Autorité de la Concurrence, le saut d’obstacles de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de personnes

Soulignant l’importance du secteur public de transports dans la transition écologique, l’Autorité de la Concurrence avait lancé une consultation en mars 2023 portant sur ce secteur afin d’apprécier si ses précédentes recommandations avaient été respectées et en formuler de nouvelles. Elle a donc rendu son avis le 29 novembre 2023.

En ce qui concerne l’ouverture à la concurrence, l’Autorité de la concurrence note que les barrières sont « hautes et multiples ». Et dans ce cadre, l’Autorité de la Concurrence s’interroge notamment sur les conditions d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, qu’il s’agisse des services librement organisés ou des services conventionnés. Elle note ainsi une mauvaise qualité de l’infrastructure, des difficultés d’accès pour les nouveaux entrants au matériel roulant et aux équipements embarqués.

Et elle formule des inquiétudes nettes sur les conditions d’ouverture à la concurrence des TER, soulignant tout à la fois le manque de moyens des régions pour procéder à ces ouvertures à la concurrence, leur dépendance à l’égard du groupe SNCF. Elle constate aussi que la multiplication des procédures dans des délais serrés empêchera les opérateurs de répondre à toutes les procédures. Elle invite enfin les régions à tout mettre en œuvre pour ne pas intégrer dans leurs procédures des éléments venant réduire la concurrence. Elle invite également les Autorités à se saisir de la possibilité de gérer les gares telle qu’offerte par le décret n° 2021-966 du 20 juillet 2021 relatif à la gestion et à l’exploitation des gares de voyageurs principalement utilisées par des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, dit décret « mono-transporteur ».

S’agissant des transports urbains, l’Autorité de la Concurrence appelle à stimuler la concurrence, notamment en procédant à des allotissements et ajoutant des systèmes de contrôles des engagements des cocontractants.

Enfin, l’Autorité invite les AOM à stimuler la concurrence en la matière sur le marché de la distribution et à rendre possible l’interopérabilité avec leur propre système de distribution.

Si ces recommandations sont cohérentes, force est de constater qu’elles ne prennent manifestement pas en compte le manque de moyens des régions et leurs difficultés de recrutement.

Publicité : encadrement de la publicité en mer

Le décret en date du 17 novembre 2023 introduit au sein du Code de l’environnement un nouveau paragraphe, composé des articles R. 581-52-1 et suivants, intitulé « publicité en mer » et visant à encadrer cette activité.

Cette règlementation s’applique à compter du 1er mars 2024 en mer territoriale et sur les eaux intérieures maritimes françaises.

Il est ainsi désormais prévu que :

  • La publicité lumineuse est interdite ;
  • La publicité non lumineuse n’est admise que sur les navires, qui ne doivent pas être équipés ni exploités à des fins essentiellement publicitaires ;
  • La surface totale des publicités non lumineuses apposées ou installées sur un navire ne peut excéder 4 m², cette disposition ne s’appliquant toutefois pas à la marque, au constructeur, à l’exploitant ou au parraineur des navires, y compris au parraineur des évènements nautiques lors de ces évènements.

Des dérogations peuvent être accordées à titre exceptionnel pour des manifestations particulières.

Autorisation environnementale : quel intérêt à agir des collectivités ?

CE, 1er décembre 2023, Département de la Charente-Maritime, n° 467009

Par deux arrêts en date du 1er décembre 2023 portant sur des recours dirigés contre les autorisations environnementales accordées à des projets d’exploitation d’énergie éolienne, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser les modalités d’appréciation de l’intérêt à agir des collectivités territoriales contre les autorisations environnementales.

Le principe qui ressort de ces décisions est le suivant :

« une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ».

Le Conseil d’Etat a ensuite appliqué ce principe aux différents échelons de collectivité territoriale :

  • Sur l’intérêt à agir des régions : la circonstance que le projet d’implantation d’éoliennes soit situé sur son territoire et que la Région avait défini des règles et objectifs portant sur le développement de l’énergie éolienne visant à assurer la protection des paysages et de l’environnement au sein de son schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ne permet pas de caractériser un intérêt à agir direct, la Région n’étant investie d’aucune responsabilité en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes que l’installation d’éoliennes pourrait provoquer sur son territoire ;
  • Sur l’intérêt à agir des départements : le juge relève que le département ne justifie d’aucune compétence propre en matière de protection de l’environnement, des paysages ou du patrimoine, d’aménagement du territoire ou de lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie susceptible de lui conférer un intérêt direct à agir contre un projet d’implantation d’éoliennes. Il pourrait en aller autrement s’il était démontré que le projet portait atteinte à des espaces naturels sensibles ou à une politique touristique départementale (qui comprend notamment l’élaboration d’un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée) ;
  • Sur l’intérêt à agir des communes : commet une erreur de droit le juge qui considère que l’intérêt à agir de communes limitrophes au projet n’est pas caractérisé alors que le projet litigieux affecterait directement la qualité de leur environnement et aurait un impact sur leur activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales résultant de la proximité ou covisibilité du site d’implantation du projet avec plusieurs monuments historiques et sites inscrits et de la présence de zones naturelles à préserver, dont une zone Natura 2000, susceptibles d’être affectées par le fonctionnement du parc éolien et situées à proximité immédiate de ce dernier.

Autorisation environnementale : attention à l’irrecevabilité des recours

Le 29 novembre 2023 est paru au Journal officiel le décret visant à préciser l’obligation de notification des recours exercés contre des autorisations environnementales à l’auteur et au bénéficiaire de ces actes.

En effet, la loi n° 2023-275 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables avait introduit un nouvel alinéa au sein de l’article L. 181-17 du Code de l’environnement, aux termes duquel « l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision. Les conditions d’application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d’Etat ».

Le décret du 27 novembre 2023 complète les articles R. 181-50 et R. 181-51 du Code de l’environnement et précise les conditions dans lesquelles cette double notification devra être réalisée :

  • Sur le champ d’application de cette obligation, qui concerne les recours contentieux et administratifs, elle vise tant le recours dirigé contre une autorisation environnementale que celui visant un arrêté fixant une ou plusieurs prescriptions complémentaires ou une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle autorisation ou un tel arrêté. Sont également concernées les décisions refusant de retirer ou d’abroger une autorisation environnementale ou un arrêté complémentaire ;
  • Sur les modalités de la notification, elle doit intervenir par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d’envoi du recours administratif. Il s’agit de la date d’envoi de cette lettre, attestée par le certificat de dépôt, qui doit être prise en compte.

Il sera nécessaire que l’affichage et la publication de ces décisions mentionnent cette obligation de notification ainsi que les conséquences du défaut de réalisation de cette formalité.

Cette obligation est applicable aux recours relatifs aux autorisations environnementales et aux arrêtés complémentaires pris à compter du 1er janvier 2024.

Suites et fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique : une esquisse de l’après

Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ci-après, ARENH) a été mis en place par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi NOME). L’ARENH est entré en vigueur le 1er juillet 2011 et s’applique jusqu’au 31 décembre 2025.

Le dispositif de l’ARENH visait alors deux objectifs :

  • Encourager la concurrence sur le marché de détail tout en permettant aux consommateurs finals de bénéficier de l’électricité produite par le parc nucléaire ;
  • Concourir au développement de la concurrence en amont, en permettant aux fournisseurs d’investir dans des moyens de production.

Pour rappel, le fonctionnement de l’ARENH est le suivant : 100 TWh sont accordés chaque année aux fournisseurs alternatifs en fonction des prévisions de consommation des consommateurs finals. La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) opère un contrôle a posteriori des consommations réelles. Les fournisseurs ayant bénéficié de volume supérieur à la consommation réelle doivent s’acquitter de compléments de prix.

L’exercice de l’ARENH est encadré par un arrêté du Ministre en charge de l’énergie et par un accord-cadre conclu avec les fournisseurs alternatifs souhaitant en bénéficier. Par une délibération du 15 novembre 2023, la CRE a proposé une modification de l’arrêté du 28 avril 2011 définissant les conditions de vente d’électricité d’EDF aux fournisseurs alternatifs et un nouveau modèle d’accord cadre pour prendre en compte les modifications réglementaires récemment intervenues (I.). Par une communication du 21 novembre 2023, le Ministre en charge de l’énergie a donné des indications sur l’après ARENH, le dispositif n’ayant pas vocation à perdurer au-delà du 31 décembre 2025 (II.).

I. Sur la délibération de la CRE

La délibération de la CRE propose notamment les modifications suivantes :

  • Facturation des frais prévisionnels de la Caisse des dépôts et consignations en cas de cessation des livraisons : la CRE propose ainsi une modification de l’article 6 de l’arrêté du 28 avril 2011 prévoyant que les frais prévisionnels des fournisseurs soit dus, même en cas de cessation des livraison d’ARENH auxdits fournisseurs ;
  • Modalités de rétrocession des garanties de capacité en cas de cessation des livraisons : la CRE propose une évolution de l’article 7-1 l’arrêté du 28 avril 2011 pour prendre en comptes les évolutions du mécanisme de capacité intervenues depuis la dernière modification de l’arrêté ;
  • Suppression des dispositions relatives aux volumes d’ARENH additionnels mis à disposition en 2022 et au guichet infra-annuel : pour faire face à la crise des prix de l’énergie, le gouvernement avait décidé d’augmenter la quantité d’ARENH cédée par EDF de 20 TWh pour 2022. Cette augmentation était temporaire et le modèle d’accord cadre peut désormais en être allégé ;
  • Clarification de la procédure de contestation des montants dus : la CRE propose d’intervenir aux côtés de la caisse des dépôts et consignations en cas de contestation des montants dus au titre de l’accord cadre ;
  • Précisions relatives à la mise en œuvre des cas de cessation de livraisons : la CRE propose donc plusieurs modifications du modèle d’accord cadre permettant d’indiquer la procédure s’appliquant en cas de cessation des livraisons, en matière de notification, de facturation et de paiement des sommes dues ;
  • Définition de la procédure de cession de l’accord-cadre en cours de période de livraison : la possibilité de cession de l’accord-cadre en cours de livraison a été introduite par l’arrêté du 25 mars 2022 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011. Toutefois, la procédure de cette cession n’a pas été précisée.

II. Sur la consultation du Gouvernement du 21 novembre 2023

L’ARENH prendra fin le 31 décembre 2025. Le mécanisme qui s’y substituera commence à se profiler. Par une consultation du 21 novembre 2023, le gouvernement a présenté un outil qui pourrait prendre la suite de l’ARENH.

