Pass sanitaire : les nouvelles règles s’imposant aux salariés et agents publics

Depuis le 30 août 2021 et au moins jusqu’au 15 novembre 2021, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire impose la présentation du pass sanitaire à 1,8 million de professionnels « travaillant dans les établissements où il est demandé aux usagers », a précisé le ministère du Travail.

Cette obligation sera étendue pour les salariés de moins de 18 ans à compter du 30 septembre 2021.

La liste de établissements concernés n’a cessé d’être modifiée depuis les différentes annonces sur le projet de loi sur le pass sanitaire et sa promulgation à travers la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire avec un dernier rebondissement lié à la publication le 27 août du décret du 26 août 2021 n° 2021-1118, excluant le secteur de la protection de l’enfance de cette obligation de présentation du pass sanitaire.

A cette liste des établissements concernés (1), il convient d’analyser les conséquences pour les salariés dans la mise en œuvre de ces nouvelles règles de présentation du pass sanitaire voire de l’obligation vaccinale (2) et les sanctions pour les employeurs et les salariés ne respectant pas ces mesures (3).

 

1) Les établissements concernés par l’obligation de présentation du pass sanitaire pour leur personnel

L’exigence d’un pass sanitaire s’applique aux salariés des établissements qui exigeaient un tel pass sanitaire aux participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers pour accéder aux établissements, lieux, services et évènements suivants :

  • les activités de loisirs : salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de concert et de spectacle, cinémas et salles d’exposition temporaire ; festivals ; évènements sportifs (manifestations sportives amateur en plein air), établissements sportifs clos et couverts ; établissements de plein air ; conservatoires et autres lieux d’enseignement artistique quand ils accueillent des spectateurs, à l’exception des professionnels et personnes engagées dans des formations professionnalisantes, bibliothèques (sauf universitaires et spécialisées), manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur ; salles de jeux, escape-games, casinos ; parcs zoologiques, d’attractions et cirques, fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ; chapiteaux, tentes et structures ;  navires et bateaux de croisière avec restauration ou hébergement ; évènement culturel, sportif, ludique ou festif organisé dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ;

 

  • les services et établissements de santé sociaux et médico-sociaux, à l’exclusion du secteur de la protection de l’enfance. Cette exclusion était sujette à débat car les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne présentaient pas une telle exception mais la position contraire de la Direction Générale de la cohésion sociale (DGCS) dans son instruction du 13 août 2021 n’a pas manqué de semer le trouble. Ce point vient d’être régler à 3 jours de son entrée en vigueur à travers le décret du 26 août 2021 n° 2021-1118 publié le 27 août excluant expressément ce secteur de la protection de l’enfance de l’obligation du pass sanitaire.

 

  • les activités de restauration commerciale ou de débit de boisson, à l’exception de la vente à emporter de plats préparés. La restauration collective d’entreprise, ainsi que la restauration professionnelle routière et ferroviaire, le service d’étage des restaurants et bars d’hôtels sont des services accessibles sans qu’il soit nécessaire de présenter un pass sanitaire.
    Le dernier Q/R du Ministère du travail précise pour les restaurant que
    « Dès l’instant où l’espace de cuisine n’est pas ouvert au public et que le personnel de cuisine n’intervient jamais aux heures d’ouverture dans les espaces ouverts au public, il n’est pas soumis au pass sanitaire. En revanche, dès l’instant où ces conditions ne sont pas réunies (cuisine ouverte, personnel de cuisine servant les plats en salle ou participant au service), le personnel de cuisine devra disposer d’un pass sanitaire valide comme tout salarié du restaurant intervenant auprès du public » ;

 

  • les foires et salons professionnels ainsi que, lorsqu’ils rassemblent plus de 50 personnes, les séminaires professionnels organisés en dehors de l’entreprise (où s’exerce l’activité habituelle);

 

  • les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sauf en cas d’urgence ne permettant pas l’obtention d’un pass. Cela concerne les transports publics aériens, les transports ferroviaires à réservation obligatoire et les services collectifs réguliers de transports routiers ;

 

  • les grands établissements et centres commerciaux dont la surface commerciale utile cumulée est supérieure ou égale à 20 000 m² sur décision de restriction prise par le préfet de département lorsque les caractéristiques de ces établissements et la gravité des risques de contamination le justifient. Les restrictions doivent toutefois garantir l’accès aux biens et services de première nécessité.

 

A ce titre, une série de jugements rendus par différents Tribunaux administratifs se sont prononcés sur les arrêtés des Préfets concernant la mise en place du pass sanitaire au sein des centres commerciaux. Cet abondant contentieux de ces derniers jours a abouti à des résultats partagés. Ainsi le Tribunal administratif de Versailles a suspendu les arrêtés du Préfet des Yvelines puis celui de l’Essonne au motif que des aménagements n’étaient pas prévus pour accéder aux commerces qui vendent des biens de premières nécessité » (TA de Versailles 24 et 28 août 2021 n° 2107184 et n° 2107186). Cependant, une autre série de décisions a validé les restrictions liées à l’exigence du pass sanitaire pris par les Préfets du Rhône et de la Seine Saint Denis au regard de « la situation sanitaire et de l’intérêt de la santé publique conte la propagation de l’épidémie de covid -19 » (TA Lyon du 28 août 2021 n° 2106797 et n° 2106798 ; TA Montreuil 27 août 2021 n° 2111642 et TA Montreuil n° 211748 du 30 août 2021).

 

Le ministère du Travail précise que l’obligation de présentation du pass sanitaire ne s’applique pas seulement aux salariés mais à tous ceux qui interviennent sur le site, à savoir les « bénévoles, prestataires, intérimaires et sous-traitants », sauf lorsque leur activité se déroule « dans des espaces non accessibles au public » ou « en dehors des horaires d’ouverture au public. » (Q/R du 9 août 2021 p.7).

 

2) Les obligations des salariés travaillant et ou intervenant dans les établissements concernés

Les salariés travaillant dans les établissements précités et étant dans un espace en contact avec le public ont l’obligation de présenter un pass sanitaire ou une obligation vaccinale pour les personnels des établissements de soins, médico-sociaux et sociaux listés à l’article 12 de la loi précitée du 5 août 2021.

  • Concernant l’obligation de présentation du pass sanitaire

Le pass sanitaire correspond à trois situations distinctes :

  1. Un schéma vaccinal complet obtenu à l’issue d’une délai nécessaire après l’injection finale, soit :
    • 7 jours après la 2e injection pour les vaccins à double injection (Pfizer, Moderna, AstraZeneca) ;
    • 28 jours après l’injection pour les vaccins avec une seule injection (Johnson & Johnson) ;
    • 7 jours après l’injection pour les vaccins chez les personnes ayant eu un antécédent de Covid (1 seule injection).

 

  1. La preuve d’un test négatif de moins de 72h.

Les tests valides sont les test RT-PCR, antigéniques et désormais les autotests sous la supervision de professionnels,

Les délais en vigueur pour la validité des tests de 72h au moment de l’entrée sur le site de l’événement.

 

  1. Le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

Les tests positifs RT-PCR ou antigénique de plus de 11 jours et moins de 6 mois (pris en compte à date) permettent d’indiquer un risque limité de réinfection à la Covid-19.

La validité du pass sanitaire implique le respect d’une procédure qui génère une preuve dès la saisie du résultat par le personnel de santé dans le Système d’Informations de DEPistage (SI-DEP). Ce résultat et le code QR afférent peuvent être imprimés ou mis à disposition du patient via un mail et un SMS pour aller la récupérer sur le portail SI-DEP ou bien en l’important sur TousAntiCovid.

Ce dispositif ne peut en l’état de la législation être suppléé par un autre mécanisme.  Ces derniers jours des attestations « sur l’honneur de résultat négatif d’autotest » sont apparues et ils ne peuvent être acceptées par l’employeur. Une telle attestation n’est aucunement reconnue par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 et le décret afférent n° 2021-1059 du 7 août 2021 qui précise que l’autotest doit être réalisé sur la supervision d’un professionnel de santé et aboutir à la saisie sur SI-DEP.

 

  • Concernant l’obligation vaccinale

Depuis le 9 août 2021, les personnels des établissements de soins, médico-sociaux et sociaux listés à l’article 12 de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire du 5 août 2021 et précisé par décret du 26 août 2021 n° 2021-1118 publié le 27 août 2021, devront obligatoirement être vaccinés, sauf contre-indication médicale.

Cette obligation connait des aménagements jusqu’au 15 octobre prochain détaillé dans le Q/R du Ministère du travail , à savoir :

    • Du 9 août au 14 septembre 2021 inclus, les personnels concernés devront présenter un pass sanitaire conformément aux dispositions de droit commun précités.

 

    • Entre le 15 septembre et le 15 octobre inclus, une période transitoire est prévue par la loi. Lorsque le salarié a justifié d’une première dose de vaccin, il pourra continuer à exercer son activité à condition de présenter le résultat négatif d’un test virologique.

 

    • À compter du 16 octobre 2021 , les personnes concernées devront justifier, auprès de leur employeur, avoir un schéma vaccinal complet ou ne pas y être soumises en raison de contre-indication médicale ou d’un rétablissement après une contamination par le COVID-19.

Le Ministère du travail a précisé que les salariés intervenant pour des tâches ponctuelles dans ces établissements échappent à l’obligation vaccinale (QR p. 9). Ces derniers devront respecter l’ensemble des gestes barrières (QR p. 10). Une tâche ponctuelle est définie comme celle qui n’est pas liée à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les travailleurs effectuant ces tâches n’exercent pas leur activité en lien avec le public. Cela peut concerner une simple réparation ou encore une livraison sur le site. En revanche, ne sont pas des tâches ponctuelles les services de nettoyage.

Les dispositions relatives à l’obligation vaccinale s’imposant aux employeurs et aux salariés selon les dispositions légales, le Ministère du travail précise qu’il n’y a pas d’obligation à les intégrer au règlement intérieur (QR p. 11).

 

  • La régularisation de la situation du personnel

En l’absence de pass sanitaire, les salariés, stagiaires et les agents publics : « bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19.autorisation d’absence pour se faire vacciner sur (son) temps de travail avec maintien de (sa) rémunération ». (Art. 17 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire).

Le Q/R du Ministère du travail précise que si aucune durée maximale n’est fixée, celle-ci dépendant du temps nécessaire pour le salarié pour se rendre sur le lieu de vaccination où il a pu obtenir un rendez-vous. La durée d’absence devra toutefois être raisonnable au regard du temps de déplacement nécessaire, soit depuis le domicile du salarié, soit depuis son lieu de travail.

Ce dispositif d’absence rémunérée est réservé à la seule vaccination. Il n’y a aucune autorisation d’absence et encore moins un temps d’absence rémunérée pour les tests.

 

3) Les modalités de contrôle du pass sanitaire par l’employeur

Le Ministère du travail précise que c’est « l’employeur » qui « doit procéder à la vérification du respect » de l’obligation par le salarié. En cas de non-contrôle du pass sanitaire, l’entreprise risque en premier lieu une mise en demeure. En l’absence de régularisation sous 24 heures, l’employeur encoure un risque d’une fermeture administrative jusqu’à sept jours, puis une condamnation pouvant atteindre 9 000 euros d’amende en cas de récidive.

Par ailleurs c’est l’employeur qui est chargé de contrôler ses employés. Il lui revient « d’habiliter nommément les personnes autorisées à contrôler les justificatifs pour leur compte. Ils doivent également tenir un registre détaillant les personnes ainsi habilitées et la date de leur habilitation, ainsi que les jours et horaires des contrôles effectués par ces personnes » conformément au Q/R ministère du Travail.

 Dans chaque entreprise, « un référent » doit être désigné afin de faire respecter l’ensemble du protocole sanitaire. Dans les petites entreprises, c’est le dirigeant qui pourra s’en charger.

