le 13/07/2021

Compétence du juge judicaire pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie

Tribunal des Conflits, 14 juin 2021, C4208

Dans une décision rendue le 14 juin 2021, le Tribunal des conflits a précisé l’ordre de juridiction compétent pour connaitre des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie, tels que la dépréciation de l’immeuble, les troubles de jouissance et d’exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l’entretien.

En l’espèce, des particuliers avaient acquis un terrain non bâti en vue d’y faire édifier une maison. Ce terrain étant grevé d’une servitude d’utilité publique relative au passage d’une ligne électrique aérienne à haute tension, ces particuliers avaient reçu une proposition écrite d’ERDF, devenue la société Enedis, pour un déplacement de la ligne électrique, à ses frais, compatible avec leur projet de construction, pour lequel ils avaient obtenu un permis de construire.

Alors que les travaux devaient débuter, Enedis les a informés que le déplacement ne pourrait avoir lieu selon le plan envisagé, dès lors qu’il supposait de déplacer un pylône implanté sur la parcelle voisine et que le propriétaire de celle-ci s’y refusait.

Faute d’accord avec Enedis sur une autre solution technique, ces particuliers ont renoncé à leur projet et mis en vente leur parcelle.

Ils avaient alors sollicité l’indemnisation de leur préjudice lié à l’impossibilité d’exercer leur droit de bâtir en raison de l’absence de déplacement de la ligne électrique.

Le Tribunal des conflits précise que : « Les préjudices dont M. E… et Mme A… demandent réparation sont liés à l’impossibilité d’exercer leur droit de bâtir en raison de l’absence de déplacement de la ligne électrique, quand bien même ils résulteraient de l’inexécution par Enedis de la convention qui aurait été conclue par suite de leur acceptation de la proposition relative aux modalités de déplacement de la ligne (…) ».

Le Tribunal rappelle ensuite des dispositions applicables du Code de l’énergie, à savoir : l’article L. 323-6 qui précise que : « La servitude établie n’entraîne aucune dépossession. La pose d’appuis sur les murs ou façades ou sur les toits ou terrasses des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou surélever. La pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir » et l’article L. 323-7 de ce Code dispose que : « Lorsque l’institution des servitudes prévues à l’article L. 23-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L’indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d’accord amiable, par le juge judiciaire » .

Le Tribunal des Conflits conclut  : « En application de ces dispositions, si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d’entretien des ouvrages relèvent de la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie, tels que la dépréciation de l’immeuble, les troubles de jouissance et d’exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l’entretien ».