Le dispositif envisagé a pour objectif de sécuriser dans la durée l’accès des consommateurs français d’électricité à un prix de vente cohérent avec la structure de coûts du mix électrique. Il vise en outre à maintenir le bénéfice de l’électricité produite par le parc nucléaire français aux consommateurs.

Aux termes de la consultation présentée par le Gouvernement : « cette nouvelle organisation consiste à encourager le développement de contrats de moyen-long terme conclus entre acteurs sur les marchés de gros et négociés avec les consommateurs pour leur approvisionnement et adaptés à leurs besoins, accompagné d’un contrôle des prix protégeant les consommateurs en cas de situations de prix élevés. Pour sa composante administrée, ce mécanisme de contrôle des prix consisterait à (i) prélever une fraction des revenus du parc de production nucléaire au-delà d’un certain seuil, et (ii) redistribuer ce montant à l’ensemble des consommateurs ».

Le dispositif aurait donc une double facette :

  • Encourager les contrats moyen-long terme conclus entre les acteurs du marché (fournisseur, producteur…) et les consommateurs ;
  • Encadrer les prix de revente de l’électricité nucléaire produite par EDF.

La consultation du Gouvernement est marquée par une volonté de redonner à EDF sa liberté contractuelle en deçà du plafond actuel d’accès à l’ARENH tout en l’encadrant pour protéger les consommateurs d’électricité.

Concrètement, l’outil envisagé fonctionnerait par seuils de prix au-delà desquels EDF serait tenue de verser à l’Etat une fraction des revenus tirés de la production du parc nucléaire. Aux termes de la consultation publique, sont envisagés :

  • Un premier seuil d’activation qui correspond à l’addition du coût comptable complet de production du nucléaire existant et d’une composante représentative du coût du programme : nouveau nucléaire de France. Ce seuil est évalué à l’heure actuelle à 78 euros par MWh et son taux de prélèvement serait fixé à 50 % ;
  • Un deuxième seuil, fixé à 110 euros par MWh, de nature à protéger les consommateurs contre les épisodes de prix élevés sur les marchés. Son taux de prélèvement serait fixé à 90 %.

Les montants récupérés par l’Etat seraient par suite reversés aux consommateurs sous forme d’un versement apparaissant sur la facture en déduction du prix de l’électricité conclu avec le fournisseur.

En outre, le Gouvernement précise que ce nouveau dispositif n’aurait pas d’impact sur les tarifs réglementés de vente, qui devront nécessairement être modifiés pour le prendre en compte.

Modification du cadre réglementaire applicable aux garanties d’origine : précisions sur la préemption des garanties d’origine par les collectivités

Le décret n° 2023-1048 en date du 16 novembre 2023 traduit dans la partie réglementaire du Code de l’énergie les modifications de la partie législative dudit Code introduites par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021. Cette ordonnance visait à transposer en droit interne certaines dispositions des directives n° 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et n° 2019/944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Le décret déplace les articles relatifs aux garanties d’origine du chapitre relatif à la production d’électricité d’origine renouvelable au chapitre relatif aux dispositions générales relatives à la production d’électricité. Mais surtout, le décret apporte plusieurs modifications au système des garanties d’origine en droit interne en venant :

  • Étendre la possibilité d’émettre des garanties d’origine électriques à l’ensemble des sources d’énergie primaire et notamment à l’énergie nucléaire ;
  • Permettre l’organisation d’enchères à terme de garanties d’origine issues d’installations bénéficiant d’un soutien public ;
  • Mettre en œuvre l’achat préférentiel ouvert aux producteurs bénéficiant de mécanismes de soutien public ;
  • Préciser la faculté de certaines collectivités territoriales (communes, groupements de communes ou métropoles) de préempter gratuitement les garanties d’origine des installations situées sur leur territoire.

En premier lieu, le bénéfice des garanties d’origine électriques a été étendu à l’ensemble des sources d’énergie primaires par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021. Cette ordonnance a notamment modifié l’article L. 314-14 du Code de l’énergie, devenu L. 311-20 du même Code. L’article 2 du décret présentement commenté adapte la partie réglementaire du Code de l’énergie pour que l’ensemble des sources d’énergie, et non plus exclusivement les sources renouvelables, puissent donner lieu à délivrance de garanties d’origine.

L’article précité modifie notamment, pour l’application des articles L. 311-20 et suivants du Code de l’énergie, l’article R. 311-48 du Code de l’énergie qui dispose désormais que : « l’électricité produite par n’importe quelle source d’énergie primaire ou par cogénération par des installations de production d’électricité régulièrement déclarées ou autorisées peut donner lieu à l’émission de garanties d’origine ».

Les articles suivants du Code de l’énergie sont également modifiés afin notamment d’étendre les missions du gestionnaire du registre des garanties d’origine aux sources d’énergie primaire non renouvelable, et de modifier le contenu des demandes d’émission de garantie d’origine pour y indiquer la source d’énergie utilisée pour produire l’électricité. A cet égard, ainsi que le relevait, en le critiquant, la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération n° 2023-294 du 27 septembre 2023 portant avis sur le décret ici commenté, l’objet de cette extension des garanties d’origine aux autres sources d’énergie est essentiellement d’étendre le dispositif à l’électricité produite à partir d’énergie nucléaire.

En deuxième lieu, le décret n° 2023-1048 du 16 novembre 2023 introduit la possibilité des enchères à terme pour les garanties émises pour des installations bénéficiant d’un soutien public. La mise en enchères des garanties d’origine émises au titre de l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération était déjà permise au Ministre en charge de l’énergie. Cette mise aux enchères avait lieu postérieurement à l’émission des garanties d’origine. Le décret ici commenté permet désormais la tenue d’enchères à terme.

Les garanties d’origine pourront dès lors être cédées par le biais d’enchères avant même leur émission. Le nouvel article R. 314-62, prévoyant notamment le cas des garanties d’origine mises aux enchères avant leur émission, dispose : « les garanties d’origine allouées à l’issue d’une mise aux enchères réalisée avant leur émission donnent lieu à la conclusion d’une promesse de vente entre l’organisme et le lauréat. Elles sont réputées vendues après avoir été émises et payées par leur acquéreur ». En outre, le décret apporte des précisions sur l’allotissement des garanties d’origine en codifiant un nouvel article R. 314-60.

En troisième lieu, le décret apporte les précisions réglementaires sur la faculté offerte aux exploitants d’installations de production d’énergie renouvelable d’acheter de manière préférentielle les garanties d’origine de leurs installations dans le cadre de leur mise aux enchères. Pour rappel, les exploitants d’installations de production bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération ne peuvent pas bénéficier des garanties d’origine émises au titre de leur production, sous peine de voir leur contrat résilié.

Toutefois, aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 314-14 du Code de l’énergie, les exploitants ont la possibilité d’acquérir les garanties d’origine de leurs installations. Le nouvel article R. 314-67 vient préciser ce dispositif d’acquisition préférentielle.

Ainsi, lorsqu’ils souhaitent bénéficier de l’achat préférentiel des garanties d’origine issues de leurs installations, les exploitants informent le gestionnaire du registre des garanties d’origine de leur souhait de disposer de l’ensemble des garanties d’origine correspondant à une période de production donnée. Ils sont tenus de transmettre à l’organisme chargé de la mise aux enchères leur demande d’achat préférentiel en amont de l’enchère :

  • au minimum deux mois avant l’ouverture des enchères organisées pour la vente de garanties d’origine réalisée après leur production en l’absence d’enchères à terme ;
  • au maximum un mois avant l’ouverture des enchères à terme dans le cas des enchères à terme, en précisant la durée sur laquelle un tel volume est souhaité.

Ils s’engagent à acquérir ces garanties d’origine selon les conditions générales de la mise aux enchères mentionnées au R. 314-57 qui peuvent prévoir notamment une durée minimale et maximale sur laquelle l’exploitant s’engage à acheter les garanties d’origine de son installation, le niveau de la prime qu’il doit payer pour chacune des GO achetées, les modalités de rupture de l’engagement de l’exploitant, une limitation du volume de garanties d’origine pouvant faire l’objet d’un tel achat préférentiel.

En quatrième et dernier lieu, le décret apporte les précisions réglementaires sur la préemption des garanties d’origine par les collectivités. Cette faculté a été ouverte par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021 précitée. Le troisième alinéa de l’article L. 314-14 du Code de l’énergie dispose désormais :

« à la demande de la commune, du groupement de communes ou de la métropole sur le territoire desquels est implantée une installation mentionnée au premier alinéa et afin d’attester de l’origine locale et renouvelable de leur propre consommation d’électricité, ladite commune, ledit groupement de communes ou ladite métropole peuvent bénéficier à titre gratuit de tout ou partie des garanties d’origine de ladite installation, selon des modalités prévues par décret, en vue de leur utilisation immédiate. Les garanties d’origine dont bénéficient ainsi ladite commune, ledit groupement de communes ou ladite métropole ne peuvent être vendues ».

Aux termes de cet article, les communes ou leur groupement peuvent bénéficier des garanties d’origine émises par les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération situées sur leur territoire, pour attester de l’origine renouvelable de l’électricité qu’elles consomment. Les modalités d’application du troisième alinéa de l’article L. 314-14 précité sont désormais connu. On retiendra notamment que :

  • la commune ou le groupement doit détenir un compte sur le registre des garanties d’origine ;
  • la demande de préemption des garanties d’origine doit être adressée au gestionnaire du registre au moins cinq jours avant leur mise aux enchères ;
  • la demande doit indiquer le volume de garanties souhaité et la période concernée : « dans la limite du volume de la production des installations implantées sur leur territoire et de leur propre consommation d’électricité sur la même période» ;
  • la consommation d’électricité de la collectivité est définie comme : « la consommation des équipements faisant l’objet d’une facturation directe» à ladite collectivité.

Il convient de souligner que l’ensemble des règles permettant de mettre en œuvre cette préemption n’est pas encore connu. En effet, aux termes de l’article R. 314-66 précité, les conditions générales de la mise aux enchères, arrêtées par le Ministre de l’énergie, apporteront des précisions portant notamment sur :

« 1° Des frais d’accès à la plateforme ainsi que des frais de gestion, à la charge de la commune, du groupement de communes ou de la métropole ;

2° Une limitation du volume des garanties d’origine dont peuvent bénéficier la commune, le groupement de communes ou la métropole, cette limitation pouvant être exprimée en pourcentage de la production mensuelle des installations implantées sur leur territoire ;

3° Les conditions dans lesquelles sont allouées les garanties d’origine dont l’acquisition est souhaitée à la fois par la commune, le groupement de communes ou la métropole ».