 

  • Une procédure dérogatoire d’information/consultation du CSE

Conscient que ces obligations de contrôle du pass sanitaire et de vaccination affectent l’organisation des entreprises et organismes, le Législateur a expressément prévu une procédure d’ information et consultation spécifique des représentants du personnel du comité social et économique (CSE) dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Eu égard au bref délai laissé à l’employeur, celui-ci devant procéder à ces contrôles dès le 10 août dernier pour les usagers et clients de son établissement, les modalités de consultation ont été aménagées pour que l’employeur puisse agir sans tarder et consulter le CSE après la mise en place de ces mesures de contrôle.

Dans le cadre du Q/R du Ministère du Travail sur le pass sanitaire publié le 9 août et mis à jour le 18 août 2021, il est indiqué que si les mesures de contrôle ayant été normalement mises en place le 10 août avec une information « sans délai », la consultation devrait être formalisée d’ici le 10 septembre 2021.

 

  • La nature de l’information consultation du CSE concernant le contrôle du pass sanitaire

L’information et consultation du CSE sur le contrôle du pass sanitaire a pour objectif principal de préciser :

    • La détermination des salariés dans l’établissement soumis à l’obligation de disposer d’un « pass sanitaire » ou d’une vaccination complète pour le secteur médico-social  (Q/R p.5 à 8);

 

    • La détermination des salariés qui assureront le contrôle des pièces justificatives (Q/R p.12).

 

Le protocole sanitaire en entreprise insiste sur le fait que « les employeurs doivent porter une attention particulière aux salariés chargés de vérifier la validité du passe sanitaire en adaptant en tant que de besoin l’évaluation des risques aux difficultés spécifiques liées à cette activité et en apportant à ces salariés l’accompagnement adapté pour faire face aux difficultés éventuelles. Ces mesures sont prises dans le cadre habituel fixé par l’article L. 4121-3 du Code du travail »

Il s’agit donc de prendre en compte les difficultés que peuvent rencontrer ces salariés dans l’exercice de ce contrôle. L’actualité a fait état de plusieurs faits divers sur les réticences, voire l’agressivité à l’encontre du personnel astreint à cette obligation de contrôle.

 

    • Les modalités des contrôles du public, des usagers et du personnel (Q/R p12 à 14).

 

Il convient de préciser les outils mis à disposition pour assurer ces contrôles, tel l’usage de smartphone pour la lecture des QR Code (téléphone professionnel / personnel).

 

Pour le contrôle du personnel, l’employeur ne pouvant pas conserver le QR Code, un dispositif de conservation du résultat de l’opération de vérification doit être mis en place.

 

Il convient de noter que la Direction générale du travail a précisé que les inspecteurs du travail ne sont pas compétents pour contrôler la façon dont les employeurs et responsables des sites appliquent les obligations liés à la présentation du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale qui relèvent de la politique de santé publique  (Note interne de la DGT du 11 août 2021).

Ils restent toutefois compétents pour s’assurer que la procédure d’information et la consultation du CSE a bien eu lieu, que les principes généraux de prévention devant figurer dans le protocole sanitaire en entreprise et des règles de prévention des risques biologiques sont bien respectées.

Par ailleurs, les inspecteurs du travail ne sont pas soumis à la présentation du pass sanitaire ou à l’obligation vaccinale pour assurer leur contrôle quand bien même ils interviendraient dans les établissement astreint à une telle obligation.

 

 

4) La gestion des salariés refusant de s’astreindre à l’obligation du vaccinal ou de présentation du pass sanitaire

Si des salariés concernés par la présentation d’un pass sanitaire refusent de le faire, le législateur a prévu plusieurs mesures dont l’articulation et l’issue d’un potentiel licenciement demeurent incertaines.

 

  • Suspension du contrat de travail immédiate à défaut de prise de congés par le salarié

L’article 1er de la loi du 5 août 2021 précise que le salarié soumis à l’obligation du pass sanitaire « ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés , ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail ».

Il apparait donc que face à un salarié ne présentant pas de pass sanitaire, l’employeur doit échanger avec lui sur la possibilité immédiate de prise de jours de congés ou à défaut le contrat de travail est immédiatement suspendu. Cette prise de congés ne peut être imposée par l’une des parties.

Le Ministère du travail a précisé que la suspension du contrat de travail ne vaut que pour les lieux pour l’accès desquels ces justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux (QR p. 20).

Pour les salariés en CDD, la suspension du contrat ne reporte pas l’échéance du contrat, conformément à l’article L. 1243-6 du Code du travail (QR p. 21).

Un telle suspension du contrat de travail reste toutefois sans effet sur le mandat du représentant du personnel. Ce dernier continuera d’exercer ses mandats. Pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations sanitaires, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment en facilitant les échanges à distance (QR p. 21).

Cette suspension du contrat de travail s’accompagne de l’interruption de la rémunération. Cette situation prend fin dès que le salarié produit les justificatifs nécessaires à l’exercice de ces fonctions.

Le salarié, qui voit sa rémunération suspendue au regard du défaut de son obligation vaccinale, doit bénéficier du maintien des garanties de protection sociale complémentaire (Loi du 5 août 2021 article 14, II, alinéa 2). Un tel maintien soulève de nombreuses questions sur la charge du financement répartie entre l’employeur et le salarié avec le recouvrement de cette cotisation salariale sur un bulletin de paie potentiellement négatif en l’absence de salaire versé. Cela revient à demander à l’employeur d’assurer l’avance de cette contribution due par son salarié. 

 

  • L’organisation d’un entretien au-delà d’une suspension de trois jours

L’article 1er de la loi du 5 août 2021 précise que si la suspension se « prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation ».

Les dispositions légales ou précisions ministérielles ne font état d’aucune disposition particulière s’agissant des modalités de convocation du salarié à cet entretien.  Le Q/R se limite à faire état d’un conseil de sécuriser la procédure pour éviter toute contestation de forme en convoquant le salarié. Dès lors,  en pratique la notification d’une convocation écrite par courrier recommandé passé le troisième jour implique dans les faits un entretien ne pouvant avoir lieu avant le sixième jour au regard des délais postaux.

 

  • L’hypothèse d’une nouvelle affectation du salarié et avenant au contrat de travail

L’employeur doit envisager la possibilité d’une affectation à des tâches qui ne nécessitent pas la présentation du pass, donc pas de contact avec le public.

Si une telle modification de l’affectation s’avère possible,  il convient de voir si elle modifie le contrat de travail (baisse de la rémunération, , changement de classification). Le cas échéant, elle devra être consolidé par un avenant signée par le salarié. Si cette affectation ne porte que sur un changement des conditions de travail, il est simplement conseillé de notifier par écrit les modifications de l’affectation du salarié pour information (QR p. 22).

Cette affectation sur un autre poste du salarié refusant de présenter un passe sanitaire ou de satisfaire à l’obligation vaccinale est présentée comme une simple faculté pour l’employeur. Cependant, cette faculté s’apparente à une obligation puisque le Ministère du travail précise que « tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte » (QR p. 23).

 

  • Le Placement en télétravail

Le QR du Ministère du travail indique que si l’employeur ne peut pas en principe imposer le télétravail, dans ce cadre d’urgence sanitaire « comme actuellement et jusqu’au 15 novembre, l’employeur peut imposer à son salarié de télétravailler un certain nombre de jours par semaine si ses activités sont éligibles à ce mode de travail » (QR p. 23).

La solution du télétravail parait peu opportune puisque les obligations liées à la présentation du pass sanitaire concernent principalement les fonctions ayant un contact avec le public soit les postes les moins propices à une organisation à distance.

Il convient également de noter que pour le personnel de santé soumis à l’obligation vaccinale, le FAQ du Ministère des solidarités et de la santé en date du 18 août 2021 indique qu’il « n’y a pas de distinction pour les personnes en télétravail, donc l’obligation vaccinale leur est applicable ».

Il y a ici une contradiction avec l’obligation vaccinale qui ne concerne légalement que les personnes « exerçant leur activité dans les établissements ». Face à cette incertitude, l’employeur pourrait se limiter à privilégier la suspension du contrat.

En pratique, si le télétravail peut limiter la désorganisation de son service, il semble opportun de favoriser cet aménagement en privilégiant la position développée par le Ministère du travail.

 

  • L’incertitude d’un licenciement sanctionnant l’absence de pass sanitaire

Le Questions-réponse du 9 août prévoit que, après échec de ces différentes procédure de régularisation, « à l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer ».

Il n’est pas expressément fait état de la possibilité d’un licenciement car le sujet est discuté et a fait l’objet d’importants débats lors des discussions parlementaires.

La Ministre du travail, soutenue par une partie de la doctrine, affirme que cette possibilité d’un licenciement existe. Ses opposants rappellent que le Parlement a expressément rejeté dans le projet de loi, la création d’un motif de licenciement sui generis et de surcroît le Conseil constitutionnel s’est fondé sur cette suppression pour censurer la disposition de la loi prévoyant la rupture anticipée des CDD et des contrats de mission.

Dès lors, s’il doit être renvoyé au droit commun du licenciement, il convient de prendre en compte les possibilité de licenciement en caractérisant le trouble occasionné au sein de l’entreprise et non pas uniquement du service occupé par le salarié (Cass. Soc., 26 juin 2018, n° 15-28.868).

Cette désorganisation est à rapprocher au situation où un employeur licencie un chauffeur qui ne dispose plus de son permis de conduire ou d’un salarié qui est incarcéré à la suite d’une condamnation pénale.

En pratique, l’employeur devra démontrer la désorganisation de son entreprise pendant cette absence présentée comme temporaire jusqu’au 15 novembre 2021. Cette situation implique de pouvoir démontrer qu’il n’a pas pu recourir à un contrat durée déterminée pour assurer le remplacement de son employé, que la réorganisation de son service, la nouvelle affectation du salarié ou encore la mise en place du télétravail n’ont pas été possibles ou concluantes.

Le renvoi au droit commun du licenciement n’offre pas de sérieuses garanties en cas de contentieux face à cette situation inédite d’une suspension temporaire du contrat de travail.

 

 

Pour la fonction publique, le flou persiste dans la mise en œuvre des dispositifs sanitaires

 

Le dispositif d’obligation vaccinale et de pass sanitaire s’impose pour l’essentiel selon les mêmes règles que celles applicables aux salariés, décrites ci-dessus : l’obligation vaccinale s’impose aux professionnels désignés par les textes, sans considération du statut de salarié ou d’agent public. La présentation d’un pass sanitaire valide s’impose en revanche au titre de l’établissement dans lequel les agents publics exercent leurs fonctions, qu’il soit de nature publique ou privée.

 

Le dispositif de suspension, à défaut pour l’agent d’avoir satisfait à ses obligations vaccinales ou sanitaires, est rédigé à l’identique de celui des salariés et s’impose donc selon les mêmes modalités : la suspension sans rémunération est impérativement adoptée par l’administration employeur lorsque l’agent ne justifie pas satisfaire à ses obligations sanitaires ou vaccinales. La possibilité d’un changement d’affectation temporaire doit également être examinée par l’administration pour les agents ne justifiant pas d’un pass sanitaire après trois jours de suspension (Article 1er, C.-2 de la loi du 31 mai 2021). Ceux concernés par l’obligation vaccinale restent en revanche suspendus et sans rémunération jusqu’à ce qu’ils s’y soient conformés (cf. Article 14, III de la loi du 5 août 2021).

