Santé, action sanitaire et sociale
le 13/12/2023
Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE
Jean-Carles GRELIER

L’encadrement des centres de santé spécialisés

Loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l'encadrement des centres de santé (1)

Qu’ils soient municipaux, intercommunaux, associatifs ou privés, les centres de santé se sont multipliés ces dernières années pour désormais passer la barre des 3 000 structures. La plupart sont des centres de santé de proximité où la prise en charge se fait d’abord en médecine générale.

Mais, les derniers mois ont vu l’émergence rapide de centres de santé spécialisés en ophtalmologie ou en santé dentaire, à l’initiative de groupes privés. Quelques scandales retentissants ont d’ailleurs frappé certains centres de santé dentaire qui avaient tendance à multiplier les actes au détriment de la qualité des soins.

L’occasion pour nous de rappeler que le législateur s’est saisi de cette question de santé publique en adoptant la loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, pour encadrer plus strictement la création et le fonctionnement des centres de santé dédiés à l’ophtalmologie, l’orthoptie et la santé dentaire.

Jusqu’à la publication de ce texte, tous les centres de santé étaient soumis à une procédure déclarative. La structure porteuse d’un centre devait ainsi remettre au directeur général de l’agence régionale de santé, préalablement à l’ouverture, un projet de santé portant sur l’accessibilité et la continuité des soins ainsi que sur la coordination des soins entre les professionnels de santé du centre et avec les professionnels de santé extérieurs au centre. Le porteur de projet devait, en outre, produire un engagement de conformité du centre aux obligations législatives et réglementaires régissant leur fonctionnement et notamment l’arrêté ministériel du 27 février 2018, relatif aux centres de santé.

Désormais, un agrément délivré par l’administration est nécessaire, tant pour l’ouverture d’un nouveau centre dans les trois spécialités mentionnées que pour les centres existants pratiquant dans ces trois spécialités.

Les centres existants disposaient d’un délai de six mois, à compter de la date de publication de la loi, pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions de l’article L. 6323-1-11 du Code de la santé publique. Ce délai de six mois ayant expiré le 21 novembre 2023, tous les centres qui n’auront pas effectué cette demande d’agrément se verront notifier une interdiction de poursuivre leurs activités par l’agence régionale de santé, territorialement compétente.

Pour les nouveaux centres, l’obtention de l’agrément est désormais la condition sine qua non de leur ouverture. Le dossier de demande d’agrément comprend, outre le projet de santé déjà évoqué, une déclaration des liens d’intérêt de chacun des dirigeants du centre ainsi que les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces. De surcroît, le directeur général de l’ARS ne peut délivrer son agrément que si la création du centre répond aux objectifs stratégiques du projet régional de santé, arrêté tous les cinq ans.

La loi du 19 mai 2023 a également fixé quelques règles supplémentaires qui s’imposent aux centres de santé dans les trois spécialités visées.

Existe désormais une règle d’incompatibilité entre les fonctions de dirigeant d’un centre de santé et celle de dirigeant de la structure gestionnaire. Il est à noter que cette règle, qui vise à prévenir les conflits d’intérêts, trouve également à s’appliquer aux centres existants.

Dans les centres employant plus d’un professionnel médical en soins dentaires ou en ophtalmologie, il y a l’obligation nouvelle de constituer un comité dentaire ou un comité médical qui est le responsable de la politique d’amélioration de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins ainsi que de la formation continue des professionnels exerçant au sein du centre.

Pèse aussi sur ces centres l’obligation d’identifier les professionnels de santé intervenant, tant pour les patients que pour l’Assurance maladie ou l’agence régionale de santé.

Le centre de santé se voit aussi confier par la loi la conservation du dossier médical de chacun des patients.

Enfin, la loi commentée est venue renforcer les contrôles qui peuvent être diligentés par l’administration. S’il existait déjà une faculté de contrôle offerte à l’Assurance maladie, désormais les agences régionales de santé disposent de pouvoirs élargis.

Elles pourront ainsi, dans l’année qui suit la délivrance de l’agrément, effectuer un contrôle de conformité. Outre ces contrôles sur place, des contrôles sur pièces sont également exercés. En effet, les centres de santé ont l’obligation de communiquer tant à l’ARS qu’aux ordres compétents les copies des diplômes et des contrats de travail des professionnels intervenant au sein du centre. Tout avenant à un contrat de travail ou toute modification de l’organigramme du centre doit être également porté à la connaissance de l’ARS.

Ces contrôles ont pour corollaire un régime de sanctions qui peuvent être lourdes. Toute absence de conformité du centre constatée par l’ARS peut entraîner une suspension ou un retrait de l’agrément, ce qui se traduit par une fermeture du centre, provisoire ou définitive. Le Directeur général de l’ARS dispose de plus du pouvoir d’enjoindre un centre à se mettre en conformité, le non-respect de cette injonction pouvant entraîner une amende administrative de 500.000 € et une astreinte journalière de 5.000 €.

La loi est ainsi venue nettoyer les écuries d’Augias à un moment où la multiplication exponentielle du nombre de centres de santé privés ne permettait plus de garantir aux patients la qualité des soins et des prises en charge.