artificialisation nette des sols soit fixée par les règles du fascicule du SRADDET, en méconnaissance de la loi qui en fait un simple objectif. En somme, l’AMF estimait que les textes prévoyaient que le SRADDET s’imposerait de manière trop stricte aux documents locaux (SCOT, PLU, etc.).

Le Conseil d’Etat n’a pas retenu cet argument et a jugé que la fixation des objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional, dans le cadre des SRADDET, qui s’imposeront ensuite aux documents locaux au niveau intercommunal et communal par un rapport de compatibilité, est conforme à la loi de 2021.

L’un des autres reproches qui était fait à ce décret, était celui de l’absence de prise en compte, par le décret, des efforts déjà réalisés au titre des critères à prendre pour fixer au niveau local les objectifs ZAN. Toutefois, le Conseil d’Etat juge qu’une telle mention n’était pas nécessaire, dans la mesure où la loi « Climat Résilience » elle-même prévoit que ces efforts passés pourront être pris en compte lors de l’élaboration du document, notamment par le biais de l’association des établissements publics chargés de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale à la fixation et à la déclinaison des objectifs du SRADDET en matière de maîtrise de l’artificialisation.

Une servitude provisoire n’a pas à être prise en compte comme un élément de moins-value d’un bien exproprié lors de la fixation judiciaire des indemnités

Dans cette affaire, une parcelle appartenant à une société civile immobilière (SCI) a été déclarée cessible pour cause d’utilité publique au profit d’un établissement public d’aménagement (EPA).

L’ordonnance d’expropriation a logiquement transféré la propriété de la parcelle de la SCI à l’EPA.

Seulement, à défaut d’accord amiable sur la valeur de la parcelle, la SCI ayant refusé l’offre d’indemnisation de l’EPA, ce dernier a été contraint de saisir le juge de l’expropriation aux fins de fixation de l’indemnité de dépossession.

L’EPA fait ici grief à l’arrêt de la Cour d’appel d’avoir fixé l’indemnité de dépossession devant revenir à la SCI sans tenir compte, dans l’évaluation de la parcelle, de la circonstance qu’elle était située dans un secteur couvert par un périmètre d’attente de projet global qui limitait de manière drastique les possibilités de construction, alors même que cette limitation existait bien à la date de référence.

A suivre l’EPA, une telle circonstance est un élément de moins-value de la parcelle qui doit nécessairement venir en réduction du prix de cette dernière.

Saisie d’un tel pourvoi de l’EPA, la Cour de cassation a, d’abord, rappelé l’article L. 322-4 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, lequel renvoie à l’article L. 322-3 du même Code, et en a tiré la conclusion que « ce texte ne précise pas si les servitudes devant être prises en compte à la date de référence doivent être permanentes ».

En effet, pour rappel, l’article L. 322-4 du Code précité dispose que :

« L’évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l’article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l’utilisation des sols et notamment des servitudes d’utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive ».

Tandis que l’article L. 322-3 du même Code dispose que :

« La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article L. 1 ou, dans le cas prévu à l’article L. 122-4, un an avant la déclaration d’utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l’absence d’un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d’une commune ;

2° Effectivement desservis par une voie d’accès, un réseau électrique, un réseau d’eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l’urbanisme et à la santé publique l’exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d’assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu’il s’agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme, un document d’urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l’objet d’une opération d’aménagement d’ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l’ensemble de la zone.

Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l’article L. 322-2 ».

Ensuite, la Cour de cassation ajoute que, à l’inverse, s’agissant de « l’évaluation des terrains selon leur usage effectif, l’article L. 322-2 du même Code prévoit que seules les servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l’utilisation ou l’exploitation des biens à la date de référence doivent être prises en compte ». En effet, l’alinéa 2 de cet article dispose que : « il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l’utilisation ou l’exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive ».

Puis, la Cour de cassation fait référence aux débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi n° 85-729 en date du 18 juillet 1985 qui a modifié l’ancien article L. 13-15 I. du Code de l’expropriation, devenu L. 322-2 du même Code, afin de confirmer que le « législateur a entendu aligner l’évaluation des terrains selon leur usage effectif et celle prévue pour les terrains à bâtir quant à la prise en compte des servitudes ».

La Cour de cassation en déduit donc que « seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l’évaluation des terrains à bâtir ».

Par conséquent, selon la Cour de cassation, « la servitude tenant à l’existence d’un périmètre d’attente d’un projet d’aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n’a pas à être prise en compte pour l’évaluation du terrain ».

La Cour de cassation rappelle donc que, dans notre espèce, à la date de référence du 26 mai 2016, la parcelle de terrain à bâtir était bien classée en zone constructible du document d’urbanisme local applicable et également située au sein d’un périmètre d’attente d’un projet d’aménagement global qui limitait les possibilités de constructions. Toutefois, la Cour de cassation confirme que c’est à bon droit que la Cour d’appel a retenu que cette limitation provisoire n’avait pas à être prise en compte pour l’évaluation de la parcelle.

La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de l’EPA.

Actualités du droit du numérique et des nouvelles technologies : bilan annuel des dernières actualités et décisions

Comme à chaque rentrée, l’heure du focus sur les actualités en droit du numérique et des nouvelles technologies est arrivée. Au cours de l’année passée, l’intelligence artificielle a été au cœur de l’actualité et des préoccupations. Extractive, générative, l’IA est vue comme un accélérateur de compétence par certains (de plus en plus nombreux), et comme un danger par d’autres (menace pour le travail, insécurité du contenu, qualité approximative). Le recours à l’IA par les collectivités ne relève plus du simple domaine prospectif. L’IA est notamment utilisée en matière de mobilité, de vidéoprotection, pour l’instruction des dossiers d’aide sociale des départements. L’utilisation, par tous les agents, de ces outils et, bientôt, d’assistants comme l’assistant basé sur ChatGPT que Microsoft prévoit d’intégrer dans sa suite bureautique, soulève de nombreuses questions notamment en ce qui concerne la maîtrise des usages et des données, conduisant certaines collectivités à limiter et même, parfois, à interdire le recours à certains outils issus de l’IA. A ce jour, les tribunaux français n’ont pas eu, à notre connaissance, à se pencher sur des affaires impliquant l’IA et notre focus ne vise qu’une décision rendue par une juridiction américaine. Outre cette actualité, et pour la 5ème année consécutive, le focus fait le bilan des dernières décisions rendues en droit du numérique, des nouvelles technologies et des contrats et projets informatiques (vous pouvez consulter les focus « Droit du numérique » et des nouvelles technologies des années précédentes en suivant les liens suivants : LAJ de septembre 2022 (numéro #136), LAJ de septembre 2021 (numéro#124), LAJ de septembre 2020 (numéro #112) et LAJ d’octobre 2019 (numéro #101). Bonne lecture.

Audrey LEFEVRE, Sara BEN ABDELADHIM et Lucile MARTIN

CA Paris, 25 janvier 2023, n° 19/15256

CA Bordeaux, 6 juin 2023, n° 23/00962

CA Paris, 17 mai 2023, n° 21/15795

I. Actualités en droit de la propriété intellectuelle

1. 1 Intelligence artificielle et droit d’auteur

US District court, District of Columbia, 18 août 2023, Stephen Thaler c/ Shira Perlmutter, n° 22-1564 (BAH)

En matière d’intelligence artificielle, l’une des questions qui se pose de manière récurrente porte sur la reconnaissance ou non d’une protection au titre du droit d’auteur sur une œuvre entièrement créée par un outil d’intelligence artificielle.

Si les tribunaux français ne se sont pas encore prononcés à ce sujet, les juridictions de première instance américaines ont eu à se pencher sur cette question récemment, au sujet d’une image intitulée « A Recent Entrance to Paradise », créée par un outil d’intelligence artificielle.

En l’espèce, le créateur de cet outil revendiquait les droits d’auteur sur cette image. La juridiction américaine a rejeté la protection du droit d’auteur (notion de « copyright » en droit américain) et la qualification d’œuvre, le processus de création n’ayant pas été à l’initiative du demandeur mais de l’outil d’intelligence artificielle.

Il semble ressortir de cette décision que la protection au titre du droit d’auteur ne devrait pouvoir être reconnue (ou partiellement reconnue) que dès lors qu’il y a une intervention humaine dans le processus de création de l’œuvre.

