Reconnaissance d’une présomption d’urgence à suspendre une décision de mise en demeure de démolir une construction en référé-suspension

Dans cette affaire, un maire a, par deux décisions, mis en demeure une société civile immobilière (SCI), sur le fondement de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, de remettre dans son état initial – impliquant des démolitions – la parcelle dont la SCI est propriétaire.

La SCI propriétaire a saisi le juge du référé-suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de ces deux décisions. Le premier juge des référés a rejeté sa demande. La SCI s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a, d’abord, cité les dispositions des articles L. 480-1 et L. 481-1 du Code de l’urbanisme.

Pour mémoire, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, a créé l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme. Selon la rapporteur publique, Madame Dorothée PRADINES, ayant conclu sur cette affaire, cet article est une disposition « complémentaire des poursuites pénales [qui] permet ainsi aux autorités compétentes en matière d’urbanisme de mettre en demeure les auteurs de constructions, d’aménagements, d’installations ou de travaux contraires au code de l’urbanisme, « soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. », le cas échéant sous astreinte pouvant aller jusqu’à 500 euros par jour, mais dont le montant total des sommes résultant de l’astreinte ne peut excéder 25 000 euros.

La rapporteure publique a rappelé que le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’une telle mise en demeure sur ce fondement pouvait comporter des démolitions (CE, 22 décembre 2022, n° 463331, publié au Recueil).

Aussi, il convient d’indiquer que le Conseil d’Etat avait précisé que, préalablement à la mise en demeure, quand bien même celle-ci n’est pas une sanction administrative, l’administration doit inviter l’intéressé à présenter ses observations conformément à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme (CE, 21 septembre 2023, n° 470176).

En résumé, la procédure est la suivante :

  • Dresser un procès-verbal d’infractions aux règles d’urbanisme ;
  • Inviter l’intéressé à présenter ses observations ;
  • Mettre en demeure l’intéressé de procéder, selon le cas, à des opérations de mise en conformité, ou de régularisation via le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme.

Dans notre cas d’espèce, le maire a donc dressé deux procès-verbaux d’infractions sur le fondement de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme, condition préalable à la mise en œuvre de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, puis mis en demeure, sous astreinte, la SCI de remettre en son état originel sa parcelle, supportant plusieurs constructions réalisées ou modifiées sans autorisation d’urbanisme préalable et en méconnaissance de certaines règles d’urbanisme.

Saisi par la SCI propriétaire, le premier juge des référés a rejeté sa demande de suspension après avoir « recherché si la décision contestée préjudiciait de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ».

Or, en cassation, le Conseil d’Etat a considéré que le premier juge avait commis une erreur de droit « En statuant ainsi, alors que la condition d’urgence doit […] en principe être regardée comme satisfaite sauf circonstances particulières opposées par l’autorité administrative ».

Le considérant de principe du Conseil d’Etat est le suivant :

« Eu égard à la gravité des conséquences qu’emporte une mise en demeure, prononcée en application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, lorsqu’elle prescrit une mise en conformité qui implique nécessairement la démolition des constructions, la condition d’urgence est en principe satisfaite en cas de demande de suspension de son exécution présentée, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, par le propriétaire de l’immeuble qui en est l’objet. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où l’autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître, soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire, soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure ».

Face à une mise en demeure de démolir des constructions, l’urgence est donc présumée en matière de référé-suspension pour le propriétaire du bien concerné par la mise en demeure. Néanmoins, il ne s’agit que d’une présomption simple car le Conseil d’Etat a indiqué que la présomption peut être renversée lorsque l’administration justifie de circonstances particulières faisant apparaître :

  • soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire ;
  • soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure de démolition.

Surtout, notons qu’à la lecture de la décision du Conseil d’Etat, l’on comprend que cette présomption d’urgence ne vaut que s’il y a mise en demeure de démolir. A cet égard, la rapporteure publique avait quant à elle considéré que s’il était évident que la présomption d’urgence était nécessaire lorsque la mise en demeure concernait une démolition, elle semblait plutôt opter pour une simplification de la procédure en proposant de reconnaitre la présomption d’urgence quel que soit l’objet de la mise en demeure au sens de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, sans besoin de distinguer selon qu’il s’agisse d’une mise en demeure de démolir un immeuble ou non.

Ainsi, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du premier juge et réglé l’affaire au fond, mais a jugé qu’aucun des moyens soulevés par la SCI n’était propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des deux décisions de mises en demeure. Le Conseil d’Etat a donc rejeté la demande de suspension de la SCI.

Enfin, selon nous, cette reconnaissance de la présomption d’urgence à suspendre une décision de mise en demeure de démolir s’inscrit dans la lignée des hypothèses dans lesquelles l’urgence est déjà présumée en référé-suspension, à savoir par exemple en cas référé-suspension intenté à l’encontre d’un permis de construire délivré ou encore d’une démolition ordonnée dans le cadre d’une procédure d’insalubrité.

Rapprochement du droit de préemption commercial et du droit de préemption urbain

Dans cette affaire, une société d’auto-école a souhaité céder son droit au bail commercial à sa voisine, la société NM Market, qui exploite déjà un commerce de boucherie et qui souhaite s’agrandir et diversifier son activité par une offre de traiteur oriental, sur la place Saint-Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon.

Toutefois, le maire a exercé son droit de préemption au nom de la commune sur le fondement de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme. Pour rappel, cet article permet à une commune de délimiter, par délibération motivée, un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce ou de baux commerciaux, sont soumises au droit de préemption.

L’acquéreur évincé a alors saisi le juge du référé-suspension, lequel a rejeté sa requête. La société NM Market s’est alors pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Après avoir rappelé l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a également fait référence aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, pour en déduire que les collectivités titulaires du droit de préemption « commercial » :

« peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l’occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ».

Il s’en évince qu’une collectivité, pour exercer son droit de préemption sur les fonds artisanaux, de commerce et les baux commerciaux présents dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, doit :

  • Justifier, à la date de la décision de préemption, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, même si les caractéristiques précises du projet n’auraient pas encore été définies.

Il s’agit ici de l’application de la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire propre au droit de préemption urbain. A ce titre le rapporteur public dans ses conclusions sur la présente affaire, Monsieur Thomas JANICOT, indique que : « rien ne fait donc selon nous obstacle à ce que vous transposiez votre jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire au droit de préemption commercial, alors au demeurant que la commune se place elle-même dans ce cadre d’analyse, à l’image de l’approche également retenue par la doctrine […] ».

  • Faire apparaitre la nature du projet dans la décision de préemption ;
  • Justifier de ce que cette préemption, eu égard notamment aux caractéristiques du bien objet de la préemption ou au coût prévisible de celle-ci, répond à un intérêt général suffisant.

Or, au présent cas, le Conseil d’Etat a relevé que la décision de préemption se bornait à se référer à la délibération ayant délimité plusieurs périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat, et à indiquer que l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de l’objectif de la diversité commerciale et artisanale ayant conduit au choix de délimiter ledit périmètre. Selon le Conseil d’Etat, cette décision de préemption n’apportait donc pas de précision quant à la nature du projet poursuivi, notamment la/les activités commerciales ou artisanales dont l’installation ou le développement seraient organisés dans le périmètre en cause. Aussi, toujours selon le Conseil d’Etat, la nature du projet poursuivi ne ressortait pas non plus de la délibération délimitant le périmètre de sauvegarde, ni des autres pièces du dossier.

Plus précisément, le rapporteur public indiquait dans ses conclusions que : « en l’espèce, la décision de préemption attaquée est assez laconique sur le projet poursuivi par la commune. Selon elle, la préemption se justifie par le choix de maintenir une diversité commerciale et artisanale forte dans le quartier de la place Saint-Luc, excentré du centre-ville et dont la population reste majoritairement résidentielle«  et le fait que « l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de cet objectif« . La commune y joint aussi la délibération instaurant un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité dans les secteurs «  où des menaces pèsent sur la diversité commercial et artisanale« , comme la place Saint-Luc. Mais c’est à peu près tout… A raisonner comme en droit de préemption urbain, nous pensons que la décision attaquée n’est pas suffisamment justifiée. ».

Ce qui manque, selon le rapporteur public, est le fait qu’à « aucun moment la commune ne dit ce qu’elle souhaite réaliser à l’issue de la préemption du local de l’auto-école. […] Ici la commune ne produit aucun document laissant apparaître une réflexion en ce sens. Et le pourvoi indique qu’aucun projet de préemption n’a été mené depuis l’instauration du périmètre de sauvegarde, de sorte qu’aucun précédent ne viendrait conforter ou témoigner des intentions de la commune dans cette zone ».

Au surplus, le rapporteur public a affirmé que la simple référence à l’existence du périmètre de sauvegarde ne suffit pas à établir, à elle seule, à la réalité du projet. A l’inverse, le rapporteur public estime qu’ « exiger que la commune justifie de la réalité d’un projet motivant la préemption ne nous semble pas être une contrainte insurmontable ». Selon lui, il suffirait de préciser dans la décision de préemption le type d’activités commerciales/artisanales que la collectivité souhaite voir s’installer (commerces de bouche, cafés, restaurants, etc.), ou même de renvoyer à la délibération définissant le périmètre, dès lors qu’elle contiendrait un programme de diversification et de développement du commerce de proximité.

Partant, le Conseil d’Etat a considéré que le juge du référé de première instance avait dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit. Il a annulé son ordonnance et rejugé l’affaire :

  • Sur l’urgence, brièvement, le Conseil d’Etat a rappelé que la condition d’urgence devait en principe être regardée comme remplie face au recours d’un acquéreur évincé ;
  • Sur l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption de la commune, il a confirmé qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de l’absence de justification de la réalité d’un projet et de ce que la mise en œuvre du droit de préemption par la commune ne répond pas à un intérêt général suffisant, sont propres à créer un doute sérieux.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a suspendu la décision de préemption.

Une simple erreur sur la destination de la construction dans l’arrêté de permis n’a pas d’incidence sur sa légalité ou sur les possibilités de construire

La décision n° 461552 rendue par le Conseil d’Etat en date du 20 décembre 2023 vient préciser que les erreurs éventuelles figurant sur un arrêté délivrant un permis de construire en ce qui concerne la destination des constructions – tout comme la surface de plancher créée – n’ont pas d’incidence sur la légalité et la portée de celui-ci.

Les faits étaient les suivants : le Maire de Charleville-Mézières a délivré deux autorisations d’urbanisme (un permis de construire et un permis de démolir) pour la création de 3 300 m2 de surfaces commerciales et de 4 000 m2 de bureaux, avec une salle de sport de 2000 m2 et 118 places de stationnement (« le Projet »). Un propriétaire et occupant d’une maison de maître voisine du Projet avait tenté en vain d’obtenir l’annulation des autorisations devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne[1]  puis en appel devant la Cour administrative de Nancy[2].

L’un des moyens soulevés était tiré de la méconnaissance par le permis de construire des prescriptions de l’alinéa 1er de l’article A. 424-9 du Code de l’urbanisme selon lequel « lorsque le projet porte sur des constructions, l’arrêté indique leur destination et, s’il y a lieu, la surface de plancher créée ».

En effet, l’arrêté de permis faisait référence aux anciennes destinations (antérieures au décret de 2015), en l’occurrence celles de « commerce et bureaux » en lieu et place de la nouvelle destination « activités de services » qu’il aurait convenu de mentionner dans l’arrêté.

Rappelons à cet égard que c’est le décret n° 2015-1783 qui a remplacé les 9 destinations préexistantes[3] (habitation ; hébergement hôtelier ; bureaux ; commerce ; artisanat ; industrie ; exploitation agricole ; exploitation forestière ; entrepôt) par 5 nouvelles destinations[4] (exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipements d’intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire) elles-mêmes divisées en 20 sous-destinations[5].