Gageons que le Ministre laissera les collectivités s’emparer de ce mécanisme sans trop le limiter.

Adoption de la directive n° 2023/2413 du 18 octobre 2023 dite « RED III » : synthèse des modifications apportées au droit européen de l’énergie

La directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil en date du 18 octobre 2023, dite directive « Red III » a été adoptée par le Parlement européen.

S’inscrivant dans le cadre du plan RePower EU et de la trajectoire Ajustement à l’objectif 55 du pacte vert pour l’Europe énoncé dans la communication de la Commission du 11 décembre 2019, la directive commentée vient modifier en profondeur le droit européen de l’énergie.

La directive 2023/2413 ici commentée modifie trois textes :

  • Directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ;
  • Règlement 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat ;
  • Directive 98/70/CE du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel.

L’essentiel des modifications concerne la directive 2018/2001 et n’est pas sans rappeler la récente loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable, dite loi « APER ».

En premier lieu, la directive 2023/2413 insère de nouvelles définitions dans la directive 2018/2001. Sont ainsi notamment consacrées les définitions suivantes :

  • « zone d’accélération des énergies renouvelables» : un lieu ou une zone spécifique, terrestre, maritime ou d’eaux intérieures, qu’un État membre a désigné comme étant particulièrement adapté pour accueillir des installations d’énergie renouvelable à partir de sources renouvelables, autres que des installations de combustion de biomasse ;
  • « technologie innovante en matière d’énergie renouvelable» : une technologie de production d’énergie renouvelable qui améliore au moins un aspect d’une technologie de pointe comparable en matière d’énergie renouvelable, ou qui rend exploitable une technologie en matière d’énergie renouvelable qui n’est pas entièrement commercialisée ou qui comporte un degré de risque clair ;
  • « accord d’achat d’énergie renouvelable» : un contrat par lequel une personne physique ou morale convient d’acheter directement à un producteur de l’énergie renouvelable, qui englobe, sans s’y limiter, les accords d’achat d’électricité renouvelable, les accords d’achat d’électricité renouvelable et les accords d’achat de chauffage et de refroidissement renouvelables ;
  • « combustibles renouvelables » : les biocarburants, les bioliquides, les combustibles ou carburants issus de la biomasse et les carburants renouvelables d’origine non biologique.

De nombreuses autres définitions sont intégrées, par référence à d’autres textes européens : point de recharge (règlement 2023/1804), marché de l’électricité (directive 2019/944) …

En deuxième lieu, la directive 2023/2413 vient rehausser les objectifs contraignants d’augmentation de la part d’énergie renouvelable dans le mix énergétique européen. Ainsi, l’article 3 de la directive 2018/2001 est modifié de sorte que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie dans l’Union atteigne nécessairement 42,5 % et potentiellement 45 % d’ici 2030 (l’objectif était jusqu’à lors fixé à 32 %).

En outre, la directive 2023/2413 modifie le règlement 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat en précisant les objectifs de la feuille de route de cet objectif d’augmentation de la part des énergies renouvelables. Aux termes de l’article 2 de la directive commentée :

« sur la base d’une trajectoire indicative de l’Union qui part de 20 % en 2020, atteint des points de référence d’au moins 18 % en 2022, 43 % en 2025 et 65 % en 2027 de l’augmentation totale de la part d’énergie provenant de sources renouvelables entre l’objectif spécifique de l’Union en matière d’énergies renouvelables pour 2020 et l’objectif spécifique de l’Union en matière d’énergies renouvelables pour 2030, et atteint l’objectif spécifique contraignant de l’Union pour les énergies renouvelables pour 2030 fixé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive (UE) 2018/2001 ».

En troisième lieu, la directive 2018/2001 est complétée de deux nouveaux articles relatifs aux zones d’accélération des énergies renouvelables.

D’une part, l’article 15 ter impose aux Etats membres de réaliser une « cartographie coordonnée en vue du déploiement de l’énergie renouvelable sur leur territoire, afin de recenser le potentiel national et les zones terrestre, souterraine, maritime ou en eaux intérieures disponibles qui sont nécessaires pour l’établissement d’installations d’énergie renouvelable et leurs infrastructures connexes » pour atteindre l’objectif de 42,5 % d’énergie produite à partir de source renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union.

D’autre part, l’article 15 quater impose aux Etats membres de désigner à partir de cette cartographie des zones d’accélération des énergies renouvelables pour un ou plusieurs types de sources d’énergie. Ces zones devront être identifiées au plus tard le 21 février 2026.

En outre, les Etat membres sont encouragés à adopter des plans identifiant les zones d’infrastructures spécifiques destinées au développement de projets de réseau ou de stockage nécessaires à l’intégration de l’énergie renouvelable dans le système électrique (nouvel article 15 sexies de la directive 2018/2001).

En quatrième lieu, la directive 2023/2413 s’efforce de simplifier les procédures d’obtention de permis nécessaires à l’implantation des installations de production d’énergie renouvelable, notamment dans les zones d’accélération.

Ainsi, aux termes de l’article 16 modifié de la directive 2018/2001, les Etats membres devront :

  • Respecter des délais réduits de traitement des demandes ;
  • Mettre en place des points de contact facilitant les démarches des demandeurs des permis ;
  • Rendre facilement accessibles les informations liées à la délivrance des permis ;
  • Veiller à ce que les recours contre les permis s’exercent le plus rapidement possible.

La directive 2023/2413 insère un nouvel article 16 bis dans la directive 2018/2001 concernant spécifiquement les permis délivrés au sein des zones d’accélération des énergies renouvelables. Ces permis devront notamment être délivrés dans un délai maximum de douze mois et pourront être exemptés, sous conditions, d’évaluation spécifique des incidences sur l’environnement et d’évaluation de leurs incidences sur les sites Natura 2000 (point 3 de l’article 16 bis précité).

En cinquième lieu, la directive consacre la présomption d’intérêt public majeur des projets de production d’énergie renouvelable récemment consacrée en droit interne (voir notre brève dans la présente Lettre d’actualité sur ce sujet). En effet, la nouvel article 16 septies dispose : « les États membres veillent à ce que, dans le cadre de la procédure d’octroi de permis, la planification, la construction et l’exploitation d’installations d’énergie renouvelable, le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit et les actifs de stockage soient présumés relever de l’intérêt public majeur et de l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans les cas individuels ».

En sixième lieu, la directive 2023/2413 intègre dans la directive 2018/2001 de nouvelles dispositions relatives à la décarbonation du secteur du transport, modifie en conséquence la directive 98/70/CE du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel et abroge la directive 2015/652 du Conseil du 20 avril 2015.

Il convient de souligner pour conclure que les nouvelles dispositions des directives modifiées devront être transposées par les Etats membres afin d’être opposables. La date limite de transposition est fixée au 21 mai 2025. Reste que de nombreuses dispositions trouvent déjà un écho en droit interne du fait de l’adoption de la loi APER.

Le CoRDiS rappelle les obligations d’Enedis en matière de qualité de l’alimentation électrique d’une installation de consommation

Le Comité de règlement des différents et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a publié une décision de sanction le 24 octobre 2023 à l’encontre d’Enedis relative à la qualité de l’alimentation électrique d’une installation de consommation.

En l’espèce, des variations de tensions sur le réseau électrique avait été constatés par une cliente, provoquant des dysfonctionnements de ses appareils électriques. Le CoRDiS a à cette occasion rappelé qu’il résulte des dispositions des articles L. 121-1, L. 322-12 alinéas 1 et 2 et D. 322-2 du Code de l’énergie et de l’article 4 de l’arrêté du 24 décembre 2007 pris en application du décret n°2007-1826 du 24 décembre 2007 relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité, « que le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité est tenu de mettre en œuvre tous les moyens techniques à sa disposition lui permettant d’assurer une desserte en électricité de qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l’énergie électrique ».

Ainsi, pour se conformer à cette obligation, la société Enedis doit « s’assurer, d’une part, que la tension normale de distribution basse-tension (BT), moyennée sur 10 minutes, correspond à une plage de plus ou moins 10 % autour des valeurs nominales, et d’autre part, que la valeur maximale admissible du gradient de chute de tension soit inférieure à 2 % ».

Le CoRDiS a alors constaté les manquements avérés et persistants de la société Enedis aux obligations susvisées alors que les remèdes aux dysfonctionnements constatés sont connus.

Il a ainsi enjoint sous astreinte à Enedis d’entreprendre les travaux nécessaires à l’accomplissement de ses obligations dans un délai d’une semaine suivant la notification de sa décision.

Marché en détail de l’électricité et du gaz naturel : la Commission de Régulation de l’Energie publie son rapport sur les années 2020 à 2022 et formule des propositions pour renforcer la protection des consommateurs

Les propositions de la CRE pour renforcer la protection des consommateurs d’énergie et améliorer le fonctionnement du marché de détail

1. La Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a publié son rapport sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel entre 2020 et 2022.

Malgré le contexte de crise des prix de l’énergie sur cette période, le rapport indique d’abord que l’objectif premier de protection des consommateurs contre la hausse des prix de gros de l’énergie a été globalement atteint.

Notamment, la souscription par de nombreux consommateurs de gaz naturel et d’électricité d’offre à prix fixe leur a assuré une protection plus importante durant la crise. Les différents dispositifs mis en place pour faire face à la hausse des prix de l’énergie ont en outre, selon la CRE, fait leurs preuves dès lors que les consommateurs français ont bénéficié de prix parmi les moins élevés en Europe.

Enfin, les effets des hausses de prix ont pu être amortis en partie grâce au dispositif de l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ARENH), et notamment grâce à la mise à disposition de 20 TWh d’ARENH supplémentaire.

Passé ce constat positif, la CRE relève néanmoins qu’il existe des marges d’amélioration du fonctionnement du marché de détail. Celles-ci passeraient notamment par un meilleur encadrement des comportements abusifs dans le recours et le bénéfice à l’ARENH, l’introduction d’obligations prudentielles afin que les fournisseurs s’approvisionnent sur le marché en cohérence avec leurs engagements de prix auprès de leurs consommateurs, et par la prise de mesures permettant de garantir à tous consommateurs un choix éclairé.

Sur ce dernier point, la CRE indique plaider pour « un maintien pendant au moins un an des caractéristiques principales des offres souscrites par les consommateurs et pour une information claire et transparente en cas de changement de conditions tarifaires ».

Au-delà de la protection des consommateurs, le Régulateur observe que le marché de détail a été fortement impacté par la crise de l’énergie. Il indique en effet que les mesures de protections ont réduit la diversité des offres sur le marché et, plus globalement, que le marché s’est concentré autour des trois principaux fournisseurs, EDF, Engie et Total Energies, au détriment des fournisseurs alternatifs.

