Energie
le 09/11/2023

Rapport parlementaire sur la rénovation énergétique des bâtiments : Quelles préconisations pour une rénovation énergétique efficiente ? Financement de la rénovation – MaPrimeRénov – Mon accompagnateur Rénov

Rapport d’information déposé à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2023 en application de l’article 145 du Règlement par la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments

Face au besoin urgent de sobriété et d’efficacité énergétique, une mission d’information commune a été constituée en février 2023 par la Commission des Affaires économiques et la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire sur la rénovation énergétique des bâtiments. Un rapport issu du travail de la mission a ainsi été publié le 4 octobre 2023 par Jean-Louis Bricout, Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert.

Pour rappel, les conditions de l’habitat et l’état des constructions constituent des enjeux incontournables pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. En effet, les émissions du secteur du bâtiment représentent 18 % des émissions nationales.

Or, si des dispositifs ont déjà été mis en œuvre par la puissance publique, force est de constater qu’ils sont insuffisants. Par exemple, le dispositif MaPrimeRénov’, lancé en 2020 pour accompagner les ménages dans la rénovation de leurs logements, se trouve être insuffisamment efficace dans la pratique. En effet, l’objectif annoncé était de rénover, par le biais de ce dispositif, 900 000 logements par an en 2030. Or, en 2022, MaPrime Rénov a contribué à la réalisation de seulement 65 939 rénovations globales.

A ce titre, le rapport estime qu’il faut « changer de paradigme dans la rénovation des bâtiments pour faire de la baisse des consommations – et donc de la facture énergétique – un principe fondamental et prioritaire ».

Afin d’atteindre ces objectifs d’économie d’énergie et de neutralité carbone à l’horizon 2050, le rapport identifie ainsi deux impératifs :

  • l’organisation et le renforcement de l’effort de la puissance publique « dans un cadre ordonné» afin de « favoriser l’affermissement d’un véritable secteur de la rénovation énergétique des bâtiments » ;
  • la nécessité de lever les « obstacles à l’engagement de projets de rénovation des bâtiments individuels et collectifs ».

Plus précisément, la mission dresse une liste de préconisations qu’il convient d’évoquer.

 

En premier lieu, le rapport a réalisé un certain nombre de préconisations sur le volet financier de la rénovation énergétique des bâtiments. Il relève que si le montant total des dépenses annuelles dans la rénovation énergétique des bâtiments en France s’établit aujourd’hui à près de 20 milliards d’euros[1], ces ressources financières mobilisées s’avèrent très inférieures à celles nécessaires à l’atteinte des objectifs consacrés par les pouvoirs publics – évaluées à 38,4 milliards à 43,4 milliards d’euros par l’ADEME.

En outre, les aides publiques de l’ANAH laissent subsister un reste à charge sur les ménages, ce qui entraîne des effets dissuasifs sur l’engagement des travaux. Pour cette raison, le rapport propose un relèvement substantiel et rapide des dépenses publiques, en visant prioritairement le financement des travaux de rénovation globale performante et une consolidation de la capacité d’autofinancement de la rénovation énergétique dans le parc social.

Outre l’établissement d’une loi de programmation relative à la rénovation énergétique des bâtiments, il suggère ainsi de porter le montant des crédits budgétaires alloués à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros à compter de 2024 dans le cadre d’une loi de programmation financière, et d’abonder les subventions des bailleurs sociaux de 1,5 milliard d’euros.

Afin de contourner l’écueil des restes à charge élevés pour les ménages, le rapport propose d’examiner la pertinence de la création d’une avance remboursable pouvant représenter jusqu’à 100 % du montant des travaux de rénovation énergétique.

En sus, face à l’insuffisance de l’offre des établissements bancaires et de crédit, le rapport propose de conforter le caractère rémunérateur de l’éco-PTZ en relevant le montant du crédit d’impôt dont les établissements bancaires et de crédit peuvent bénéficier.

Surtout, afin de pallier l’absence d’établissements privés en mesure de proposer des instruments susceptibles de répondre à l’ensemble des besoins des ménages, le rapport suggère la création d’une banque de la rénovation dont le capital associerait les établissements bancaires, des sociétés de financement, des sociétés de tiers-financement et les collectivités publiques.

 

En deuxième lieu, le rapport a dressé un certain nombre de préconisations concernant le dispositif Mon accompagnateur Rénov’.