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel avait estimé que la référence aux anciennes destinations dans l’arrêté de permis permettait tout de même de faire respecter les dispositions de l’article A. 424-9 précité. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement mais rejette tout de même la requête aux termes d’une substitution de motifs. Il estime ainsi :

« 4. Un permis de construire, sous réserve des prescriptions dont il peut être assorti, n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis. D’éventuelles erreurs susceptibles d’affecter les mentions, prévues par l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme, devant figurer sur l’arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande. Par suite, la seule circonstance que l’arrêté délivrant un permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu’il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, et qui justifie sur ce point le dispositif de l’arrêt attaqué, à celui retenu par la cour administrative d’appel pour écarter le moyen tiré de l’illégalité du permis de construire attaqué au regard des dispositions de l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme. »

Ce faisant, le Conseil d’Etat :

  • rappelle qu’un permis de construire n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés, c’est-à-dire aux plans transmis par le pétitionnaire dans la demande de permis. Ce faisant, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer sa jurisprudence dégagée dans la décision CE, Sect. 25 juin 2004, SCI Maison médicale Edison n° 228437;
  • précise également que le permis n’a pour effet d’autoriser une construction conforme aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis ;
  • rappelle la réserve relative aux prescriptions dont un permis peut être assorti : dans ce cas, la construction autorisée est conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier sous réserve des prescriptions mentionnées dans l’arrêté de permis ;
  • confirme les conséquences qu’il convient d’en tirer : les inexactitudes ou omissions figurant dans l’arrêté de permis concernant les destinations des constructions ou la surface de plancher créée sont sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis.

Sur ce dernier point, concernant la surface de plancher, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer la solution dégagée dans la décision SCI Maison médicale Edison précitée et par laquelle il avait estimé que le pétitionnaire n’avait aucun droit à construire une surface mentionnée à tort dans l’arrêté de permis et sans lien avec les plans déposés.

Dans la décision en date du 20 décembre 2023, il adopte la même solution pour les destinations des constructions. Il s’agit d’une précision de bon sens : à titre d’exemple donc, un porteur de projet de logements ne pourra être autorisé à réaliser un hébergement hôtelier en se prévalant de l’erreur de mention de destination dans l’arrêté. Et cette erreur de mention ne pourra pas être soulevée par les tiers pour contester la légalité du permis.

Ainsi, cette décision confirme la tendance à responsabiliser d’autant plus les pétitionnaires au moment de la demande de permis tout en sécurisant davantage les autorisations d’urbanisme.

 

[1] TA Nancy, 20 décembre 2018.

[2] CAA Nancy, 16 décembre 2021, n°s19NC00374, 19NC00375.

[3] Ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa version issue du décret n°2001-260 du 27 mars 2001 modifiant le code de l’urbanisme et le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et relatif aux documents d’urbanisme.

[4] Article R. 151-27 du code de l’urbanisme.

[5] Article R. 151-28 du code de l’urbanisme.

La CNIL sanctionne la commune de Kourou pour son absence de désignation d’un délégué à la protection des données et son manque de coopération

Le 12 décembre 2023, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a émis une amende assortie d’une injonction sous astreinte à l’encontre de la commune de Kourou. Cette décision résulte de l’absence de désignation d’un délégué à la protection des données (DPO) par la commune, en sus de son refus de coopérer avec les services de la CNIL[1].

En juin 2021, la CNIL, qui avait lancé une opération de contrôle ciblant les communes de plus de 20 000 habitants, a mis en garde celles qui n’avaient pas encore désigné de délégué à la protection des données. En effet, conformément à l’article 37, paragraphe 1, a) du règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des données personnelles (RGPD), les communes sont tenues, en tant qu’autorités publiques, de nommer un DPO[2].

En avril 2022, certaines communes n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité et n’avaient pas répondu au courrier de l’autorité de contrôle relevant l’absence de la désignation d’un DPO en leur sein[3]. Par conséquent, le 25 avril 2022, la présidente de la CNIL, sur le fondement de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, a mis en demeure 22 communes de procéder à leur mise en conformité dans un délai de quatre mois. Compte tenu du caractère sensible que peuvent revêtir les missions des communes, de l’importance du rôle du DPO qui est obligatoire pour ces dernières et ce depuis l’entrée en vigueur du RGPD, ainsi que par la volonté d’informer les administrés concernés[4], la CNIL a décidé de rendre publiques ces mises en demeure en application du dernier alinéa du II de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée[5].

À l’issue de ce délai de quatre mois, la commune de Kourou, située dans la collectivité territoriale unique de Guyane, n’avait toujours pas procédé à la désignation d’un DPO. En outre, toutes les correspondances de la CNIL à son égard étaient restées sans réponses, ce qui constitue un manquement de la part de la commune à l’obligation de coopération avec l’autorité de contrôle prévue par l’article 31 du RGPD[6].

Face à cette situation, une procédure de sanction simplifiée a été engagée le 8 février 2023 à l’encontre de la commune de Kourou. Cette dernière a été condamnée, par le Président de la formation restreinte de la CNIL, à une amende de cinq mille euros pour les manquements aux articles 31 et 37-1-a) du RGPD et à une injonction de désigner un DPO dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision, soit le 25 février 2023[7].

Cette décision ainsi que sa notification étant également restées sans réponse et la commune n’ayant toujours pas procédé à sa mise en conformité, la formation restreinte de la CNIL a prononcé, cette fois dans le cadre de la procédure ordinaire, une nouvelle sanction à l’encontre de la commune le 12 décembre 2023. L’amende s’élève à un montant de cinq mille euros, accompagnée d’une injonction de se conformer dans un délai de deux mois, assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retard. De plus, la commune a été tenue de publier pendant quatre jours un message d’information, concernant cette décision rendue par la formation restreinte de la CNIL, sur son site web. En raison de la gravité et de la persistance des manquements, il a également été décidé que cette sanction soit rendue publique[8].

 

[1] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, « Non-désignation d’un délégué à la protection des données : la CNIL sanctionne la commune de Kourou », 19 décembre 2023 [https://www.cnil.fr/fr/non-designation-dun-delegue-la-protection-des-donnees-la-cnil-sanctionne-la-commune-de-kourou].

[2] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, « La CNIL met en demeure vingt-deux communes de désigner un délégué à la protection des données », 31 mai 2022 [https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-met-en-demeure-vingt-deux-communes-de-designer-un-delegue-la-protection-des-donnees]

[3] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[4] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[5] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[6] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

[7] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

[8] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

Retour sur le procès de Monique OLIVIER : entre attente légitime des familles de victime et déception

La Cour d’Assises des Hauts-de-Seine a jugé Madame Monique OLIVIER du 28 novembre au 19 décembre 2023 pour trois complicités de meurtres aggravés jalonnant le parcours criminel du couple qu’elle formait avec Michel FOURNIRET, celui de Marie-Angèle DOMECE en 1988, Joanna PARRISH en 1990 et Estelle MOUZIN en 2003.

Madame Monique OLIVIER a été condamnée à la perpétuité assortie de 20 ans de sureté. Cette décision est devenue définitive en l’absence de d’appel des parties.

Ces trois victimes avaient des parcours de vie très distincts puisqu’elles avaient des âges différents, des personnalités différentes, venaient de milieu voire de pays différents.  Leur seul point commun a été leur tragique rencontre avec le couple de tueurs en série FOURNIRET / OLIVIER, sur plus d’une décennie d’écart, exposant l’incapacité de notre système à les mettre hors d’état de nuire sur le temps long.

Fin 2023, après de longues années d’errance judiciaire pour les familles DOMECE, PARRISH et MOUZIN, Madame Monique OLIVIER a enfin pu être jugée pour ces trois faits, ce qui n’a pas été le cas de son ancien époux, Michel FOURNIRET, décédé le 10 mai 2021, emportant avec lui ses secrets.

Ces familles attendaient donc bien évidemment ce procès, qui était l’aboutissement pour elles d’un long combat au cours duquel elles se sont battues pour connaitre la vérité sur le sort de leur proche. En effet, il est sûr que ces dossiers n’auraient pas pu aboutir sans le combat des familles et de leurs conseils, ce qui a été admis publiquement à l’audience. Ainsi, les parties civiles avaient une place très particulière dans cette audience, elle-même, hors du commun en raison de sa durée, un mois, du nombre de partie civile, une vingtaine et, surtout, de l’ancienneté des dossiers évoqués, plus de 35 ans après les faits pour le plus ancien.

Par ailleurs, ce procès était la troisième comparution de Madame Monique OLIVIER devant une Cour d’assises pour des faits criminels, et ce, alors même que la plupart des faits évoqués était en état d’être jugée en 2008 lors de la première audience devant la Cour d’assises des Ardennes. Ces choix procéduraux de ne pas audiencier tous les dossiers FOURNIRET / OLIVIER en même temps a valu 15 années supplémentaires de souffrance pour les familles, qui n’ont eu de cesse de se battre contre ces décisions.

Autre particularité de l’audience, elle était la première du Pôle National dédié au traitement des Crimes Sériels ou Non Elucidés (PNCSNE) rattaché au Tribunal judiciaire de Nanterre, qui a vu le jour à la suite de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance en l’institution judiciaire (articles 706-106-1 et suivants du Code de procédure pénale).

Cette création trouve son origine dans les dysfonctionnements mis en évidence dans ce type de dossier et la mauvaise appréhension par le système judiciaire des meurtres sériels en France.

Madame Sabine KHERIS, vice-présidente chargée de l’instruction et coordinatrice du Pôle, a d’ailleurs déclaré, au cours de cette audience, que ce Pôle aurait pu prendre le prénom d’une des trois victimes compte tenu de l’importance qu’elles ont eu dans la genèse de celui-ci. Dans ce contexte particulier, les parties civiles avaient énormément d’attente quant à cette audience, son déroulement et son dénouement.  En effet, elles souhaitaient que cette audience permette la reconnaissance de leur souffrance par l’institution judiciaire, qui l’a si longtemps ignorée voire parfois aggravée.

À titre d’illustration, la procédure concernant la disparition de Marie-Angèle DOMECE a fait l’objet d’une décision de classement par le magistrat instructeur 6 mois seulement après son ouverture. Autrement dit, il était attendu par les familles un autre visage de la justice, que l’institution se montre enfin à la hauteur.  Malheureusement, malgré l’engagement de femmes et d’hommes et la teneur de la décision de culpabilité rendue, cela n’a pas pu être totalement le cas, et ce, pour différentes raisons.

Tout d’abord, les parties civiles ont eu le regret de constater que la tenue de l’audience n’a pas permis d’obtenir des éléments supplémentaires sur le déroulement des faits de la part de l’accusée. En outre, l’audience a ainsi été marquée par de nombreux incidents avec le Président de l’audience. En effet, le Président de la Cour d’Assises a adopté tout au long de l’audience une position autoritaire, refusant toutes les demandes des parties, fixant son planning de manière unilatérale sans tenir compte des observations justifiées des parties. Sa présidence a également été marquée par sa méconnaissance de certains éléments du dossier et du parcours criminel des auteurs. Or, la procédure devant la Cour d’Assises a la particularité d’être une procédure totalement orale, ce qui signifie qu’il est impératif de rappeler l’ensemble des éléments de l’enquête, de mettre en lumière les éléments constitutifs de l’infraction et leur imputation à l’accusé (Se déduit de l’article 347 alinéa 3 du Code de procédure pénale). C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes ont été citées en qualité de témoin ou d’experts pendant les trois semaines et demie d’audience. Le rôle du Président est donc central puisque c’est lui a qui revient la charge d’entendre les témoins et experts cités à la barre ainsi que l’accusé et les parties afin que la Cour et les jurés puissent se forger leur intime conviction.