 

Deux incertitudes importantes pèsent en revanche déjà sur les employeurs publics en particulier et peuvent être relevées :

 

  • D’une part, le régime de suspension créé par les textes précités étant un régime spécifique, qui n’est pas rattaché, notamment, à celui de la suspension disciplinaire prévu à l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, on ignore de quelle façon la suspension « sanitaire » s’articulera avec les droits à congés de maladie. L’agent en congé de maladie au moment de l’entrée en vigueur de l’obligation sanitaire peut-il, et doit-il, faire l’objet d’une suspension ? Surtout, l’agent suspendu produisant un arrêt de travail doit-il être placé en congé de maladie et sa rémunération rétablie ? Aucune réponse n’a pour l’heure été communiquée par les instructions et circulaires publiées.
  • D’autre part, alors que, comme mentionné plus haut, un processus clair a été défini pour les employeurs quant à leur obligation de consultation des institutions représentatives du personnel privés (consultation un mois après la mise en place des dispositifs), les textes demeurent silencieux sur ce point pour les employeurs publics, et les instructions et circulaires publiées n’en font pas davantage : la circulaire du 10 août 2021 émise par la DGAFP se borne ainsi à indiquer que : « l’attention des employeurs publics concernés est également appelée sur la nécessité d’entretenir un dialogue social régulier avec les organisations syndicales représentatives ». De même, le « questions / réponses à l’attention des employeurs et des agents publics », mis à jour sur ce point le 10 août 2021, en réponse à la question « La mise en place du contrôle du pass sanitaire nécessite-t-elle de consulter les organisations syndicales représentatives ? » donne une réponse similaire et malheureusement avare de précisions sur les obligations des employeurs. Ils « sont invités à entretenir un dialogue social régulier avec les organisations syndicales représentatives siégeant dans l’organisme consultatif compétent sur la mise en place opérationnelle de ce nouveau dispositif et dans le respect de leurs compétences en matière de consultation ».

 

Alors qu’à la lecture des textes, une consultation du comité technique comme du CHSCT devrait a priori s’imposer aux employeurs publics, rien ne leur permet de savoir comment satisfaire à cette obligation compte tenu du calendrier serré imposé par les textes pour la mise en place du pass sanitaire et de l’obligation vaccinale. Faut il considérer cette formalité impossible et l’administration dispensée totalement de la respecter, ou rechercher une consultation la plus rapide possible, y compris postérieurement à la mise en place des dispositifs de contrôle sanitaire ? Quelles conséquences d’une éventuelle carence sur ce point sur les mesures qui seront prise à l’encontre des agents publics défaillants ?

 

Le flou important qui pèse sur les obligations des employeurs publics dans cette nouvelle phase des mesures sanitaire appliquées aux ressources humaines depuis le début de la crise se maintient donc. Déjà pendant le mois d’août, alors que les textes et plusieurs acteurs du secteur établissaient que l’obligation vaccinale s’imposait aux personnels des crèches, la DGCL a publié, deux jours après l’entrée en vigueur de l’obligation, une mise à jour de sa circulaire, excluant ces personnels de l’obligation vaccinale. L’interprétation reste à ce jour douteuse et qui devra attendre la confirmation des juridictions, naturellement non liées par une publication dont la valeur juridique reste très incertaine malgré l’importance qui lui a été accordée depuis le début de la crise.

 

L’administration-employeur continue donc de naviguer à vue dans le brouillard des dispositifs sanitaires.

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Article écrit par Benoit Roseiro, avocat directeur. 

Focus sur la fonction publique rédigé par Lorène Carrère, avocate associée  &  Vincent Cadoux, avocat à la cour. 

Loi Climat & Résilience : quelles conséquences en matière d’aménagement commercial ?

Enfin promulguée !

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été publiée au journal officiel ce 24 août 2021.

Se félicitant de la promulgation de la loi, Barbara Pompili indique « Nous y sommes ! Après deux années de travail intense, la transformation écologique de notre société va s’accélérer grâce à la loi Climat & Résilience. Riche de près de 300 articles, c’est un texte complet et ambitieux qui ancre durablement l’écologie dans notre modèle de développement. […] »

Issu de la Convention citoyenne pour le climat lancée par Emmanuel Macron en avril 2019 à la suite du Grand débat national, le projet de loi n° 3875 a été présenté en Conseil des ministres le 10 février 2021.

Le projet de loi est adopté par l’Assemblée Nationale le 4 mai 2021.

Il est ensuite modifié et adopté par le Sénat le 29 juin 2021.

Contre toute attente et après de vifs débats, députés et sénateurs ont finalement réussi à s’entendre dans le cadre de la commission mixte paritaire et les travaux de ladite commission ont ainsi abouti à un texte comportant 305 articles contre 69 dans le projet de loi déposé.

Le 20 juillet 2021, le Parlement a adopté le projet de loi Climat et Résilience avec 233 voix en faveur et 35 voix contre le projet.

Saisi par 79 députés, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 août 2021[1] en validant en grande partie le projet de loi.

Forte de ses 305 articles, la loi s’articule en huit titres et rappelle dans son tout premier article (Titre I), l’engagement de l’Etat à respecter l’objectif européen de baisse d’au moins 55% des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 :

  • Titre I : Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte Vert pour l’Europe (Article 1er)
  • Titre II : Consommer (Articles 2 à 29)
  • Titre III : Produire et travailler (Articles 30 à 102)
  • Titre IV : Se déplacer (Articles 103 à 147)
  • Titre V : Se loger (Articles 148 à 251)
  • Titre VI : Se Nourrir (Articles 252 à 278)
  • Titre VII : Renforcer la protection judiciaire de l’environnement (articles 279 à 297)
  • Titre VIII : Dispositions relatives à l’évaluation climatique et environnementale (Articles 298 à 305)

Une centaine de décrets est annoncée.

Elle comporte, notamment, un titre V intitulé « Se Loger » dont les chapitres III et IV ont trait à la « lutte contre l’artificialisation des sols ».

L’instruction du gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace appelait déjà au renforcement de la mobilisation de l’élu local pour porter les enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols et à la mise en place du principe « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) inscrit dans le plan biodiversité présenté à l’été 2018.

La loi pose le principe que le rythme d’artificialisation devra être divisé par deux d’ici 2030 et le « zéro artificialisation nette » atteint d’ici 2050 :

« Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi ».[2]

Elle inscrit expressément cet objectif à l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme par l’ajout sous l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme d’un 6° bis relatif à « La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme »[3].

Est inséré un nouvel article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme ainsi rédigé :

« Art. L. 101-2-1. – L’atteinte des objectifs mentionnés au 6° bis de l’article L. 101-2 résulte de l’équilibre entre :

  1. La maîtrise de l’étalement urbain
  2. Le renouvellement urbain
  3. L’optimisation de la densité des espaces urbanisés
  4. La qualité urbaine
  5. La préservation et la restauration de la biodiversité et de la nature en ville
  6. La protection des sols des espaces naturels, agricoles et forestiers
  7. La renaturation des sols artificialisés ».

La notion d’artificialisation est désormais définie juridiquement sous ce même article :

« L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».

La notion de friche qui figurait parmi les surfaces artificialisées dans le projet de loi adopté par le Sénat ne figure plus dans la loi publiée.

La loi précise qu’il faut entendre par « friche » au sens du Code de l’urbanisme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret ».[4]

La « renaturation » est quant à elle définit de la manière suivante :

« La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.»[5]

Il est également précisé qu’un décret en Conseil d’Etat « établira notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme. »

Au sein des titres III et V figurent plusieurs mesures qui concerne directement l’aménagement commercial.

Que contient le texte publié en matière d’aménagement commercial ?

A la suite de l’instruction du gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace, le Premier Ministre Jean Castex rappelait, dans une circulaire datée du 24 août 2020 sur le rôle des préfets en matière d’aménagement commercial, que « la lutte contre l’artificialisation des sols est en effet un des objectifs assignés à l’aménagement commercial : les projets, pour être autorisés, ne doivent pas compromettre cet impératif ». Il leur est « demandé de faire usage des pouvoirs dont ils disposent en la matière pour lutter contre l’artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d’exploitation commerciale. »

Aussi la loi prévoit-elle en son article 215 un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale portant sur un projet qui engendrerait une artificialisation des sols.

Cette interdiction (1) comporte toutefois certaines dérogations (2) assujetties à une procédure pour le moins floue (3).

La loi élargit la faculté d’auto-saisine prévue à l’article L. 752-4 du Code de commerce (4).

La loi renforce également les obligations en matière de performances énergétiques et environnementales des bâtiments commerciaux. (5)

La loi ne soumet finalement pas les entrepôts consacrés au commerce électronique à autorisation d’exploitation commerciale. (6)

 

1. Un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale générant une artificialisation du sol

La loi fixe un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale portant sur un projet (création ou extension) qui entraînerait une artificialisation des sols au sens du 9ème alinéa de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme, c’est – à- dire qui « engendrerait une altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. » [6]

A contrario, tout projet d’aménagement commercial qui ne génère pas d’artificialisation est autorisée.

La loi précise qu’est considérée comme « artificialisée », « une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites ». [7]

Est considéré en revanche comme « Non artificialisée » : « une surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures ».[8]

Plusieurs décrets doivent intervenir afin d’établir une nomenclature des sols artificialisés et précisant les modalités d’application du présent article ainsi que les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols du V de l’article L. 752-6 du code de commerce.

 

2. Une dérogation possible

Répondant à certains critères :

La loi prévoit néanmoins une procédure dérogatoire si le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’analyse d’impact mentionnée au III de l’article L. 752-6 du Code de commerce que son projet obligatoirement :

  • s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat,
  • répond aux besoins du territoire,
  • et qu’il obéit à l’un des 4 critères suivants :
    • l’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) ;
    • l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;
    • la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme ;
    • l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) entré en vigueur avant la publication de la présente loi (soit avant le 24 août 2021) ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) entré en vigueur avant la publication de la même loi.

Le projet est donc soumis à 3 conditions cumulatives nécessaires :

  • une insertion en continuité de l’urbanisation
  • dans un secteur au type d’urbanisation adéquate
  • et répondant aux besoins du territoire

Auxquelles s’ajoutent l’un des quatre critères alternatifs précités :

  • l’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une ORT ou dans un quartier prioritaire (QPV) ;
  • l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé ;
  • la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé ;
  • l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le DOO du SCOT entré en vigueur avant la publication de la présente loi, soit avant le 24 août 2021 ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi entré en vigueur avant la publication de la présente loi, soit avant le 24 août 2021.

Parmi ces critères, d’ores et déjà le terme « type d’urbanisation adéquate » interroge. Qu’a entendu prendre en compte le législateur ? Le centre-ville, une zone d’activités économique, industrielle ou artisanales ? La réalité physique des lieux et/ou la possibilité juridique d’implanter tel projet dans tel secteur au regard des règles d’urbanisme applicables ?

Il a en de même s’agissant de la réponse aux besoins du territoire ? S’agit-il des besoins démographiques, économiques, de la nécessité de renforcer l’attractivité du territoire, de moderniser les équipements commerciaux ?

Réservée à certains projets seulement :

Certains projets seulement pourront bénéficier de cette dérogation.

Il s’agit des projets ayant pour objet :

  • la création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m² ;
  • l’extension d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m² après réalisation du projet ;
  • L’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l’extension de la surface de vente soit inférieure à 1 000 m².

 

3. Et selon une procédure encore floue

L’article 215 de la loi précise que pour les projets d’une surface de vente supérieure à 3 000 m² et inférieure à 10 000 m², la dérogation n’est accordée qu’après avis conforme du représentant de l’Etat.

La loi ne renseigne toutefois pas sur l’articulation de la procédure entre l’obtention de la dérogation, le dépôt de la demande et la séance de la CDAC devant statuer sur le projet. La dérogation doit-elle être obtenue antérieurement à l’instar de la dérogation prévue à l’article L. 142-5 du Code de l’urbanisme en l’absence de SCOT applicable ? le préfet se prononce-t-il lors de la séance de la CDAC ? …

Un décret viendra préciser les modalités du présent article.

 

4. Elargissement de la faculté d’auto-saisine pour l’ensemble des communes (L. 752-4)

La loi complète la faculté d’auto-saisine en élargissant à toute les communes (et non plus aux seules communes de moins de 20.000 habitants) la faculté pour l’assemblée délibérante de soumettre à l’avis de la CDAC un projet d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 m² dès lors qu’il engendre une artificialisation du sol (L. 752-4)[9]

 

5. Le renforcement de la performance énergétique et environnementale des bâtiments commerciaux (toitures, parc de stationnement)

  • La loi impose que tout projet de construction d’un bâtiment commercial créant plus de 500 m² d’emprise au sol, de projet d’extension de la même surface ou de rénovation lourde de bâtiments ou parties de bâtiment intègre :
  • soit un procédé de production d’énergies renouvelables;
  • soit un système de végétalisation, garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité (article L. 171-4 du CCH) ;
  • et, sur les aires de stationnement associées lorsqu’elles sont prévues par le projet, des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols.[10]

Ces obligations seront réalisées en toiture du bâtiment ou sur les ombrières surplombant les aires de stationnement, sur une surface au moins égale à 30 % de la toiture du bâtiment construit ou rénové de manière lourde et des ombrières créées.