Ce raisonnement sera probablement suivi par les juridictions françaises dont l’approche est déjà très humaniste en matière de droit d’auteur.

A ce titre, on peut relever la proposition de loi en date du 12 septembre 2023[1] visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur, dont le but est principalement d’offrir une protection plus poussée et une meilleure rémunération aux artistes impactés par l’intelligence artificielle notamment dans le marché de l’art.

Il y est notamment proposé de préciser certaines dispositions du Code de la propriété intellectuelle en indiquant :

  • la mention « œuvre générée par IA » ainsi que le nom de l’auteur de l’œuvre artificielle ;
  • que les titulaires de droits d’auteur en cas de création d’une œuvre par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe, restent les auteurs ayant permis de concevoir l’œuvre artificielle ; et
  • qu’une taxation pourra être instaurée au bénéfice de l’organisme chargé de la gestion collective dès lors que l’origine de l’œuvre engendrée par l’intelligence artificielle ne peut être déterminée.

1.2 Contrefaçon de logiciels

Non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle en matière de contrefaçon de logiciel

Cass. Civ., 1ère, 5 octobre 2022, n° 21-15.386

Dans cette affaire, la société Entr’Ouvert, éditrice du logiciel dénommé « Lasso », a assigné la société Orange en contrefaçon de droits d’auteur et en parasitisme du fait de la fourniture, par cette dernière, dans le cadre de l’appel d’offre pour la réalisation du portail « Mon Service Public » de l’Etat, d’une solution informatique intégrant ce logiciel en violation des clauses du contrat de sa licence libre.

Les juges de première instance, dans un jugement rendu le 21 juin 2019, avaient déclaré la société EntrOuvert irrecevable à agir sur le fondement délictuel de la contrefaçon, rejetant également sa demande au titre du parasitisme. Par un arrêt en date du 19 mars 2021, la Cour d’appel a, pour sa part, confirmé le jugement de première instance considérant que dès lors que le fait générateur de l’atteinte aux droits d’auteur résultait d’un manquement contractuel, seule l’action en responsabilité contractuelle était recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités. La Cour a, en revanche, infirmé le jugement de première instance en ce qu’il n’a pas retenu le parasitisme, considérant au contraire que le logiciel « Lasso » modifié par la société Orange lui avait bien procuré l’avantage de pouvoir répondre à l’appel d’offre de l’Etat en respectant les prérequis demandés, et a condamné cette dernière à payer 500.000 euros au titre du parasitisme.

La Cour de cassation a cassé la décision et considéré que, dans le cadre d’une atteinte portée à ses droits d’auteur, le titulaire, lorsqu’il ne bénéficie pas de la protection nécessaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle, peut agir en contrefaçon sur le terrain délictuel, sans contrevenir aux règles de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, même en présence d’un contrat de licence.

Sur cette actualité, voir également notre brève de décembre 2022.

 

Appréciation de la contrefaçon de logiciel

TJ Paris, 3e ch, 2e sec., 25 novembre 2022

S’agissant de l’appréciation de la contrefaçon de logiciel, les juges du Tribunal judiciaire de Lille rappellent que celle-ci s’apprécie par la reprise des codes sources.

Dans cette affaire, la société Clecim soutenait que la société Deepgray Vision, qui était intervenue pour la maintenance d’un système informatique d’un client, avait utilisé des codes source de son logiciel, violant ainsi ses droits d’auteur sur ce logiciel.

Le Tribunal a conclu à l’absence de contrefaçon du logiciel en considérant, d’une part, que la société Clecim ne prouvait pas l’utilisation des codes source de son logiciel, et, d’autre part, que la société Deepgray Vision avait développé une solution de logiciel unique.

En outre, le Tribunal a considéré que la société Clecim n’avait pu démontrer techniquement le fondement de ses demandes financières élevées, notamment sur l’utilisation des codes source du logiciel litigieux. Il a également constaté le refus de la contreproposition de la société Deepgray Vision et son refus de toute médiation et a condamné la société Clecim à une indemnité de 40.000 euros au titre de procédure abusive.

Il ressort de cette décision qu’il est dans l’intérêt de tout demandeur de justifier ses demandes et de démontrer sa volonté résoudre un litige par voie amiable afin d’éviter une condamnation pour procédure abusive qui peut s’avérer très lourde.

 

Cass. Civ., 1ère, 6 juillet 2022, n° 20-21.270

Dans une autre affaire portant également sur une action en contrefaçon pour reprise d’un logiciel, la Cour de cassation a, de manière surprenante, confirmé la décision de la Cour d’appel qui avait écarté la contrefaçon au motif que la seule reprise d’une fonctionnalité ne constituait pas automatiquement une contrefaçon.

En l’espèce, elle a considéré que le logiciel litigieux ne reprenait pas d’éléments caractéristiques du logiciel initial, en se fondant, pour cette appréciation, sur l’existence de fonctionnalités supplémentaires.

Cette décision surprend en ce qu’elle laisse entendre que la contrefaçon résulterait de la comparaison des fonctionnalités du logiciel alors qu’il est de jurisprudence constante que la protection des logiciels porte sur la forme (le code source et la documentation du logiciel) et non sur les concepts et idées (les fonctionnalités) qui restent de libre parcours.

Il est également étonnant de constater que les juges s’appuient exclusivement sur les différences entre les logiciels pour en déduire l’absence de contrefaçon alors que les logiciels ne dérogent pas au principe d’appréciation de la contrefaçon par les ressemblances portant sur les parties essentielles de l’œuvre, peu important les différences. Ils justifient tant bien que mal leur décision en invoquant l’absence de reprise d’éléments « caractéristiques » du logiciel initial.

 

TJ Nanterre, 1ère, ord. du 14 décembre 2022, Dassault Systemes Solidworks Corp. / Emitech, Emitech France et M. X.

Dès lors que la contrefaçon s’apprécie par la reprise des codes source, nonobstant la décision étonnante de la Cour de cassation susmentionnée, l’absence de précision de l’assignation sur ce point est susceptible d’entraîner la nullité de l’assignation Pour manque de précision.

Dans le cadre d’une action en contrefaçon pour utilisation au-delà de certains droits concédés portant sur un logiciel, le juge de la mise en état a ainsi constaté la nullité d’une assignation.

En l’espèce, la société demanderesse n’avait pas suffisamment identifié et explicité le code source de son logiciel, considéré comme l’élément principal permettant de déterminer la présence de l’originalité alléguée.

Il est ici rappelé l’importance, en matière de contrefaçon de logiciel, d’identifier les logiciels opposés et de définir leurs caractéristiques originales dès le stade de l’assignation.

On notera, enfin, que la vigilance est de mise quant au point de départ du délai en matière de contrefaçon. La contrefaçon est traditionnellement analysée en un délit successif, le point de départ de la prescription étant le dernier fait de contrefaçon.

Par décision du 17 mai 2023, la Cour d’appel de Paris a rappelé que malgré la présence d’actes litigieux continus, le moment où le titulaire a eu connaissance ou aurait dû connaitre les faits doit être pris en compte pour déterminer le point de départ du délai de prescription (CA de Paris, 17 mai 2023, n° 21/15795 ).

1.3 Contrepartie financière pour les logiciels réalisés par des non-agents accueillis au sein d’une personne morale de droit public réalisant de la recherche

Décret n° 2023-772 du 11 août 2023 relatif à l’intéressement des auteurs de logiciels non-salariés ni agents publics accueillis par une personne morale de droit public réalisant de la recherche dont les personnels permanents de recherche sont des agents publics

Un décret publié en août 2023 précise les conditions d’application du nouvel article L. 113-9-1 du Code de la propriété intellectuelle, introduit par l’Ordonnance du 15 décembre 2021.

Par cette ordonnance, une dévolution automatique des droits patrimoniaux de propriété intellectuelle est prévue pour les logiciels créés par les personnes accueillies par une personne morale réalisant de la recherche, mais qui ne sont ni salariées ni agent public.

Cette dévolution est toutefois soumise à certaines conditions cumulatives (sur ce point voir notre brève de février 2022). L’une de ces conditions était que l’auteur du logiciel perçoive une contrepartie pour la mission qu’il exerce.