Les parties, parties civiles, parquet et défense, peuvent ensuite poser des questions, la défense devant systématiquement avoir la parole en dernier (Articles 312 et 346 du Code de procédure pénale). Ainsi, l’audition des témoins a été faite en dépit du bon sens et du minimum de respect qui est dû aux personnes se présentant à la barre, souvent avec beaucoup d’anxiété et d’appréhension. Les parties ont été particulièrement choquées par l’audition de Megan, une amie d’Estelle ayant fait l’objet d’une tentative d’enlèvement par un homme dans une camionnette blanche à Guermantes un jeudi, trois semaines avant les faits dont Estelle a été la victime. La similarité de cette tentative avec les faits dont Estelle a été la victime rendait ce témoignage d’une importance particulière parce que ce témoin a peut-être vu le meurtrier. Cependant, le Président au cours de l’audition de cette enfant devenue jeune femme a très lourdement insisté auprès d’elle en lui reprochant notamment de s’être « désintéressé du dossier » et de ne pas avoir appelé la police pour leur dire qu’elle reconnaissait Michel FOURNIRET comme étant l’homme qui avait tenté de l’enlever.  L’intensité des questions et la façon dont le témoin a été invectivé publiquement à la barre ont manqué de provoquer chez elle un malaise à tel point que les conseils des parties civiles ont dû lui apporter une chaise pour qu’elle puisse s’assoir et un verre d’eau pour qu’elle reprenne ses esprits.

De la même manière, le Président de l’audience a refusé d’interroger au fur et à mesure l’accusée sur les déclarations des témoins et experts et a également réduit le nombre d’interrogatoire sur le fond de Madame Monique OLIVIER.

À l’instar d’autres sessions devant d’autres Cour d’Assises, il est profondément regrettable de constater que l’accusée a été entendue sur des plages horaires précises selon un planning prédéfini faisant obstacle à toute spontanéité dans sa parole et entravant, par la même occasion, la manifestation de la vérité à l’audience. En effet, cette manière de mener les débats a pour désavantage d’empêcher tout fait d’audience, toute confrontation entre les témoins, l’accusée et les éléments du dossier. En l’occurrence, cela a malheureusement contribué à l’absence de nouveaux éléments sur les faits.

Le Cabinet, par le biais de conclusions d’incident, a tenté de sensibiliser la Cour d’Assises sur ce sujet dans le but de pouvoir interroger l’accusée à des moments qu’il jugeait opportun pour la manifestation de la vérité. Par exemple, après une longue bataille avec le Président pour confronter Monique Olivier à certains témoins, il a été fait droit partiellement à cette demande, en particulier en présence du fils unique du couple FOURNIRET/OLIVIER, Sélim. La démarche a permis de montrer à la Cour un autre visage de Monique Olivier, totalement différent de celui qu’elle présentait jusqu’alors et d’assister à un échange très personnel entre elle et son fils. Cet élément était intéressant pour la manifestation de la vérité puisqu’il était noté par tous les experts psychiatres et psychologues une dichotomie de son comportement, entre la femme âgée tremblante devant les juges et celle sûre d’elle capable de commettre des faits terribles, qui a fait face aux victimes.

Parallèlement à la question de la place laissée à la parole de l’accusée, les familles représentées par le Cabinet ont pu s’insurger contre la liberté de ton de certains témoins et experts dérapant, pour certains, en dehors du cadre et en totale violation de leurs obligations déontologiques et/ou professionnelles. C’est le cas, à titre d’exemple, des enquêteurs du Service Régional de la Police Judiciaire (SRPJ) de Versailles, ayant travaillé sur le dossier lié à la disparition d’Estelle MOUZIN. En effet, il est habituel en Cour d’assises que les directeurs d’enquêtes viennent exposer à la barre le compte-rendu de leurs investigations. Le dossier MOUZIN a la particularité d’avoir été traité par des services enquêteurs différents, le SRPJ de Versailles dépendant de la police judiciaire, puis, la section de recherche de Dijon rattachée à la gendarmerie nationale. De fait, ce dossier a connu des directeurs d’enquêteurs distincts au fur et à mesure du temps.

C’est grâce à la saisine de nouveaux enquêteurs que ce dossier a pu être élucidé.

Or, les premiers enquêteurs saisis, en échec par rapport à l’élucidation de ce crime, ont été cités à comparaître. Ainsi, un haut responsable de la police est venu à la barre exposer l’enquête de ses services et, peut-être, par peur de critiques, a également souhaité s’exprimer sur l’enquête postérieure à la sienne, dont il n’a eu connaissance que par voie de presse pour exposer son sentiment par rapport à la culpabilité de l’accusée.  Cette attitude non professionnelle et qui illustre l’opposition gendarmerie / police dont les victimes souffrent dans tant de dossiers, nous a également poussé à intervenir et à demander que sa parole soit recadrée par le Président à la stricte intervention dans le dossier MOUZIN des services du SRPJ de Versailles.

Les parties civiles ont donc eu du mal à comprendre qu’autant de tension puisse être présente au cours de cette audience alors qu’il s’agissait d’un dossier pour lequel les faits été reconnus par l’accusée. Les parties civiles et leurs conseils ont dû subir cette nouvelle maltraitance institutionnelle tout au long de cette audience qui aurait pourtant dû avoir une fonction réparatrice des erreurs du passé.

En définitive, le troisième procès de Madame Monique OLIVIER, le seul où elle était seule dans le box, par les aspects évoqués, n’a pas été à la hauteur de l’attente légitime des familles de victime, qui espèrent désormais que des leçons seront tirées par l’institution judiciaire de ses errements.

C’est d’ailleurs dans cette démarche qu’un recours en responsabilité pour fonctionnement défectueux des services judiciaires de l’État a été engagé par Monsieur Eric MOUZIN, père d’Estelle, devant le Tribunal judiciaire de Paris, ainsi qu’une action par-devant la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 2 de la Convention par l’Etat français, à savoir le respect du droit à la vie.

Ces procédures sont pendantes et auront pour finalité de trancher la question de la responsabilité des services judiciaires et policiers ainsi que de l’Etat français lui-même dans le traitement du dossier lié à la disparition d’Estelle.

Didier SEBAN et Marine ALLALI

ICPE : Renforcement de la prévention des risques incendies et de la sécurité et au sein de certaines installations de gestion de déchets

Arrêté du 22 décembre 2023 modifiant plusieurs arrêtés ministériels relatifs aux installations de gestion de déchets soumises à enregistrement

Arrêté du 22 décembre 2023 modifiant l’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation

 

Le régime applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement a fait l’objet de trois arrêtés, parus le 22 décembre 2023 afin de lutter contre les risques d’incendie et renforcer la prévention des risques accidentels liés à la gestion des déchets.

1°) Le premier arrêté cité introduit un certain nombre de prescriptions qui doivent permettre à l’exploitant de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et stockant des déchets de prévenir le risque d’incendie sur son site. Applicable aux installations soumises à autorisation nouvelles et existantes – sauf mention contraire – il s’applique, selon les articles, aux rubriques suivantes :

  • 2710 (collecte de déchets apportés par le producteur initial) ;
  • 2712 (moyens de transport hors d’usage) ;
  • 2718 (transit, regroupement ou tri de déchets dangereux) ;
  • 2790 (traitement de déchets dangereux) ;
  • 2791 (traitement de déchets non dangereux).

L’arrêté complète le cadre règlementaire existant par l’ajout de prescriptions en matière de détection et de surveillance des incendies et plus particulièrement dans les zones susceptibles de contenir des déchets combustibles ou inflammables. L’exploitant doit notamment élaborer un plan de défense contre l’incendie (article 5) et doter son installation d’un système d’alerte des services d’incendie et de secours (article 6).

D’autres articles sont applicables uniquement à certaines rubriques. Ainsi, les installations soumises aux rubriques 2712, 2718, 2790 et 2791 doivent mettre en place un système de détection automatique de départ d’incendie et de transmission automatique des alertes (article 3). Ce dispositif doit être complété par des rondes (article 4). De plus, les déchets combustibles ou inflammables doivent être entreposés dans des îlots, selon des règles de distances et de dimensionnement précisés au sein de l’arrêté (article 9). Quant aux installations accueillant des moyens de transport hors d’usage (rubrique 2712), elles doivent prévoir une zone de stockage temporaire ainsi qu’un processus de dépollution (article 7) ; le traitement des déchets fait l’objet de dispositions spécifiques notamment en termes de traçabilité (article 10) et de tri (articles 8 et 11).

2°) Visant également la prévention du risque incendie, l’arrêté relatif aux installations de gestion des déchets soumises au régime de l’enregistrement concerne plus particulièrement les rubriques suivantes :

  • 2710, (collecte de déchets apportés par le producteur initial) ;
  • 2711, (déchets d’équipements électriques et électroniques) ;
  • 2712, (moyens de transport hors d’usage) ;
  • 2713, (métaux ou déchets de métaux non dangereux, d’alliage de métaux ou de déchets d’alliage de métaux non dangereux) ;
  • 2714, (déchets non dangereux de papiers/cartons, plastiques, caoutchouc, textiles, bois) ;
  • 2716 (déchets non dangereux non inertes).

Son contenu est similaire au premier arrêté cité, puisqu’il ajoute de nouvelles dispositions en matière de prévention du risque d’incendie (plan de défense contre l’incendie, moyen d’alerte des services d’incendie et de secours, îlotage, détection automatique de départ d’incendie, rondes…).

À noter les rubriques 2712-1 (véhicules terrestres hors d’usage) et 2712-3 (déchets issus de bateaux de plaisance ou de sport) font l’objet d’un article spécifique concernant les émissions de polluants : les fluides susceptibles de se disperser dans l’atmosphère doivent être recueillis et stockés au sein d’une cuve étanche (article 4). Plus généralement, l’arrêté prévoit des conditions de stockage spécifiques pour certains déchets (par exemple les batteries).

3°) Enfin, l’arrêté relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations soumises à autorisation encadre plus précisément les risques liés au vieillissement des équipements et réglemente la gestion des déchets ayant des propriétés équivalentes aux substances ou mélanges dangereux.

Concessions de distribution d’électricité : pas de suspension des modifications unilatérales apportées par le SIPPEREC à la clause relative à l’indemnité de fin de contrat du concessionnaire

Par une décision en date du 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat a rendu une nouvelle décision s’inscrivant dans le différend qui oppose le Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour les Energies et les Réseaux de Communication (ci-après, SIPPEREC), dont Seban Avocats est le conseil, au Préfet et à la société Enedis, au sujet des clauses contractuelles régissant les flux financiers qui interviendraient en cas de résiliation anticipée ou de fin définitive sans renouvellement des contrats de concession de distribution d’électricité dont la société précitée est le concessionnaire (aux côtés de la société EDF au titre de la mission de fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente).

Par trois délibérations du 16 décembre 2021, le SIPPEREC avait apporté des modifications unilatérales à la clause contenue dans chacun des trois contrats de concession de distribution d’électricité le liant à la société Enedis relative à l’indemnisation due au concessionnaire en cas de fin anticipée du contrat ou de non-renouvellement de celui-ci à son échéance. Le SIPPEREC estimait en effet que cette clause était illicite au regard des principes généraux posés en matière d’indemnisation du concessionnaire au titre du retour anticipé des biens de retour par la décision de principe Commune de Douai (CE, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788) et mis en œuvre en matière de concessions de distribution d’électricité par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 8 décembre 2020, n° 20NC00843 ;arrêt devenu définitif). Après avoir tenté en vain de modifier par voie d’avenant cette clause, le SIPPEREC avait entendu faire usage de son pouvoir de modification unilatérale pour purger les trois contrats de l’illégalité qui les affectait.