S’agissant des perspectives de sortie de crise du marché de détail, la CRE note notamment que la fin des Tarifs Réglementés de Vente de Gaz Naturel (TRVG) s’est déroulée sans difficulté notable et que, de façon encourageante, depuis début 2023, les prix de gros de l’électricité sur le marché sont à la baisse.

2. La CRE a par ailleurs publié les propositions formulées lors de la réunion qui s’est tenue le 8 septembre 2023 sous l’égide du Ministre de la transition énergétique avec l’ensemble des fournisseurs d’énergie, le Médiateur national de l’énergie, les associations de consommateurs, pour renforcer la protection des consommateurs d’énergie et améliorer le fonctionnement du marché de détail. Ces propositions sont intégrées aux réflexions sur la future loi de programmation énergétique.

D’abord, le Régulateur propose de mieux encadrer les informations et conditions contractuelles proposées par les fournisseurs aux consommateurs afin d’améliorer la transparence.

Il s’agirait notamment de mettre en place une catégorisation des formules de fixation des prix s’appliquant aux contrats d’énergie afin que les clients aient pleinement conscience de leur impact sur les contrats. Il est proposé de créer trois catégories : les offres à prix fixe, les offres à prix indexés sur une référence publique (telle que les tarifs réglementés de vente), et les autres offres.

En outre, la CRE considère que les évolutions contractuelles et les renouvellements automatiques doivent être mieux expliqués par le fournisseur d’énergie aux clients dès lors qu’ils peuvent avoir un impact important sur le prix final payé. Il est également proposé d’interdire expressément les offres de fourniture d’électricité et de gaz dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation.

Ensuite, la CRE rappelle la nécessité de prévoir un cadre de régulation prudentielle sur le marché de la fourniture d’électricité et du gaz naturel pour éviter que certains fournisseurs adoptent des comportements risqués répercutés sur les consommateurs. Ce cadre interviendrait en sus d’une révision générale du cadre d’attribution et de contrôle des autorisations de fourniture d’énergie.

Enfin, la CRE, qui a vu ses missions de surveillance et de contrôle des fournisseurs renforcées pour l’année 2023, a identifié les mesures permettant d’accélérer les délais de traitement des dossiers de sanction devant le CoRDiS et plaide pour l’introduction d’une procédure de transaction.

Espèce protégées et énergie : consultation publique sur des projets de décrets relatifs au développement des énergies renouvelables et à la construction des nouvelles installations nucléaires

Deux projets de décrets ont récemment fait l’objet d’une consultation publique dans les conditions de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement. Tous deux portent sur le bénéfice de la dérogation à l’obligation de protection des espèces protégées.

On rappellera qu’aux termes de l’article L. 411-2 4 du Code de l’environnement, il est en effet possible de déroger aux interdictions prévues par ce même code relatives à la protection des habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et des sites d’intérêt géologique pour des raisons impératives d’intérêt public majeur. L’obtention de la dérogation suppose que cette condition soit cumulée avec deux autres : l’absence de solution alternative de moindre impact et l’absence de nuisance au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

L’article 19 de la loi n° 2023-175 en date du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après, loi APER) a prévu que les projets d’installations de production d’énergie renouvelable ainsi que leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Ces conditions, fixées par les projets de décrets commentés, tiennent compte du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Ainsi, tout d’abord, un premier projet de décret propose de fixer, en matière d’hydroélectricité, des seuils de puissance au-delà desquels, tant que les objectifs de la PPE ne sont pas atteints, les installations seront automatiquement réputées répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur. Ces seuils sont de 3 MW sur le territoire métropolitain et 1 MW dans les zones non interconnectées (ZNI). Ne sont néanmoins pas concernées les projets hydroélectriques situés sur les cours d’eau classés en liste 1 par l’article L. 214-17 du Code de l’environnement.

Ensuite, un second projet de décret fixe les seuils de puissance pour les autres types d’installations de production d’énergies renouvelables concernées qui, au-delà de ces seuils, et tant que les objectifs de la PPE fixés par filière ne seront pas atteints, bénéficieront automatiquement de la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur. Mais, pour bénéficier de la dérogation « espèces protégées », ces installations devront également remplir les deux autres conditions sus rappelées et précisées par l’article L. 411-2 4 du Code de l’environnement.

Enfin, on notera que cette reconnaissance concerne également les projets liés à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants. En effet, l’article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2013 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes prévoit que ces projets sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur dès lors qu’ils satisfont à des conditions de puissance et de type de technologie précisées par le projet de décret.

La consultation publique sur ces projets de décrets s’est clôturée le 24 novembre 2023 et a suscité 1764 contributions.

Accessibilité des places de stationnement équipées ou pré-équipées de dispositifs de recharge de véhicules électriques aux personnes à mobilité réduite

La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (ci-après, loi LOM) a introduit à l’article L. 2224-37 du Code Général des Collectivités Territoriales (ci-après, CGCT) l’obligation de garantir un pourcentage minimal de places de stationnement sur la voie communale équipées de dispositifs de recharge pour véhicules électriques aux personnes à mobilité réduite sans que ces places ne leur soient réservées.

L’arrêté du 27 octobre 2023 relatif à l’accessibilité des places de stationnement en voirie communale équipées ou pré-équipées de dispositif de recharge pris en application de l’article L. 2224-37 du Code général des collectivités territoriales a fixé ce pourcentage minimal. Ce pourcentage minimal dépend de la date d’équipement ou de pré-équipement des places de stationnement et du nombre de places équipées ou pré-équipées en bornes de recharges de véhicules électriques sur la voirie.

Ainsi, à titre d’illustration, lorsque la voirie communale compte jusqu’à 10 places maximum équipées ou pré-équipées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2025, le taux minimal de places accessibles est fixé 30 %, et lorsque ce nombre de places est de 200 ce taux minimal est de 10 %. Le nombre de places accessibles ne doit bien évidemment pas être inférieur au nombre de places accessibles requises au titre de la tranche précédente.

Lorsque l’équipement ou le pré-équipement intervient à compter du 1er janvier 2026, le taux minimal de places accessibles est réévalué à la hausse comme l’indique le tableau en annexe de l’arrêté. L’arrêté prévoit en outre que des places plus longues, de 7 à 9 mètres seront dédiées à cette même catégorie de personnes pour permettre la recharge de véhicules plus volumineux.

Ces informations sont précisées en annexe 1 de l’arrêté du 27 octobre 2023.

Circulaire du 9 octobre 2023 : Donner au contentieux pénal environnemental une place à la hauteur des enjeux

Par cette circulaire en date du 9 octobre 2023, le ministère de la Justice entend préciser les moyens mis en œuvre en vue de permettre le développement du contentieux pénal environnemental.

La circulaire s’inscrit notamment dans le prolongement de la circulaire du 11 mai 2021 visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale qui établissait une étroite coordination entre les autorités judiciaires et administratives ainsi que le décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 institutionnalisant les Comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN).

Elle est ainsi construite autour de 3 axes :

1. Le renforcement de la coordination de l’action administrative et judiciaire à travers le déploiement des COLDEN :

Les COLDEN ont vocation à traiter la délinquance environnementale au niveau départemental et « à recenser les problématiques environnementales propres à un territoire et à définir les réponses à y apporter – en orientant, en accompagnant et en structurant l’action des services d’enquête en conséquence ».

La traduction des travaux issus des COLDEN ainsi que le niveau d’activité des pôles régionaux environnementaux (PRE) – créés pour mémoire créés par la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisées, sont en cours de déploiement dans les juridictions– devront faire l’objet d’un rapport annuel.

2. Le renforcement de l’efficacité des enquêtes judiciaires traitant des atteintes à l’environnement :

La circulaire entend favoriser le recours à la co saisine entre les services d’enquête de police ou de gendarmerie et les fonctionnaires et agents habilités des administrations spécialisées, compte tenu de leur expertise environnementale. Pour mémoire, la loi du 24 décembre 2020 susvisée était venue autoriser ces fonctionnaires et agents à assister les officiers et agents de police judiciaire dans les actes que ces derniers réalisent (auditions en garde à vue, perquisitions…).

Le Garde des Sceaux donne, en outre, instruction aux procureurs de la République de relever, dès que possible, l’existence de circonstances aggravantes de bande organisée afin de renforcer les sanctions et insiste sur la nécessité de formation des magistrats, des fonctionnaires et agents des administrations spécialisées aux évolutions législatives et jurisprudentielles récentes de ce contentieux.

3. La mise en œuvre d’une réponse pénale ferme et adaptée en matière environnementale :

La circulaire encourage le recours à la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) environnementale, chaque fois que les dommages environnementaux sont graves et irréversibles, rappelant que ce dispositif répressif permet de cumuler le versement d’une amende au Trésor public, la remise en état des lieux par la mise en place d’un programme de mise en conformité précis ainsi que la réparation du préjudice écologique et l’indemnisation de la victime.

Colonnes montantes électriques : nouvelles précisions du Médiateur National de l’Energie sur la répartition des travaux entre la copropriété et le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité

Dans une recommandation du 18 octobre 2023 publiée le 27 novembre 2023, le Médiateur National de l’Energie (ci-après MNE) a eu l’occasion de repréciser la répartition des responsabilités entre le propriétaire ou la copropriété et le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité s’agissant des travaux relatifs aux colonnes montantes électriques.

On rappellera que la Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) ayant introduit les articles L. 346-1 et suivants au sein du Code de l’énergie a mis fin à un débat ancien en posant le principe selon lequel les colonnes montantes électriques équipant les immeubles relèvent du réseau public de distribution d’électricité. En conséquence de quoi, ces colonnes constituent des biens de retour appartenant aux autorités concédantes de la distribution publique d’électricité et devant être gérés, entretenus et renouvelés par le Gestionnaire du Réseau public de Distribution (ci-après GRD) d’électricité, c’est-à-dire la société Enedis sur 95 % du territoire français.

Mais malgré cette clarification des débats sont ensuite nés sur le périmètre exact des travaux incombant au GRD, ce dernier refusant en particulier de réaliser et de prendre en charge les travaux dits de « génie civil » sur les éléments entourant ou jouxtant les colonnes montantes électriques.

La recommandation du 18 octobre 2023, qui s’inscrit dans le prolongement de précédentes délibérations statuant dans le même sens, est l’occasion pour le MNE de formuler de manière particulièrement claire sa position sur ce sujet.