D’une part, le rapport avertit que le recours à l’accompagnement « Mon accompagnateur Rénov’ » dans le cadre du service public de la performance énergétique de l’habitat (ci-après « SPEEH ») ne sera pas nécessairement amplifié alors que l’article R. 232-8 du Code de l’énergie le rend obligatoire pour bénéficier de certaines aides à la rénovation énergétique de l’Anah (MaPrimeRénov’ Sérénité, forfait MaPrimeRénov’)[2]. En effet, il relève que les accompagnateurs Renov’ ne seront vraisemblablement pas prêts et en nombre suffisant, ce qui pourrait peser sur le rythme des travaux de rénovation énergétique, certains ménages ne pouvant bénéficier des aides qui supposent le recours à Mon accompagnateur Rénov’. Il propose donc de suspendre ou d’aménager cette obligation.

D’autre part, l’accompagnement au niveau local doit être renforcé et l’offre de services doit être rendue plus lisible permettant d’identifier les interlocuteurs fiables pour engager un parcours de rénovation énergétique. Dans cet objectif, le rapport préconise l’établissement d’un document de programmation à l’échelle des EPCI en lien avec le SPEEH, qui organiserait la coordination des réseaux publics locaux et associatifs pour l’information et le conseil des porteurs de projets de rénovation énergétique des bâtiments.

A ce titre, le rapport retient que l’efficacité du dispositif Mon accompagnateur Rénov’ impose également de clarifier les missions et obligations respectives des guichets du SPEEH énoncées aux articles L. 232-3 et R. 232-1 du Code de l’énergie, la loi autorisant les ménages à s’adresser indifféremment aux deux.

Parallèlement, pour renforcer la confiance dans le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ et la neutralité des prestations d’accompagnement fournies, la mission considère qu’il est nécessaire d’évaluer la pertinence des garanties d’indépendance exigées des opérateurs intégrant le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ au regard des risques de conflits d’intérêts qui ne seraient, en l’état des dispositions réglementaires, pas écartés.

En outre, le rapport souligne que l’arrêté du 21 décembre 2022 relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat[3] confère un caractère facultatif à certaines prestations d’accompagnement, notamment au regard de la charge que pourrait représenter la fourniture de ces services suivant les moyens des opérateurs de Mon accompagnateur Rénov’. Par suite, il préconise de conforter les ressources allouées à Mon accompagnateur Rénov’ en examinant la possibilité d’un renforcement de la prise en charge assurée par l’ANAH dans le cadre d’un co-financement entre l’État et les collectivités territoriales – plutôt que par une participation des ménages.

En troisième lieu, le rapport souhaite relancer le marché de la rénovation énergétique des bâtiments qui semble être en progression limitée, voire en ralentissement. A cette fin, il relève que « le manque d’une offre suffisante à l’échelle locale pourrait justifier que dans un secteur géographique, les collectivités publiques recourent à des instruments susceptibles de favoriser un développement de la commande privée ou publique ainsi qu’une certaine mutualisation des débouchés ».

Si le rapport vise à ce titre le recours aux opérations programmées d’amélioration de l’habitation, la mutualisation des besoins en rénovation énergétique au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (communauté de communes, d’agglomérations et urbaine, syndicats départementaux d’énergie, etc.) pourrait également être un levier pour faire émerger des marchés locaux en matière de rénovation énergétique.

Enfin, la mission appelle au développement des groupements momentanés d’entreprises dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments dès lors qu’ils permettent aux TPE/PME de répondre à des marchés globaux et de proposer une offre intégrée incluant la rénovation énergétique.

 

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[1] A titre de comparaison, d’après les engagements pris par le Gouvernement fédéral allemand, il devrait recevoir une dotation de l’ordre de 177,5 milliards d’euros pour l’ensemble de ses missions sur la période 2023-2026.

[2] Cf. nos articles précédents : « Service public de la performance énergétique de l’habitat : les contours de l’accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation énergétique » – https://www.seban-associes.avocat.fr/service-public-de-la-performance-energetique-de-lhabitat-les-contours-de-laccompagnement-des-menages-dans-leurs-projets-de-renovation-energetique/

« Le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) : un encadrement de l’accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation énergétique désormais fixé » : https://www.seban-associes.avocat.fr/le-service-public-de-la-performance-energetique-de-lhabitat-sppeh-un-encadrement-de-laccompagnement-des-menages-dans-leurs-projets-de-renovation-energetique-desormais-fixe/#:~:text=Le%20d%C3%A9cret%20n%C2%B0%202022,du%20Code%20de%20l’%C3%A9nergie.

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000046807068/2023-11-06/