Estimant ces délibérations illicites, le Préfet de Paris, Préfet de la Région Ile de France, avait alors saisi la juridiction administrative d’un déféré préfectoral, d’une part, et d’un déféré suspension d’autre part. Par des ordonnances du 21 mars 2022 et du 18 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris, puis la Cour administrative d’appel de Paris, avaient successivement donné raison au Préfet (au soutien duquel la société Enedis était intervenue) dans le cadre de la procédure de déféré suspension.

Toutefois, par une décision en date du 8 mars 2023 qui sera mentionnée aux Tables (CE, 8 mars 2023, SIPPEREC, n° 464619), le Conseil d’Etat, saisi par le SIPPEREC, avait alors reprécisé et redéfini les contours du pouvoir de modification unilatérale dont dispose la personne publique cocontractante. Aux termes de cette décision, on retiendra en synthèse, d’une part, que la correction d’irrégularités affectant les clauses d’un contrat administratif constitue un motif d’intérêt général justifiant, en tant que tel, la mise en œuvre du pouvoir de modification unilatérale, et ce y compris si l’irrégularité concerne des clauses financières, et d’autre part, que la possibilité de mettre en œuvre le pouvoir de modification unilatérale pour purger le contrat d’une illégalité est conditionnée au caractère divisible du reste du contrat de la clause concernée.

Par cette même décision du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat avait annulé l’ordonnance du 18 mai 2022 et renvoyé à la Cour administrative d’appel de Paris le soin de se prononcer sur l’affaire dans le cadre ainsi redéfini.

Cette dernière a, par une ordonnance du 17 avril 2023, annulé l’ordonnance initiale du Tribunal administratif de Paris du 21 mars 2022 et rejeté les demandes de suspension des délibérations du SIPPEREC, estimant qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens du Préfet et de la société Enedis « tirés de l’impossibilité de modifier unilatéralement les clauses financières d’une concession, alors qu’il n’est pas établi que l’équilibre financier du contrat serait compromis, de l’absence d’intérêt général et de l’absence d’illégalité des clauses modifiées, alors que la valeur des biens de retour indemnisables en fin de contrat ne peut dépasser légalement leur valeur nette comptable, de l’indivisibilité des clauses d’indemnité de fin de contrat des autres clauses des concessions et de la méconnaissance du principe de loyauté contractuelle, ne [paraissait] propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées ». (CAA Paris,17 avril 2023, n° 23PA01061).

Dans sa décision du 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat se prononce sur les pourvois formés par l’Etat et Enedis à l’encontre de cette ordonnance du 17 avril 2023, qu’il confirme.

A cet égard, le Conseil d’Etat commence par rappeler le cadre juridique applicable en reprenant le considérant de principe posé par sa décision susmentionnée du 8 mars 2023 (considérant n° 4) ainsi que celui résultant notamment de la décision Commune de Douai relatif à l’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat (considérant n°5).

Puis, à la lumière de ces principes, le Conseil d’Etat relève d’abord que les requérants se bornent à soutenir que les clauses unilatéralement modifiées ne sont pas identiques à celles que la Cour administrative d’appel de Nancy a jugées illégales par l’arrêt susmentionné du 8 décembre 2020 et qu’en conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris, qui a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point, n’a pas dénaturé les faits et pièces du dossier ou commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l’illégalité des clauses modifiées ne paraissait pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées.

Autrement dit, le Conseil d’Etat considère que ni l’Etat, ni Enedis, n’ont démontré l’illégalité de la modification apportée par le SIPPEREC au regard des clauses initiales.

Enfin, s’agissant du critère tenant à la divisibilité des clauses unilatéralement modifiées, le Conseil d’Etat estime que la Cour administrative d’appel n’a pas davantage commis d’erreur en rejetant les moyens qui étaient soulevés devant elle et qui tenaient, d’une part, à l’indivisibilité des clauses compte tenu de leur portée dans l’équilibre du contrat et, d’autre part, à l’atteinte alléguée au principe de loyauté des relations contractuelles.

Cette décision du Conseil d’Etat marque ainsi la fin de la procédure de déféré suspension (équivalente au référé suspension lorsqu’elle est à l’initiative du Préfet au titre du contrôle de légalité) qui avait été initiée en parallèle du déféré préfectoral.

Il incombe donc désormais au Tribunal administratif de Paris de juger au fond de la légalité des délibérations du SIPPEREC et des clauses initialement contenues dans les contrats de concession de distribution d’électricité du SIPPEREC.

CE, 8 mars 2023, SIPPEREC, n° 464619

Comités de projets des installations de production d’énergie renouvelable : précisions réglementaires sur les installations concernées et les membres du comité

Le décret d’application de l’article L. 211-9 du Code de l’énergie, relatif aux comités de projets devant être mis en place par les porteurs de projet de production d’énergie renouvelable situés en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables, a été publié au journal officiel du 24 décembre 2023.

Aux termes de l’article L. 211-9 du Code de l’énergie, codifié par l’article 16 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable, dite loi APER, les porteurs de projet de production d’énergie renouvelable situés en dehors des zones d’accélération d’énergie renouvelable doivent mettre en place un comité de projet. Cette obligation concerne les projets :

  • Situés en dehors d’une zone d’accélération d’énergie renouvelable ;
  • Utilisant certaines technologies ;
  • D’une puissance supérieure ou égale à un seuil.

L’objectif annoncé de ces comités de projet est de permettre une meilleure acceptation locale des projets de production d’énergie renouvelable en associant les parties prenantes pour renforcer la concertation en amont. Adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, l’amendement portant ces comités de projet était en effet justifié comme suit : « ce comité a vocation à mettre autour de la table les différentes entités et personnalités intéressées par le projet d’énergie renouvelable, afin de pouvoir échanger à propos du projet et des blocages et adaptations potentielles » (Amendement n° 1717 présenté par MM Bricourt, Acquiviva, Bassire, Castellani et autres, le 1er décembre 2022 lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale).

Le décret présentement commenté précise les modalités pratiques de fonctionnement desdits comités de projet en insérant de nouveaux articles R. 211-5 à R. 211-10 dans la partie réglementaire du Code de l’énergie. Ces articles définissent notamment les installations de production d’énergie renouvelable concernées, la composition des comités ainsi que les éléments présentés par le porteur du projet aux membres des comités.

En premier lieu, aux termes du nouvel article R. 211-6 du Code de l’énergie, seules certaines technologies sont concernées par l’obligation de mettre en place des comités de projet. Ainsi, les installations utilisant les technologies suivantes seront concernées par l’obligation de mettre en place un comité de projet :

  1. Les éoliennes terrestres soumise à autorisation environnementale ;
  2. Les installations photovoltaïques d’une puissance strictement supérieure à 2,5 MWc ;
  3. Les installations de combustion de biomasse soumises à autorisation environnementale ;
  4. Les installations de méthanisation soumises à autorisation environnementale ;
  5. Les installations de géothermie soumises à autorisation environnementale ;
  6. Les installations hydrauliques placées sous le régime de la concession ;
  7. Les installations de production d’énergie renouvelable en mer faisant l’objet d’une procédure de mise en concurrence.

En deuxième lieu, le décret commenté précise la composition des comités de projet. Ainsi, aux termes du nouvel article R. 211-7 du Code de l’énergie :

« Le comité de projet est composé :

1° Pour les projets d’installations mentionnées aux 1° à 6° de l’article R. 211-6 :

    1. a) Du porteur de projet ;
    2. b) D’un représentant de chaque commune d’implantation du projet d’installation de production d’énergies renouvelables ;
    3. c) D’un représentant de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les communes mentionnées au b sont membres ;
    4. d) Lorsque l’installation relève de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, d’un représentant de chaque commune dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l’installation, inférieure au rayon d’affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l’installation relève ;
    5. e) Lorsque l’installation ne relève pas de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, d’un représentant de chaque commune limitrophe des communes d’implantation du projet ».

La composition des comités de projet pour les installations de production d’énergie renouvelable en mer est adaptée aux circonstances particulières de ces technologies. En outre, la présence facultative du préfet, du gestionnaire des réseaux publics de distribution ou de transport concernés ou de tout autre partie intéressée est également envisagée (nouvel article R. 211-8 du Code de l’énergie).

En troisième lieu, le décret commenté dresse la liste des informations devant être présentées par le porteur de projet aux membres des comité de projet. Le porteur de projet devra ainsi notamment présenter, les objectifs du projet, ses principales caractéristiques, ses enjeux socio-économiques, son coût prévisionnel, sa puissance projetée, ses impacts potentiels significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire, les options de localisation envisagées, une justification du choix du site, et les options de raccordement envisagées.

En quatrième lieu, il convient de souligner que ces comités de projet sont organisés parallèlement aux enquêtes publiques et consultations déjà prévues par les Codes de l’environnement et de l’énergie. En outre, si le porteur de projet est bien dans l’obligation d’organiser ces comités, à ses frais, il ne sera pas lié par les observations adressées par les parties prenantes. Les comités de projet permettront donc aux acteurs locaux d’avoir une meilleure connaissance du projet en développement mais ils ne constitueront pas un levier juridique leur permettant d’empêcher le projet, à la différence des recours administratifs ou contentieux dirigés contre les diverses autorisations des projets.

Le décret pris dans ses dispositions codifiées, susvisées, entrera en vigueur six mois après sa publication au journal officiel, soit le 24 mai 2024.

Nouvel appel d’offres destiné à encourager la petite hydroélectricité

Un nouvel appel d’offres destiné à encourager le développement de la petite hydroélectricité a été publié le 18 décembre dernier par la Commission de Régulation de l’Energie.

Cet appel d’offres porte sur la réalisation et l’exploitation d’installations hydroélectriques nouvelles de puissance supérieure ou égale à 1 MW W, qui ne sont pas soumises au régime des concessions hydrauliques en application de l’article L. 511-5 du Code de l’énergie, et situées en France métropolitaine continentale.

L’appel d’offres sera divisé en trois périodes. Pour la première, la date limite de dépôt des offres est fixée au 4 mars 2024 et portera sur une puissance de 30 MW, la deuxième sera fixée du 18 novembre 2024 au 6 janvier 2025 et portera sur 35 MW, et la troisième correspondra à la période d 17 novembre 2025 au 5 janvier 2026 et portera sur 40 MW.

Solarisation et végétalisation des toitures : publication des textes d’application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation

Arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes

Les textes d’application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation ont été publiés aux journaux officiels des 20 et 29 décembre 2023. Déjà commentés lorsqu’ils étaient à l’état de projets dans notre lettre d’actualité juridique de juin (voir notre article ici), un décret et deux arrêtés viennent préciser le cadre réglementaire applicable à l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures des bâtiments.

Pour rappel, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures a été introduite par l’article 47 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Elle a par suite été précisée et étendue par l’article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Cette obligation est désormais codifiée à l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH). Les trois textes ici commentés viennent préciser le champ d’application de l’obligation et les cas d’exonérations (les deux arrêtés étant fortement similaires aux projets présentés en juin, nous renvoyons pour le commentaire de ceux-ci à notre précédente brève).