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er juillet 2023.

Seules des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales ou des conditions économiquement inacceptables permettront d’être exonéré de cette obligation (un décret précisera les conditions d’exonération).

La loi prévoit en outre que les parcs de stationnement de plus de 500 m² associés aux bâtiments ou parties de bâtiments concernés par l’article L. 171-4 précité ou les nouveaux parcs de stationnement extérieurs ouverts au public de plus de 500 m² doivent intégrer sur au moins la moitié de leur surface des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation.

Ils doivent également intégrer des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à l’ombrage desdits parcs sur au moins la moitié de leur surface, dès lors que l’un ou l’autre de ces dispositifs n’est pas incompatible avec la nature du projet ou du secteur d’implantation et ne porte pas atteinte à la préservation du patrimoine architectural ou paysager.

Si lesdits parcs comportent des ombrières, celles-ci intègrent un procédé de production d’énergies renouvelables sur la totalité de leur surface.

Seules des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales ou des conditions économiquement inacceptables permettront de s’affranchir de cette obligation (un décret précisera les conditions d’exonération).

Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’autorisation de construction ou d’aménagement d’urbanisme déposées à compter du 1er juillet 2023.[11]

 

6. L’absence de soumission des entrepôts à la législation relative à l’urbanisme commercial

La soumission des entrepôts consacrés au commerce électronique au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale revient comme un serpent de mer à chaque modification et réforme de l’urbanisme commercial.

De nombreux amendements ont été déposés tant devant l’Assemblée nationale que le Sénat afin de les soumettre.

Les sénateurs examinant ledit projet de loi Climat & Résilience ont voté, le 29 juin 2021, la soumission des entrepôts du e-commerce, ou plus précisément, « des locaux destinés à l’entreposage en vue de la livraison à toute personne physique de biens commandés par voie télématique » d’une surface de plancher supérieure 5 000 m² au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale.[12]

La loi adoptée n’assujettira finalement pas la construction de ces entrepôts e-commerce à une autorisation d’exploitation commerciale.

Dans leur saisine du Conseil constitutionnel, les députés requérants reprochaient à l’article 215 adopté de ne pas s’appliquer aux entrepôts des entreprises de commerce en ligne, quand bien même leur implantation ou leur extension engendrerait une artificialisation des sols de sorte que, selon eux, il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre ces entreprises et celles qui exercent une activité de commerce physique, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel n’est pas de cet avis et précise que :

« 10. Les dispositions contestées se limitent à introduire une nouvelle condition au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale. Or, ce régime a pour objet principal d’assurer une répartition des surfaces commerciales favorisant un meilleur aménagement du territoire. Il résulte de l’article L. 752-1 du code de commerce qu’il ne s’applique pas aux entrepôts.

 11. Dès lors, les dispositions contestées ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les entreprises de commerce en ligne et celles qui exercent une activité de commerce au détail.

 12. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

13. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe V de l’article L. 752-6 du Code de commerce, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution ».[13]

***

Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans une succession de réformes intervenues ces dernières années[14] qui ont profondément modifié l’appréhension de la matière.

La loi Climat & Résilience constitue une nouvelle épreuve que l’ensemble des acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement commercial devront surmonter en mobilisant tout leur talents et ressources intérieurs.

L’ aménagement commercial ou le pouvoir de la résilience ?

Par Céline Camus
Avocate, Seban Atlantique

 

[1] Décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021

[2] Article 191

[3] Article 192

[4] Article 222 de la loi et nouvel article L. 111-26 du code de l’urbanisme

[5] Article 192

[6] Ajout d’un V sous l’article L. 752-6 du code de commerce

[7] Article 192

[8] Article 192

[9] Article 196

[10] Article 101 (création dans le code de la construction et de l’habitation d’un article L. 171-4)

[11] Article 101 (création dans le  code de l’urbanisme d’un article L. 111-19-1)

[12] Article 52 bis AAA

[13] Décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021

[14] Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de Modernisation de l’Economie (loi LME) ; loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) ;  loi n° 201-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprise (loi PINEL) ; loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN)

 

Projet de loi 4D et action sociale

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale dit « projet de loi 4D », introduit par Madame Jacqueline, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, est actuellement en cours d’examen. Ci-après, il sera fait référence au texte tel qu’il a été adopté par le Sénat le 21 juillet dernier, après une première lecture. Le texte doit désormais être examiné et débattu par l’Assemblée nationale.

Deux mesures relatives à la cohésion sociale peuvent attirer notre attention, l’une relative à une expérimentation de renationalisation du RSA pour les départements le souhaitant, l’autre relative au recours obligatoire pour les départements au traitement automatisé d’appui à l’évaluation de la minorité pour les personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA).

D’une part, le texte prévoit, à titre expérimental, la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) (article 35 du projet). Pour rappel, la gestion des aides individuelles de solidarité, dont le RSA, a été transférée aux départements. Le projet de loi 4D prévoit que l’Etat reprendra, dans le ressort des départements qui en feront la demande au plus tard trois mois avant le 1er janvier de l’année de mise en œuvre :

  • L’instruction administrative et la décision d’attribution du RSA et du revenu de solidarité et les éventuels réclamations et recours contentieux relatifs à ces prestations ;
  • Le contrôle administratif et le recouvrement des indus portant sur le versement de ces prestations ;
  • Le financement de ces prestations.

Cette recentralisation serait donc partielle puisque l’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires (prévus à l’article L. 262-29 du Code de l’action sociale et des familles) continueraient de relever de la compétence des départements.

Cette expérimentation, encadrée par une convention entre le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental, est prévue pour une durée limitée à cinq ans. Le Président du conseil départemental remettra annuellement au Préfet un rapport de suivi de sa mise en œuvre.

Concernant les modalités financières de l’expérimentation, le projet de loi 4D prévoit qu’elles doivent être déterminées en loi de finances. Etant précisé que ce sujet risque de ne pas être simple. En effet, déjà en 2016, les tentatives du gouvernement visant à réformer l’aide individuelle de solidarité avait échoué au vu du désaccord notamment portant sur l’année de référence devant servir de base au calcul de la somme à reverser à l’État dans le cadre de cette recentralisation.

Cette expérimentation de renationalisation du RSA est réclamée par certains départements, au vu du montant du reste à charge pesant lourdement sur leurs finances du fait notamment du nombre important d’allocataires.

La renationalisation du RSA doit démarrer dès le 1er janvier 2022 dans plusieurs départements, dont notamment la Seine-Saint-Denis. D’autres départements y voient au contraire une solution qui menace leurs compétences.

A noter que la Seine-Saint-Denis ne serait pas la première à connaître une recentralisation du RSA, l’expérimentation ayant déjà démarré en janvier 2019 pour trois départements ultramarins : la Guyane, Mayotte et la Réunion.

D’autre part, l’article 39 du projet de loi vise à rendre obligatoire la saisine du Préfet par les Présidents des conseils départementaux aux fins de demander une assistance à l’identification et à l’évaluation de la minorité des personnes se présentant comme MNA) et d’alimenter le fichier de renseignement du traitement automatisé de l’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) tenu par l’Etat avec les données notamment biométriques des jeunes évalués. Cet article, qui modifie le Code de l’action sociale et des familles (CASF), conditionne ainsi le versement de la contribution forfaitaire de l’État à la satisfaction de cette nouvelle obligation.

Sur ces nouvelles dispositions relatives à l’évaluation des MNA, il est à noter qu’elles sont également prévues à l’article 15 du projet de loi relatif à la protection des enfants introduit par Monsieur Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du Ministre des solidarités et de la santé chargé de l’enfance et des familles, tel qu’il a été transmis au Sénat le 9 juillet dernier, après une première lecture par l’Assemblée nationale (insérant un nouvel article L. 221-2-4 au sein du CASF alors que le projet de loi 4 D les prévoient dans un nouvel article L. 221-2-3).

Au sujet de cette nouvelle obligation qui s’impose aux départements en matière d’évaluation des MNA, cf. https://www.seban-associes.avocat.fr/projet-de-loi-relatif-a-la-protection-des-enfants-le-gouvernement-souhaite-obliger-les-departements-a-contribuer-au-fichier-daide-a-levaluation-de-la-minorite-des-personnes-se-decl/.

Précisions sur le versement de la PFR aux personnels de direction

La PFR telle qu’elle est prévue par le décret n° 2012-749 du 9 mai 2012 relatif à la prime de fonctions et de résultats des corps ou emplois fonctionnels des personnels de direction et des directeurs des soins de la fonction publique hospitalière comprend deux parts :

  • Une part tenant compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées ;
  • Une part tenant compte des résultats de la procédure d’évaluation individuelle prévue par la réglementation en vigueur et de la manière de servir.

Le texte ne précise pas le sort de la prime en cas de maladie et une circulaire DGOS/DGCS n° 2012-241 du 19 juin 2012 relative à la mise en œuvre de la prime de fonctions et de résultats pour les personnels des corps de direction de la fonction publique hospitalière n’apportait aucune précision sur l’incidence de l’absence pour maladie dans la détermination de la PFR, si ce n’est qu’elle précisait que la part résultat, qui ne se verse pas mensuellement mais annuellement, pouvait être impactée par plus de trente jours de maladie.

Une nouvelle instruction du Centre national de gestion vient cependant de préciser ce que l’absence de texte garantissant le maintien de la PFR en maladie permettait de considérer : la part fonctions suit le traitement (et donc un passage à demi-traitement entraîne un abattement de cette part dans la même proportion) et la part résultat dépend de la procédure d’évaluation.

On ajoutera que si le maintien de la part résultat peut être envisagé il a été jugé cependant par la Cour administrative d’appel de Paris qu’un abattement proportionnel à la durée de l’absence peut aussi être appliqué (10 mars 2020, Monsieur C, req n° 18PA02949), ce que l’instruction ne précise pas à ce jour.

Le règlement d’un PLU peut, sous conditions, avoir pour effet d’interdire la plupart des constructions en zone U

Dans son PLU, la commune des Avenières a institué des zones Ud correspondant « aux villages, hameaux et groupements bâtis existants, situés en dehors de l’enveloppe urbaine du centre ».

Dans ces zones, les possibilités de construire sont très limitées dans la mesure où l’article Ud 1 a interdit les nouvelles constructions à usage de logements, les constructions et installations à vocation industrielle, les entrepôts non liés à une activité existante, les nouvelles exploitations agricoles, les terrains de camping ainsi que certains terrassements, tandis que l’article Ud 2, qui n’interdit pas les autres destinations de constructions, a admis à des conditions particulières les établissements artisanaux, l’extension limitée des constructions existantes, les piscines et les annexes, les constructions nouvelles après lotissement et les bâtiments d’activités existants.

Saisie de la régularité d’une telle limitation de construire (après rejet de la requête en première instance), la Cour administrative d’appel de Lyon a, par un arrêt du 19 novembre 2019, censuré les articles Ud 1 et Ud 2 au motif qu’un plan local d’urbanisme ne peut légalement fixer de règle générale ayant pour effet d’interdire la plupart des constructions nouvelles sur des terrains classés en zone U sans que cette inconstructibilité ne soit justifiée par un motif prévu par la loi.

Dans le cadre de son contrôle de cassation et en se fondant notamment sur les dispositions de l’article L. 151-9 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat annule l’arrêt ainsi rendu au motif que :

« En statuant ainsi, alors qu’il appartient à l’autorité locale de définir les partis d’urbanisme que traduit le plan local d’urbanisme dans le respect des dispositions du code de l’urbanisme, sans rechercher si les prescriptions retenues en l’espèce par le règlement des zones Ud situées en dehors de  » l’enveloppe urbaine du centre  » pouvaient être légalement adoptées compte tenu du parti d’urbanisme visant à  » recentrer l’urbanisation « , tel que défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d’aménagement et de développement durables, la cour a commis une erreur de droit ».

