Environnement, eau et déchet
le 04/04/2024
Julie CAZOU
Eloïse GUILLERMIC

Référé-liberté : le droit à un environnement sain justifie la suspension de travaux en zone naturelle protégée

TA de Montpellier, 7 mars 2024, n° 2401295

Le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a récemment prononcé la suspension d’une décision du préfet des Pyrénées-Orientales délivrant au syndicat mixte de gestion et d’aménagement Tech-Albères (SMIGATA) un récépissé de dépôt de dossier de déclaration pour un projet expérimental d’injection d’eaux brutes et de traitement partielle de la végétation dans une ancienne carrière. Le juge a également suspendu l’exécution des travaux prévus pour la réalisation du projet.

En l’espèce, l’association France Nature Environnement avait introduit une requête sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, selon la procédure dite du référé-liberté, afin d’obtenir la suspension de travaux devant se tenir du 4 au 15 mars 2024 de débroussaillage mécanisés de la végétation, de terrassement d’une zone humide puis de sa mise en eau sur une superficie de 3,5 hectares. Cet article permet au juge de prendre, dans des situations d’urgence et dans un délai de 48 heures, toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale en cas d’atteinte grave et manifestement illégale.

Dans la continuité de la décision du Conseil d’Etat n° 451129 en date du 20 septembre 2022, le juge a d’abord rappelé que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative ».

Puis, en premier lieu, il a considéré que l’exécution de la décision contestée était manifestement illégale et susceptible de porter des atteintes graves et irréversibles aux espèces protégées et à la destruction de leur habitat. Il a ainsi souligné que le projet « n’a fait l’objet que d’un dépôt de dossier de déclaration alors même que, compte tenu de son objet, il était soumis à autorisation » au titre de la règlementation des installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) et que l’injection d’eaux brutes ne pouvait être regardée « comme constituant une mesure de restauration des zones humides mais relève de la nomenclature relative à la mise en eau ». En outre, le juge a relevé que le projet est situé sur une zone boisée classée Natura 2000 et ZNIEFF types 1 et 2, accueillant de très nombreuses espèces protégées (dont la tortue Emyde Lépreuse) sans qu’aucun « recensement complet et détaillé » n’ait été réalisé au préalable ni d’ailleurs qu’une dérogation espèces protégées n’ait été obtenue. Et si le pétitionnaire fait mention de prescriptions visant à limiter ou réduire l’impact sur ces espèces, le juge estime qu’elles « ne sauraient à elles seules permettre de s’affranchir des obligations précitées prévues par le Code de l’environnement [d’obtenir une autorisation loi sur l’eau et une dérogation espèces protégées] aux fins de conservation d’habitats naturels et d’espèces animales ou végétales protégées ».

Dès lors, au regard des atteintes graves et irréversibles susceptibles d’être causées aux espèces protégées, le juge a en second lieu considéré que l’urgence à ordonner la suspension des travaux était caractérisée et a conclu que toutes les conditions de l’article L. 521-2 du CJA étaient réunies. Il a donc fait droit à la requête de l’association.