En premier lieu, concernant le champ d’application de l’obligation, plusieurs cas doivent être distingués. De première part, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures s’applique aux constructions de bâtiments de plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol. L’article L. 171-4 précité liste les bâtiments concernés par destination. Ainsi, seront soumis à l’obligation les « constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage commercial, industriel ou artisanal, aux constructions de bâtiments à usage d’entrepôt, aux constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et aux constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, lorsqu’elles créent plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol ».

Aux termes de l’article 41 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, les bâtiments administratifs, les hôpitaux, les équipements sportifs, récréatifs ou de loisir et les bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaire seront également concernés par l’obligation à compter du 1er janvier 2025.

Le décret n°2023-1208 du 18 décembre 2023 présentement commenté apporte des précisions sur les bâtiments concernés par l’obligation. En codifiant le nouvel article R. 171-32 dans le Code de la construction et de l’habitation, le décret précise que la notion de bâtiment doit être entendue au sens de l’article L. 111-1 du CCH, soit comme « un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain ». L’article précité indique par ailleurs que l’obligation ne s’applique que si plus de la moitié du bâtiment est affectée à l’une des destinations visées par l’article L. 171-4 précité.

De deuxième part, l’obligation de solariser ou de végétaliser s’applique également aux parcs de stationnement, tout en étant adaptée à ces surfaces particulières. En effet, L’article L. 171-4 du CCH dispose : « les aires de stationnement associées aux bâtiments ou parties de bâtiments mentionnés au II du présent article, lorsqu’elles sont prévues par le projet, doivent également intégrer des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols. ». En outre, cette obligation résulte également de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme, qui doit être lu en combinaison avec l’article L. 171-4 précité.

On retiendra que les parcs de stationnement de plus de 500 mètres carrés doivent notamment prévoir des dispositifs de végétalisation favorisant la perméabilité des sols ainsi que des dispositifs d’ombrage, doté de dispositifs de production d’énergie renouvelable lorsqu’ils sont matérialisés par des ombrières.

Le décret vient préciser les catégories de parcs de stationnement concernées par l’obligation. Ainsi, aux termes du nouvel article R. 111-25-1, les parcs de stationnement concernés « sont ceux qui ne sont pas intégrés à un bâtiment ». De plus, le décret détaille la superficie devant être prise en compte pour le calcul de la surface du parc de stationnement concernant les dispositifs de gestion des eaux pluviales (article R. 111-25-3) et les dispositifs d’ombrage (article R. 111-25-7).

De troisième part, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures s’applique également aux cas d’extension et de rénovation lourde. Si l’article L. 171-4 du CCH précise que l’obligation ne concerne que les extensions et rénovations lourdes ayant une emprise au sol de plus de 500 mètres carrés (ou 1000 mètres carrés pour les bâtiments à usage de bureau), il ne donnait pas de définition de la notion de rénovation lourde.

L’article R. 171-33 du CCH, codifié par le décret commenté, donne désormais une définition aux travaux de rénovation lourde, qui sont « ceux qui ont pour objet ou qui rendent nécessaire le renforcement ou le remplacement d’éléments structuraux concourant à la stabilité ou à la solidité du bâtiment ».

En outre, aux termes de l’article L. 171-4 du CCH, les rénovations lourdes de parcs de stationnement peuvent également être concernées par l’obligation de solariser ou de végétaliser. Le nouvel article R. 111-25-2 du Code de l’urbanisme, codifié par le décret, définit ces rénovations lourdes comme « le remplacement total du revêtement de surface au sol sur une superficie représentant au moins la moitié de la superficie du parc de stationnement ».

En deuxième lieu, le décret détaille les cas d’exonérations de l’obligation de solariser ou de végétaliser et fixe la procédure applicable. Le IV. de l’article L. 171-4 du CCH prévoit que l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme peut prévoir que tout ou partie des obligations ne s’appliquent pas :

« 1° Aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou de parties de bâtiment qui, en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, ne permettent pas l’installation des procédés et dispositifs mentionnés au I, notamment si l’installation est de nature à aggraver un risque ou présente une difficulté technique insurmontable ;

2° Aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou parties de bâtiment pour lesquels les travaux permettant de satisfaire cette obligation ne peuvent être réalisés dans des conditions économiquement acceptables ».

Le décret détaille tour à tour les cas d’exonération envisageables pour les travaux de construction, d’extension ou de rénovation lourde ; il en va ainsi des exonérations liées à des :

  • Contraintes patrimoniales : article R. 171-34 du CCH ;
  • Coûts disproportionnés : article R. 171-36 du CCH (le calcul de la disproportion des coûts est prévu par l’arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes) ;
  • Coûts de production d’énergie renouvelable excessifs : article R. 171-37 du CCH ;
  • Contraintes techniques : articles R. 171-38 à R. 171-40 du CCH ;
  • Contraintes architecturales : articles R. 171-38 et R. 171-41 du CCH ;
  • Contraintes de sécurité : article R. 171-42 du CCH.

Les exonérations relatives aux parcs de stationnement sont prévues par les nouveaux articles R. 111-25-4 à R. 111-25-6 et R. 111-25-9 à R. 111-28-15 du Code de l’urbanisme. L’exonération pourra donc être accordée par l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme. Le pétitionnaire devra joindre à sa demande d’autorisation une attestation comprenant un résumé non technique, les éléments qu’il estime nécessaire de produire et les éléments de justification propres à chaque cas d’exonération, prévus par les articles précités.

En troisième et dernier lieu, on précisera que les dispositions du décret et des deux arrêtés sont entrées en vigueur au 1er janvier 2024 (article 4 du décret, article 4 de l’arrêté relatif aux caractéristiques minimales que doivent respecter les systèmes de végétalisation installés en toiture et article 6 de l’arrêté précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes).

Enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes, l’obligation de solariser ou de végétaliser s’appliquera progressivement sur une surface de plus en plus grande selon le calendrier suivant fixé à l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2023 précité :

« Les obligations résultant du premier alinéa du I de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation sont réalisées sur une surface au moins égale à 30 % de la surface de toiture du bâtiment construit ou rénové à compter du 1er janvier 2024, à 40 % à compter du 1er juillet 2026, et à 50 % à compter du 1er juillet 2027 ».

Concessions hydroélectriques prorogées : publication d’un décret encadrant les investissements des concessionnaires

Le cadre juridique applicable aux concessions hydroélectriques a été complété par un décret du 22 décembre 2023 portant diverses dispositions relatives à la fin des concessions d’énergie hydraulique. Son objet consiste à fixer un cadre aux investissements réalisés par les concessionnaires titulaires de concessions hydroélectriques prorogées en application de l’article L. 521-16 du Code de l’énergie.

On rappellera en effet de manière synthétique que ce mécanisme de prorogation permet que les concessions hydroélectriques arrivées à leur terme mais n’ayant pas donné lieu à l’organisation par l’Etat (qui est l’autorité concédante pour tous les ouvrages soumis au régime de la concession) d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en vue de leur renouvellement, soient prolongées selon le mécanisme des « délais glissants ».

Pour mémoire, à ce jour, l’Etat s’abstient en effet de lancer des procédures de publicité et de mise en concurrence en vue de procéder au renouvellement des concessions hydroélectriques échues. Or, cette absence de renouvellement, et le maintien en vigueur de concessions soumises aux « délais glissants » a déjà été considérée comme fautive par le juge administrative (CAA Paris, 17 juin 2022, n° 19PA02850 et n° 19PA02867).

Parmi les difficultés générées par le maintien de ces concessions pourtant échues, figure notamment la question des investissements devant être réalisés par les concessionnaires en vue de permettre le maintien des ouvrages en bon état de fonctionnement, de leur amortissement et de leur indemnisation éventuelle en cas de fin effective de contrat.

L’article L. 521-16 du Code de l’énergie dans sa rédaction issue de l’article 73 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a contribué à résoudre cette difficulté en créant la notion de « compte dédié » sur lequel doivent être inscrits, après accord de l’autorité administrative, les investissements « nécessaires pour assurer le maintien en bon état de marche et d’entretien de la future exploitation » et dont la part non amortie a vocation à être remboursée au concessionnaire sortant, à l’occasion du renouvellement effectif de la concession.

Le décret du 22 décembre 2023 complète le dispositif en créant un nouvel article R. 521-55-1 au sein du Code de l’énergie décrivant les modalités d’application du compte dédié créé par l’article L. 521-16 du Code de l’énergie et dans lequel peuvent être inscrites des dépenses. En particulier, le décret détaille le processus de validation en amont par le Préfet des projets de travaux envisagés, de leur montant et de leurs modalités d’amortissement, et postérieurement à leur réalisation, de la conformité desdits travaux aux projets initialement soumis et des dépenses effectivement exposées par le concessionnaire.

Limitation de puissances, interruptions en périodes de crises et de tension sur le réseau

La fin de l’année 2023 a été riche en textes réglementaires dans le domaine énergétique. Deux d’entre eux concernent les mesures à disposition des acteurs de réseau pour faire face aux menaces sur la sécurité en approvisionnement. L’occasion de faire un tour d’horizon des actualités relatives aux limitations de puissances et aux interruptions en périodes de crises et de tension sur les réseaux.

Sur le décret n° 2023-1368 du 29 décembre 2023 portant expérimentation d’une mesure de limitation de puissance des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité et la délibération de la CRE n°2023-367 du 20 décembre 2023 portant avis sur le décret précité

En cas de menace imminente sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, les gestionnaires de réseaux mettent en œuvre des plans de sauvegarde nécessaires pour préserver la sécurité du réseau. Ces plans prévoient une série de mesures pouvant notamment se traduire, dans les cas les plus extrêmes, par des mesures de délestages tournants pouvant conduire à la coupure totale de l’alimentation électrique pour l’ensemble des consommateurs d’un périmètre donné.

Le décret n°2023-1368 du 29 décembre 2023 vise à expérimenter une nouvelle mesure consistant en une limitation de puissance temporaire des consommateurs. L’objectif de cette expérimentation est, ainsi que le relève la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE), de « recueillir des enseignements sur le bénéfice effectif de la mesure, avant son éventuelle intégration dans les plans de sauvegarde des gestionnaires de réseaux ».

Ainsi, le décret permet au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, RTE, et au gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, Enedis, de mettre en œuvre ce mécanisme de « limitation temporaire de la puissance soutirée par des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA » (articler 1er du décret). La puissance peut ainsi être limitée jusqu’à la limite de 3 kVA pendant une durée maximale de deux heures. L’expérimentation doit avoir lieu un jour ouvré entre 6 h 30 et 13 h 30 et entre 17 h 30 et 20 h 30. Il convient de souligner que l’expérimentation ne pourra pas concerner les consommateurs identifiés comme patients à haut risque vital. En outre, les consommateurs présents dans la zone de l’expérimentation pourront refuser d’y participer en suivant la procédure prévue par le dernier alinéa de l’article 3 du décret.

Aux termes de l’article 5 du décret, « la mise en œuvre de l’expérimentation donne droit au versement d’une prime d’un montant de 10 euros, pour les clients concernés dont le point de livraison a fait l’objet d’une limitation effective de puissance et auquel est associé un contrat de fourniture d’électricité au titre de leur résidence principale ». Il convient de souligner que le territoire d’expérimentation a été fixé par arrêté du 29 décembre 2023 du Ministre de l’énergie délimitant le périmètre géographique de l’expérimentation d’une mesure de limitation de puissance des clients résidentiels raccordés au réseau public de distribution d’électricité. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté, le périmètre géographique objet de l’expérimentation est le département du Puy-de-Dôme.