Autrement dit, le seul fait que le règlement applicable en zone urbaine interdise la plupart des constructions ne permet pas de le considérer comme illégal. Il convient, en effet, d’apprécier la légalité du règlement ainsi retenu au regard du parti d’urbanisme tel que défini notamment par le projet d’aménagement et de développement durables.

Promesse de vente et signature d’une convention d’occupation précaire dans l’attente de la vente définitive

Dans le cadre d’une vente immobilière, le transfert de la propriété et de la jouissance du bien ne s’opère que lors de la signature de l’acte authentique définitif de vente.

En pratique, il peut arriver que l’acquéreur, qui signe une promesse de vente sur un bien, souhaite entrer dans les lieux de manière anticipée avant la vente définitive et sollicite la signature d’une convention d’occupation précaire.

Dans cette hypothèse, il peut survenir une difficulté tenant au sort de la convention d’occupation précaire en cas de non-réalisation de la vente définitive et notamment au risque de requalification de cette convention en bail d’habitation, soumis aux dispositions protectrices de la loi du 6 juillet 1989.

Dans cet arrêt, le vendeur a consenti à l’acquéreur une promesse de vente portant sur un appartement ; le même jour, les parties ont conclu, suivant acte authentique, une convention d’occupation précaire portant sur l’appartement et autorisant l’acquéreur à l’occuper en attente de la signature de l’acte authentique de vente et de l’obtention du prêt immobilier, conditionnant la vente.

La vente définitive n’est pas intervenue et l’acquéreur s’est maintenu dans les lieux, contraignant le propriétaire à l’assigner aux fins d’expulsion, paiement d’une indemnité d’occupation et dommages et intérêts.

La Cour d’appel a constaté que l’acquéreur était occupant sans droit ni titre et a ordonné son expulsion.

L’acquéreur a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient que la Cour d’appel a constaté que l’intention commune des parties, expressément consignée dans la convention, a été de permettre à l’acquéreur, moyennant une indemnité d’occupation, d’occuper les lieux durant neuf mois, en l’attente de la signature de l’acte authentique de vente et l’obtention du prêt immobilier conditionnant la vente et que :

« 6. Elle a ainsi caractérisé l’existence de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, permettant de retenir la qualification de convention d’occupation précaire et justifiant le rejet de la demande de requalification du contrat en bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989

[…] 10. D’autre part, la cour d’appel a souverainement retenu que le maintien dans les lieux de M. [B] avait empêché M. [V] de disposer de son bien, qu’il souhaitait vendre pour se procurer un capital, et que cette situation lui avait causé un préjudice non entièrement réparé par l’octroi d’une indemnité d’occupation. »

La solution retenue par la Haute juridiction confirme le caractère précaire de la convention d’occupation signée entre un propriétaire et l’acquéreur, bénéficiaire d’une promesse de vente, en l’attente de la signature de l’acte authentique de vente.

La requalification de la convention d’occupation précaire en bail d’habitation est exclue, compte tenu de l’intention commune des parties, consignée dans cette convention et de l’existence de circonstances particulières justifiant la précarité de la convention. 

Il convient ainsi d’être particulièrement attentif aux termes empruntés lors de la rédaction de la convention d’occupation précaire signée en parallèle de la promesse de vente et permettant à l’acquéreur d’occuper le bien de manière anticipée, avant la signature de la vente définitive.

L’adaptation temporaire du régime de dispense de formalités d’urbanisme applicable à certaines constructions

Le décret n° 2021-812 du 24 juin 2021 dispense temporairement de formalités au titre du Code de l’urbanisme les constructions temporaires et démontables à usage de résidence universitaire, de résidence sociale, de centre d’hébergement et de réinsertion sociale et de structure d’hébergement d’urgence, dont la durée d’implantation n’excède pas dix-huit mois.

Habituellement, l’article R. 421-5 du Code de l’urbanisme dispense de toute formalité, au titre de ce Code, les constructions implantées pour une durée n’excédant pas trois mois « en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l’usage auquel elles sont destinées ».

Certaines constructions bénéficient cependant de délais allongés :

  • Un an pour le relogement et l’hébergement d’urgence ;
  • Une année scolaire ou la durée du chantier de travaux en ce qui concerne les classes démontables pour faire face à des capacités d’accueil limitées ;
  • La durée du chantier, en ce qui concerne les constructions temporaires directement nécessaires à la conduite des travaux et les installations liées à la commercialisation d’un bâtiment en cours de construction ;
  • Un an en ce qui concerne les constructions nécessaires au maintien des activités économiques ou des équipements existants, lorsqu’elles sont implantées à moins de trois cents mètres du chantier ;
  • La durée d’une manifestation culturelle, commerciale, touristique ou sportive, dans la limite d’un an, en ce qui concerne les constructions ou installations temporaires directement liées à cette manifestation.

Le décret n° 2021-812 du 24 juin 2021 porte le délai à 18 mois pour toutes les constructions dont l’implantation a débuté à compter du 27 juin 2021, dès lors qu’elles ont un usage exclusif de résidence universitaire, de résidence sociale, de centre d’hébergement et de réinsertion sociale et de structure d’hébergement d’urgence.

Ce régime temporaire à vocation à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2022.

L’exigence relative au dispositif des conclusions d’appelant étendue à l’appelant incident

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle d’abord ce qu’elle avait affirmé dans son arrêt de principe du 17 septembre 2020 (n° 18-23626), à savoir que :

« Il résulte des articles 542 et 954 du Code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ».

Par le présent arrêt, la Cour de cassation étend officiellement cette exigence à l’appelant incident, rappelant que « que l’appel incident n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet » et indiquant en conséquence que « les conclusions des intimés ne comportant aucune prétention tendant à l’infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituaient pas un appel incident valable, quelle que soit, par ailleurs, la recevabilité en la forme de leurs conclusions d’intimés ».

La Cour de cassation étend ainsi opportunément sa jurisprudence, permettant une uniformisation de l’exigence qu’elle avait édictée dans son arrêt du 17 septembre 2020.

Reste à savoir quelle sera la sanction applicable à l’appelant incident dans l’hypothèse où il ne respecterait pas ce formalisme ; probablement une irrecevabilité de l’appel incident.

Codification de l’obligation de fixer un montant maximum dans un accord-cadre

Par un arrêt très remarqué du 17 juin 2021, la Cour de justice de l’Union Européenne a posé l’obligation de conclure un accord-cadre avec un montant maximum en valeur ou en quantité.

Cette décision a donc remis en cause les dispositions des articles R. 2121-8 et R. 2162-4 du Code de la commande publique qui rendaient facultative la conclusion d’un accord-cadre sans montant maximum.

Pour mémoire, le premier article disposait jusqu’à présent que :

« Pour les accords-cadres et les systèmes d’acquisition dynamiques définis à l’article L. 2125-1, la valeur estimée du besoin est déterminée en prenant en compte la valeur maximale estimée de l’ensemble des marchés à passer ou des bons de commande à émettre pendant la durée totale de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique.

Lorsque l’accord-cadre ne fixe pas de maximum, sa valeur estimée est réputée excéder les seuils de procédure formalisée ».

Et le second prévoyait quant à lui que « les accords-cadres peuvent être conclus :

  1.  Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;
  2.  Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité ;
  3.  Soit sans minimum ni maximum ».

Face à cette situation, la DAJ a rapidement annoncé, le 7 juillet 2021, que ces dispositions seraient prochainement modifiées afin de tirer les conséquences de la position du Juge européen.

Chose dite chose faite, le Gouvernement a adopté le décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 dont l’article 2 prévoit que :

« I.- Le second alinéa de l’article R. 2121-8 est supprimé.

II.- L’article R. 2162-4 est ainsi modifié : 

1° Le 2° est remplacé par les dispositions suivantes :

« 2° Soit avec seulement un maximum en valeur ou en quantité. » ;

2° Le 3° est abrogé ».

Ainsi, comme cela est indiqué dans le décret, cet article 2 « a pour objet de tirer les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S, aff. C-23/20, qui impose aux acheteurs d’indiquer dans les avis d’appel à la concurrence relatifs aux accords-cadres la quantité ou la valeur maximale des prestations qui pourront être commandées sur le fondement de l’accord-cadre ».

Toutefois, il est aussi précisé que ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’aux accords-cadres pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022.

Ceci étant, on recommandera vivement aux acheteurs de ne pas attendre cette date pour se conformer à ces nouvelles dispositions.

L’articulation entre les pouvoirs d’injonction du juge et l’obligation de reclassement de la collectivité en cas de suppression d’emploi

Dans une décision du 12 juillet 2021, le Conseil d’Etat précise la portée des pouvoirs d’injonction du juge à l’égard d’une collectivité ayant manqué à son obligation de recherche de reclassement à la suite d’une suppression d’emploi.

En l’espèce, la requérante occupait l’emploi de chargée de mission auprès du directeur des services techniques de la commune de Montmagny. Le conseil municipal de la commune a décidé de supprimer cet emploi à compter du 14 juillet 2014 et a consécutivement maintenue l’agent en surnombre par un arrêté du 8 juillet 2014.

Or, et conformément aux dispositions de l’article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, l’autorité territoriale doit d’abord rechercher les possibilités de reclassement d’un agent en cas de suppression de son emploi, préalablement à son maintien en surnombre pour une durée d’un an en cas d’absence de poste vacant correspondant à son grade dans son cadre d’emplois.

La requérante a, en premier lieu, demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l’annulation de la délibération du 3 juillet 2014 portant suppression de son emploi ainsi que de l’arrêté du 15 juillet 2014 et à ce qu’il soit enjoint à la commune de procéder à sa réintégration sur un emploi correspondant à son grade, mais elle a vu sa requête rejetée.

Statuant sur l’appel formé par la requérante, en second lieu, la Cour administrative d’appel de Versailles a annulé le jugement ainsi que l’arrêté du 8 juillet 2014 prévoyant son maintien en surnombre au motif que la commune avait manqué à son obligation de reclassement et, par suite, elle a enjoint à la collectivité de lui proposer une affectation dans un emploi correspondant à son grade dans un délai de 2 mois. La commune de Montmagny s’est donc pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Cette affaire permet au Conseil d’Etat de préciser les pouvoirs d’injonction du Juge lorsque celui-ci prononce l’annulation de la décision par laquelle la collectivité a placé un agent en surnombre en raison de la suppression de son emploi, sans s’être acquittée de son obligation de recherche de reclassement :

« Il lui incombe en principe seulement d’ordonner à l’autorité territoriale, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, de rechercher s’il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d’emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d’emplois. Ce n’est que s’il résulte de l’instruction qu’il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités de service, que le juge enjoint à l’autorité territoriale, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de proposer au fonctionnaire cet emploi ».

Si le Conseil d’Etat a considéré qu’il ne résultait pas de l’instruction que la collectivité disposait d’un poste vacant susceptible d’être proposé à l’intéressée, il appartient toutefois à la commune de Montmagny de procéder à cette recherche ou, avec l’accord de la requérante, de lui proposer un emploi correspondant à son grade mais dans un autre cadre d’emplois et ce, alors même que l’intéressée est désormais affectée sur un emploi au sein d’une autre collectivité.

L’effectivité d’une telle décision conduit à s’interroger : en l’espèce, la requérante a quitté depuis longtemps les effectifs de la commune et il paraît improbable qu’elle souhaite y revenir. Il s’agit là d’une fort délicate mise en œuvre du principe de la rétroactivité des décisions d’annulation du juge administratif.

Loi de finances rectificative 2021 : majoration du taux de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons effectués au profit d’associations cultuelles.

Selon le régime de droit commun, les dons aux œuvres et organismes d’intérêt général comme les associations cultuelles, ouvrent droit, sous certaines conditions, à une réduction d’impôt sur le revenu de 66 % des dons effectués. Ils sont retenus dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Sont notamment éligibles à cette mesure, les dons aux associations cultuelles et de bienfaisance ainsi que les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle.

Toutefois, l’article 18 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 prévoit que ces dons ouvriront droit à une réduction d’impôt majorée de manière temporaire.