Saisie par un usager ayant fait une demande de déplacement du compteur d’électricité de son appartement, déplacement nécessitant selon le distributeur le renouvellement de la colonne électrique de l’immeuble. Or, le distributeur avait d’abord accepté de prendre en charge le renouvellement pour finalement affirmer que certains travaux à réaliser sur les parties communes de l’immeuble avant son intervention sur les colonnes montantes incombaient à la copropriété, laquelle avait refusé de les prendre en charge.

Le distributeur avait alors adressé un courrier à la copropriété lui indiquant qu’en cas d’incident ou de dommage lié à l’état d’entretien de la colonne montante, la responsabilité civile et pénale de la copropriété pourrait être engagée.

Dans sa recommandation, le MNE rappelle d’abord que le GRD « ne peut, tout au plus, que demander la prise en charge par la copropriété que des travaux ʺdissociablesʺ de l’ancienne colonne et de la pose de la nouvelle », relayant ainsi une position du CORDIS (voir notamment notre commentaire).

Le MNE rappelle ensuite, pour faire écho a contenu du courrier adressé à la copropriété par le GRD, que ce dernier est tenu d’assurer l’entretien et la maintenance des réseaux, conformément à l’article L. 322-8 du Code de l’énergie et qu’il « ne peut donc en aucun cas se décharger de sa responsabilité ».

Le Médiateur poursuit en précisant que « lorsqu’il existe un risque pour la sécurité sur une colonne montante d’électricité, il incombe avant tout au distributeur A de procéder aux travaux nécessaires pour y remédier. Il doit le cas échéant, effectuer ces travaux sans attendre la décision d’une copropriété de prendre certains travaux à sa charge, quitte à demander par la suite, au syndicat de copropriétaire, si besoin en justice, le remboursement de la part des travaux qui lui revient ».

Ainsi, quand bien même des travaux dissociables de ceux concernant la colonne montante seraient effectivement nécessaires préalablement à l’intervention du GRD, en cas de risque d’atteinte à la sécurité, c’est au GRD qu’il incombe, sans attendre, de réaliser l’ensemble de ces travaux et d’en solliciter ensuite le remboursement, s’il s’y estime fondé auprès de la copropriété. Cette position du MNE est particulièrement intéressante car, si elle était suivie par les GRD, elle permettrait de surmonter les situations de blocage qui sont souvent rencontrées lorsque le GRD conditionne son intervention à la réalisation préalable par les copropriétés de travaux que ces dernières refusent, souvent logiquement, de réaliser.

De manière générale, enfin, le MNE demande au GRD « de cesser d’indiquer aux syndicats de copropriétaires qu’ils peuvent être tenus responsables des dommages résultant d’un défaut d’entretien d’une colonne montante », cette pratique ayant effectivement été constatée à de nombreuses reprises.

Consultation publique sur le niveau et la structure des tarifs réglementés de vente d’électricité pour 2024

A compter du 15 novembre 2023 et jusqu’au 15 décembre 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) soumet à consultation publique le niveau et la structure des tarifs réglementés de vente d’électricité pour l’année 2024, afin d’adapter la méthodologie en vigueur issue d’une précédente délibération de la CRE.

Parmi les évolutions possibles envisagées par la CRE et donnant lieu à la consultation du public figure tout d’abord la question des modalités selon lesquelles l’option heures pleines – heures creuses, qui incite les consommateurs à moduler leurs consommations en fonction des besoins du système électrique, pourrait être rendue plus attractive pour les consommateurs.

Par ailleurs, la CRE rappelle qu’il existe un décalage structurel d’au moins un mois entre le calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE), qui prend en compte les coûts de fourniture d’électricité d’une année calendaire N, et l’entrée en vigueur de ces TRVE, qui intervient le 1er février de l’année N+1. Cet écart sur le coût de fourniture du mois de janvier fait l’objet d’un rattrapage dans le TRVE proposé par la CRE, habituellement lors du mouvement tarifaire de février de l’année N+1.

La CRE souhaite recueillir l’opinion des acteurs de marché sur sa proposition de supprimer ce décalage, en prenant en compte simultanément, dans sa proposition pour le mouvement tarifaire de février 2024, le rattrapage lié au décalage du mois de janvier 2023 calculé de manière ex-post et le rattrapage lié au décalage du moins de janvier 2024 calculé de manière ex-ante.

A ce titre, la CRE relève que « le niveau des TRVE pour 2024 devrait être fortement inférieur à celui calculé par la CRE pour 2023 », de sorte que le rattrapage anticipé au titre de janvier 2024 serait donc négatif, et viendrait compenser en grande partie le fort rattrapage positif au titre de janvier 2023.

Pérennisation du dispositif de réquisition des outils de production et de stockage d’électricité en période de tension

Après l’avis favorable donné par la Commission de Régulation de l’Energie par délibération du 14 septembre 2023 (voir notre commentaire dans la Lettre d’Actualité Juridique Energie et Environnement d’octobre 2023), le Gouvernement a adopté le 17 novembre 2023 un décret pérennisant l’application des dispositions règlementaires relatives aux modalités de mise à disposition de la puissance non utilisée et techniquement disponible d’installations de production ou de stockage d’électricité en application de l’article L. 321-17-2 du Code de l’énergie.

On rappellera que cette disposition impose aux sites de consommation qui utilisent « des installations de production ou de stockage d’électricité de plus d’un mégawatt en vue de leur fournir une alimentation de secours […] de mettre à la disposition du gestionnaire du réseau public de transport la totalité de la puissance non utilisée et techniquement disponible de ces installations » en période de forte tension sur le réseau électrique.

Alors que ce dispositif n’était initialement prévu que pour l’hiver 2022-2023, il est désormais inscrit dans le cadre juridique de manière pérenne.

Publication des nouveaux modèles de contrat d’obligation d’achat de biogaz

Par un arrêté en date du 8 novembre 2023, les nouveaux modèles de contrat d’achat de biogaz à conclure entre les producteurs de biogaz et les fournisseurs de gaz naturel ont été approuvés.

Ces trois contrats correspondants aux trois catégories tarifaires mentionnées dans l‘arrêté tarifaire du 10 juin 2023 sont disponibles sur la plate-forme informatique du ministère de la transition énergétique à l’adresse suivante : https://www.ecologie.gouv.fr/biogaz.

On rappellera en effet que, conformément aux dispositions de l’article L. 446-4 du Code de l’énergie « tout producteur de biogaz peut conclure avec un fournisseur de gaz naturel un contrat de vente de biogaz produit sur le territoire national suivant des modalités précisées par décret en Conseil d’Etat ».

Ces modèles de contrats, sont approuvés par les Ministres chargés de l’énergie et de l’économie après consultation des organisations représentatives des fournisseurs de gaz naturel au sens des articles L. 443-1 et suivants et des producteurs de biométhane et après avis de la Commission de régulation de l’énergie (art. D. 446-11 du Code de l’énergie).

Les marchés globaux de performance énergétique à paiement différé après le décret du 3 octobre 2023 : vers un déploiement enfin massif de la rénovation énergétique des bâtiments publics ?

Rappelons que la loi n° 2023-222 en date du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique a autorisé, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements à déroger aux articles L. 2191‑2 à L. 2191‑8 du Code de la commande publique (ci-après le « CCP ») – en particulier à l’interdiction de paiement différé – pour les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un MGP pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments.

Ce nouveau dispositif – avec ces marchés globaux de performance énergétique à paiement différé (ci-après les « MGPEPD ») – vise à contourner les insuffisances budgétaires de l’Etat et des collectivités territoriales en ajoutant le portage financier de la rénovation énergétique du bâtiment aux prestations de conception-réalisation et d’exploitation ou de maintenance mises à la charge du titulaire d’un contrat de performance énergétique. En effet, grâce à cette expérimentation, la personne publique bénéficiaire des travaux peut de différer le paiement des travaux, l’investissement financier initial reposant sur un tiers.

Le décret n° 2023-913 relatif aux marchés globaux de performance énergétique à paiement différé, publié le 3 octobre dernier en application des dispositions de la loi précitée, était particulièrement attendu afin de savoir si le MGPEPD devra être soumis aux mêmes contraintes de mise en œuvre que les marchés de partenariat, ce qui pourrait contribuer à freiner leur déploiement. En effet, il ressort de l’article 2 de la loi précitée que les MGPEPD sont également soumis à une étude préalable et à une étude de soutenabilité budgétaire, elles-mêmes soumises à avis.

L’analyse du niveau de complexité de la procédure de passation des MGPEPD est déterminante pour déterminer si les personnes publiques vont recourir massivement à ce nouveau dispositif, alors qu’en parallèle, des directives européennes ont imposé aux Etats membres d’éliminer toute entrave réglementaire ou non réglementaire qui dissuadent de recourir à des contrats de performance énergétique[1] et de veiller à ce qu’au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments publics chauffés et/ou refroidis, ayant une surface au sol utile totale supérieure à 250 m2, soient rénovés chaque année[2].

A ce titre, si l’analyse du décret démontre que la passation des MGPEPD sera bien soumise à une procédure similaire aux marchés de partenariat (I), il conviendra d’être attentif, dans la pratique, aux modalités de passation des premiers MGPEPD, ainsi qu’à la méthodologie d’analyse de l’étude préalable que retiendra Fin Infra (II).

En tout état de cause, quelle que soit la complexité de leur mise en œuvre, la passation d’un MGPEPD pourrait toujours s’avérer pertinente pour autant que l’opération atteigne une taille critique (III).

 

I. La passation des MGPEPD soumise à une procédure analogue à celle des marchés de partenariat

L’analyse approfondie du décret d’application, qui avait pour objet principal de préciser la teneur de l’étude préalable et de l’étude de soutenabilité budgétaire requises pour recourir au MGPEPD confirme une grande similitude avec le régime des marchés de partenariat[3].

En premier lieu, s’agissant de l’étude préalable décrite à l’article 1er du décret, il est manifeste que son contenu s’apparente aux contenus conjoints du « bilan plus favorable » requis par les articles L. 2211-6 et R. 2211-4 du CCP et de « l’évaluation du mode de réalisation du projet » requise par les articles L. 2212-1 et R. 2212-4 du CCP dans le cadre du recours au marché de partenariat.

En effet, à l’instar de l’évaluation du mode de réalisation du projet d’un marché de partenariat, l’étude préalable du MGPEPD doit comprendre tout d’abord une présentation générale similaire à celle demandée pour les marchés de partenariat[4] :

  • des caractéristiques du projet, de son équilibre économique et de ses enjeux – sans que l’historique du projet et son contexte ne soient listés (à la différence des marchés de partenariat), ce qui n’aurait en tout état de cause que peu d’impact sur la complexité du traitement et l’appréciation de la pertinence du MGPEPD ;
  • des compétences de l’acheteur, de son statut et de ses capacités financières ;
  • de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre de référence retenus pour apprécier la performance énergétique, ce qui diffère logiquement du marché de partenariat compte tenu de l’objet même du MGPEPD.