En sus de cette contrepartie, les personnes accueillies au sein d’une personne morale de droit public réalisant de la recherche recevront une prime d’intéressement calculée sur les produits tirés de ces logiciels.

Cette prime a été fixée à 50 % des recettes hors taxes tirées de l’exploitation du logiciel, après déduction des frais directs supportés et après affectation du coefficient représentant la contribution de l’auteur.

Ce décret vise à aligner les règles d’intéressement des personnels non-agents sur celles applicables aux personnels permanents de recherche agents publics de la structure d’accueil.

Il est ainsi assuré une égalité de traitement des personnes contribuant au même effort de recherche.

Encore faut-il, pour bénéficier du régime de l’article L. 133-9-1 du Code de la propriété intellectuelle, que la personne accueillie par la structure réalisant des activités de recherche ait bien la qualité d’auteur dudit logiciel, ce qui n’est pas le cas d’un stagiaire se contentant d’effectuer un travail d’exécution sous supervisé (CA Bordeaux, 1re., 6 juin 2023, n° 23/00962 ).

Et pour les personnes n’entrant ni dans le champ de l’article L. 113-9-1 du Code de la propriété intellectuelle, ni dans celui de l’article L. 113-9 du même code (portant sur la dévolution automatique des droits patrimoniaux des créateur de logiciels salariés), il sera recommandé de prévoir une clause de cession de droits au sein du contrat de travail prévoyant la cession de droits au fur et à mesure de la réalisation des œuvres. La Cour d’appel de Paris a récemment rappelé qu’une telle clause est bien licite, même si elle ne prévoit pas de rémunération complémentaire au titre de ladite cession de droit (CA Paris, pôle 5 – ch. 1 – 25 janv. 2023, n° 19/15256 ).

 

II. Actualités en matière de droit des contrats et projets informatiques

2.1 Responsabilité du prestataire informatique à l’égard d’une communauté d’agglomération

CE, 17 mars 2023, n° 459518, Communauté d’agglomération de l’Etampois-Sud-Essonne

L’affaire portait sur l’engagement de la responsabilité d’un prestataire informatique dans le cadre d’un marché visant à la refonte du système de production informatique d’une collectivité.

Une erreur de manipulation de l’un des employés du prestataire a occasionné une importante perte de données, ce qui était constitutif d’une faute.

Toutefois, les juges ont également relevé qu’il appartenait à la collectivité de sauvegarder ses données avant l’intervention de son prestataire et de veiller régulièrement au bon fonctionnement des sauvegardes. Cette faute de la collectivité était de nature, pour les juges, à exonérer le prestataire de la moitié de sa responsabilité.

S’agissant du préjudice, le Conseil d’Etat a sanctionné la Cour d’administrative d’appel de Versailles pour avoir débouté la collectivité de ses demandes d’indemnisation au titre du temps passé par ses agents sur les opérations de ressaisies des données perdues « aux seuls motifs que celle-ci ne justifiait pas avoir dû recruter du personnel supplémentaire, ni avoir versé des compléments de rémunération pour accomplir le travail de ressaisie, ni avoir renoncé à l’exercice de missions de service public ».

Parallèlement à cette affaire, on relève également la décision du Tribunal de commerce de Lille qui a retenu un manquement contractuel de l’hébergeur OVH au titre de l’incendie qui a touché ses datacenters strasbourgeois. La faute d’OVH était en l’espèce caractérisée par le fait d’avoir stocké des sauvegardes dans le même bâtiment que le serveur principal en violation de son engagement d’isoler lesdites sauvegardes (T. com. Lille, 26 janv. 2023, n° 2021013526).

Il semble qu’OVH a fait appel de cette décision.

2.2 Obligation de collaboration du client

Si le prestataire est tenu à une obligation de délivrance conforme qui l’oblige à rechercher une solution technique aux dysfonctionnements constatés par son client, ce dernier est pour sa part tenu par une obligation de collaboration que les juges ne manquent pas de rappeler régulièrement.

Ainsi, c’est en application de ce principe qu’il a été rappelé qu’un client ne peut refuser l’offre de son cocontractant de rechercher avec lui la cause du problème (CA Rennes, 11 octobre 2022) ou ne peut reprocher la rupture du contrat à son prestataire après avoir refusé de tenir compte des nombreuses alertes de ce dernier au sujet des multiples modifications demandées (CA Paris, 30 sept. 2022, n° 20/04813).

Le manquement à l’obligation de collaboration du client n’est toutefois retenu à son encontre que si ce manquement est à l’origine de l’impossibilité pour le prestataire de délivrer une prestation conforme (CA Pau, 30 mars 2023, n° 21/02662).

Il en va de même lorsque la prestation est réalisée selon la méthode Agile, qui ne dispense pas le client de devoir collaborer notamment en exprimant ses besoins et objectifs. Etant précisé qu’ayant signé les procès-verbaux de recette attestant d’une livraison conforme à ses attentes, il est plus difficile pour le client de reprocher un manquement du prestataire à son obligation de délivrance conforme (CA Paris, pôle 5, ch. 11, 6 janvier 2023).

2.3 Indemnisation du préjudice et inopposabilité des clauses limitatives de responsabilité

Deux sociétés ont conclu entre elles divers contrats de prestation de services informatiques portant notamment sur la gestion du matériel et de fonctionnement du système d’information et la sauvegarde de données de la société cliente.

A la suite d’une perte de données notamment de comptabilité, la société cliente a sollicité réparation auprès de la société prestataire.

La Cour d’appel de Paris a rappelé qu’en cas de faute lourde, en l’espèce pour défaut d’information et de conseil quant aux risques relatifs au périmètre des sauvegardes réalisées, les clauses limitatives de responsabilité sont inopposables de sorte que le préjudice du client doit être intégralement réparé (CA Paris, 25 nov. 2022, n° 21/05032).

Rappelons le principe de réparation intégrale du dommage, qui oblige le prestataire à réparer l’ensemble des préjudice directs subis par ce dernier. Voici quelques illustrations des préjudices retenus :

  • Le préjudice commercial (perte de chiffre d’affaires) : à la suite de dysfonctionnements importants relevés du site internet après la conclusion d’un contrat de location de site web, une société a assigné son prestataire notamment aux fins d’indemnisation de son préjudice subi. La Cour a calculé le préjudice de perte de chiffre d’affaires en analysant la chute des commandes passées par référence aux chiffres d’affaires des 4 années précédentes suivant attestation de l’expert-comptable (CA Lyon, ch. A, 21 juillet 2022, n° 19/08633) ;
  • Le préjudice salarial (travaux réalisés en pure perte) : la Cour de cassation a rappelé que la réparation du préjudice subi incluait les travaux réalisés en pure perte par les personnels du client affectés au projet et qu’il revient de les évaluer, au besoin en recourant à une mesure d’instruction complémentaire ( com., 29 mars 2023, n° 21-21.432) ;
  • Le préjudice en matière de retard pris dans un projet : si l’emploi de salariés supplémentaires pour la mise en place de nouveaux outils ne peut être pris en compte dans le calcul du préjudice (dès lors qu’un tel surcroît d’activité est normal pour ce type de projet), le surcoût lié à la prolongation d’un contrat de travail pour pallier au retard accumulé peut être pris en compte dans le calcul (CA Versailles, 26 juill. 2022, n° 21/03036) ;
  • Le préjudice d’image : dans le cadre d’une faute commise lors d’une prestation de migration de données dans un serveur cloud, conduisant à la perte de données de la société cliente, cette dernière a pu obtenir une indemnisation de 30.000 euros pour préjudice d’image, déduit des éléments suivants (CA Limoges, 15 juin 2022, n° 21/00432) :
    • errements en matière de prix,
    • attente en caisse des clients pour établir manuellement des bons,
    • désaffectation des clients des grands groupes nationaux de BTP,
    • image négative donnée vis-à-vis des clients et tiers, et de ses fournisseurs.

Comme dans toutes matières, l’enjeu restera de démontrer l’existence d’un lien de causalité le préjudice allégué et la faute du prestataire.

 

III. Actualités en matière de gestion du risque cyber

3.1 Obligations accrues en matière de cybersécurité

Le législateur se saisit du risque cyber et de l’enjeu de la cybercriminalité qui touche de plus en plus les personnes publiques, tout particulièrement les collectivités et établissements de santé (l’une des dernières en date étant celle du CHU de Rennes en juin dernier).

