Contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant : non prise en compte des revenus du nouveau conjoint du parent sans ressource personnelle

Selon l’article 371-2 du Code civil, « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant ». L’article 373-2-2 précise qu’en cas de séparation des parents, la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.

Il résulte de ces dispositions que la dette du débiteur d’aliments est une dette personnelle. La Cour de cassation considère, par une jurisprudence constante, que les revenus du nouveau conjoint du parent ne peuvent être pris en compte dans le calcul de la contribution, que s’ils réduisent les charges du débiteur de l’obligation alimentaire (Cass. Civ., 1ère, 25 avr. 2007, n° 06-12.614).

En l’espèce, dans un arrêt du 19 mars 2019, la Cour d’appel de Metz avait fixé à la somme de 150 € par mois, la contribution au titre de l’entretien de l’enfant due par la mère. Cette dernière ne disposant d’aucune ressource personnelle, la Cour avait fixé ce montant au regard des revenus perçus par son nouveau conjoint.

Dans son arrêt du 1er décembre 2021, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Metz. Rappelant que « la dette du débiteur d’aliments est une dette personnelle, dont le montant doit être fixé en considération de ses ressources », la Cour affirme que le conjoint de la mère n’est pas tenu d’une obligation alimentaire envers l’enfant de celle-ci, et que ses revenus ne peuvent donc pas être pris en considération pour fixer le montant de la contribution.

Seuls les copropriétaires opposants ou défaillants peuvent demander l’annulation d’une assemblée générale

Selon l’article 42 al. 2 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, seuls les copropriétaires opposants ou défaillants ont le droit de contester les décisions d’une assemblée générale de copropriété, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions. Cette disposition s’applique à toutes les irrégularités susceptibles d’affecter les assemblées générales.

La Cour de cassation retient ainsi qu’une action fondée sur l’absence de convocation ou sur une convocation irrégulière doit également être introduite par les copropriétaires opposants ou défaillants (Cass. Civ., 3e, 12 octobre 2005, n° 04-14.602).

En l’espèce, des copropriétaires contestaient la régularité de la convocation de l’assemblée générale, effectuée par une nouvelle société, issue de la fusion entre le syndic de la copropriété régulièrement désigné et une autre société, n’ayant pas été agréée aux fonctions de syndic par le syndicat des copropriétaires.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 février 2020, avait jugé recevable l’action des copropriétaires. La Cour de cassation casse cet arrêt, au motif que les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales, même fondées sur le défaut de pouvoir de la personne qui a procédé à leur convocation, doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants : l’action en nullité de l’assemblée générale, fondée sur l’irrégularité de la convocation envoyée par une société non mandatée comme syndic, ne pouvait pas être exercée par des copropriétaires qui n’étaient ni opposants, ni défaillants.

Délai de prescription en cas d’infraction répétée au règlement de copropriété

Depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, l’article 42 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 prévoit que les dispositions de l’article 2224 du Code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et son syndicat. Le délai de prescription est ainsi passé de dix à cinq ans.

S’agissant des actions fondées sur la méconnaissance du règlement de copropriété, la Cour de cassation considère que le délai de prescription commence à courir dès la commission de la première infraction (Cass. Civ., 3e, 23 mai 1991, n° 89-19.879), ou dès sa connaissance par le titulaire de l’action (Cass. Civ., 3e, 28 mai 2020, n° 19-12.908).

En l’espèce, une résidence, soumise au statut de la copropriété, comprend plusieurs lots situés en rez-de-chaussée et exploités par des commerces. Devant leurs devantures et avant le trottoir public, se situe une zone dont le syndicat des copropriétaires soutient qu’elle constitue une partie commune occupée irrégulièrement par les commerces, qui y installent leurs terrasses à chaque saison estivale.

Dans un arrêt du 20 mai 2020, la Cour d’appel de Pau avait retenu la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires, au motif qu’une exploitation saisonnière qui se répétait chaque année générait, à chaque nouvelle occupation, le point de départ d’une nouvelle prescription.

Dans son arrêt du 24 novembre 2021, la Cour de cassation casse cet arrêt, affirmant « qu’il résultait [des] constatations que c’était la même infraction au règlement de copropriété qui s’était répétée, sans interruption, à chaque saison, de sorte que chaque nouvelle occupation n’était pas le point de départ d’une nouvelle prescription ».

Le Juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité administrative sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire

Le Conseil d’Etat, saisi d’une mise à la retraite d’office pour invalidité, a considéré que le Juge administratif devait désormais exercer un contrôle normal et non plus restreint sur l’appréciation portée par l’administration sur l’inaptitude d’un fonctionnaire justifiant sa mise à la retraite d’office.