En effet, l’objectif est de soutenir les associations cultuelles, dont les revenus ont été impactés par les restrictions d’accès aux lieux de culte durant la pandémie de Covid-19, ayant entrainé une baisse du niveau des dons consentis lors des offices et célébrations.

Par conséquent, les dons effectués entre le 2 juin 2021 et le 31 décembre 2022 ainsi que les abandons exprès de revenus ou produits au profit de ces organismes ouvrent droit à une réduction d’impôt au taux de 75 %.

Le plafond des versements éligibles à ce titre est fixé à 554 € pour les versements réalisés en 2021, tandis que pour ce qui est des versements réalisés en 2022, ce plafond sera revalorisé dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2021.

Par ailleurs, il est prévu que ces versements ne seront pas pris en compte pour la détermination du plafond global de versements éligibles à la réduction d’impôt pour dons aux œuvres et organismes d’intérêt général, fixé à 20 % du revenu imposable.

Les dons effectués jusqu’au 1er juin 2021 inclus restent soumis aux règles de droit commun.

La dispense de TVA de l’article 257 bis s’applique aux cessions d’immeubles comptabilisés en stock

Dans un arrêt devenu définitif, la Cour d’appel de Lyon a décidé que la dispense de TVA prévue à l’article 257 bis du CGI s’applique aux immeubles comptabilisés en stock.

L’article 257 bis du CGI dispense de TVA les livraisons et les prestations de services lorsqu’elles sont réalisées entre redevables de la taxe à l’occasion de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens.

Cet article transpose la faculté offerte par les articles 19 et 29 de la directive 2006/112/CE permettant aux États membres de ne pas exiger l’imposition à la TVA des cessions de biens et des prestations de services réalisées dans le cadre de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société d’une universalité totale ou partielle de biens dès lors que le bénéficiaire continue la personne du cédant, tout en les autorisant à prendre, le cas échéant, les dispositions nécessaires pour éviter des distorsions de concurrence dans le cas où le bénéficiaire n’est pas un assujetti total.

Lorsqu’il est applicable, ce régime a pour conséquence au plan de la TVA, que le bénéficiaire de la transmission est réputé continuer la personne du cédant.

Il est donc tenu, s’il y a lieu, d’opérer les régularisations du droit à déduction et les taxations de cessions ou de livraisons à soi-même qui deviendraient exigibles postérieurement à la transmission d’universalité et qui auraient en principe incombé au cédant si ce dernier avait continué à exploiter lui-même l’universalité. La transmission n’a pas pour effet de faire courir un nouveau délai de régularisation chez le bénéficiaire. (BOI-TVA-DED-60-20-10)

En pratique, la vente qui bénéficie de la dispense requiert donc un transfert d’informations relatives à la TVA entre le vendeur et l’acquéreur d’un immeuble.

L’administration fiscale exige simplement que le vendeur et l’acquéreur mentionnent le montant total hors taxe de la vente bénéficiant de la dispense sur la ligne 05 de la déclaration de TVA souscrite au titre de la période au cours de laquelle la cession est réalisée.

Cependant le preneur doit pouvoir justifier de ses droits à déductions et à régularisation, et notamment de la régularisation par vingtième, par une attestation du preneur (article 207 ann. II au GGI)

Jusqu’à présent, l’administration fiscale avait toujours conditionné l’application du régime de dispense au fait que les immeubles concernés soient immobilisés à la fois par le vendeur et par l’acheteur (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10 position réaffirmée suite à des décisions rendues par le Conseil d’Etat le 23 novembre 2015).

La CAA de Lyon vient de juger, dans un arrêt devenu définitif depuis le 30 juin 2021 que la dispense de TVA était applicable à la vente d’un immeuble donné en location avec TVA lorsque l’acheteur continue l’activité locative soumise à la taxe même si le vendeur avait comptabilisé l’immeuble en stock.

 

Par Laetitia Pignier 
Avocate, Arbor-Tournoud & Associés

Parution du Décret « Gares »

L’article L. 2121-17-4 du Code des transports, créé par l’ordonnance du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire et à l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, a prévu que les autorités organisatrices des transports ferroviaires de voyageurs puissent se voir déléguer, par SNCF Gares & Connexions (filiale de SNCF Réseau), la gestion de certaines gares principalement utilisées par les services conventionnés de leur ressort qu’elles organisent.

Concrètement, dans les gares dites « mono AO » (autorité organisatrice), une partie des prestations de gares peuvent être déléguées à l’AO, laquelle peut ensuite soit s’en charger elle-même, soit les confier à un opérateur dans le cadre d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs.

Ces dispositions légales, remettant en cause le modèle de gestionnaire unique des gares de voyageurs, devaient être précisées par décret en Conseil d’Etat, notamment afin de préciser plus finement les conditions d’éligibilité à ce dispositif et le champ des prestations délégables.

Un projet de décret avait été soumis à l’avis de l’Autorité de régulation de transports, suscitant des critiques appuyées (Avis n° 2020-064 du 8 octobre 2020).

Mettant fin à l’attente des AO ayant déjà lancé leurs premières procédures de mise en concurrence ou sur le point de le faire, le texte définitif est paru au Journal Officiel le 22 juillet dernier.

Parmi les dispositions phares, on peut relever que les gares éligibles au dispositif sont celles dans lesquelles le nombre d’arrêts marqués par des services conventionnés d’une même AO représente au moins 95 % du nombre total d’arrêts de services réguliers, ce seuil étant calculé en principe sur les deux derniers services annuels réalisés pour les gares existantes ou au regard du trafic prévisionnel des deux années à venir pour les nouvelles gares. Dans le projet de décret initial, ce seuil avait été fixé à 90 %, ce qui avait été critiqué par l’ART (autorité de régulation des transports).

Toutes les gares de voyageurs d’intérêt national, dites de catégorie A, sont par ailleurs exclues du dispositif.

Un système de délégation entre AO des compétences prévues par l’article L. 2121-17-4 du Code des transports, pour des raisons de territorialité, est par ailleurs prévu.

Les prestations pouvant être confiées par délégation sont classées en deux catégories :

  • Les prestations obligatoirement déléguées dès lors que l’AO décide de mettre en œuvre le dispositif prévu par l’article 2121-17-4 du Code des transports (et qu’une convention est effectivement conclue en ce sens avec SNCF Gares & Connexions, ce qui implique en tout état de cause que Gares & Connexions consente à cette mise en œuvre) : y figurent notamment l’ouverture et la fermeture de la gare et de ses bâtiments, l’accueil, l’information et l’orientation des passagers et du public, l’assistance à l’embarquement et au débarquement des trains des personnes handicapées ou à mobilité réduite, la vérification du bon état de fonctionnement et de la propreté des équipements et installations de la gare, la gestion et la prévention du risque incendie ;
  • Les prestations facultativement déléguées, lesquelles semblent pouvoir l’être « à la carte» : il s’agit notamment de prestations de surveillance, de gardiennage et de nettoyage de la gare ou de prestations de maintenance (maintenance courante des équipements et installations de la gare, à l’exception des équipements d’information collective à distance, et la maintenance lourde des installations).

Le décret apporte également des précisions sur le contenu de la convention qui doit être conclue entre Gares & Connexions et l’AO, les conditions de rémunération de la fourniture de ces prestations (coût des prestations majoré d’un bénéfice raisonnable « qui prend en compte la répartition des risques encourus par les parties ») ainsi que le timing de sa conclusion, celle-ci devant en principe l’être avant de la parution de l’avis d’appel public à la concurrence du contrat de service public incluant ces prestations (ou seize mois avant la reprise en régie des prestations par l’AO, le cas échéant). Si ce calendrier ne peut pas être respecté parce que l’avis de publicité a déjà été publié au moment de la parution du décret – ce qui est le cas pour certaines régions en France – la convention doit être conclue dans les meilleurs délais et en tout état de cause avant l’attribution du contrat de service public ou la reprise en régie.

Si des prestations déléguées sont confiées à un opérateur ferroviaire, une convention tripartite doit par ailleurs être conclue entre SNCF Gares & Connexions, l’AO et l’opérateur, dont le contenu ne peut pas aller au-delà de la convention bipartite signée entre ces deux premières entités, et est limité aux gares et prestations qui lui sont effectivement confiées par l’AO (par exemple si l’AO décide de gérer certaines prestations en régie et, partant, n’en confier qu’une partie à l’opérateur ferroviaire).

Par ailleurs, à la demande de l’AO, des relations financières peuvent être mises en place directement entre Gares & Connexions et l’opérateur, afin d’éviter des flux inutiles.

L’ART avait fortement critiqué la complexité des relations techniques créées entre le gestionnaire des gares, les AO et les transporteurs, y voyant des risques d’inefficacité et de renchérissement des coûts.

Le décret étant paru, reste maintenant aux AO souhaitant s’emparer de ce dispositif de se rapprocher de SNCF Gares & Connexions, afin d’initier les discussions portant sur les gares et prestations à déléguer et sur la conclusion des conventions bipartites.

Paris – Stage – Droit immobilier privé

Seban & Associés est une société d’avocats de plus de 80 avocats, avec une approche pluridisciplinaire qui lui permet de répondre aux préoccupations de ses clients, acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire, relevant à la fois du droit public, du droit privé et/ou du droit pénal.

Pour assurer son développement, Seban & Associés recrute un(e) élève avocat(e) pour son département droit immobilier privé !

 

Profil : 

Afin d’étoffer son département droit immobilier privé, composé de 4 avocats en direction uniquement des besoins des acteurs publics (Collectivités territoriales, Etat, établissements publics locaux et de l’Etat, Hôpitaux…), le cabinet recrute un(e) élève avocat(e) au profil civiliste, avec des connaissances solides en droit des obligations et procédure civile, pour un stage de 6 mois à compter du 1er janvier. Un Master 2 droit privé général ou droit immobilier serait un atout certain. L’activité de l’équipe comprend à la fois du conseil et du contentieux, et l’aide du/de la stagiaire sera requise dans les deux types de dossier, éventuellement aussi pour les webinaires et la rédaction d’articles.

 

 

Rejoindre Seban & Associés sera pour vous l’occasion :

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  • De participer à la rédaction d’articles à paraître dans des revues juridiques, de brèves destinées aux Lettres d’actualités juridiques du Cabinet et à l’organisation et l’animation de formations dispensées par le Cabinet.

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Gestion de l’eau : renforcement du cadre règlementaire de la gestion quantitative de l’eau et des situations de sécheresse

Décret n° 2021-807 du 24 juin 2021 relatif à la promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, en application de l’article L. 211-1 du code de l’environnement

 

La gestion de la ressource en eau est un sujet au cœur de l’actualité, avec la publication, attendue, au Journal officiel du décret du 23 juin 2021 apportant des précisions et renforçant le cadre règlementaire en matière de gestion quantitative de la ressource en eau et de gestion de cette ressource en situation de sécheresse. La consultation de ce décret, qui s’était tenue en janvier 2021, avait recueilli plus de 1.150 commentaires.

 

1- Le décret introduit notamment une nouvelle sous-section au sein du Code de l’environnement, relative à l’« utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau », aux articles R. 211-21-1 et suivants du Code de l’environnement, qui apporte plusieurs précisions sur la notion et l’évaluation de volume prélevable.

Cet article énonce tout d’abord que les volumes d’eau dont les prélèvements sont autorisés devront permettre de concilier les différents usages anthropiques et le bon fonctionnement des milieux aquatiques. La notion de volume prélevable est à cet égard précisée, le texte énonçant notamment que celui-ci correspond au « volume maximum que les prélèvements directs dans la ressource en période de basses eaux, autorisés ou déclarés tous usages confondus, doivent respecter en vue du retour à l’équilibre quantitatif à une échéance compatible avec les objectifs environnementaux du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux [SDAGE] ». Il est ainsi prévu que le volume prélevable soit celui « pouvant statistiquement être prélevé huit années sur dix en période de basses eaux dans le milieu naturel aux fins d’usages anthropiques ».