On note, à cet égard, l’adoption de la Directive 2022/2555 du 14 décembre 2022 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union (NIS 2) qui abroge la Directive NIS. Pour rappel, cette directive qualifie les entités administratives d’entités essentielles.

A ce titre, elles sont soumises à des exigences en matière de cybersécurité les obligeant à adopter des mesures de gestion des cyber risques approuvées par leurs organes, qui devront en superviser la mise en œuvre et qui engagent leur responsabilité à ce titre.

La Directive NIS 2 doit être transposée en droit national avant le 17 octobre 2024.

3.2 Nouveautés du Code des assurances

Par ailleurs, plus le risque de cyberattaque s’installe, plus l’enjeu de son assurabilité devient important et nécessite une adaptation des pratiques assurantielles (outre une prise en compte opérationnelle de ce risque au niveau des mesures de sécurité mises en place).

On assiste ainsi à une véritable prise de conscience et une responsabilisation de l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des collectivités, du législateur, de l’ANSSI ou même de l’internaute.

En ce sens, le Code des assurances a été modifié par l’article 4 de la Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur qui porte sur l’indemnisation des dommages causés par les cyberattaques.

L’arrêté du 13 décembre 2022 encadre la gestion du risque cyber par les assureurs en précisant la classification des engagements d’assurance consécutifs aux atteintes aux systèmes d’information et de communication. Deux nouvelles catégories de dommages sont créées :

  • Les « dommages aux biens consécutifs aux atteintes aux systèmes d’information et de communication»
  • Les « pertes pécuniaires consécutives aux atteintes aux systèmes d’information et de communication».

Etant précisé qu’assurer son risque cyber n’est pas une obligation pour les personnes publiques (cf. sur ce point notre brève de juillet 2022).

Compte-tenu de l’impact de telles attaques, notamment du point de vue financier, l’enjeu de la sécurisation des systèmes d’information et de l’assurabilité de ce préjudice est aujourd’hui un enjeu majeur pour les collectivités et les établissements de santé.

 

IV. Sites internet

4.1 Blocage et déréférencement des sites miroirs

Décret n° 2023-454 du 12 juin 2023 relatif au blocage et déréférencement des « sites miroirs »

Les collectivités, garantes d’une certaine qualité liée à leurs missions de service public, lorsqu’elles bénéficient d’une certaine notoriété, peuvent parfois faire face à la reprise de leur nom, de leur image et de leur marque. Il peut même arrivée qu’elles soient confrontées à la reprise de l’intégralité de leur site. Ces sites « miroirs » permettent, à travers un URL différent, d’accéder à un contenu similaire ou identique au site initial.

Le décret du 12 juin 2023 est venu apporter les précisions nécessaires à l’article 6-3 de la LCEN qui indiquait que sur décision judiciaire exécutoire, l’autorité administrative pouvait exiger le blocage de l’accès à un service de communication en ligne reprenant du contenu illicite.

  1. Le décret précise désormais que l’autorité administrative en question est la direction générale de la police nationale, et plus précisément l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication ;
  2. Il précise également qu’une copie de la décision sera transmise par le greffe sous 7 jours à l’Office mentionné supra, sauf urgence ;
  3. Il ajoute également les mentions nécessaires et modalités de la saisine de l’Office, soit via le portail électronique officiel soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;
  4. L’Office sera chargé d’identifier le service de communication au public en ligne reprenant le contenu illégal, ainsi qu’à toute personne visée par la décision judiciaire ;
  5. Enfin, les fournisseurs d’accès à internet devront rediriger les utilisateurs des sites internet vers une page d’information du ministère de l’intérieur, leur indiquant la mesure de blocage ou de déréférencement.

4.2 Responsabilité des hébergeurs renforcée en cas de contenus illicites

CA Paris, pôle 5 ch. 1, 12 avril 2023, n° 21/10585

Dans cette affaire, la société de jeux japonaise NINTENDO a reproché à la plateforme DSTORAGE d’héberger sur ses serveurs des copies illicites de ses jeux vidéo.

La plateforme s’est défendue en indiquant qu’il appartenait à la société NINTENDO d’engager une procédure aux fins de constater le caractère manifestement illicite des contenus ou de suivre la procédure contractuelle qu’elle offrait directement via sa plateforme.

Face à ce refus de supprimer immédiatement les liens permettant le téléchargement des copies non autorisées, la société NINTENDO l’a assignée devant le Tribunal judiciaire de Paris afin d’engager directement sa responsabilité en qualité d’hébergeur.

La Cour d’appel a rappelé que la connaissance des contenus illicites par l’hébergeur est présumée dès lors qu’il est notifié dans les formes imposées par l’article 6-I-5 de la LCEN, ce qui était le cas en l’espèce.

Pour l’évaluation du préjudice, la Cour a pris en compte la marge moyenne réalisée sur les jeux, multipliée par le nombre de téléchargements illicites pour la période s’écoulant de l’absence de prompt retrait des contenus illicites par la plateforme jusqu’à la date de l’assignation. Dans son évaluation de préjudice, la Cour a également tenu compte du fait que les utilisateurs ayant téléchargé de manière illégale n’auraient pas tous acquis les jeux sur la boutique en ligne de NINTENDO.

 

V. Signature électronique

CJUE, 20 oct. 2022, no C-362/21, Ekofrukt EOOD c/ Bulgarie

CA Toulouse – 2ème chambre, 14 février 2023, n° 21/02297

La signature électronique doit être liée au signataire de manière univoque pour ne pas être remise en cause.

La Cour de justice européenne s’est prononcée pour la première fois sur le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 portant sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques dit « eIDAS », dans son arrêt du 20 octobre 2022.

Elle est venue préciser que le règlement ne s’oppose pas à ce qu’un acte signé électroniquement soit déclaré nul dès lors que la signature ne satisfait pas aux exigences du règlement. Pour cela, le juge doit examiner la fiabilité de la signature électronique.

La Cour d’appel de Toulouse a apporté sa « pierre à l’édifice » en rappelant que « la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée ».

Pour cela, elle doit être suffisamment liée au signataire de manière univoque et permettre de l’identifier.

Ainsi, une banque n’a pu démontrer la validité d’une signature électronique d’un particulier dans le cadre d’un contrat de prêt.

Pourtant, elle se prévalait d’un fichier de preuve créé par la société DocuSign en qualité de prestataire de service de certification électronique, montrant que le particulier s’était identifié via un code transmis par la banque.

L’adresse IP avancée par la banque n’a pas été considérée comme suffisamment liée au signataire.

La banque a ainsi été déboutée de l’ensemble de ses demandes notamment au titre du remboursement de prêt.

En conséquence, il convient d’être vigilant en cas de signature électronique, et de s’assurer de pouvoir démontrer que la signature est liée de manière univoque au signataire.

 

[1] Proposition de loi n° 1630 visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur du 12 septembre 2023 – https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1630_proposition-loi

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères : quelle définition des déchets ménagers ?

Les dépenses liées à la collecte et au traitement des déchets jetés dans les poubelles de rue ou sur la voie publique peuvent-elles être prises en compte dans le cadre du calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ? C’est cette question qu’a tranchée le Conseil d’Etat dans son arrêt en date du 28 septembre 2023.

  • Une association syndicale libre (ASL), avait sollicité du juge qu’il prononce la décharge de la cotisation de TEOM à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2020. En effet, selon elle, les déchets produits par les usagers de l’espace public ne peuvent être inclus dans la définition des déchets ménagers ;
  • Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que, pour fixer les cotisations de TEOM, les dépenses susceptibles d’être prises en compte sont, à grands traits, celles exposées dans le cadre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets assimilés ;
  • Le juge apporte alors, dans son arrêt du 18 septembre 2023, des précisions sur la notion de déchets ménagers et indique « qu’a le caractère d’un déchet ménager au sens et pour l’application des règles fiscales [relatives à la TEOM] tout bien ayant la nature d’un déchet habituellement produit par les ménages, que ce soit au sein ou hors du foyer». Le lieu de production du déchet n’est donc pas pris en compte pour apprécier s’il s’agit ou non d’un déchet ménager.
  • Ainsi, le juge considère que peut être pris en compte pour le calcul de la TEOM le coût de la collecte et du traitement des déchets et immondices jetés dans les corbeilles de rue ou sur la voie publique.