Les Puydômois devraient ainsi recevoir dans le courant de l’année 2024 un courrier des gestionnaires de réseau les informations de l’expérimentation et leur donnant la possibilité de refuser de participer à l’expérimentation. Gageons que cette faculté de refus puisse éviter d’« engendrer des incompréhensions sinon des rejets de la part du public, soit du fait de problématiques techniques non maîtrisées, soit du fait de la perception d’une prise de contrôle excessive sur les usages privés » ainsi que le craint la CRE.

Sur le décret n° 2023-1418 du 29 décembre 2023 relatif aux mesures de restriction et de suspension de l’activité des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel Aux termes de l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie, le Ministre de l’Energie peut :

« 1° En cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou de suspendre l’activité de leurs installations ;

2° Si, à la menace grave mentionnée au 1°, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin qu’elles fonctionnent uniquement selon les directives et sous le contrôle de l’opérateur qu’il désigne ».

Le décret n°2023-1418 du 29 décembre 2023 vient encadrer l’exercice de cette compétence en codifiant une nouvelle section au chapitre relatif aux mesures de sauvegarde en cas de crise à disposition de l’État : la section 2 relative aux restriction ou suspension de l’activité des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel.

En premier lieu, l’article R. 143-4 du Code de l’énergie limite la faculté ainsi offerte au Ministre aux seules installations d’une puissance supérieure à vingt mégawatts, situées sur le territoire métropolitain continental.

En deuxième lieu, seules seront concernées par les restrictions et suspensions ou réquisitions les installations mentionnées sur une liste fixée par le Ministre en charge de l’énergie. Cette liste sera établie sur la base des informations communiquées par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Elle devra préciser :

  • la liste des installations de production susceptibles d’être soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement ;
  • la liste des installations exemptées (selon les conditions prévues par l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie).

En troisième lieu, la détermination des installations qui seront soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement est faite sur la base de critères précisés par l’article R. 143-7. La liste des installations devra tenir compte :

« 1° De la gravité de la menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel ;

2° Du type d’installation de production, les restrictions ou suspensions s’appliquant en priorité, compte tenu des contraintes liées à la sécurité d’approvisionnement, aux installations qui ne produisent pas en cogénération de l’électricité et de la chaleur valorisée ;

3° Des contraintes techniques propres aux installations de production d’électricité qui seraient incompatibles avec une réduction de leur consommation de gaz naturel ;

4° Des requis minimaux de puissance électrique des installations en deçà desquels la sécurité d’approvisionnement en électricité, la sûreté et la sécurité de l’exploitation du réseau électrique sont susceptibles d’être remis en cause, transmis par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité ».

En quatrième et dernier lieu, les exploitants des installations dont l’activité est restreinte ou suspendue peuvent prétendre à une indemnité. Cette dernière ne pourra couvrir les éventuels bénéfices réalisés par les exploitants mais seulement la perte matérielle, directe et certaine induite par une telle modification d’activité (article R. 143-9 du Code de l’énergie).

Sur l’arrêt du Conseil d’Etat (CE, 6 décembre 2012, Mme A et B, n°469094)

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un recours en annulation contre un arrêté de la Ministre de la transition énergétique relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics de distribution d’électricité. Par un arrêté du 22 septembre 2022 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics de distribution d’électricité, la Ministre de la transition énergétique a permis aux gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité de suspendre temporairement le dispositif de contact pilotable. Ce dispositif permet aux appareils électroniques d’être déclenchés automatiquement en heures creuses pour les clients qui bénéficient de contrat le leur permettant.

La suspension du dispositif de contact pilotable n’a été autorisée qu’entre le 1er octobre 2022 et le 15 mai 2023, sur une plage horaire quotidienne de deux heures, entre 11 heures et 15 heures 30. L’arrêté contesté encadre de ce fait strictement la suspension de ce dispositif, ce qui a conduit le Conseil d’Etat à écarter le moyen de la requérante relatif à l’atteinte au principe d’égalité en considérant que l’arrêté attaqué ne méconnaissait pas ledit principe. Le Conseil d’Etat a en effet jugé :

« Dans ces conditions, en prévoyant une désactivation quotidienne du déclenchement automatique de ces appareils de deux heures maximum, prenant fin le 15 mai 2023 au plus tard, ces dispositions créent une différence de traitement en rapport direct avec l’objet de l’arrêté, qui est de limiter les pics de consommation durant les heures méridiennes. En outre, cette différence de traitement ne saurait être regardée comme manifestement disproportionnée au regard des motifs, parmi lesquels la prévention des risques de délestage sur le réseau électrique, qui sont susceptibles de la justifier ».

Les moyens du requérant relatif à une atteinte au droit au respect du domicile et de la vie privée et familiale et à la liberté de l’industrie et du commerce ont également été écartés.

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé la mesure prise comme non disproportionnée. Il opère, conformément à sa jurisprudence, une balance entre l’atteinte au principe de proportionnalité et les intérêts des requérants. Il conclut son arrêt en indiquant que la mise en œuvre du dispositif « a permis de réaliser des économies d’énergie de l’ordre de 2,5 gigawatts en appel de puissance sur la période méridienne, sans pour autant priver ces souscripteurs de la tarification favorable dont ils bénéficient sur les heures creuses ni non plus, ainsi qu’il a été dit, de la faculté de déclencher manuellement les appareils pilotés par leur compteur. Dans ces conditions, en édictant l’arrêté attaqué, la ministre de la transition énergétique n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ni, en tout état de cause, entaché sa décision d’un défaut de proportionnalité ».

La requête est a ainsi été rejetée.

Amortisseurs, boucliers tarifaires et aides en matière d’électricité et de gaz : nouveau train de mesures pour 2024

Décret n° 2023-1422 du 30 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur des TPE pour 2024

Décret n° 2023-1421 du 30 décembre 2023 pris en application du III de l’article 52 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024

Plusieurs textes réglementaires et délibération de la Commission de Régulation de l’Energie ci-après, CRE) ont été adoptés en fin d’année 2023 en vue de reconduire, prolonger ou préciser les dispositifs de soutien et en particulier le bouclier tarifaire et les amortisseurs.

D’abord, par une délibération du 21 décembre 2023 (Délibération n°2023-371 de la CRE du 21 décembre 2023 portant décision sur les modalités d’application des mécanismes de boucliers tarifaires et d’amortisseurs), la CRE a apporté des précisions sur les modalités d’application des mécanismes de boucliers tarifaires et d’amortisseurs par les fournisseurs. Concernant les boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, il s’agit en particulier pour le régulateur de préciser les modalités d’application de la limitation des montants de compensation versés.

Concernant les amortisseurs, la CRE définit le cadre d’application des limitations de montants de compensation versés liés à la couverture des coûts d’approvisionnement, et précise la formule d’application des volumes concernés par les réductions de prix en fonction de la consommation historique. S’agissant des mesures réglementaires, le bouclier tarifaire pour les ménages chauffés collectivement à l’électricité ou au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant de l’électricité ainsi que pour l’électromobilité est reconduite pour 2024, par deux décrets du 29 décembre 2023 (Décret n° 2023-1369 du 29 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix de l’électricité pour 2024 et Décret n° 2023-1370 du 29 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel en 2024).

Ensuite, un décret n° 2023-1422 du 30 décembre 2023 relatif à l’aide en faveur des TPE pour 2024 reconduit pour 2024 l’amortisseur électricité en le bonifiant par la création d’une aide supplémentaire pour les très petites entreprises bénéficiaires de l’amortisseur électricité afin d’assurer la poursuite sur 2024 de la limitation du prix moyen sur l’année à 230 €/MWh hors taxe et hors TURPE.

En outre, en matière d’amortisseur électricité, on signalera le Décret n° 2023-1421 du 30 décembre 2023 pris en application du III de l’article 52 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 qui reconduit pour 2024 le dispositif pour les consommateurs finals.

Enfin, on signalera également un Décret n° 2023-1237 du 21 décembre 2023 modifiant le décret n° 2019-114 du 20 février 2019 relatif aux aides financières mentionnées au II de l’article 183 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 relatif, non pas aux dispositifs de soutien bénéficiant aux consommateurs en raison de l’augmentation des prix de l’énergie survenue en 2021, mais aux utilisateurs devant changer leurs appareils ou équipements gaziers utilisés pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire, en raison de la modification de la nature du gaz distribué par le réseau de distribution auquel ils sont raccordés. Le décret modifie à la hausse le montant maximal de ces aides financières précédemment fixé par un décret du 20 février 2019.

Politiques énergétiques : publication de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ainsi que de la loi de finance pour 2024 (après une censure partielle du Conseil constitutionnel)

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été publiée au Journal officiel du Journal officiel du 19 décembre 2023.

Parce qu’elle a vocation à définir la trajectoire pluriannuelle à l’horizon 2027 et les moyens pour l’atteindre, cette loi comporte quelques précisions en matière de politiques énergétiques.

En son article 9, elle complète l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie en prévoyant que les lois de programmation énergie climat dites « LPEC » instituées par ces dispositions doivent préciser « la programmation des moyens financiers nécessaires à l’atteinte des objectifs [fixés par ces dispositions comme permettant de répondre à l’urgence écologique et climatique] ».  On rappellera que la loi « LPEC », qui a vocation à être publiée tous les cinq ans et dont la première devait paraître avant le 1er juillet 2023 au terme desdites dispositions, n’a toutefois pas encore vu le jour.

La loi commentée prévoit, en son même article 9, que le Gouvernement doit annuellement transmettre une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale devant être notamment compatible avec la programmation des moyens financiers susvisée.

On observera également que le rapport annexé à ladite loi précise par ailleurs que le Gouvernement, tout en continuant de soutenir les ménages et les entreprises face au coût de l’énergie, entend sortir progressivement des boucliers tarifaires mis en place pendant la crise énergétique.

Quelques jours après la publication de cette loi de programmation, la loi de finances pour 2024, déclinaison de la loi de programmation pour l’année prochaine, est parue au Journal Officiel du 30 décembre 2023.

En matière d’énergie, comme l’annonçait le projet de loi présenté en Conseil des Ministres le 27 septembre 2023 commenté dans une précédente lettre d’actualité juridique, cette loi traduit notamment les choix budgétaires retenus par le Gouvernement pour cette nouvelle année au soutien de la rénovation énergétique et de l’utilisation, notamment dans le milieu industriel, de l’hydrogène.

Et en son article 225 VII, la loi de finances pour 2024 modifie le troisième alinéa du paragraphe II de l’article L. 336-5 du Code de l’énergie en prévoyant que les montants dont s’acquittent les fournisseurs d’électricité au titre du complément de prix dans le cadre de l’ARENH sont désormais reversés uniquement à EDF, notamment pour compenser les charges imputables à ses missions de service public.

Ce dispositif fait partie de ceux qui avait été contestés par les députés ayant déféré au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2024.

On rappellera qu’en vertu de l’article L. 336-3, le volume maximal d’électricité nucléaire cédé à un fournisseur est annuellement calculé par la CRE en fonction des caractéristiques d’évolution de la consommation des clients que celui-ci fournit ou prévoit de fournir. Et que, lorsque le volume d’électricité alloué est supérieur à la consommation constatée des clients dudit fournisseur, celui-ci doit verser un complément de prix correspondant à l’écart entre les prix moyens observés sur le marché de gros et le prix de l’ARENH.

Ce complément de prix versé par les fournisseurs ayant surestimé la prévision de consommation de leurs clients était jusque-là réparti entre EDF et les autres fournisseurs, avant que la loi de finances ici commentée ne vienne en réserver le bénéfice au seul fournisseur historique. Désormais, le complément de prix est donc uniquement reversé à EDF et déduit de la compensation des charges imputables à ses missions de service public.