En sus, l’étude préalable comporte également une description des options de montages contractuels de la commande publique qui sont écartées, et des options qui sont envisagées pour mettre en œuvre le projet.

En première analyse, cette description des options de montages contractuels de la commande publique, laquelle, précisons-le, n’est pas demandée pour les marchés de partenariat[5], semble alourdir davantage l’étude préalable à laquelle l’acheteur doit procéder.

Ceci peut être toutefois relativisé dans la mesure où l’appréciation portant sur l’ensemble des avantages et inconvénients du marché par rapport aux options de montages contractuels écartées, également contenue dans l’étude préalable (et dans l’évaluation d’un marché de partenariat), suppose de connaître lesdits options de montages contractuels.

Néanmoins, cette appréciation requise dans le cadre du MGPEPD par le 3° de l’article 1er du décret se fonde sur au moins autant d’éléments que celle attendue dans le cadre du marché de partenariat.

En effet, cette appréciation doit tenir compte :

  • du périmètre des missions susceptibles d’être confiées au titulaire. A ce titre, il peut être relevé qu’à la différence du marché de partenariat, il n’est pas demandé de produire « les procédures et le calendrier pour chacune des phases de réalisation du projet, ainsi que la durée totale du contrat»[6] ;
  • des principaux risques du projet et de leur répartition entre l’acheteur et le titulaire. A cet égard, si l’article 1er du décret ne vise pas spécifiquement les « risques financiers» et la « valorisation financière des risques » comme pour les marchés de partenariat, sa rédaction semble suffisamment large pour que conduire Fin Infra à exiger leur présentation ;
  • de la structure de financement ainsi que de son incidence sur le coût du projet. A la différence du projet de décret qui prévoyait une appréciation des « modalités de financement», le décret publié semble avoir pris en compte la demande du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) qui souhaitait une analyse du « coût optimum pour une rénovation énergétique « sans regret » » et « garantir une transparence sur le coût de financement pour la collectivité territoriale », de sorte que le détail de la structuration de financement a été ajouté, à l’instar des marchés de partenariat, à l’appréciation des avantages et inconvénients des différentes options contractuelles[7].

Cette comparaison avec les autres montages semble effectivement nécessaire dès lors qu’il n’est pas acquis que le tiers-financement demeure, au total, moins cher que l’emprunt bancaire classique auquel pourrait recourir une personne publique, puisque le tiers-financeur ne bénéficiera pas des mêmes conditions de crédit que l’État ou les collectivités territoriales et répercuterait, in fine, ce coût supplémentaire lors du remboursement de sa créance ;

  • le cas échéant, des effets de la mutualisation du projet avec d’autres acheteurs. En effet, pour rappel, à la différence des marchés de partenariat, il est expressément prévu à l’article 1er de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 que les MGPEPD peuvent être conclus en vertu du dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du Code général des collectivités territoriales (ci-après le CGCT»). Ce dispositif expérimental peut ainsi permettre aux syndicats d’énergie, des EPCI ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial mentionné à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement, ou par la métropole de Lyon, de mutualiser la réalisation des études et de tout ou partie des travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique des bâtiments dont leurs membres sont propriétaires (comme le prévoit déjà le dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du CGCT). Ces actions de mutualisation resteraient cependant soumises à l’accord des membres de ces groupements de collectivités, les travaux ne pouvant être initiés qu’après la signature de conventions entre toutes les parties ;
  • les objectifs de performance retenus par l’acheteur, notamment en matière de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre, des délais fixés pour les atteindre ainsi que des mécanismes souhaités d’incitations, de garanties et de sanctions. L’ajout de cet élément, bien qu’alourdissant de nouveau le contenu de l’étude préalable, était attendu dès lors que l’objet même du MGPEPD est de garantir aux acheteurs publics, à la différence des marchés de partenariat, l’atteinte d’économies substantielles d’énergie, auquel cas des pénalités financières s’appliqueront. Par rapport au projet initial du décret, il peut aussi être relevé une définition plus large des objectifs de performance, qui portent également sur les émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’était pourtant pas visé par la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023.

En revanche, c’est de manière parfaitement logique que l’étude préalable n’inclut pas « l’étendue du transfert de la maîtrise d’ouvrage du projet au titulaire du marché » dès lors que, à la différence des marchés de partenariat, l’acheteur conserve dans le cadre d’un MGPEPD sa maîtrise d’ouvrage.

Pareillement, l’étude préalable ne doit pas contenir une « analyse de la compatibilité du projet avec les orientations de la politique immobilière de l’acheteur lorsque le marché de partenariat emporte occupation du domaine public ou privé », ce qui peut apparaître logique dans la mesure où le titulaire du MGPEPD n’a pas vocation a occupé les ouvrages, sa mission n’emportant pas – à la différence des marchés de partenariat – « la gestion d’une mission de service public ou des prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée »[8].

Il résulte de l’article 3 du décret que cette étude préalable sera ensuite soumise pour avis à Fin Infra qui devra se prononcer dans un délai d’un mois suivant sa saisine – comme pour les marchés de partenariat pour lesquels le délai est toutefois de six semaines[9].

Par conséquent, le recours au MGPEPD ne semble pas avoir été facilité au regard de la complexité administrative que représentera la préparation et la validation de l’étude préalable pour les acheteurs publics – qui est grandement similaire, à quelques exceptions près, au « bilan plus favorable » et à « l’évaluation préalable » imposés dans le cadre des marchés de partenariat.

En particulier, il est regrettable que les trois premiers éléments listés supra devant être inclus dans l’étude préalable soient demandés dans le cadre de l’appréciation comparative des avantages et inconvénients par rapport aux autres options contractuelles. Ceci alourdira nécessairement le contenu de l’étude préalable par rapport du bilan plus favorable requis pour les marchés de partenariat dès lors que ce dernier ne comporte aucune obligation de comparer ces éléments avec d’autres montages contractuels[10].

A ce titre, Fin Infra a néanmoins laissé entendre, de manière raisonnable, qu’elle n’envisage pas d’effectuer un contrôle approfondi de ladite étude[11], ce qui laisse espérer une souplesse d’appréciation que la rédaction du décret ne laisse pas présager en l’état.

En deuxième lieu, similairement au modèle du marché de partenariat, une étude de soutenabilité budgétaire « prenant en compte tous les aspects financiers du projet » de MGPEPD est également imposée.

A ce titre, non seulement il peut être relevé que l’article 4 décret n° 2023-913 n’a pas simplifié le contenu de cette étude mais qu’il l’a également renforcé en y ajoutant d’autres éléments. Plus précisément, comme pour les marchés de partenariat, il est demandé d’inclure :

  • le coût prévisionnel du contrat indiqué en moyenne annuel. Néanmoins, il requiert en outre que ce coût prévisionnel soit évalué « hors prise en compte des risques» – cette appréciation devant être distinctement effectuée – et que soit précisé la part des dépenses d’investissement, de financement et de fonctionnement.
  • la part que ce coût représente par rapport à la capacité d’autofinancement annuelle de l’acheteur, et son effet sur sa situation financière. Cependant, le décret ajoute, s’agissant des collectivités territoriales, de leurs établissements ou de leurs groupements qui souhaitent recourir au MGPEPD, que l’étude de soutenabilité budgétaire doit également comprendre l’indication de la part que les dépenses de fonctionnement (coûts d’entretien, de maintenance et de renouvellement des ouvrages et des équipements) et les dépenses de financement représentent par rapport aux recettes réelles de fonctionnement, ainsi que la part que les dépenses d’investissement (coûts d’étude et de conception, de construction, annexes à la construction et les frais financiers intercalaires) représentent par rapport à l’épargne brute de l’acheteur et son effet sur sa situation financière.

A ce titre, cette distinction confirme bien que les dépenses de fonctionnement et de financement en lien avec le projet relèveront logiquement de la section de fonctionnement du budget, ce qui pourrait s’avérer problématique si elles sont importantes au regard de la difficulté d’équilibrer cette section pour les collectivités ;

  • l’impact du contrat sur l’évolution des dépenses obligatoires de l’acheteur, ses conséquences sur son endettement et ses engagements hors bilan ;
  • une analyse des coûts prévisionnels pouvant résulter d’une rupture anticipée du contrat ;
  • une appréciation des principaux risques du projets, ce qui s’ajoute à la liste des éléments d’une étude de soutenabilité budgétaire d’un marché de partenariat[12], afin de distinguer le coût du projet et celui des risques y afférent.

Notons que, selon l’article 6 du décret, le Ministre chargé du budget, auquel l’étude préalable sera également communiquée, dispose d’un délai d’un mois pour émettre un avis sur l’étude de soutenabilité budgétaire, contre six semaines dans le cadre du recours au marché de partenariat.

Il en résulte que le contenu de l’évaluation préalable ou de l’étude de soutenabilité budgétaire étant au moins similaire, sinon plus complexe pour les MGPEPD par rapport aux marchés de partenariat, il convient d’espérer que la légère accélération des délais prévue pour le nouveau dispositif contractuel induise un contrôle moins assidu des projets de MGPEPD.

En effet, comme indiqué ci-avant, la complexité de l’ensemble des démarches à réaliser pour passer un marché de partenariat constitue un frein majeur à leur déploiement, et le sera également pour les MGPEPD si l’intensité des contrôles par Fin Infra et par le ministre chargé du budget s’avère identique.

En troisième lieu, similairement à ce qui est prévu pour le marché de partenariat, pour les projets de l’Etat et de ses établissements publics[13], l’article 7 du décret exige que les Ministres chargés du budget et de l’économie autorisent le lancement de la procédure de passation d’un MGPEPD à paiement différé. Leur accord est réputé acquis à défaut de réponse expresse dans un délai d’un mois à compter de la date de réception, par chacun des Ministres précités, de l’étude préalable, de l’étude de soutenabilité budgétaire et des avis y afférents. Il en va de même s’agissant de la signature des MGPEPD qui ne peut intervenir qu’après accord des Ministres chargés du budget et de l’économie – ainsi que du Ministre de tutelle pour les établissements publics de l’Etat – qui devient tacite à compter d’un mois à la suite de la réception du contrat.