Responsabilité élargie du producteur : quelles sont les sanctions encourues ?

Par une décision en date du 29 septembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’articulation entre les différentes sanctions pouvant être encourues par le producteur de déchets relevant d’une filière de responsabilité élargie du producteur.

Dans cette affaire, deux sociétés sollicitaient du juge l’annulation de sanctions prononcées par l’Etat à leur encontre sur le fondement de l’article L. 541-10-11 du Code de l’environnement à raison de manquements aux obligations découlant de la responsabilité élargie de producteur de déchets. Dans le cadre de leur recours, elles soutenaient que les dispositions de ce texte, qui prévoient une procédure de sanction, méconnaissaient les droits et libertés garanties par la Constitution et ont donc saisi le juge d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), examinée par le Conseil d’Etat avant une éventuelle transmission au Conseil constitutionnel.

Les sociétés soutenaient notamment que cette procédure de sanction méconnaissait les droits et libertés suivants :

  • Les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines (article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen). Toutefois, le juge ne considère pas ce grief comme sérieux dans la mesure où l’article L. 541-10-11 prévoit que le montant de l’amende doit tenir compte de la gravité des manquements et des avantages retirés, définit un plafond et que cette sanction est justifiée par « l’intérêt public qui s’attache à la prévention des atteintes à l’environnement et à la limitation de leurs conséquences, ainsi qu’à la contribution à la réparation des dommages causés à l’environnement par leur auteur». Pour ces mêmes motifs le Conseil d’Etat indique que la disposition contestée n’est pas affectée d’une incompétence négative qui affecterait le principe de légalité des peines, d’égalité devant la loi et des droits de la défense ou méconnaîtrait l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;
  • Le principe d’égalité devant la loi (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), dès lors selon les requérantes que cette amende pourrait se cumuler avec celle définie à l’article L. 171-8 du Code de l’environnement pour des mêmes manquements. Le Conseil d’Etat indique toutefois que ces deux procédures ont pour objet de sanctionner des manquements différents. L’article L. 541-10-11 sanctionne en effet les manquements aux obligations découlant de la responsabilité élargie du producteur et l’article L. 171-8 la non-exécution d’une injonction de satisfaire à ses obligations légales prononcée à l’égard de l’exploitant d’une installation ou d’une activité.

Dérogation espèces protégées et construction de logements sociaux

Comment apprécier l’existence ou non d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour accorder une dérogation espèces protégées dans le cadre d’un projet de construction de logements sociaux ? La Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy a, par un arrêt en date du 28 septembre 2023, apporté des précisions sur cette question.

Lorsque les nécessités de préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit la destruction, la perturbation intentionnelle, la dégradation ou l’altération des espèces de flore et de faune sauvages protégées ou leur habitat. L’article L. 411-2, 4° du Code de l’environnement prévoit néanmoins que l’autorité administrative compétente peut délivrer des dérogations à ces interdictions, dites « dérogations espèces protégées », dans cinq hypothèses limitativement énumérées et notamment pour des « raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ». Cette dérogation ne peut toutefois être octroyée que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Dans cette affaire, deux sociétés avaient obtenu un permis de construire trois bâtiments comprenant soixante logements locatifs sociaux et dix-huit logements en accession sociale à la propriété. Des spécimens de salamandre tachetée ayant été identifiés à proximité du site du projet, le préfet leur avait accordé une dérogation espèce protégée, contestée devant le juge par des associations et riverains.

La CAA annule alors cette dérogation espèces protégées au motif que, si le projet présente bien un intérêt public, il ne répond toutefois pas à une RIIPM aux motifs que :

  • Ce projet privé n’était pas nécessaire pour atteindre les objectifs d’intérêt public d’aménagement durable et de politique du logement social dès lors que la commune satisfait, à la date de la décision attaquée, aux exigences de la loi SRU ;
  • Il n’est pas établi que ces objectifs ne pourraient autrement être atteints qu’au détriment des terres agricoles environnantes ;
  • Il n’est pas démontré que le secteur connaîtrait une situation de tension particulière en matière de logement social en raison d’une hausse démographique prévisible et d’un besoin non satisfait ;
  • D’autres sites permettant le développement de ce type de projets existent sur le territoire de la commune et de la communauté d’agglomération, et qu’il n’est pas établi que le site qui avait été retenu pour le projet serait moins attentatoire à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage.

Refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique : le rôle exemplaire des bâtiments des personnes publiques

Par une directive 2023/1791 en date du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955, le Parlement européen et le Conseil ont procédé à une véritable refonte de la directive 2012/27/UE.

Pour rappel, à la suite de diverses communications de la Commission proposant de revoir à la hausse les ambitions de l’Union européenne en matière de climat, le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 » – aussi dénommé « Fit-for-55 » – a été annoncé afin de mettre en œuvre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030.

Dans cette perspective, la directive relative à l’efficacité énergétique fixe un cadre commun de mesures pour promouvoir l’efficacité énergétique dans l’Union. En particulier, l’article 4 de la directive réhausse à 11,7 % l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre par les Etats membres d’ici à 2030 par rapport aux projections du scénario de référence de l’Union de 2020, afin que la consommation d’énergie finale de l’Union ne dépasse pas 763 de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep). Afin d’atteindre cet objectif, la directive met l’accent sur le rôle moteur et exemplaire que doit jouer le secteur public dans le domaine de l’efficacité énergétique.

En premier lieu, l’article 3 de la directive ancre le principe de primauté de l’efficacité énergétique en imposant aux Etats membres que les solutions en matière d’efficacité énergétique soient évaluées dans des décisions en matière de politique, de planification et d’investissement majeur d’une valeur de plus de 100 millions d’euros chacune ou de plus de 175 millions d’euros pour les projets d’infrastructures de transport.

De même, l’article 4 de la directive impose aux États membres de fixer une contribution nationale en matière d’efficacité énergétique fondée sur la consommation d’énergie finale. La Commission vérifiera que la contribution collective des États membres est au moins égale à l’objectif contraignant de l’Union en matière de consommation d’énergie finale permettant d’atteindre collectivement l’objectif contraignant de 11,7% de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En cas de contribution collective insuffisante, la Commission soumettra à chaque État membre une contribution nationale indicative corrigée en matière d’efficacité énergétique portant sur la consommation d’énergie finale. Il appartiendra alors aux Etats membres de mettre à jour leur contribution en application des corrections apportées par la Commission.

En deuxième lieu, l’article 5 de la directive donne également un rôle moteur au secteur public en imposant une réduction de la consommation d’énergie finale totale de tous les organismes publics cumulés au sein d’un Etat d’au moins 1,9 % chaque année, par rapport à 2021. Il convient de préciser cependant que cette obligation ne couvre pas, jusqu’au 31 décembre 2026, la consommation d’énergie des organismes publics dans les unités administratives locales de moins de 50 000 habitants, et jusqu’au 31 décembre 2029, la consommation d’énergie des organismes publics dans les unités administratives locales de moins de 5 000 habitants.

A ce titre, les Etats membres doivent également veiller à ce que les autorités régionales et locales mettent en place des mesures spécifiques d’efficacité énergétique dans leurs outils de planification à long terme, tels que des plans en matière d’énergie durable ou de décarbonation. Ils doivent encourager les organismes publics à améliorer la performance énergétique de leurs bâtiments et à tenir compte des émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie, ainsi que des avantages économiques et sociaux des investissements et de leurs politiques.

En troisième lieu, l’article 6 de la directive confère un rôle exemplaire aux bâtiments des organismes publics en imposant aux Etats membres de veiller à ce qu’au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments publics chauffés et/ou refroidis, ayant une surface au sol utile totale supérieure à 250 m2, soient rénovés chaque année, de sorte qu’ils soient transformés en bâtiments à émissions nulles, ou, à défaut, en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle.

Les Etats membres pourront néanmoins appliquer des exigences moins strictes à certaines catégories de bâtiments en raison de leur valeur historique ou architecturale, de leur appartenance aux forces armées ou s’ils servent de lieu de culte et à la défense nationale. De même, ils pourront exempter les logements sociaux de l’obligation de rénovation dans certaines hypothèses (par exemple en cas d’augmentation des loyers supérieure aux économies réalisées sur la facture énergétique).