La détermination des volumes prélevables fait ainsi l’objet d’une évaluation, dont les conditions et les modalités de mises en œuvre (périmètre de l’évaluation, éléments devant être pris en compte selon la masse d’eau considérée) sont précisées au sein du nouvel article R. 211-21-2 du Code de l’environnement. Le contenu de l’étude d’impact d’une demande d’autorisation unique de prélèvement est en outre désormais détaillé à l’article D. 181-15-1, II du Code de l’environnement, lequel prévoit notamment que cette étude d’impact devra contenir un argumentaire justifiant la compatibilité des volumes demandés avec le bon fonctionnement des milieux.

2- La gouvernance pour l’évaluation des volumes prélevables est définie à l’article R. 213-14, II du Code de l’environnement. Le Préfet coordonnateur de bassin est ainsi placé au cœur de ce processus en ce qu’il est chargé de piloter et coordonner une stratégie d’évaluation des volumes prélevables.

Il sera appuyé, pour la réalisation et la mise à jour des études d’évaluation des volumes prélevables, par un comité de concertation composé de représentants des intérêts de la protection de l’environnement, de la pêche, des usages agricoles, industriels et domestiques de l’eau, ainsi que, notamment, de représentants de la commission locale de l’eau, de l’établissement public territorial de bassin ou encore des collectivités compétentes en matière de prélèvement d’eau destinée à la consommation humaine.

3- Le cadre règlementaire en cas de situation de sécheresse est par ailleurs renforcé.

Quatre niveaux de gravité de la situation sont définis : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise. Avant l’adoption de ce décret, la circulaire du 18 mai 2011 relative aux mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l’eau en période de sécheresse énonçait que les Préfets devaient définir des seuils de déclenchement des restrictions et des mesures associées, ces seuils devant de préférence se limiter à trois niveaux (seuil d’alerte, seuil d’alerte renforcée, seuil de crise). Le décret du 23 juin procède ainsi à une harmonisation en la matière.

Des mesures de restrictions sont mises en œuvre au sein de zones d’alerte définies par le Préfet selon les modalités prévues à l’article R. 211-67 du Code de l’environnement. Lorsqu’une telle zone est définie, les usagers titulaires d’une autorisation, concession ou déclaration de prélèvement, stockage ou déversement doivent communiquer au Préfet leurs besoins (réels et prioritaires). Le Préfet adopte ainsi un arrêté-cadre définissant les zones d’alerte, les conditions de déclenchement des niveaux de gravité ainsi que les mesures de restrictions devant être mises en œuvre par catégorie et sous-catégorie d’usage et les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, des adaptations de ces mesures peuvent être accordées à un usager en faisant la demande.

Il est en outre désormais précisé à l’article R. 211-66 du Code de l’environnement que les mesures adoptées en cas de sécheresse peuvent aller jusqu’à l’arrêt total des prélèvements de certaines catégories ou sous-catégories d’usage ou activité, mais des dérogations peuvent être accordées exceptionnellement par le Préfet à un usager si celui-ci en fait la demande et dans les conditions définies par l’arrêté-cadre.

Le Préfet coordonnateur de bassin fixe par arrêté, dans les conditions prévues à l’article R. 211-69 du Code de l’environnement, les orientations devant être suivies par les arrêtés-cadres. Cette autorité fixe en outre des zones de répartition des eaux, dans le but de faciliter la conciliation des intérêts des utilisateurs de l’eau dans les zones présentant des insuffisances, en application de l’article R. 211-71 du Code de l’environnement.

4- Enfin, le décret apporte des précisions sur le contenu de l’autorisation unique de prélèvement, défini à l’article R. 214-31-2 du Code de l’environnement, et sur le plan annuel de répartition (article R. 214-31-3 du même code) contenu dans cette autorisation.

Un second décret relatif à la gestion de l’eau est également paru récemment au Journal officiel. Le décret n° 2021-807 du 24 juin 2021 relatif à la promotion d’une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, a été pris en application de l’article 69 de la loi dite économie circulaire du 10 février 2020, lequel avait modifié l’article L. 211-1 du Code de l’environnement. Ce décret prévoit ainsi que les demandes d’autorisation environnementale devront inclure, le cas échéant, « les mesures permettant une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l’utilisation des eaux de pluie en remplacement de l’eau potable ». Cette nouvelle prescription est applicable aux demandes d’autorisation déposées après le 1er juillet 2021.

Ce décret impose ainsi aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA)de réutiliser les eaux usées traitées et les eaux de pluie en lieu et place de l’eau potable. On notera toutefois que la formulation retenue ne permet a priori pas d’identifier clairement les hypothèses exactes dans lesquelles elle s’appliquerait dans la mesure où elle est prévue « le cas échéant ».

Rapports du comité de prospective de la CRE : l’enjeu de la coordination de la planification des investissements sur les réseaux

Lors d’un communiqué de presse, la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la « CRE ») a publié les conclusions de quatre groupes de travail du Comité de prospective de la CRE sur les thématiques suivantes :

  • Groupe de travail n°1 : Les énergies marines
  • Groupe de travail n°2 : Nouvelles villes Nouveaux Réseaux
  • Groupe de travail n°3 : L’aval compteur
  • Groupe de travail n°4 : Le vecteur d’hydrogène

Créé à l’initiative du président de la CRE en octobre 2017, le Comité de prospective est un espace d’échanges et d’analyse réunissant les acteurs principaux du secteur de l’énergie afin d’apporter leur expertise au collège de la CRE, au Gouvernement et au Parlement, comme à tous les acteurs du secteur énergétique.

Les rapports ainsi publiés comportent des analyses intéressantes sur chacun des sujets étudiés :

  • Concernant le groupe de travail n°1 « Énergies marines » : le rapport présente un diagnostic du développement des énergies marines en France et formule 11 propositions consensuelles, pour assurer notamment l’avenir des parcs éoliens en mer français. Ces propositions s’appuient sur 3 axes : planification, simplification, acceptabilité.
  • Concernant le Groupe de travail n°3 « L’aval compteur » : le groupe de travail s’est penché sur la question du développement des services de pilotage des consommations, au profit des ménages et de la sobriété énergétique pour réfléchir aux meilleures façons d’encourager le suivi et le pilotage des consommations énergétiques par les ménages, tout en suscitant leur adhésion et en tenant compte de leur grande diversité.
  • Concernant le Groupe de travail n°4 « Le vecteur hydrogène » : le groupe de travail a développé une approche prudente du développement de l’hydrogène en prenant pour horizon 2030. Pour lui, la production d’hydrogène à partir de sources d’énergie renouvelables et bas carbone doit d’abord servir à réduire l’impact environnemental de l’industrie qui utilise de l’hydrogène dans son processus industriel. La rentabilité économique, soit la capacité de l’hydrogène renouvelable et décarboné à être concurrentiel face à l’hydrogène carboné sur le marché, n’est pas attendue avant

On retiendra plus spécifiquement que le rapport publié par le groupe de travail n° 2 « Nouvelles villes, nouveaux réseaux » propose d’adopter une « vision systémique de l’énergie » combinant l’ensemble des typologies de réseau et d’énergie.

Selon ce rapport, la complémentarité des réseaux d’énergie, particulièrement au niveau urbain, apparaît comme une source essentielle d’efficacité énergétique et présente un triple intérêt :

  • la valorisation de nouvelles sources d’énergie, en particulier issues de la chaleur fatale ;
  • le développement de la flexibilité, source d’efficacité énergétique et économique ;
  • l’ouverture à de nouvelles demandes d’énergie, concernant en particulier la mobilité.

Dans le cadre, le rapport propose une évolution des missions de la CRE dans les années à venir pour mieux prendre en compte la composante de couplage des réseaux.

Si une évolution de la mission de régulation tarifaire de la CRE n’apparait pas opportune, celle-ci pourrait néanmoins inciter davantage les opérateurs à intégrer les alternatives de couplage en lieu et place des renforcements de réseau.

Précisément le rapport envisage de compléter les missions de régulation de la CRE par une mission de régulation des investissements élargie aux réseaux non régulés : « Cela pourrait passer par une déconcentration de la CRE au niveau des territoires, pour réguler, conjointement avec les acteurs locaux, les investissements dans les réseaux énergétiques, à la maille locale et de façon intégrée. Si la régulation des investissements devait passer par la CRE, celle-ci devrait intégrer la vision des collectivités, dans une logique de soft régulation. La CRE pourrait ainsi faciliter le dialogue local, notamment concernant les négociations, entre les opérateurs et gestionnaires de réseaux et les collectivités en matière de coordination des réseaux ».

En conclusion toutefois, les membres du groupe de travail s’accordent sur l’existence de freins organisationnels et institutionnels au développement de synergies entre réseaux, notamment une insuffisance d’ingénierie au sein de certaines intercommunalités, des difficultés de planification, une absence d’arbitrage des investissements à la maille locale et une fiscalité énergétique insuffisamment incitative. Et on y ajoutera pour notre part la grande diversité des modes de gestion et le cadre concurrentiel ou en monopole des activités de réseaux à coordonner qui rend complexe une vision globale et complémentaire des réseaux.

Approbation par la CRE des sept projets de cahiers des charges d’appels d’offres pour le soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable (ENR)

En application des articles L. 311-10 à L. 311-13-8 et R. 311-12 à R. 311-27-16 du Code de l’énergie qui régissent la procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un soutien à des installations de production d’énergie, la ministre chargée de l’énergie a saisi la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le 8 avril 2021, de sept projets de cahiers des charges relatifs au soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable pour la période 2021/2026, à savoir :

  • un appel d’offres en soutien à la production éolienne terrestre ;
  • un appel d’offres en soutien à la production photovoltaïque au sol ;
  • un appel d’offres en soutien à la production photovoltaïque sur bâtiments ;
  • un appel d’offres en soutien aux projets photovoltaïques innovants ;
  • un appel d’offres en soutien à la production hydroélectrique ;
  • un appel d’offres en soutien aux projets en autoconsommation ;
  • un appel d’offres technologiquement neutre.

Ces sept appels d’offres succèdent à ceux arrivés à terme fin 2020 ou début 2021 et s’inscrivent dans le cadre des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de capacités de production électrique d’origine renouvelable installées à horizon 2028.

Cette PPE prévoit une forte accélération du rythme de développement des énergies renouvelables, conduisant à une forte hausse des volumes appelés dans les appels d’offres, principalement pour le photovoltaïque et l’éolien.

Dans son avis, la CRE formule un certain nombre d’observations et recommandations au sujet des appels objet de la délibération ici commentée.

A l’attention des pouvoirs publics, la CRE suggère en particulier qu’ils doivent accompagner la croissance du développement des énergies renouvelables (ENR) par des politiques actives visant à favoriser la compétitivité des appels d’offres, parmi lesquelles :

  • la suppression des freins au développement des ENR : libérer du foncier, supprimer les contraintes excessives, simplifier et raccourcir les procédures administratives ;
  • la mise en place d’une clause de compétitivité simple et efficace ;
  • l’ajustement des volumes des périodes des appels d’offres en fonction des résultats observés lors des périodes précédentes et du développement des PPA par ailleurs.

La CRE insiste ainsi sur la nécessité que les hausses des volumes appelés ne se traduisent pas par des hausses des prix en sortie des appels d’offres, qui pèseraient très longtemps sur les finances publiques.

A ce dernier titre, la CRE appelle les pouvoirs publics à encourager le développement des contrats de gré-à-gré (également appelés Power Purchase Agreement ou PPA), qui concourent aux objectifs de la PPE sans coût ni risque pour les finances publiques.

 Enfin, la CRE recommande la suppression de l’appel d’offres autoconsommation, car cette filière est d’ores et déjà rentable sans soutien spécifique :

« La CRE considère que le soutien direct à l’autoconsommation pour les installations de plus de 500 kW n’est plus justifié et elle recommande donc la suppression de cet appel d’offres.

Parallèlement, afin de maintenir un soutien à l’autoconsommation, la CRE recommande de rouvrir la possibilité aux installations souhaitant autoconsommer une partie de leur production de candidater aux appels d’offres classiques, le taux d’autoconsommation y étant pour l’instant limité à 10 % dans les projets de cahiers des charges. Cette évolution doit se faire sans soutien direct à l’énergie autoconsommée, c’est-à-dire en ne rémunérant les producteurs que sur la partie injectée de l’énergie produite ».

