Mobilité et transports
le 04/04/2024

Aide publique : rejet du recours contre la mise en œuvre d’une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros aux autorités organisatrices de la mobilité en tant qu’elle exclut les régions de son champ d’application

CE, 21 mars 2024, n° 475310

Par un arrêt en date du 21 mars 2024, le Conseil d’État rejette le recours intenté par la région Auvergne-Rhône-Alpes contre l’arrêté du ministre délégué aux Transports du 18 avril 2023 relatif à la mise en œuvre d’une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros aux autorités organisatrices de la mobilité. Cet arrêt est l’occasion pour le Conseil d’État de rappeler le champ du pouvoir règlementaire des ministres.

En l’espèce, afin de permettre aux autorités organisatrices de la mobilité (ci-après, « AOM ») de faire face à la hausse des prix de l’énergie, le législateur a adopté un dispositif d’aide au profit de ces dernières. La loi n° 2022-1726 de finances pour 2023 a consacré une aide exceptionnelle prenant la forme d’une augmentation des crédits du programme « infrastructures et services de transports » d’une somme de 300 millions d’euros.

Par un arrêté en date du 18 avril 2023, le ministre délégué chargé des Transports a défini le champ et les conditions de versement de l’aide aux AOM hors Ile-de-France. Cet arrêté excluait toutefois les régions du champ d’application de cette aide exceptionnelle. La Région Auvergne-Rhône-Alpes a donc introduit un recours en excès de pouvoir pour demander l’annulation partielle de l’arrêté en tant qu’il n’étendait pas « le dispositif d’aide qu’il institue aux régions, d’une part, en qualité d’autorités organisatrices de la mobilité régionale au titre de l’article L. 1231-3 du Code des transports et, d’autre part, en qualité d’autorités organisatrices de la mobilité au titre du II de l’article L. 1231-1 du même code ». Cette demande a conduit le Conseil d’État à se saisir d’un moyen d’office relatif à la compétence même du ministre délégué chargé des Transports pour adopter un tel arrêté.

En effet, ce dernier agit sur délégation du ministre de la Transition Ecologique et de la cohésion des territoires et ledit ministre n’était tout simplement pas compétent pour définir les conditions et modalités d’attribution d’une aide aux autorités organisatrices de la mobilité. Ainsi que le rappelle le rapporteur public, Clément Malverti, dans ses conclusions sur cette affaire, la Constitution de 1958 ne reconnaît pas un pouvoir réglementaire autonome aux ministres. Un ministre « n’est susceptible d’édicter des normes générales et impersonnelles que dans deux d’hypothèses : soit en vertu d’une délégation, législative ou réglementaire, soit, sur le fondement du pouvoir [d’organisation du service], afin d’adopter des mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité et dans la seule mesure où l’exige l’intérêt du service »[1]. Or, la définition du champ d’application de l’aide ne pouvait se rattacher à aucun de ces fondements.

Le Conseil d’État juge également que le ministre ne pouvait pas davantage fonder sa compétence sur les crédits qui lui ont été confiés par la loi de finances pour 2023 et de son décret de répartition du 30 décembre 2022. En effet, les « inscriptions budgétaires de dépenses des lois de finances et des décrets de répartition ont uniquement pour objet et pour effet d’ouvrir à l’administration les crédits nécessaires aux mesures qui relèvent de sa compétence, et non d’attribuer aux ministres une compétence pour prendre celles-ci »[2]. Confronté à cette incompétence du ministre de la Transition Ecologique et de la cohésion des territoires et par extension du ministre délégué, le Conseil d’État ne pouvait toutefois pas annuler l’arrêté querellé puisque cela l’aurait conduit à statuer ultra petita ; la requérante contestant uniquement l’arrêté en tant qu’il n’étendait pas le champ d’application de l’aide aux régions.

En outre, le Conseil d’État ne pouvait pas davantage faire droit à la demande de la requérante. En effet, en toute rigueur, elle ne pouvait utilement contester la décision ministérielle en tant qu’elle n’étendait pas le dispositif de l’aide. Ainsi qu’il a été exposé, le ministre ne disposait pas de la compétence pour définir le champ de cette aide, il n’était donc pas, a fortiori, compétent pour étendre le champ de cet aide aux régions. Partant, la critique de la requérante était nécessairement infondée et le Conseil d’État rejette le recours de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

 

[1] C. Malverti, Ccls. sous CE, 21 mars 2024, Région Auvergne-Rhône-Alpes, n° 475310.

[2] CE, 21 mars 2024, Région Auvergne-Rhône-Alpes, n° 475310.