Intercommunalité
le 13/12/2023

Rejet d’un référé suspension portant sur la défusion d’une commune nouvelle

Tribunal administratif de Nantes, Ordonnance n° 2316322, 2316323, 27 novembre 2023

Le Tribunal administratif de Nantes a récemment été amené à se prononcer sur le cas assez particulier d’un arrêté préfectoral prononçant la défusion d’une commune nouvelle.

En 2016, quatre communes avaient demandé et obtenu la création d’une commune nouvelle.

En 2019, un collectif citoyen composé notamment d’anciens élus de la commune nouvelle s’est constitué afin d’obtenir la scission de la commune nouvelle.

Ce collectif reprochait, en synthèse, à la commune nouvelle un manque d’investissements portés par la commune nouvelle sur le territoire des communes déléguées et alléguait du manque d’efficience des services publics ainsi qu’une perte d’identité et de proximité.

A titre liminaire on précisera que le législateur n’a pas prévu de procédure spécifique en matière de « défusion » ou de « scission » de commune nouvelle de sorte que lorsque cet objectif est recherché, la procédure alors applicable est celle de la modification, plus générale, des limites territoriales d’une commune et conduisant à la dissolution de la commune nouvelle initiale (articles L. 2112-2 et suivants Code général des collectivités territoriales (CGCT)).

Cette procédure prévoit en substance :

  • l’organisation d’une enquête publique lorsque la demande de modification des limites territoriales d’une commune est demandée par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la portion de territoire en question (article L. 2112-2 du CGCT) ;
  • l’institution d’une commission dont le nombre de membres est fixé par arrêté du préfet et composée de personnes éligibles au conseil municipal de la commune qui rend un avis sur le projet de scission (article L. 2112-3 du CGCT) ;
  • l’avis du conseil municipal et du conseil départemental (articles L. 2112-4 et L. 2112-6 du CGCT) ;
  • l’arrêté du préfet prononçant la modification du territoire.

Aux termes de cette procédure, le préfet a finalement ordonné la défusion de la commune nouvelle au 1er janvier 2024.

Toutefois, la légalité de cet arrêté préfectoral interrogeait à plusieurs égards.

D’abord, le comité social territorial n’avait pas été saisi préalablement à la décision préfectorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 253-5 du Code général de la fonction publique.

Sur cette question, le Tribunal administratif de la Réunion a déjà eu l’occasion de juger que cette omission, qui prive les représentants du personnel d’une garantie, constituait une irrégularité de nature à entacher la légalité d’un arrêté portant défusion d’une commune nouvelle (TA de La Réunion, 7 décembre 2017, n° 1700424, 1700611).

Ensuite, aucune analyse approfondie n’avait été menée par le collectif citoyen ayant sollicité la défusion ou encore par l’Etat pour apprécier les conséquences de cette défusion notamment sur la viabilité financière des communes issues de la défusion ou encore l’organisation future des services publics. Alors qu’il est constant que ces éléments ont normalement vocation à être pris en compte par le préfet pour apprécier la pertinence d’une décision de défusion d’une commune nouvelle (CE, 30 avril 1997, n° 154083 ; CAA de Bordeaux, 8 octobre 2020, n° 18BX04361).

Enfin, certains éléments pris en compte par le préfet pour justifier son arrêté semblaient contestables dès lors qu’ils n’apparaissaient pas vraiment établis, en particulier la mise en exergue d’un « sentiment d’abandon » dont se prévalait le collectif citoyen vis-à-vis de la commune nouvelle ou encore les relations qu’entretenaient la commune nouvelle avec la communauté de communes dont elle était membre.

Aussi, la décision du juge des référés du Tribunal administratif aurait pu être l’occasion d’apporter des précisions sur cette procédure de défusion d’une commune nouvelle (obligation de saisir le CST ? éléments d’informations devant impérativement être communiqués aux personnes appelées à se prononcer sur le projet de défusion ? éléments susceptibles de justifier une décision préfectorale prononçant la défusion d’une commune nouvelle ?). En effet, la jurisprudence n’est pas très riche en la matière et encore moins s’agissant d’une demande de défusion portée, non pas par les communes déléguées, mais par un collectif citoyen habitant ces communes déléguées.

Toutefois, l’ensemble de ces questions est resté en suspens, le juge des référés s’étant contenté d’indiquer de manière assez surprenante qu’aucun des moyens invoqués n’était, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision préfectorale.