A ce titre, il est regrettable de constater que l’exemption prévue par le projet de décret, consistant à ne demander qu’un seul avis – celui du Ministre de l’économie – sous 15 jours pour lancer la passation du MGPEPD d’une valeur inférieure à 5 millions d’euros ainsi qu’un seul avis – celui du Ministre chargé de l’économie pour les projets de l’Etat et celui du Ministre de tutelle pour les projets de ses établissements publics – sous 15 jours pour signer ces mêmes marchés, n’a finalement pas été retenue.

 

II. Une méthodologie de l’étude préalable encore attendue

Au regard de ce qui précède, les éléments méthodologiques de Fin Infra sont particulièrement attendus pour mieux évaluer, dans la pratique, le niveau de précision de l’étude préalable soumise à son avis, ce qui confirmera ou infirmera la lourdeur de la procédure à mettre en œuvre pour passer des MGPEPD.

D’ores et déjà, lors de la consultation publique lancée par ce service sur le projet de décret, Fin Infra a souhaité recueillir l’avis des acteurs sur plusieurs questions relatives à sa future méthodologie, notamment sur :

  • Ia pertinence de reprendre les dispositions de l’arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux contrats de performance énergétique pour l’établissement de l’étude préalable – plus particulièrement concernant la présentation de la situation de référence à comparer avec la situation après la réalisation des travaux s’agissant de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, il conviendrait de tenir compte des consommations historiques des trois dernières années calendaires consécutives et récentes, corrigées de tout facteur externe ayant un impact significatif sur la consommation. La consommation énergétique devrait également être ajustée en fonction des opérations d’amélioration énergétique qui auraient été mises en œuvre entre la période de référence et la période du contrat, ou pendant la période du contrat et qui ne sont pas comprises dans celui-ci.

A ce titre, il peut d’ores et déjà être relevé qu’outre les consommations d’énergie, la rédaction finalement retenue pour le décret imposera nécessairement de mesurer, dans la méthodologie, les émissions de gaz à effet de serre lors de l’établissement de la situation de référence ;

  • les modalités de la mesure de la performance énergétique, notamment s’il est opportun de recourir à la méthodologie établie dans le cadre du Fonds Vert qui porte sur les consommations d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre et le suivi des consommations[14]. En particulier, Fin Infra s’interrogeait sur la pertinence de mesurer d’autres éléments tels que le niveau d’isolation des éléments de l’enveloppe, l’étanchéité à l’air, le pilotage des installations/système de régulation, les consommations spécifiques d’électricité et l’intégration des énergies renouvelables. Ces éléments semblent effectivement importants pour apprécier la performance énergétique, notamment le pilotage du bâtiment, comme cela a été encore récemment rappelé par le rapport publié le 11 septembre 2023 par la Commission de régulation de l’énergie[15]. En effet, les solutions de pilotage pourraient représenter jusqu’à 6 GW en période de pointe pour les bâtiments tertiaires.

De même, Fin Infra s’interrogeait sur l’opportunité d’intégrer dans sa méthodologie une analyse de l’empreinte carbone des matériaux utilisés pour la rénovation en kg de CO2 par m2 rénové. Or, ce critère serait cohérent avec la réglementation RE 2020 qui requiert un changement de méthode dans la conception des constructions visant à limiter l’empreinte carbone du bâtiment : les constructeurs doivent désormais prendre en considération l’impact carbone de tous les matériaux et équipements utilisés, à partir de données environnementales fournies par les fabricants[16] ;

  • la mesure des gains financiers associés à la performance énergétique, afin de savoir quelle méthodologie de détermination des hypothèses sous-jacentes appliquer, notamment en matière de prix de l’énergie ;
  • les modalités d’évaluation des risques, Fin Infra ayant demandé aux acteurs d’identifier une liste de risques pour le porteur du projet et ayant établi à ce titre une matrice des risques standards reposant sur l’impact et la probabilité d’occurrence de chaque risque. En particulier, Fin Infra a interrogé les acteurs sur les risques associés à la mutualisation des projets, en raison de la multiplication des donneurs d’ordres ;
  • les critères de performance (par exemple économiques, relatifs au calendrier ou à la qualité des travaux) permettant de prendre en compte les gains associés à une rénovation globale par rapport à une rénovation légère mais en cascade, ou à une mutualisation des travaux. Ceci est notamment à mettre dans la perspective du récent rapport parlementaire de la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments qui propose de viser prioritairement le financement des travaux de rénovation globale et non des rénovations légères dans la mesure où « pour qu’une rénovation globale soit performante du point de vue des objectifs nationaux, il faut viser une réduction de la consommation d’énergie primaire de l’ordre de 75 %»[17] ;

Ainsi, si la méthodologie que Fin Infra semble vouloir appliquer apparaît extrêmement précise, elle n’en est pas moins pertinente et en phase avec les développements récents de la réflexion sur les moyens de parvenir à une meilleure performance lors d’opérations de rénovation énergétique des bâtiments.

 

III. Une mutualisation des projets pertinente en cas de complexité de la passation des MGPEPD

En tout état de cause, si les MGPEPD, dans la pratique, devaient s’avérer longs et délicats à mettre en œuvre en raison, d’une part, de la complexité accrue de l’étude préalable ou de l’étude de soutenabilité budgétaire et, d’autre part, d’un contrôle trop rigoureux de Fin Infra et du Ministre du budget – ce qui n’est ni souhaitable ni encore acquis -, la passation d’un MGPEPD pourrait toujours s’avérer pertinente pour autant que l’opération atteigne une taille critique[18].

A ce titre, il est donc opportun que la loi n° 2023-222 en date du 30 mars 2023 et son décret d’application prévoient en partie – notamment dans le cadre de l’étude préalable, comme il a été précisé supra – les modalités de mutualisation des opérations qui permettront d’atteindre cette taille critique.

En effet, les articles 2 et 5 du décret précisent que lorsque le MGPEPD permet d’opérer une mutualisation des besoins en application des dispositions du III de l’article 2 de la loi du 30 mars 2023 susvisée ou du dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du CGCT, l’étude préalable et l’étude de soutenabilité sont réalisées par l’acheteur chargé de conduire le projet pour le compte des autres acheteurs avec lesquels celui-ci est mutualisé.

Ceci semble confirmer l’analyse selon laquelle :

  • à travers le II de l’article 2 de la loi du 30 mars 2023, qui mentionnait le MGPEPD « conclu pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions», le législateur a bien visé la prise en charge des études et des travaux par des syndicats d’énergie, des EPCI ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial mentionné à l’article L. 229-26 du Code de l’environnement, ou par la métropole de Lyon, pour le compte de leurs collectivités membres (comme le prévoit déjà le dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du CGCT).
  • à travers le III de l’article 2 de la loi du 30 mars 2023 – qui mentionnait que lorsque « la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution» – le législateur a visé la possibilité pour les acheteurs de procéder à un nouveau type de transfert de maîtrise d’ouvrage, à l’instar de celui prévu à l’article L. 2422-12 du CCP.

Si les conditions de mutualisation des opérations de rénovation énergétique ne sont pas précisées dans ce décret, notamment les modalités pratiques de mise en œuvre des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du CGCT, il est possible d’envisager que la personne publique qui opère la mutualisation se constitue en coordonnateur de groupement de commandes ou en centrale d’achats[19].

En conclusion, dès lors que le régime juridique du MGPEPD reprend de nombreux garde-fous du marché de partenariat visant à limiter les risques de surendettement, parfois renforcés par le biais d’exigences supplémentaires dans l’étude préalable et l’étude de soutenabilité budgétaire, Fin Infra ne peut être qu’incité à définir une méthodologie suffisamment souple. Il en va pareillement du ministre du budget dans le cadre de son avis relatif à l’étude de soutenabilité budgétaire.

En effet, cet organisme et ce ministère n’ignorent pas que le déploiement massif des MGPEPD permettrait aux personnes publiques, de manière complémentaire avec d’autres outils à leur disposition, de se fixer des objectifs ambitieux de rénovation énergétique des bâtiments publics, tout en soumettant le titulaire du marché à une obligation de résultat s’agissant des objectifs de performance énergétique et en lui faisant supporter le préfinancement des travaux.

Thomas ROUVEYRAN et Yann-Gaël NICOLAS

 

[1] L’article 7 de la directive 2023/1791 en date du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955 a invité les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices à se saisir du modèle de contrat de performance énergétique, et a imposé aux Etats membres d’éliminer toute entrave réglementaire ou non réglementaire qui dissuadent d’effectuer des investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique et de recourir à des contrats de performance énergétique, ainsi qu’à des instruments de financement par des tiers sur une base contractuelle de longue durée.

[2] L’article 6 de la directive 2023/1791 du Parlement Européen et du Conseil du 13 septembre 2023 relative à l’efficacité énergétique et modifiant le règlement (UE) 2023/955 a conféré un rôle exemplaire aux bâtiments des organismes publics en imposant aux Etats membres de veiller à ce qu’au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments publics chauffés et/ou refroidis, ayant une surface au sol utile totale supérieure à 250 m2, soient rénovés chaque année, de sorte qu’ils soient transformés en bâtiments à émissions nulles, ou, à défaut, en bâtiments dont la consommation d’énergie est quasi nulle.

[3] Comme l’a relevé le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, « le décret reprend le régime applicable au marché de partenariat » (Avis du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique – Projet de décret portant application de la loi n°2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers-financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique : https://www.cscee.fr/IMG/pdf/avis_tiers_financement_vf.pdf).

[4] Voir sur ce point l’article R. 2212-5 du CCP pour les marchés de partenariat.

[5] Voir sur ce point l’article R. 2212-4 du CCP pour les marchés de partenariat.

[6] Voir sur ce point l’article R. 2212-6 du CCP pour les marchés de partenariat.

[7] Voir sur ce point l’article R. 2211-4 du CCP pour les marchés de partenariat.

[8] Voir sur ce point l’article L. 1112-1 du CCP pour les marchés de partenariat.

[9] Voir sur ce point l’article R. 2212-7 du CCP pour les marchés de partenariat.

[10] Cet élément est effectivement requis au titre de l’article R. 2212-4 du CCP, de manière distincte de l’analyse comparative des différentes options de montages contractuels et institutionnels de la commande publique envisageables pour mettre en œuvre le projet.

[11] M. LAUGIER, « Le MGP énergétique à tiers financement, pour accélérer la rénovation énergétique partout en France », octobre 2023, achatpublic.info : « Fin Infra n’est pas plus attaché à cette étude préalable ; c’est la loi qui l’impose quand un acheteur public recourt à un montage qui déroge au modèle classique des marchés publics. Cette dérogation doit être justifiée. Mais il n’y a aucune volonté de contrôle de la part de Fin Infra ».

