Environnement, eau et déchet
le 09/11/2023

Quand les défis environnementaux se heurtent à la protection du patrimoine culturel français

CE, 4 octobre 2023, n° 464855

La société Combray Energie projetait l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur les communes jouxtant le village d’Illiers-Combray, dont les terres environnantes ont longuement été décrites par Marcel Proust dans ses œuvres. C’est d’ailleurs en son hommage que le village, originellement appelé « Illiers » a été rebaptisé en « Illiers-Combray ».

Le 15 octobre 2020, la Préfète d’Eure-et-Loir a refusé de délivrer l’autorisation environnementale nécessaire à l’aboutissement du projet, décision confirmée par la Cour administrative d’appel de Versailles le 11 avril 2022.

Le Conseil d’Etat a suivi le raisonnement de la Cour administrative d’appel, qui avait relevé que ce projet risquait « de porter une atteinte significative notamment à l’intérêt paysager et patrimonial du site remarquable, classé au titre de l’article L. 631-1 du code du patrimoine, du village d’Illiers-Combray et de ses abords ».

Si l’autorisation environnementale ne peut être accordée en cas de danger pour divers éléments incluant les paysages, expressément visés à l’article 511-1 du Code de l’environnement, il convient de relever la réticence jusqu’alors des juridictions administratives à privilégier la protection des paysages français face aux projets d’éoliennes.

Il peut être cité par exemple l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon le 17 juin 2021[1], ayant enjoint au Préfet de la Côte-d’Or de reprendre l’instruction de la demande d’autorisation environnementale de 5 éoliennes sur la commune de Seigny.

Dans cette affaire, après avoir considéré qu’il revenait au préfet « d’évaluer l’impact du projet compte tenu de sa nature et de ses effets sur ces sites », la Cour administrative d’appel de Lyon a retenu que le projet d’éolienne n’altérait pas le site en raison notamment de l’angle de vision limité et du faible nombre d’éoliennes.

Ce n’est pas le raisonnement qu’a suivi le Conseil d’Etat dans le cadre du projet d’éolienne sur les terres de Marcel Proust, qui a pris au contraire en compte l’importance du parcours pédestre favorisant la découverte des lieux, et l’importance du clocher de l’église d’Illiers-Combray et des jardins du Pré-Catelan classés monuments historiques.

Outre la dimension historique des lieux, la haute juridiction semble avoir pris en compte la dimension immatérielle constituée de paysages décrits dans des œuvres littéraires [les paysages à protéger restant matériels quant à eux], qui aura permis de s’imposer face aux enjeux environnementaux portant sur l’énergie renouvelable.

On peut imaginer que dans le futur ce raisonnement ne se limite pas au domaine littéraire et s’étende à l’ensemble du domaine artistique et notamment aux peintures ou aux photographies pour l’application de l’article L. 631-1 du Code du patrimoine.

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[1] CAA Lyon – 7è ch. 17 juin 2021 / n°18LY03943