Les sénateurs à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel avait alors considéré que la modification de cette clé de répartition était contraire à la Constitution au motif qu’il en résulterait une rupture d’égalité devant les charges publiques, une violation des principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines, une différence de traitement injustifiée entre les clients d’EDF et ceux des fournisseurs alternatifs ainsi qu’une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de la concurrence.

Aucun de ces griefs n’a toutefois été retenu par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision DC 2023-862 du 28 décembre 2023, a conclu que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.

Publication du décret relatif aux communautés d’énergies

Un décret en date du 26 décembre 2023 est venu compléter sur le  plan réglementaire l’encadrement juridique des communautés d’énergie.

Le texte était attendu, le dispositif en vigueur, limité aux dispositions des articles L. 291-1 à L. 293-4 du Code de l’énergie, demeurant en effet jusqu’alors incomplet sur plusieurs de ses modalités de mise en œuvre, malgré les compléments apportés par la loi du 10 mars 2023, dite loi « APER » en ce qui concerne les formes juridiques que peuvent revêtir les communautés d’énergie.

La publication de ce décret fait suite à une délibération de la CRE du 6 septembre 2023 ayant porté un avis favorable sur son projet, commentée dans notre lettre d’actualité juridique du mois d’octobre 2022.

En substance, ce décret prévoit d’abord les modalités de contrôle des communautés d’énergies pour l’application de leur condition d’autonomie (respectivement fixée aux articles L. 291-1 et L. 292-1 selon qu’il s’agit des communautés d’énergies renouvelables ou des communautés énergétiques citoyennes).

A ce titre, les articles R. 291-1 et R. 292-1 du Code de l’énergie prévoient que les salariés d’une entreprise détenant plus de 10 % de ses droits de vote et de 10 % de ses fonds propres et quasi-fonds propres ou d’une entreprise contrôlant ou étant contrôlée directement ou indirectement par une telle entreprise, ne peuvent détenir, de façon directe ou indirecte :

« 1° Individuellement, plus de 10 % des droits de vote et de 10 % des fonds propres et quasi-fonds propres de cette communauté ;

2° Conjointement, plus de 33 % des fonds propres et quasi-fonds propres et de droits de vote, ni plus de fonds propres et quasi-fonds propres et droits de vote que les autres personnes physiques, les collectivités ou leurs groupements, réunis collectivement ».

Par ailleurs, une entreprise et ses salariés ne doivent pas détenir ensemble plus de 40 % des fonds propres et quasi-fonds propres et droits de vote de la communauté d’énergie.

Le décret commenté pose ensuite la définition du critère de proximité des projets d’énergies imposée par l’article L. 2191 du Code de l’énergie aux actionnaires et membres contrôlant les communautés d’énergie renouvelables, selon leur statut.

Ainsi par exemple, lorsque l’actionnaire, l’associé ou le membre de la communauté d’énergie renouvelable est une commune ou un groupement de communes, ce critère de proximité sera rempli si chacun des projets d’énergies renouvelables en cause concerne une installation implantée, respectivement, sur le territoire de la commune ou du groupement ou sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de communes limitrophes.

Le texte prévoit en outre les modalités de sortie des communautés d’énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes. Il précise ainsi que dans le cas où le départ d’une communauté d’énergie entraine la fin d’une relation contractuelle ayant pour objet la fourniture d’électricité y compris via une opération d’autoconsommation collective, les articles L. 224-14 et L. 224-15 du Code de la consommation, relatifs au libre choix du fournisseur et au changement de fournisseur sans frais, trouveront à s’appliquer.

Enfin, le décret précise que le montant de l’indemnisation du gestionnaire de réseau susceptible d’être due par la communauté d’énergie pourra être déterminé « en tant que de besoin » par les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel ainsi que par les tarifs des prestations annexes des gestionnaires desdits réseaux.

Les recommandations de la Commission de régulation de l’énergie pour optimiser la mobilité électrique

Dans le prolongement de la publication en 2018 d’un recueil de propositions et réflexions intitulé « les réseaux électriques au service de la mobilité électrique » et face à l’augmentation importante depuis lors du nombre de véhicules électriques et des points de recharge, la CRE a publié le 13 décembre dernier ses recommandations pour accompagner le déploiement de la mobilité électrique.

Celles-ci, à destination des opérateurs de recharge, des gestionnaires de réseaux comme des autorités organisatrice de la distribution d’électricité, ont vocation à optimiser et faciliter le recours à la mobilité électrique, en tant que vecteur de réduction du recours aux énergies fossiles.

Synthétiquement, la CRE recommande d’abord de réduire les coûts et le délai de raccordement aux bornes de recharges de véhicules électriques par une optimisation des infrastructures comme de la puissance de raccordement grâce aux leviers suivants :

  • Mutualisation des ouvrages installés ;
  • Recours à des offres de raccordement « intelligentes », lesquelles permettent des raccordements moins coûteux et plus rapides à réaliser en contrepartie de limitations ponctuelles de puissance ;
  • Limitation du taux de réfaction des coûts de raccordement, et ce notamment pour éviter d’inciter les demandeurs au surdimensionnement des bornes de recharges.

En outre, elle suggère de développer davantage les systèmes de pilotage de la recharge du « quotidien ». La CRE considère en effet que la modulation de la puissance électrique appelée constitue un vecteur important de réduction des coûts. Elle recommande ainsi la généralisation d’un pilotage de type Heures Pleines/Heures Creuses pour la recharge individuelle à domicile.

Enfin, dans le but de contribuer au développement et à l’optimisation de ce pilotage intelligent, la CRE recommande la mise en place de solutions innovantes permettant aux bornes de recevoir une connexion internet et le partage de données (telles que le niveau de charge et la capacité des batteries des véhicule) avec les tiers autorisés via une plateforme de mise à disposition.

A ce dernier titre, un texte pourrait prochainement voir le jour, la CRE suggérant l’adoption de mesures réglementaires afin d’encadrer la mise à disposition de ces données.

On observera que ces recommandations ont été publiées concomitamment au lancement du dispositif de leasing de voitures électriques à 100 euros par mois qui poursuit également l’objectif de démocratisation de la mobilité électrique.

Décret d’application de la loi APER relatif au classement des demandes de raccordement d’installations industrielles ou de projets de production d’hydrogène bas-carbone au renouvelable au réseau public d’électricité

Pour mémoire, l’article 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables autorise l’autorité administrative compétente de l’Etat, sur proposition du gestionnaire du réseau de transport d’électricité, à fixer un ordre de classement des demandes de raccordement au réseau de transport ou de distribution d’électricité de projets d’installations de production ou d’opérations de modifications d’installations industrielles lorsque l’ensemble des demandes de raccordement de ces projets et opérations engendre, pour au moins l’un d’entre eux, un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité prévisionnelle du réseau public de transport d’électricité dans ce délai.

Cet ordre de classement doit être fixé selon des conditions et critères transparents et objectifs qui viennent d’être définis par un décret publié le 29 décembre 2023.

Tout d’abord, le décret précise, en son article 1er, que sont concernées par cette possibilité de classement les demandes de raccordement aux réseaux publics de transport et de distribution relatives à un ou plusieurs projets mentionnés au premier et avant-dernier alinéa du I de l’article 27 de la loi APER.

Il s’agit des projets suivants :

  • Les projets de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité lorsque ceux-ci ont pour objet le raccordement de projets se rapportant aux installations de production ou de stockage d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1 du Code de l’énergie ;
  • Les opérations de modifications d’installations industrielles ayant pour objectif le remplacement de combustibles fossiles pour la production d’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique ou la diminution significative des émissions de gaz à effet de serre ;
  • Les projets de création ou de modification d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité lorsque ceux-ci ont pour objet le raccordement des installations d’un projet industriel qualifié par décret de projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.

Sont exclues de ce dispositif les demandes de raccordement d’installations ayant pour seul objet la production d’électricité.

Ensuite, l’article 2 du décret précise que l’autorité administrative compétente pour fixer l’ordre de classement des demandes de raccordement est le préfet compétent dans la zone géographique concernée par ces demandes, étant précisé qu’aux termes de l’article 3 du décret, la zone géographique est définie par le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Si la zone géographique se situe sur plusieurs régions, les préfets de région fixent conjointement l’ordre de classement.

L’article 3 précise également que le délai de raccordement supérieur à cinq ans mentionné par l’article 28 de la loi APER correspond au délai « entre la date d’acceptation par le demandeur de la proposition de raccordement émise par le gestionnaire de réseau compétent et la date prévisionnelle à compter de laquelle le gestionnaire de réseau aura achevé l’ensemble des travaux permettant de garantir au demandeur la puissance de raccordement sollicitée ».

Le décret précise en outre les modalités de saisine du préfet de région par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (article 5) ou indirectement par le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité (article 6).

Les critères sur lesquels le préfet de région doit obligatoirement se fonder pour fixer l’ordre de classement de ces demandes sont précisées par l’article 7 du décret :

  • La date prévisionnelle de mise en service du projet, qui est appréciée au regard de l’avancement des études ou des travaux, de l’obtention d’autorisations d’urbanisme ou environnementales, de la maîtrise par le porteur de projet du foncier nécessaire au projet, ou du bénéfice d’une aide à l’investissement ou au fonctionnement pour le projet ;
  • Les caractéristiques du projet, qui s’entendent en particulier de la puissance de raccordement demandée ou de son caractère d’intérêt national majeur, au sens de l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme ;
  • La date de réception de la demande de raccordement par le gestionnaire de réseau ;
  • Les réductions des émissions de gaz à effet de serre qui sont permises par le projet au regard des installations déjà existantes sur la zone géographique auxquelles ce projet est relié.

En outre, le préfet de région peut également fonder son analyse sur la base d’autres critères :

  • La date d’acceptation par le porteur de projet de la proposition de raccordement émise par le gestionnaire de réseau ;
  • La sécurisation financière et juridique du projet, qui tient compte le cas échéant, pour les installations de production d’hydrogène, des accords conclus par le producteur pour l’achat de l’hydrogène produit par son installation ;
  • Le caractère flexible de la consommation électrique du projet, qui s’entend comme la capacité à moduler sa puissance pendant une période donnée en application de l’article L. 271-1 du Code de l’énergie ou sur signal d’un gestionnaire de réseau.

Le préfet doit, sur la base de ces critères, définir, dans les quatre mois à compter de sa saisine, l’ordre d’attribution des capacités disponibles et prévisionnelles aux projets concernés pour réduire le délai de raccordement d’au moins un projet (article 8 du décret). Il peut également décider de ne pas fixer d’ordre de classement lorsqu’il constate qu’il n’est pas possible de réduire le délai de raccordement d’au moins un des projets concernés (article 9 du décret). A défaut de réponse du préfet dans ce délai, les gestionnaires du réseau doivent instruire les demandes de raccordement suivant l’ordre qui prévalaient à la date de saisine du préfet (article 10 du décret).

Le gestionnaire du réseau dispose d’un délai de trois mois suivant la décision de classement du préfet pour notifier aux demandeurs concernés une nouvelle proposition de raccordement (article 11 du décret).

Il est également précisé qu’une demande de raccordement ayant intégré un ordre de classement par décision du préfet de région ne peut faire l’objet d’une nouvelle décision de classement dans un délai de deux ans à compter de la notification de la décision initiale (article 13 du décret).

Enfin, on précisera que le décret commenté a introduit un nouvel alinéa à l’article R. 311-2 du Code de justice administrative aux termes duquel désormais les litiges relatifs aux décisions de classement des demandes de raccordement des projets visés par l’article 28 de la loi APER relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la Cour administrative d’appel de Paris (article 14 du décret).