En quatrième lieu, en vertu de l’article 7 de la directive, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ne pourront acquérir que des produits, services, bâtiments et travaux à haute performance énergétique (sous réserve que cela soit techniquement faisable), conformément aux exigences énoncées à l’annexe IV de la directive, lorsqu’ils concluent des marchés publics et des contrats de concession d’une valeur égale ou supérieure aux seuils européens de procédure en droit de la commande publique[1], à moins que cela ne soit pas faisable techniquement. Plus globalement, dans le cadre de la passation de ces contrats, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices devront faire application du principe de primauté de l’efficacité énergétique.

L’article 7 de la directive invite également les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices à se saisir du modèle de contrat de performance énergétique. Lorsqu’ils passeront des marchés publics de services comportant un volet énergétique significatif, ils devront étudier la faisabilité de conclure des contrats de performance énergétique à long terme assurant des économies d’énergie à long terme.

Par ailleurs, la directive impose aux Etats membres d’éliminer toute entrave réglementaire ou non réglementaire qui dissuadent d’effectuer des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique et de recourir à des contrats de performance énergétique et à des instruments de financement par des tiers sur une base contractuelle de longue durée.

Ces dispositions entreront en vigueur le 10 octobre prochain et devront être transposées en droit interne d’ici le 11 octobre 2025.

 

[1]Avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000045275598/2023-10-04/.

Rapport de la Commission de Régulation de l’Energie sur le pilotage des bâtiments tertiaires : recommandations pour réduire et moduler leur consommation énergétique

Face au besoin urgent de sobriété et d’efficacité énergétique, une mission flash a été constituée en janvier 2023 par la Commission de régulation de l’énergie sur le pilotage énergétique des bâtiments tertiaires. Co-piloté par Schneider Electric, un rapport intitulé « le pilotage du bâtiment : une flexibilité nécessaire pour accompagner le système électrique de demain » a ainsi été publié le 11 septembre 2023 par la Commission de régulation de l’énergie.

Véritable levier d’efficacité énergétique et de flexibilité électrique, le pilotage correspond aux différents moyens mis en œuvre :

  • d’une part pour réduire la consommation énergétique d’un bâtiment, améliorer ses performances et son efficacité énergétique (pilotage interne des usages du bâtiment) ;
  • et d’autre part, pour moduler sa consommation énergétique, notamment en cas de demande formulée en ce sens par un fournisseur d’énergie ou d’un agrégateur, en réponse à un signal tarifaire, du gestionnaire de réseau de distribution, en cas de contraintes sur le réseau, ou à la demande du gestionnaire de réseau de transport, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande nationale (pilotage externe ou flexibilité du bâtiment).

Si un cadre réglementaire pour le déploiement des solutions de pilotage est déjà posé (notamment avec le décret « tertiaire » [1], le décret « BACS »[2], la RE2020[3], la mise en place de normes et labels, etc.), celui-ci semble insuffisamment diffusé dans la culture dans l’ensemble de la filière.

En effet, le rapport relève que :

  • d’une part, seulement 6 % des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 sont équipés d’un système de pilotage de l’énergie ;
  • d’autre part, les bâtiments qui en sont équipés n’exploitent pas totalement le potentiel de ces systèmes.

Cela est d’autant plus regrettable que le déploiement de ces solutions de pilotage pourrait représenter jusqu’à 6 GW en période de pointe pour les bâtiments tertiaires. Or, l’essor des énergies renouvelables non pilotables et l’électrification des usages nécessitent non seulement des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique mais un développement parallèle de moyens de flexibilité, pour ajuster en permanence production et consommation d’électricité.

Un certain nombre de recommandations a été établi pour parvenir à une amélioration effective de l’efficacité énergétique des bâtiments ainsi qu’une modulation de leurs consommations électriques.

En premier lieu, le rapport souligne qu’il est nécessaire d’assurer le déploiement des solutions de pilotage dans les bâtiments tertiaires, ce qui suppose la diffusion de la culture de la gestion de l’énergie dans l’ensemble de la filière. Cela implique de :

  • renforcer la communication et l’accompagnement de la filière sur le déploiement du décret « BACS », d’assurer le suivi de son exécution par la mise en place d’un tableau de bord dédié des bâtiments, et de sanctionner le cas échéant les manquements à l’installation et à l’utilisation de systèmes de pilotage imposés par le décret ;
  • identifier puis généraliser les bonnes pratiques au sein de la filière : il s’agit de réaliser un diagnostic détaillé avant de mettre en œuvre tout système de pilotage et de mettre en œuvre une démarche qualité s’étalant de la programmation à l’exploitation et permettant de s’assurer que le bâtiment atteigne et maintienne le niveau de performance contractuelle (autrement appelés le commissionnement et le recommissionnement) ;
  • renforcer les aides ciblées : pérennisation de la bonification des Certificats d’Économies d’Énergie, instauration d’aides au commissionnement ou recommissionnement réguliers des systèmes de pilotage, mise en place d’aides pour réaliser l’audit et la mise à niveau des BACS, ce qui aide le gestionnaire dans le choix de son système de BACS et permet d’intégrer des spécifications particulières du type BACS communicante et un système de mesure suffisamment fin (solutions dites « flex ready »).

En deuxième lieu, il est recommandé d’activer la flexibilité électrique des bâtiments tertiaires par l’amélioration des pratiques. Il s’agit de :

  • systématiser la gestion de la flexibilité dans les systèmes de pilotage, notamment pour préserver l’équilibre offre-demande du réseau électrique ;
  • paramétrer un mode « EcoWatt d’urgence », permettant d’activer un effacement drastique des consommations d’énergie pendant des plages horaires courtes ;
  • faire évoluer le cadre réglementaire de la gestion de la puissance dans les bâtiments tertiaires ;
  • développer des protocoles d’échanges de données amont/aval de la filière Energie et assurer l’interopérabilité des systèmes afin de permettre la création de services innovants exploitant des données nouvelles et diverses.

En troisième lieu, le rapport souligne la nécessité d’éclairer le choix de la flexibilité par sa valorisation économique dans les bâtiments tertiaires. Pour parvenir à cet objectif, il est notamment proposé de :

  • valoriser par des offres incitatives de fourniture de l’électricité la flexibilité énergétique structurelle du quotidien (à savoir, consommer chaque jour au bon moment) et engager une réflexion sur la disparition progressive des structures d’offres « de base » à prix unique ;
  • réfléchir d’une part à la possibilité pour un client de contractualiser auprès de plusieurs fournisseurs et, d’autre part, à l’optimisation des modalités d’application du TURPE par exemple en fonction de l’heure (creuse ou pleine) et de la saison ;
  • faire des bâtiments un acteur du système énergétique notamment en favorisant le développement de solutions de pilotage permettant de réaliser des effacements tournants, en accompagnant le développement du stockage d’énergie dans les bâtiments et en incitant à la rédaction de contrats bidirectionnels avec les fournisseurs d’énergie.

Dès lors que ce pilotage des consommations énergétiques des bâtiments pourrait avoir des implications significatives en termes d’économies d’énergie et de lissage de la courbe de charge, ce sujet très technique est néanmoins à fort potentiel pour le système électrique français.

 

[1] Décret n° 2019-771 du 2 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire ».

[2] Décret n° 2020-887 du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur ; Décret n° 2023-259 du 7 avril 2023 relatif aux systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments tertiaires.

[3] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine, dit « RE2020 » pour « Règlementation Environnementale 2020 » et son arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du Code de la construction et de l’habitation.

Projet de loi de finances pour 2024 : coup d’œil sur les choix budgétaires du Gouvernement en matière d’énergie

Le projet de loi de finance pour 2024 a été présenté en Conseil des Ministres mercredi 27 septembre, l’occasion de revenir brièvement sur certains des sujets énergétiques retenus par le Gouvernement dans ses choix fiscaux et budgétaires pour l’année à venir.

Côté dépenses, le projet de loi indique que 5 millions d’euros seront alloués à l’accompagnement des citoyens dans la rénovation de leur logement afin de soutenir les rénovations énergétiques aidées et accompagnées par « Ma PrimeRénov’ » (souvent analysé dans notre lettre d’actualité juridique en énergie et environnement).

