Intercommunalité
le 15/11/2023

Annulation d’un arrêté préfectoral répartissant des ouvrages de production d’eau potable sur le fondement des dispositions de l’article L. 5211-25-1 du CGCT

CAA Bordeaux, 6 juin 2023, n° 20BX00898

Pour rappel, en cas de réduction du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) résultant du retrait d’une commune membre de cet établissement, il convient de faire application des dispositions de l’article L. 5211-25-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Plus précisément, et comme le rappelle la Cour administrative dans cet arrêt, il appartient aux parties en cause ou, à défaut d’accord, au préfet de procéder à la répartition, d’une part, de l’ensemble des actifs dont l’établissement est devenu propriétaire, d’autre part, de l’encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétence. La Cour administrative ajoute de manière classique que cette répartition doit être fixée dans le but, d’une part, d’éviter toute solution de continuité dans l’exercice, par les personnes publiques, de leur compétence, d’autre part, de garantir la continuité du service public pour les usagers en donnant aux personnes publiques concernées les moyens d’exercer leur compétence, enfin, de garantir un partage équilibré compte tenu de l’importance de la participation de la commune dans l’établissement public.

Au cas présent, deux communes étaient membres d’un syndicat compétent en matière d’eau. A la suite du transfert de la compétence eau à la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) dont elles étaient membres, elles ont été retirées de ce syndicat.

En 2018, après l’échec des négociations entre les communes et le syndicat sur la répartition de deux réservoirs acquis par le syndicat postérieurement au transfert de la compétence et situés sur leurs territoires, les communes ont saisi le préfet afin qu’ils répartissement ces ouvrages entre elles et le syndicat (plus exactement entre elles et la communauté d’agglomération de l’espace sud Martinique (CAESM) qui s’est, entre temps, substituée au syndicat). Le préfet a décidé du transfert en pleine propriété de ces ouvrages à la communauté d’agglomération.

C’est cet arrêté que la Cour administrative d’appel au motif, d’une part, que ces réservoirs produisent des volumes d’eau excédant les besoins des habitants des 12 communes membres de la CAESM et que, d’autre part, l’eau potable acquise auprès de la société martiniquaise de l’eau (SME) (délégataire de service de distribution d’eau potable de la CAESM) aux fins de fournir les habitants des communes du Lamentin et de Saint-Joseph provient, pour l’essentiel, de ces deux ouvrages.

Elle en conclut que : « dans ces conditions, et eu égard à l’importance que revêtait la participation des communes requérantes dans la CAESM, l’arrêté attaqué, qui décide du transfert en pleine propriété de ces ouvrages à la CAESM, sans même prévoir une mise à disposition partielle au bénéfice des communes de Saint-Joseph et du Lamentin, méconnaît les objectifs rappelés au point 3 et repose ainsi sur une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales ».

Et enjoint au préfet de prendre un nouvel arrêté dans un délai de trois mois suivant la notification de l’arrêt.

Cet arrêt est novateur dès lors qu’il prévoit une éventuelle mise à disposition partielle des réservoirs au profit des communes.

Or cela interroge dans la mesure où, premièrement, il n’est pas évident en droit que le préfet puisse imposer la conclusion d’une convention de mise à disposition partielle. Surtout, le juge ne fait pas mention du fondement juridique qui permettrait d’identifier le montage juridique auquel il fait référence. Aussi, le terme de mise à disposition partielle interroge et laisse place à plusieurs interprétations.

Dans le cadre de son nouvel arrêté le préfet a, quant à lui, décidé répartir les ouvrages litigieux à compter du 1er janvier 2027 comme suit : un réservoir à la CAESM et un autre réservoir à la CACEM.