La particularité de ce dossier est que lorsque le Maire a pris l’arrêté litigieux, l’ensemble des certificats médicaux dont il avait eu connaissance, de même que les instances s’étant préalablement prononcées (comité médical départemental, commission de réforme et CNRACL), concluaient à l’inaptitude de l’agent concerné à reprendre ses fonctions en raison d’une dépression grave et « installée dans la chronicité ». Toutefois, à l’appui de sa demande d’annulation de l’arrêté du 18 janvier 2016, l’agent a produit pour la première fois cinq certificats médicaux émanant là encore de généralistes et de psychiatres, rédigés entre juin 2013 et octobre 2014, concluant tous à son aptitude à reprendre son activité en raison de la guérison de l’état dépressif.

Ceci rappelé, la haute juridiction considère que « la légalité de la décision qu’il appartient à l’autorité territoriale de prendre en vue du placement d’office d’un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu’elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s’apprécie au regard de l’ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n’auraient pas été communiqués à l’autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu’ils éclairent cette situation. Le Juge administratif exerce un contrôle normal sur l’appréciation portée par l’autorité territoriale sur l’inaptitude définitive d’un fonctionnaire ».

Ce contrôle s’explique, comme le rappelle le Rapporteur public sous cette affaire, par le fait que « l’administration ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire quand elle se prononce sur l’aptitude physique d’un agent : il s’agit d’une donnée extérieure qui s’impose à elle ». Dans ces conditions, il est logique qu’un contrôle normal s’impose sur l’inaptitude d’un agent qui peut avoir pour conséquence son éviction définitive du service. Ce contrôle renforcé du juge constitue d’ailleurs une garantie pour l’agent concerné.

Précisions sur le retrait d’une décision de recrutement pour fraude : l’omission n’est pas toujours une fraude

Par un arrêt du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé les obligations d’information qui incombent à un fonctionnaire au moment de son recrutement par une collectivité territoriale, donnant de précieuses indications sur l’étendue des possibilités dont dispose l’administration pour procéder au retrait d’une décision créatrice de droit pour fraude.

Il arrive en effet qu’une collectivité, après avoir procédé au recrutement d’un fonctionnaire, découvre, notamment à l’occasion de la communication du dossier administratif de l’agent, des informations qui tendent à remettre en cause le principe même du recrutement. Dans ces hypothèses, certaines collectivités procèdent au retrait de la décision de recrutement conduisant alors à la réintégration de l’agent dans son ancienne collectivité.

Ce type de situation apparaît notamment dans l’hypothèse où l’agent omet, à dessein, d’informer son recruteur de certains éléments de sa situation afin de faciliter son recrutement, ou induit en erreur, d’une façon ou d’une autre, cette collectivité. Dans ces cas, il est alors possible de considérer que la décision de recrutement a été obtenue par fraude, ce qui permet non seulement de fonder le retrait de la décision de recrutement, mais autorise également, conformément à l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, à procéder à ce retrait au-delà du délai de quatre mois en principe imposé pour le retrait des actes créateurs de droit.

Telle était la situation dans l’arrêt commenté. A la date à laquelle l’agent était recruté, il avait été informé qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance à l’occasion de ses fonctions, ce dont il n’avait pas fait part à son futur recruteur. Par la suite, les poursuites devaient donner lieu à sa condamnation pénale. Informée ultérieurement de cette situation, la commune qui avait recruté l’agent a procédé au retrait de la décision, au motif que celle-ci avait été obtenue par des manœuvres frauduleuses de l’agent.

La Cour administrative d’appel, saisie du litige engagé entre les deux collectivités et l’agent, a validé l’acte de retrait pris par la commune, estimant que l’agent avait effectivement dissimulé une information essentielle à la commune recruteur, caractérisant une fraude justifiant le retrait.

Le Conseil d’Etat a censuré cette interprétation, estimant que la fraude n’était pas caractérisée en l’absence de toute obligation de l’agent lui imposant d’informer son futur employeur de l’existence de poursuites pénales à son encontre. Plus précisément, et comme permettent de le comprendre les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’Etat a distingué deux hypothèses d’omission d’une information. Lorsque l’agent est tenu, par une obligation légale, d’informer l’administration d’une situation ou d’un fait le concernant, alors la dissimulation de cette information implique un comportement actif de fraude qui en caractérise l’élément objectif. En revanche, à défaut d’une telle obligation, la seule omission d’une telle information ne suffit pas, selon le Conseil d’Etat, à la caractériser.