Est également annoncé le lancement d’un appel d’offres portant sur la production d’hydrogène décarboné – ayant vocation à décarboner les usages industriels de l’hydrogène ainsi que plus généralement entamer la substitution de certains usages consommateurs de produit fossiles – dont la première phase sera financée par un engagement pouvant aller jusqu’à 680 millions d’euros.

Toujours en matière d’énergie renouvelable, le projet flèche 1 million d’euros vers la transition énergétique dans les territoires d’Outre-Mer et la Corse dans la perspective d’un « basculement progressif et complet d’ici 2030 vers les sources décarbonées de production d’électricité » de ces territoires.

Ainsi que cela est précisé dans ledit projet, le Gouvernement porte ainsi une augmentation des financements de France 2030 consacrés à la transition écologique de 1,5 milliards d’euros en 2024 par rapport à 2023.

En parallèle, la trajectoire de diminution des dépenses de l’Etat sera atteinte notamment grâce à la fin de certains dispositifs exceptionnels, parmi lesquels on retrouve la sortie progressive des boucliers énergie, représentant une économie de 15 millions d’euros selon le projet de loi.

L’action d’un propriétaire visant à la démolition d’un ouvrage de la distribution d’électricité irrégulièrement implanté sur sa propriété privée est imprescriptible

Lorsqu’un ouvrage de la distribution d’électricité est irrégulièrement implanté sur une parcelle (donc en dehors de toute convention de servitude amiable régulièrement conclue ou d’une déclaration d’utilité publique de l’ouvrage), le juge administratif peut ordonner sa démolition ou son déplacement.

Cette décision du juge résulte d’un bilan coût/avantage entre l’atteinte portée aux droits du propriétaire du fait de la présence de l’ouvrage en question et de celle que porterait son déplacement ou sa démolition à l’intérêt général (attaché au service public de distribution d’électricité).

Il vérifie ainsi que les conditions suivantes sont bien réunies :

  • le caractère irrégulier de l’implantation de l’ouvrage est établi ;
  • il n’y a pas, le cas échéant, de possibilité de régularisation de cette-dernière ;
  • enfin, il ne résulte pas du déplacement ou de la suppression sollicitée de l’ouvrage une atteinte excessive à l’intérêt général au regard des inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour le propriétaire du terrain d’assiette (selon la théorie du bilan « avantages/inconvénients ») (Voir notamment en ce sens CE, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes Maritimes, N° 245239 ou encore CAA de Nancy, 16 mars 2021, C c/ société Enedis, N° 20NC00531).

Ce raisonnement a d’ailleurs pu donner récemment lieu à de surprenantes jurisprudences ainsi que nous le commentions dans une de nos précédentes lettres d’actualité.

Dans la décision ici commentée, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation d’Enedis, devait se prononcer sur l’injonction faite par la Cour administrative de Versailles au gestionnaire de réseau de procéder à la dépose d’un pylône électrique implanté sur une parcelle privée et au déplacement ou à l’enfouissement de la ligne électrique la surplombant.

Sur le fond et en suivant le raisonnement ci-avant décrit, le Conseil d’Etat conclut que dans cette affaire, eu égard aux coûts liés à ces opération, aux risques d’interruption du service de distribution d’électricité durant les travaux qu’elles impliquent ainsi qu’au temps écoulé depuis l’acquisition de la propriété supportant les ouvrages (de nature à limiter l’importance des inconvénients allégués par les propriétaires), cette suppression ou ce déplacement porterait une atteinte excessive à l’intérêt général.

Mais cette décision est surtout l’occasion pour le Conseil d’Etat d’indiquer que les actions de tels propriétaires sollicitant la suppression d’ouvrages de distribution d’électricité irrégulièrement implantés sur leur parcelle par l’opérateur sont imprescriptibles : « compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action ».

Il rejette ainsi comme étant inopérante l’invocation faite par Enedis de l’article 2227 du Code civil, lequel fixe la prescription des actions réelles immobilières à trente ans, qui ne s’applique donc pas à une action en démolition d’un ouvrage de réseau de distribution d’électricité irrégulièrement implanté sur une propriété privée.

L’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique : publication de deux délibérations de la Commission de régulation de l’énergie respectivement relatives au bilan du dispositif « ARENH + » et au taux d’approvisionnement prévisionnel d’ARENH retenu pour le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité

Délibération n° 2023- 296 de la Commission de régulation de l’énergie du 21 septembre 2023 portant décision des modalités et volumes pour le calcul des coûts d’approvisionnement, dans les TRVE 2024, des volumes non attribués du fait de l’écrêtement de l’ARENH

  • Délibération de la CRE du 13 septembre 2023 portant communication sur le bilan de la répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fourniture d’électricité :

Pour mémoire, en mars 2022 le Gouvernement décidait de l’attribution de 20 TWh supplémentaires d’ARENH (le prix pour l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique imposé à la société EDF) au bénéfice des fournisseurs alternatifs entre le 1er avril 2023 et le 31 décembre 2022. Il s’agissait là de répondre à la hausse sans précédent des prix de gros de l’électricité.

Ainsi que nous le commentions dans l’un de nos précédents articles, la CRE avait alors communiqué par une délibération en date du 11 mars 2022 à l’ensemble des acteurs les modalités retenues pour la prise en compte des 20 TWh supplémentaires d’ARENH dans le calcul des TRVE.

Dans ce prolongement, la CRE dresse désormais, par une délibération du 13 septembre 2023, un bilan des répercussions de ces volumes additionnels d’ARENH, dit « ARENH + » dans les offres de fournitures d’électricité. Celui-ci est plutôt positif, la Commission estimant que « l’ARENH additionnel a permis de protéger la plupart des consommateurs de la hausse des prix de gros en 2022, en réduisant le montant des factures d’électricité d’un montant d’environ 7,8 Md€, dont 4,0 Md€ via les fournisseurs alternatifs et 3,8 Md€ directement par EDF pour ses propres clients ».

  • Délibération de la CRE du 21 septembre 2023 portant décision des modalités et volumes pour le calcul des coûts d’approvisionnement, dans les TRVE 2024, des volumes non attribués du fait de l’écrêtement de l’ARENH :

En vertu des articles L. 337-6 et R. 337-18 à 24 du Code de l’énergie, le calcul des Tarifs Règlementés de Vente d’électricité (TRVE) prend en compte les coûts d’approvisionnements des volumes d’ARENH non attribués du fait de son écrêtement (le plafond de la distribution d’ARENH appliqué à tous les fournisseurs en raison de la réservation de volumes supérieurs au volume d’ARENH disponible), fixés par le marché de gros de l’électricité.

Toutefois, le taux d’écrêtement de l’ARENH n’étant connu qu’en fin d’année, les TRVE de l’année suivante sont fixés en fonction du coût d’approvisionnement des quantités d’ARENH écrêtées, coût calculé sur la base des prix de gros de l’électricité du mois de décembre de l’année précédente.

Afin de limiter la dépendance des TRVE à la volatilité des prix de de gros de l’électricité du mois de décembre (pas toujours représentative de l’année dans son ensemble), et ainsi que nous le commentions dans une de nos précédentes lettres d’actualités, la CRE avait fait évoluer les méthodes de calcul de ces coûts d’approvisionnement des volumes d’ARENH ne pouvant pas être attribués par une délibération du 22 septembre 2022.

Il avait ainsi été prévu que pour l’année 2024, le calcul dans les TRVE de l’approvisionnement des volumes d’ARENH non attribués du fait de son écrêtement seraient lissés sur trois mois, du 1er octobre 2023 au 23 décembre 2023 inclus. Or, ce dispositif pose une difficulté calendaire : le guichet d’approvisionnement ARENH 2024 se clôturant le 21 novembre 2023, son taux d’attribution ne sera pas connu au début de la période de lissage ainsi fixée.

Pour pallier cette insuffisance de données, la CRE vient, par la délibération du 21 septembre 2023 ici commentée, prévoir le taux d’attribution d’ARENH – fixé à 90,90 % – qui sera retenu pour le calcul du coût d’approvisionnement des volumes non attribués, lui-même pris en compte dans le calcul des TRVE. Elle indique par la même occasion qu’à l’issue du guichet ARENH de fin novembre 2023, elle communiquera le rythme de lissage qui sera mis en œuvre en décembre 2023 et prenant en compte les volumes déjà lissés comme le taux réel d’attribution d’ARENH.