[12] En cohérence avec le premier élément demandé qui exclut du coût prévisionnel la « prise en compte des risques ».

[13] Voir sur ce point les articles L. 2221-1 et R. 2221-1 et suivants du CCP pour les marchés de partenariat.

[14] A cet égard, il semble que cette méthodologie soit reprise dans l’annexe 2 du « Cahier d’accompagnement des porteurs de projet et des services instructeurs » du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires – mars 2023.

[15] Voir notre article « Rapport de la Commission de Régulation de l’Energie sur le pilotage des bâtiments tertiaires : recommandations pour réduire et moduler leur consommation énergétique » :

[16] Nous renvoyons à cet égard à notre article intitulé « RE 2020 et constitutionnalité : l’enjeu sur les mesures fixant des résultats minimaux à atteindre concernant l’impact de la construction sur le changement climatique »

[17] Nous renvoyons à notre article intitulé « Rapport parlementaire sur la rénovation énergétique des bâtiments : Quelles préconisations pour une rénovation énergétique efficiente ? Financement de la rénovation – MaPrimeRénovMon accompagnateur Rénov » :

[18] Alors même que le recours au MGPEPD n’est pas conditionné par le dépassement d’un seuil minimal, à la différence des marchés de partenariat (article R. 2211-1 du code de la commande publique).

[19] Nous renvoyons à ce titre à notre article intitulé « Rénovation énergétique des bâtiments publics : la mutualisation des besoins des collectivités au soutien de la sobriété énergétique » :  https://www.seban-associes.avocat.fr/renovation-energetique-des-batiments-publics-la-mutualisation-des-besoins-des-collectivites-au-soutien-de-la-sobriete-energetique/

La question de la constitutionnalité du dispositif de récupération des métaux issus de la crémation prévu par la loi 3DS renvoyée au Conseil Constitutionnel

Voilà un peu plus d’un an que le décret n° 2022-1127 du 5 août 2022, alors commenté dans notre lettre d’actualité juridique, est venu préciser les modalités d’application de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, en matière funéraire.

Ce décret a ainsi intégré un article R. 2223-103-1 au sein du CGCT en vue de la mise en œuvre du dispositif issu de la ladite loi 3DS codifié à l’article 2223-18-1-1 du CGCT, permettant la récupération par les gestionnaires des crématoriums des métaux issus de la crémation des défunts en vue de leur cession à titre gratuit ou onéreux.

Certes, ce dispositif est encadré. Le produit éventuel de cette cession ne peut être fléché que vers la prise en charge des obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes ou un don à une association d’intérêt général ou fondation reconnue d’utilité publique. Il est par ailleurs soumis à de nombreuses obligations d’affichage et d’information permettant sa traçabilité.

Si le caractère opérationnel de cet encadrement méritera d’être observé, c’est surtout en son principe même, sur le plan éthique et des libertés constitutionnellement protégées, que le dispositif peut interroger tant il touche aux morts ainsi qu’à leurs biens.

En ce sens, et à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande d’abrogation du décret du 5 août 2022 devant le Conseil d’Etat[1], la société Europe Métal a soulevé la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 2223-18-1-1 du CGCT susvisées.

La requérante soutenait, dans une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que ces dispositions méconnaissaient, d’une part, le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation ainsi que, d’autre part, le droit de propriété.

Par l’arrêt ici commenté du 11 octobre 2023, après avoir constaté que cette question n’avait pas déjà été déclarée conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel et qu’elle présentait un caractère sérieux, a décidé de son renvoi au Conseil constitutionnel, pour qu’il se prononce sur la conformité du dispositif de récupération des métaux issus de la crémation à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel dispose de trois mois, soit jusqu’au 18 janvier prochain[2], pour se prononcer sur la question.

Un arrêt à surveiller que nous ne manquerons pas de commenter dans une prochaine lettre d’actualité.

 

[1] Compétent en premier et dernier ressort en vertu des dispositions de l’article R.311-1 du Code de justice administrative

[2] En application de l’article Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel précitée, la saisine du Conseil Constitutionnel ayant été enregistrée le 18 octobre 2023 (cf. page dédiée du site conseil constitutionnel)

Hospitalisation sous contrainte : avant l’heure c’est pas l’heure, et après l’heure non plus

Avant la crise de la Covid-19, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) dénombrait 12,5 millions de Français soignés pour des troubles mentaux ou psychiatriques. Et chacun s’accorde à reconnaître que l’un des effets les plus directs de la crise sanitaire a été de voir ce chiffre croître de manière exponentielle. Les statistiques de la CNAM ne sont pas, à ce jour, actualisées mais il est plus que probable que ce soit désormais près de 20 millions de Français qui souffrent de pathologies mentales ou psychiatriques, à des degrés divers.

C’est dire si les pouvoirs publics et les autorités sanitaires vont être de plus en plus souvent confrontés aux troubles à l’ordre public que peuvent générer certains malades, pas ou mal pris en charge.

En cette circonstances, ce sont les dispositions de l’article L. 3213-2 alinéa 1er du Code de la santé publique qui trouvent à s’appliquer. Aux termes de cet article, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, dûment attesté par un avis médical, le maire peut prendre toutes les mesures nécessaires visant à assurer la sécurité de la personne en cause ainsi que, s’il y a lieu, la sécurité publique.

Pèse alors sur le maire l’obligation d’en référer dans les 24 heures au préfet, à charge pour ce dernier, soit de prononcer la mainlevée des mesures prises par le maire, soit de prendre un arrêté d’admission en soins psychiatriques, dans les formes fixées par les dispositions de l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique. Faute de décision du préfet dans les 48 heures de sa saisine, les mesures provisoires prises par le maire deviennent caduques de plein droit.

Ces dispositions présentaient une difficulté pratique de mise en œuvre. En effet, l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique précise que « les mesures provisoires sont caduques en l’absence d’une décision du Préfet au terme d’une durée de 48 heures ». Doit-on considérer que le préfet dispose d’un délai de 48 heures pour prendre dans l’intervalle sa décision, ou doit-on considérer qu’il doit prendre sa décision au terme (à l’échéance) d’un délai de 48 heures ? Ce même article précisant par ailleurs que le préfet se prononce « sans délai », ce qui renforce la difficulté d’interprétation.

L’ambiguïté était suffisamment forte et prégnante pour que la Cour de cassation soit amenée à trancher cette question, à éclaircir cette interprétation et, partant, à sécuriser ces procédures d’admission en soins psychiatriques, par nature attentatoires aux libertés individuelles.

Dans un arrêt de la première chambre civile, du 18 octobre 2023 (Cass. Civ., 1ère, n° 562, 18 octobre 2023, pourvoi n° 22-17.752), la Cour vient préciser qu’aux termes de l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique, le préfet doit prendre une décision avant l’extinction du délai de 48 heures, après lequel les mesures provisoires du maire sont frappées de caducité.

Dans le cas d’espèce, un maire avait transmis au Préfet du Jura un arrêté fixant des mesures provisoires d’hospitalisation relatives à un individu, le 26 mars 2022 à 16h15, l’arrêté municipal étant horodaté. En suite de cette transmission, le Préfet a pris un arrêté le 28 mars 2022, transmis par courriel à l’établissement où la personne a été placée, à 15h51.

Le Premier président de la Cour d’appel de Besançon va rendre une ordonnance aux termes de laquelle il va considérer que le préfet ne dispose pas librement du délai de 48 heures mais qu’il doit, au contraire, et sur le fondement de l’article L. 3213-2 du Code de la santé publique, statuer sans délai.

L’ordonnance rappelait que, s’agissant d’une hospitalisation sous contrainte, le préfet n’ayant pas justifié de la durée nécessaire à sa prise de décision, la mainlevée de son arrêté devait être prononcée.

La Cour de cassation, dans l’arrêt précité, ne retient pas cette interprétation des dispositions du Code de la santé publique et estime que le préfet dispose bien et librement d’un délai maximum de 48 heures pour prendre sa décision, peu important qu’il ne la rende que dans les dernières minutes de ce délai, et peu important aussi qu’il ne justifie pas du temps nécessaire à sa prise de décision.

Cette clarification était devenue nécessaire et vient donc trancher un contentieux d’interprétation qui risquait de devenir préjudiciable à la sécurité juridique de ces mesures d’hospitalisation sous contrainte.

Simplification de l’instruction des demandes de certificat ou d’autorisations d’urbanisme : fin de l’obligation de transmission au préfet du dossier de demande

Par un décret en date du 10 novembre 2023 publié au Journal officiel le 14 novembre dernier, le pouvoir réglementaire a mis fin à l’obligation générale pesant sur le maire de la commune, au stade de l’instruction, de transmission des dossiers de demandes de certificats ou d’autorisation d’urbanisme au préfet :

  • Tout d’abord, le décret supprime l’obligation de l’article R. 423-7 du Code de l’urbanisme pesant sur le maire de la commune, lorsqu’il est compétent pour délivrer l’autorisation, de transmission au préfet du dossier de demande dans la semaine qui suit le dépôt du dossier par le pétitionnaire.
  • Lorsque le président de l’EPCI est compétent pour délivrer l’autorisation ou se prononcer sur un projet, le maire sera désormais soumis à l’obligation de conservation d’un exemplaire de la demande et de transmission des autres exemplaires au président dudit établissement, sans transmettre concomitamment le dossier au préfet (modification de l’article R. 423-8 en ce sens).
  • Par ailleurs, il est maintenu l’obligation de transmission au préfet par le maire du dossier de demande (et non plus d’un exemplaire supplémentaire) pour les projets situés dans des sites classés ou en instance de classement et les réserves naturelles.
  • Enfin, la notification de la modification du délai d’instruction de droit commun des demandes de permis et de déclaration n’aura plus à être transmise au préfet en vertu d’une modification de l’article R. 423-42 du Code de l’urbanisme.

Une suppression analogue est aussi prévue pour les notifications de prolongation exceptionnelle ou de suspension du délai d’instruction (prises sur le fondement des articles R. 423-34 à R. 423-37-3 du Code de l’urbanisme).

En outre, le pouvoir réglementaire a spécialement rappelé dans la notice du décret que ces modifications ne remettaient pas en cause les règles de transmission au contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Ainsi, précise la notice, « conformément aux règles définies par le code général des collectivités territoriales, le dossier complet de demande sera transmis au préfet au titre du contrôle de légalité au moment de la naissance de la décision, qu’elle soit expresse ou tacite ».

Ces nouvelles dispositions seront applicables pour toute demande d’autorisation et de certificat d’urbanisme et aux déclarations préalables déposées à compter du 1er janvier 2024.