Des recommandations qu’il conviendra de vérifier dans les appels d’offres de soutien à la production d’électricité d’origine renouvelable pour la période 2021/2026, à venir.

Compétence du juge judicaire pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie

Dans une décision rendue le 14 juin 2021, le Tribunal des conflits a précisé l’ordre de juridiction compétent pour connaitre des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie, tels que la dépréciation de l’immeuble, les troubles de jouissance et d’exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l’entretien.

En l’espèce, des particuliers avaient acquis un terrain non bâti en vue d’y faire édifier une maison. Ce terrain étant grevé d’une servitude d’utilité publique relative au passage d’une ligne électrique aérienne à haute tension, ces particuliers avaient reçu une proposition écrite d’ERDF, devenue la société Enedis, pour un déplacement de la ligne électrique, à ses frais, compatible avec leur projet de construction, pour lequel ils avaient obtenu un permis de construire.

Alors que les travaux devaient débuter, Enedis les a informés que le déplacement ne pourrait avoir lieu selon le plan envisagé, dès lors qu’il supposait de déplacer un pylône implanté sur la parcelle voisine et que le propriétaire de celle-ci s’y refusait.

Faute d’accord avec Enedis sur une autre solution technique, ces particuliers ont renoncé à leur projet et mis en vente leur parcelle.

Ils avaient alors sollicité l’indemnisation de leur préjudice lié à l’impossibilité d’exercer leur droit de bâtir en raison de l’absence de déplacement de la ligne électrique.

Le Tribunal des conflits précise que : « Les préjudices dont M. E… et Mme A… demandent réparation sont liés à l’impossibilité d’exercer leur droit de bâtir en raison de l’absence de déplacement de la ligne électrique, quand bien même ils résulteraient de l’inexécution par Enedis de la convention qui aurait été conclue par suite de leur acceptation de la proposition relative aux modalités de déplacement de la ligne (…) ».

Le Tribunal rappelle ensuite des dispositions applicables du Code de l’énergie, à savoir : l’article L. 323-6 qui précise que : « La servitude établie n’entraîne aucune dépossession. La pose d’appuis sur les murs ou façades ou sur les toits ou terrasses des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou surélever. La pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir » et l’article L. 323-7 de ce Code dispose que : « Lorsque l’institution des servitudes prévues à l’article L. 23-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L’indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d’accord amiable, par le juge judiciaire » .

Le Tribunal des Conflits conclut  : « En application de ces dispositions, si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d’entretien des ouvrages relèvent de la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie, tels que la dépréciation de l’immeuble, les troubles de jouissance et d’exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l’entretien ».

Insuffisance du cadre règlementaire relatif à la lutte contre les marées d’algues vertes en Bretagne

Cour des comptes, 2 juillet 2021, La politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne

 

Amenés à se prononcer sur la question de la suffisance du cadre réglementaire relatif à la lutte sont les marées d’algues vertes en Bretagne, le Juge administratif et la Cour des comptes ont tous deux considérés que les actions menées par l’Etat en Bretagne en la matière n’étaient pas satisfaisantes.

Cette politique, et la réglementation qui en découle, s’inscrivent principalement dans la lutte contre la pollution par les nitrates, la forte concentration de ceux-ci favorisant la prolifération des algues vertes.

 

1 – Tout d’abord, le Tribunal administratif de Rennes s’est, par un jugement du 4 juin 2021, prononcé sur la légalité du refus du Préfet de la Région Bretagne de modifier son arrêté du 2 août 2018 définissant le 6ème programme d’actions régional concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Le programme d’action régional (PAR) est défini aux articles R. 211-80 et suivants du Code de l’environnement. Il vise à assurer la maîtrise des fertilisants azotés et la gestion adaptée des terres agricoles afin de limiter les fuites de nitrates pouvant affecter la qualité des eaux, et complète le plan d’action national en la matière.

L’association requérante avait, dans ce cadre, sollicité le Préfet afin que celui-ci modifie son 6ème plan d’action, en y intégrant notamment des mesures à caractère règlementaire permettant de réduire les fuites d’azote vers les bassins versants soumis à des marées d’algues vertes. Le Préfet de la Région Bretagne n’avait pas fait droit à cette demande, ce qui est contesté par la requérante.

La juridiction devait donc déterminer si le refus du Préfet d’inclure des mesures complémentaires au sein de son programme d’actions constituait une erreur manifeste d’appréciation de sa part.

Le Tribunal administratif relève alors que, si une amélioration de la qualité de l’eau est observée sur certains territoires bretons, celle-ci reste dégradée sur d’autres. Dès lors, le 6ème programme d’action ne pouvait, comme il l’a fait, reprendre dans l’essentiel les mesures contenues au sein du 5ème programme d’actions dès lors « qu’un renforcement des actions mises en œuvre demeure nécessaire afin de restaurer durablement la qualité de l’eau en Bretagne » et de prévenir le phénomène des marées vertes (§15). Autrement dit, eu égard à l’efficacité relative du 5ème plan d’actions, le 6ème aurait dû fixer un cadre règlementaire plus contraignant. Or, « le 6ème programme d’actions régional n’impose aucune mesure nouvelle suffisante de limitation des apports azotés sur les bassins versants concernés par les algues vertes » (§16). Le Juge se fonde notamment sur un avis de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne qui avait indiqué que des mesures règlementaires ambitieuses étaient nécessaires pour garantir une meilleure qualité de l’eau.

En outre, le juge se prononce sur l’articulation entre la mise en œuvre de mesures contraignantes et incitatives. La juridiction relève ainsi que le programme d’actions régional renvoie, par une simple mention, au « plan de lutte contre les algues vertes » (PLAV)[1], qui est un dispositif contractuel et volontaire incitant à l’adoption de mesures non contraignantes. Or, la requérante soutient qu’« a été constaté l’échec de la mise en œuvre de tels moyens » (§17). Selon le juge, qui se fonde sur l’arrêté du 23 octobre 2013 relatif aux PAR, si les mesures incitatives existantes doivent être prises en compte lors de l’élaboration du PAR, celles-ci doivent être complétées par des mesures contraignantes lorsque les résultats qu’elles ont permis d’obtenir sont insuffisants

Le PAR ne pouvait donc énoncer seulement qu’ « en cas d’échec d’un projet de territoire, des dispositions règlementaires particulières seront prises, sur les bassins concernés », les conditions dans lesquelles des mesures supplémentaires seront adoptées étant insuffisamment précises.

La décision de refus de modifier le PAR est donc annulée, et il est enjoint au Préfet de la région Bretagne de compléter le 6ème PAR pour la durée de ce programme restant à courir (un nouveau plan d’action devant être adopté au plus tard en septembre 2022), et dans un délai 4 mois, afin de :

  • renforcer les mesures règlementaires de ce programme, afin de pallier les insuffisances constatées ;
  • définir un mécanisme d’adoption de mesures supplémentaires en cas d’insuffisance des mesures volontaires du PLAV.

 

2-  Le 2 juillet 2021, la Cour des comptes a publié un rapport extrêmement critique relatif à la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, dans lequel elle interroge l’efficacité des PLAV : un premier PLAV avait été mis en œuvre sur la période 2010-2015 et un second pour 2017-2021.

La Cour fait en effet le constat que :

  • Ces plans ont des objectifs mal définis et des effets incertains sur la qualité des eaux. En outre, la Cour constate une diminution de l’ambition des objectifs entre le PLAV 1 et le PLAV 2 ;
  • Les soutiens publics étaient insuffisants. La Cour indique alors que les aides versées aux agriculteurs étaient insuffisantes de même que les obligations règlementaires pour inciter les agriculteurs à changer leurs pratiques agricoles ;
  • Il existe un manque de cohérence entre ces dispositifs et d’autres politiques. Notamment, la Cour relève une faible implication des filières agro-alimentaires, le caractère inadapté de la politique foncière ainsi que la faiblesse des contrôles des élevages.

Cinq recommandations sont alors formulées, celles- ci tenant à :

  • l’extension du périmètre des actions de lutte contre les algues vertes au-delà des huit baies bretonnes concernées par les PLAV. La Cour des comptes recommande alors de recourir au dispositif des contrats territoriaux pour la mise en œuvre des Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ;
  • la définition d’objectifs pouvant être évalués et leur suivi ;
  • la redéfinition de leviers incitatifs dans le cadre de la programmation de la PAC pour le changement des systèmes et pratiques agricoles ;
  • la mobilisation du foncier agricole et des filières agroalimentaires ;
  • l’adaptation et la mise en œuvre effective de la règlementation.

[1] Le PAR énonçait ainsi, en son article 8-3 critiqué par la requérante que « sur les bassins connaissant d’importantes marées vertes sur les plages […] des programmes contractuels volontaires sont actuellement développés ».

LA CRE publie son rapport d’activité pour l’année 2020

Dans ce rapport d’activité, le Président de la CRE ainsi que son collège commencent par saluer la résilience du système énergétique français, en cette année 2020 marquée par une crise sanitaire sans précédent, grâce à la performance des opérateurs ainsi qu’au fonctionnement optimal du marché de l’énergie ainsi que de son régulateur.

Sont ensuite présentés dans une partie introductive à visée pédagogique, le fonctionnement de la CRE, les décisions contentieuses emblématiques rendues durant l’année 2020 ainsi que le panorama de l’énergie en France, lequel ne manque pas d’intégrer la part de production d’énergies renouvelables.

Le corps du rapport d’activité est quant à lui composé de 5 chapitres :

  • Le Chapitre 1 « Réguler : le fonctionnement de la CRE, indépendance et expertise » établit une présentation des ressources humaines de la Commission, de son Comité de règlement des différends (CoRDiS) avec les saisines réalisées ainsi que les décisions rendues en 2020, la vie institutionnelle de la CRE rappelant les contributions législatives de la Commission et sa coopération avec les instances nationales, européennes et internationales ;
  • Le Chapitre 2 « Accompagner : les marchés de l’énergie à l’épreuve du Covid 19 » présente les impacts de la crise sanitaire sur les marchés de gros de l’électricité et du gaz ainsi que sur les mécanismes de régulation des marchés de détails ;
  • Le Chapitre 3 « Innover : les missions renforcées au service de l’innovation et de la transition énergétique » fait état des contributions de la CRE permettant d’encourager le développement de nouvelles filières parmi lesquelles on retrouve évidemment la filière hydrogène, mais également le « Bac à sable règlementaire »[1] ou encore la parution des ordonnances de transposition du paquet « Energie propre pour tous les Européens »[2];
  • Le Chapitre 4 « Adapter : réseaux : la performance et la qualité de service en soutien de la transition énergétique » fait part des mesures prises pour accompagner les gestionnaires de transport et distribution d’électricité dans le développement de leurs infrastructures et d’optimisation de leurs investissements nécessaire à la transition énergétiques ; parmi ces mesures on retrouve l’examen des projets d’investissement des gestionnaires de réseaux et la fixation de leurs tarifs d’utilisation ;
  • Le Chapitre 5 « Intégrer : la transition énergétique dans les ZNI : l’impulsion de la CRE » présente enfin les mesures d’accompagnement de la CRE des zones non-interconnectées dites « ZNI » telles que la publication de sa nouvelle méthodologie d’analyse des projets de production électrique, laquelle accélère la transition énergétique des territoires.

 

[1] Pour plus de précision sur le Bac à sable règlementaire, voir notre précédente LAJEE ici : https://www.seban-associes.avocat.fr/la-cre-precise-les-conditions-de-mises-en-oeuvre-du-dispositif-dexperimentation-reglementaire-introduit-par-la-loi-energie-climat-et-ouvre-un-premier-guichet-de-candidature-afin-dy-p/

[2] Pour plus de précision sur la transposition du paquet « Energie propre », voir notre précédente LAJEE : https://www.seban-associes.avocat.fr/transposition-du-paquet-une-energie-propre-pour-tous-les-europeens-trois-ordonnances-publiees/