Neutralité carbone à l’horizon 2050 : RTE publie son bilan prévisionnel pluriannuel

Aux termes de l’article L. 141-8 du Code de l’énergie, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, la société Réseau transport d’électricité (ci-après, RTE), est chargé d’établir un bilan prévisionnel pluriannuel évaluant le système électrique et présentant notamment les évolutions de consommation.

Le bilan prévisionnel 2023-2035 a été présenté par la société RTE le 19 septembre 2023. Il s’inscrit dans le cadre de l’étude sur l’évolution du système électrique lancée en 2019 intitulée Futur énergétiques 2050 et vise à prendre en compte le contexte mondial ayant fortement impacté le système énergétique français : guerre en Ukraine, crise énergétique, paquet « Fit for 55 » rehaussant les objectifs climatiques au niveau européen.

La société RTE fait le constat de la nécessaire électrification de la France en soulignant que « environ 60 % de l’énergie finale consommée en France provient ainsi du pétrole et du gaz fossile », ce qui est en contradiction avec les objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Dès lors, la société RTE identifie quatre leviers pour parvenir à ces objectifs : « efficacité énergétique, sobriété, nucléaire, énergies renouvelables ». Et elle élabore plusieurs scénarios détaillant les possibles trajectoires de consommation à l’horizon 2035, dont les  principaux enseignements sont reproduits ci-dessous :

Source : RTE, Bilan prévisionnel 2023-2035 – Synthèse

 

En premier lieu, concernant l’efficacité énergétique, RTE souligne la nécessité d’augmenter le nombre de rénovations énergétiques et leur efficacité. Aux termes du bilan prévisionnel pluriannuel, ces mesures permettraient d’économiser entre 75 et 100 TWh d’énergie par an.

En deuxième lieu, face au succès des mesures de sobriété énergétique adoptées par les consommateurs pendant l’hiver 2022/2023, RTE estime qu’une généralisation de ces « gestes simples » permettrait d’économiser jusqu’à 25 TWh en 2035.

En troisième lieu, RTE pointe la défaillance du parc nucléaire des dernières années et encourage à « retrouver des niveaux de disponibilité et de production nucléaire supérieurs à ceux des dernières années ». Le gestionnaire de réseau table sur une production annuelle de 400 TWh à l’horizon 2030-2035.

En quatrième et dernier lieu, la société RTE encourage le développement des énergies renouvelables en donnant pour objectif « 270 TWh minimum et, si possible, jusqu’à 320 TWh ».

Rappelons pour conclure que ce bilan prévisionnel pluriannuel n’est pas contraignant mais gageons qu’il saura guider l’action publique pour atteindre l’impérieux objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Tous les acteurs, et notamment les collectivités locales, auront, pour ce faire, un rôle majeur à jouer.

Publication de deux décrets : suite et fin de l’amortisseur électricité et du bouclier tarifaire gaz

Décret n° 2023-877 du 14 septembre 2023 relatif aux dispositifs du bouclier tarifaire gaz et électricité en faveur de l’habitat collectif résidentiel et de l’amortisseur électricité pour les très petites entreprises

1. Décret n° 2023-880 du 15 septembre 2023 pris en application du IX de l’article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

Le décret n° 2023-880 du 15 septembre 2023 définit la procédure de contrôle des bénéficiaires du dispositif de l’amortisseur électricité.

Le dispositif de l’amortisseur électricité consiste en la prise en charge par l’Etat d’une partie de la facture d’électricité de certaines collectivités et PME, dès lors que le prix souscrit dans leur abonnement de fourniture d’électricité dépasse un certain montant.

Le mécanisme était relativement simple pour les consommateurs : il leur suffisait de remplir un modèle d’attestation sur l’honneur de leur éligibilité au dispositif et de le transmettre à leur fournisseur d’électricité, qui assurait en relation avec l’Etat le versement de l’aide.

Si les personnes éligibles et les modalités d’obtention de cette aide ont été définies dès la fin 2022 (décret n° 2022-1774 du 31 décembre 2022), les modalités de contrôles de l’éligibilité à l’amortisseur électricité n’étaient pas encore définies. Le décret n° 2023-880 ici commenté définit la procédure de contrôle.

En premier lieu, le contrôle de l’éligibilité au dispositif incombe à la direction générale des finances publiques. Aux termes de l’article 2 du décret commenté, la DGFIP transmet à la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) : « les listes des clients qui, selon les éléments dont elle dispose, ne remplissent pas un ou plusieurs des critères posés pour la catégorie de clients […] à laquelle ils ont indiqué appartenir dans l’attestation sur l’honneur ».

Cette dernière transmet aux fournisseurs d’électricité les listes des clients non éligibles et les fournisseurs notifient par la suite à leurs clients considérés non éligibles leur exclusion du bénéfice de l’amortisseur (article 2 et 3 du décret commenté).

En deuxième lieu, les clients considérés comme non éligibles peuvent déposer une requête complémentaire pour justifier leur éligibilité au dispositif. Cette requête devra être accompagnée d’une attestation certifiée par leur commissaire aux comptes ou, le cas échéant, par leur comptable public ou leur expert-comptable, indiquant qu’ils respectent les critères d’éligibilité de la catégorie de client initialement visée ou d’une autre catégorie de client mentionnée aux 1° à 4° du I de l’article 3 du décret n° 2022-1774 précité (article 4 du décret commenté).

En troisième lieu, les clients considérés comme non éligibles qui n’ont pas déposé de requête ou dont la requête n’est pas conforme doivent restituer à leur fournisseur le montant des aides perçues jusqu’à leur exclusion du dispositif.

Dans le cas où les aides versées ne pourraient pas être récupérées par le fournisseur, des titres de perception seront émis pour recouvrer les aides indûment versées aux clients. Les aides indument perçues pourront être majorées de 30 % en cas de manquement délibéré des clients (article 5 du décret commenté).

2. Décret n° 2023-877 du 14 septembre 2023 relatif aux dispositifs du bouclier tarifaire gaz et électricité en faveur de l’habitat collectif résidentiel et de l’amortisseur électricité pour les très petites entreprises

Le décret n° 2023-877 du 14 septembre 2023 apporte des précisions aux décrets mettant en œuvre le bouclier tarifaire gaz en faveur des ménages résidant en habitat collectif résidentiel pour 2023 et l’amortisseur électricité pour les TPE.

En premier lieu, aux termes des articles 2 à 5 du décret commenté, les formules de calcul du montant de l’aide perçue en application du bouclier tarifaire gaz pour l’habitat collectif sont modifiées « afin de tirer les conséquences de la baisse des prix du gaz sur les marchés de gros et de la non-reconduction après le 1er juillet 2023 du bouclier tarifaire gaz individuel ».

En modifiant le décret n° 2022-1762 du 30 décembre 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel en 2023, le décret n° 2023-877 ici commenté modifie successivement les formules de calcul des aides prévues pour les différentes technologies visées par le décret n° 2022-1762, à savoir les technologies permettant une fourniture de chaleur :

« (i) à partir d’une chaufferie collective au gaz naturel, dans les conditions définies à l’article 3 ;

(ii) ou par un exploitant d’une chaufferie au gaz naturel, dans les conditions définies à l’article 4 ;

(iii) ou par un gestionnaire d’un réseau de chaleur urbain, utilisant en tout ou partie du gaz naturel, dans les conditions définies à l’article 5 » (article 1 du décret n° 2022-1762 du 30 décembre 2022 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel en 2023).

Les modifications portent sur différents facteurs composant la formule de calcul de l’aide, notamment les variables P et X.

En second lieu, le décret n° 2023-877 ici commenté modifie le décret n° 2023-62 du 3 février 2023 relatif à l’aide en faveur des TPE éligibles au bouclier et à l’amortisseur afin de mettre en cohérence la date limite du dernier guichet de demande d’aide au titre de l’amortisseur électricité.

Le dossier de demande d’aide au titre de l’amortisseur électricité pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 pourra ainsi être déposé par le fournisseur d’électricité jusqu’au 31 mars 2024, soit un mois plus tard que la date limite initialement prévue par le décret n° 2023-62 du 3 février 2023.