Consultation publique sur la structure tarifaire des prochains Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité 7 (TURPE 7)

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne une consultation publique portant sur la structure tarifaire des prochains Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (ci-après « TURPE 7 »). Pour mémoire, les tarifs actuels dits « TURPE 6 HTB » pour le réseau public de transport et « TURPE 6 HTA-BT » pour les réseaux publics de distribution d’électricité sont applicables depuis le 1er août 2021 pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 31 juillet 2025. Ainsi, à compter du 1er août 2025, de nouveaux tarifs TURPE 7 devront entrer en vigueur.

Dans cette perspective, le régulateur précise que l’élaboration du TURPE 7 doit prendre en compte et accompagner la transformation rapide du système énergétique afin de remplir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parmi ces objectifs, figurent notamment :

  • La réalisation d’importants investissements dans les réseaux électriques qui doivent notamment faire face à la hausse de la consommation d’électricité et accueillir les nouvelles capacités de productions renouvelables ;
  • Le développement de la production d’énergie renouvelable décentralisée ;
  • Des nouveaux besoins de flexibilité du système électrique au niveau national et local pour faire face au développement de la production d’énergie renouvelable et à la réduction du recours aux centrales thermiques à partie d’énergies fossiles ;
  • Le développement de l’autoconsommation collective ou individuelle.

Dans ce contexte, plusieurs consultations seront lancées jusqu’à la fin de l’année 2024 par la CRE pour recueillir l’avis des acteurs du marché sur la structure du futur TURPE 7. Le 14 décembre 2023, elle a ainsi lancé une première consultation publique qui devrait être suivie par des consultations publiques complémentaires au cours de l’année. Cette première consultation publique porte spécifiquement sur :

  • Les analyses préliminaires de la CRE sur les évolutions possibles du placement des plages temporelles type heures pleines / heures creuses pour s’adapter aux évolutions à venir et plus particulièrement pour tirer parti de l’accroissement de la production photovoltaïque, tout en répondant aux contraintes fortes du système électrique sur certaines heures ;
  • La possibilité d’introduire une nouvelle tarification soutirage / injection pour les batteries ;
  • La mise à jour des données et l’amélioration de la méthode utilisée par la CRE pour construire la composante de soutirage des TURPE 7.

Ces trois grandes thématiques sont déclinées en 34 questions. Les acteurs intéressés doivent adresser leur contribution à la CRE sur la plateforme mise en place à cet effet au plus tard le 9 février 2024.

Mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat : modifications réglementaires

Dans le prolongement du décret n° 2022-1035 en date du 22 juillet 2022 pris pour application l’article 164 de la loi Climat et Résilience, commenté dans notre lettre d’actualité juridique, et de l’arrêté du 22 décembre 2022 relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat (également commenté dans notre lettre d’actualité juridique), un nouvel arrêté du 14 décembre 2023 a été publié au journal officiel.

Plus précisément, cet arrêté – relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat, plus connu sous la dénomination « Mon accompagnateur Rénov » – modifie et complète l’arrêté du 21 décembre 2022 précité.

Pour rappel, dans le cadre du service public de la performance énergétique de l’habitat, les ménages peuvent bénéficier d’une mission d’accompagnement comprenant, le cas échéant, un appui à la réalisation d’un plan de financement et d’études énergétiques, une assistance à la prospection et à la sélection des professionnels mais également une évaluation de la qualité des travaux réalisés par ces derniers. Cette mission d’accompagnement peut notamment être réalisée par des opérateurs agréés pour une durée de cinq ans.

Tout d’abord, ledit arrêté reporte de quatre mois, autrement dit au 1er janvier 2024, l’entrée en vigueur des prestations d’accompagnement. De la même manière, il prolonge la dérogation bénéficiant aux conventions d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat, au sens de l’article L. 303-1 du Code de la construction de l’habitation, et aux programmes d’intérêt général d’amélioration de l’habitat, au sens de l’article R. 327-1 du même Code, ces derniers se voyant appliquer les prestations d’accompagnement renforcées prévues à l’annexe II de l’arrêté qu’à compter du 1er janvier 2026 – au lieu du 1er juillet 2024.

Ensuite, le texte élargit les cas de sous-traitance. En effet, la sous-traitance des prestations d’accompagnement est désormais autorisée non seulement pour les prestations d’accompagnement renforcées, inscrites à l’annexe II de l’arrêté du 21 décembre 2022, et d’audit énergétique, mais également pour l’ensemble de la prestation si elle est confiée à un accompagnateur agréé par l’Agence nationale de l’habitat (ci-après « ANAH »). Toutefois, à l’exception de la prestation renforcée, le cumul des sous-traitances est interdit. A ce titre, le contrat ou la convention conclu entre le ménage et l’accompagnateur agréé doit dorénavant mentionner les prestations réalisées par sous-traitance ainsi que l’identité du ou des sous-traitants.

Les modalités de délivrance et de contrôle de l’agrément sont également amendées. En effet, d’une part, l’utilisation de formulaires homologués mis à disposition par l’ANAH pour la constitution des dossiers de demande initiale et de renouvellement de l’agrément est rendue obligatoire à partir du 1er avril 2024 et, d’autre part, le contenu du rapport annuel prévu par le I de l’article R. 232-7 du Code de l’énergie – devant désormais être communiqué à l’ANAH avant le 31 mars de chaque année civile – est modifié et doit intégrer, notamment, les nouveaux éléments suivants :

  • une mise à jour du nombre de personnes consacrées à temps plein ou partiel à la mission d’accompagnement ;
  • en lieu et place d’un bilan d’activité pour l’année en cours, la liste intégrale des accompagnements effectués pour l’année écoulée, en identifiant les accompagnements comprenant une part sous-traitance, en précisant l’identité des sous-traitants concernés, et en indiquant les accompagnements en cours et ceux abandonnés ;
  • un prévisionnel d’activité pour l’année à venir, ce qui était d’ores et déjà prévu mais incluant en outre la part estimée d’accompagnements sous-traités ainsi que la nature des prestations sous-traitées.

En outre, l’arrêté susvisé opère des modifications quant aux prestations d’accompagnement obligatoires prévues à l’annexe 1. En particulier, l’arrêté :

  • impose à l’accompagnateur de veiller à ce que le ménage ne signe pas de devis avant la réalisation de sa prestation relative notamment à l’analyse des devis au regard de leur compatibilité avec le scénario de travaux retenu et leur prix, et avant le dépôt des demandes d’aides financières publiques ou privées ;
  • autorise les diagnostiqueurs énergétiques certifiés – répondant aux conditions de qualification mentionnées au VII de l’article 2 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 – à réaliser l’audit énergétique et précise que, dans le cas où les travaux mis en œuvre diffèrent des travaux préconisés, l’audit énergétique est mis à jour sur la base des travaux effectivement réalisé et ce, même si l’audit est réalisé préalablement à la mission d’accompagnement ;
  • complète le contenu du rapport d’accompagnement devant être remis et contresigné par le ménage dans le cadre de ces prestations. A cet égard, ce rapport doit contenir, outre les éléments déjà mentionnés dans l’arrêté du 21 décembre 2022, une attestation, sur la base des factures remises, de la concordance entre les travaux réalisés et les projets de travaux et, en cas de recours à la sous-traitance, la nature des prestations sous-traitées ainsi que l’identité du ou des sous-traitants. De même, si le rapport doit toujours contenir le projet de travaux retenu par le ménage, il n’est plus contraint de mentionner le projet de travaux recommandé par l’accompagnateur.

Enfin, dans un objectif de simplification, les annexes V et VI de l’arrêté du 21 décembre 2022, relatives aux pièces nécessaires dans le cadre des demandes initiales et de renouvellement d’agrément, sont modifiées.

Volet mobilités du contrat de plan État – Région Ile-de-France 2023 – 2027 : 8,4 milliards d’euros d’investissements

Le 20 décembre dernier, la Région Ile-de-France et l’Etat, représenté par le Ministre des transports Clément Beaune, ont signé un protocole relatif au volet mobilités 2023 – 2027 du contrat de plan Etat – Région (CPER).

Pour rappel, les CPER constituent des outils de financement de projets locaux destinés à mettre en cohérence les politiques publiques en matière d’aménagement, de développement des territoires et d’infrastructures. Issus de l’article 11 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, toujours en vigueur à ce jour, les CPER « définissent les actions que l’Etat et la région s’engagent à mener conjointement par voie contractuelle pendant la durée du plan ».

Si d’un point de vue juridique, les CPER sont des contrats administratifs[1], leur portée reste limitée car le Conseil d’Etat a jugé qu’ils n’emportent en eux-mêmes « aucune conséquence directe quant à la réalisation effective des actions ou opérations qu’il prévoit » (CE, 25 octobre 1996, Association Estuaire Écologie, n° 169557). L’étude des CPER démontre qu’ils comportent très peu de clauses « juridiques » contraignantes pour les parties mais plutôt une série d’actions en mettre en œuvre, associées à des moyens de financement. Les engagements pris par les parties au CPER ne deviennent juridiquement contraignants que lors de l’engagement budgétaire décidé par la région dans le cadre de l’adoption de son budget annuel et lors de l’adoption par le Parlement de la loi de finance pour l’État.

En revanche, les contrats particuliers conclus en application de chaque CPER, qui fixent les moyens de mise en œuvre des actions définies dans le contrat de plan (art. 11, §4 loi n° 82-653), sont susceptibles d’engager la responsabilité des co-contractants, notamment en cas de rupture unilatérale fautive (CE, 7 mars 2008, Ministre de l’Écologie et du développement durable, n° 290259).

Ils comportent six volets[1], dont un volet mobilité multimodale qui prend une part de plus en plus importante au vu du caractère stratégique des transports dans l’aménagement des territoires et dans la transition écologique. Le protocole conclu le 20 décembre relatif au volet mobilité du CPER conclu avec la région Ile-de-France représente une avancée majeure pour les transports franciliens car il acte le principe d’un investissement sans précédent de la part des financeurs, à hauteur de 8,4 milliards d’euros sur les 4 années à venir.

La participation de l’Etat et de la Société du Grand Paris s’élève à 3 milliards d’euros (36 %), celle de la Région à 3,7 milliards d’euros (44 %). Le reste des investissements est porté par les collectivités locales, la RATP, SNCF et Ile-de-France Mobilités (IDFM).

Le plan de financement présente trois axes prioritaires :

  • la modernisation des gares franciliennes et le renforcement de l’intermodalité, notamment pour préparer l’arrivée du métro du Grand Paris Express et développer les interconnexions ;
  • l’amélioration des transports collectifs et ferroviaires du quotidien. Près de 25 % du financement est destiné à l’automatisation des RER B et D et à la modernisation des lignes RER et transilien (travaux d’électrification, travaux d’adaptation des infrastructures pour l’arrivée de nouveaux matériels roulants commandés par Ile-de-France Mobilités, etc) ;
  • le financement des grands projets de transport collectif telle que la prolongation du nouveau RER Eole (à La Défense prévu en 2024 et à Mantes-la-Jolie en 2026), les six nouveaux projets de tramways à achever d’ici 2027 et l’acquisition de bus à haut niveau de service en site propre.

On note également qu’une partie de l’enveloppe sera destinée aux investissements dans la décarbonation des transports de personnes et de marchandises et dans l’accessibilité des gares nationales. Le Gouvernement s’est engagé à réaliser les travaux d’accessibilité de toutes les gares nationales d’ici 2027.

Enfin, une part non négligeable de l’enveloppe sera investie dans les projets routiers prioritaires, pour favoriser l’intermodalité et créer des voies réservées aux bus et au covoiturage.