La précision est donc fort utile, car la fraude par omission est naturellement la plus courante. Les collectivités qui se trouveront confrontées à cette situation disposeront donc désormais d’une grille de lecture pour le retrait d’un acte par fraude : l’omission de l’agent méconnaissait-elle une obligation d’information qui lui aurait incombé ? Autrement dit, l’agent était-il tenu d’informer son administration de la situation ? Une réponse positive autorisera l’administration à procéder au retrait, quant la négative imposera à la collectivité de trouver d’autres voies, notamment disciplinaires, pour sanctionner l’agent de son omission.

Dénonciation d’un harcèlement moral et discipline

Le Conseil d’Etat vient de juger qu’un agent qui s’estime victime de harcèlement moral n’est pas pour autant exempt de ses obligations professionnelles, de sorte qu’il peut être sanctionné s’il n’a pas respecté son devoir de réserve dans sa manière de dénoncer ces faits.

Cette décision précise néanmoins que lorsque le juge est saisi d’une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, « il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l’administration dont le fonctionnaire s’estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu’il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation ».

C’est ainsi que dans l’affaire portée à sa connaissance, le Conseil d’Etat annule la décision de la Cour selon laquelle une commune aurait été bien-fondée à infliger un blâme à un agent ayant manqué à son obligation de réserve en dénonçant, par un courriel formulé en des termes excessifs et adressé à un large cercle d’élus de la commune de Pont-du-Château, le harcèlement moral dont elle s’estimait victime.

Invitant la Cour à statuer de nouveau au vu de cette situation, le Conseil d’Etat lui a donc renvoyé le soin de décider si, oui ou non, les propos tenus méritaient ladite sanction, au vu du contexte précis de leur survenance.

Organismes HLM agréés OFS et VEFA

Article L. 421-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (OPH

Article L. 422-2 du Code de la Construction et de l’Habitation (ESH)

Article L. 422-3 du Code de la Construction et de l’Habitation (Coopératives)

 

A la question de savoir si un organisme HLM agréé comme Organisme de Foncier Solidaire (OFS) peut acquérir en VEFA des logements en vue de conclure des Baux Réels et Solidaires (BRS), l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) vient d’apporter une réponse négative.

Par une note du 7 janvier 2022, l’USH indique très clairement que « nous considérons que les organismes HLM [agréés comme OFS] ne peuvent pas acquérir en VEFA des logements en vue de conclure des baux réels et solidaire ».

Les organismes HLM (OPH, ESH, SEM et Coopératives), indépendamment de la question de leur agrément OFS, peuvent réaliser des opérations d’accession sociale à la propriété, mais uniquement après avoir construit, ou acquis et amélioré, les logements ainsi vendus, les textes les obligeant par conséquent à avoir une activité de maîtrise d’ouvrage directe. La seule exception à ce principe reste celle prévue en matière de location-accession, où l’acquisition en VEFA est alors possible.

Parallèlement, l’article 88 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi ELAN » a autorisé les organismes HLM à exercer l’activité d’organisme de foncier solidaire. Les organismes de foncier solidaire sont régis par les dispositions du Code de l’Urbanisme, et notamment l’article L. 329-1 dudit Code.

Outre que cette dernière disposition reste ambigüe sur l’étendue des « droits à faire » des OFS, le texte ne prévoyant pas expressément la possibilité pour un OFS d’acquérir des biens en VEFA, se pose alors la question de savoir si un organisme HLM, agréé comme OFS, bénéficie d’une extension de son objet social, et s’il peut donc acquérir en VEFA des logements en vue de la conclusion de BRS.

En l’état actuel des textes, le principe de spécialité régissant les organismes HLM s’oppose à une telle activité, les organismes HLM étant agréés comme OFS dans les limites du Service d’Intérêt Economique Général (SIEG).

Il se déduit de plus de la lecture des débats parlementaires que la possibilité offerte à ces organismes d’être agréés comme OFS n’a pas pour objectif de leur permettre d’exercer une activité d’accession à la propriété au-delà de leur objet social, et qu’ils demeurent tenus par leur agrément et par les missions telles que strictement définies dans le Code de la Construction et de l’Habitation.

Droit électoral : qui échappe (encore) a la qualification d’entrepreneur de services municipaux ?

Par une décision du 21 décembre 2021, le Conseil d’Etat entend la notion d’entrepreneurs de services municipaux dans une acception très large. Le régime d’inéligibilité est appliqué à un prestataire qui n’a émis qu’une seule facture d’un montant modique au titre de l’année précédente.

Pour mémoire, l’article L. 231 du Code électoral dresse la liste des cas n’inéligibilité aux élections municipales : magistrats, certains fonctionnaires, officiers et sous-officiers, etc. Ces dispositions ajoutent également que :

« Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois […] Les comptables des deniers communaux agissant en qualité de fonctionnaire et les entrepreneurs de services municipaux ».

Dans l’affaire jugée, une entreprise au sein de laquelle un candidat à l’élection municipale est décrit comme y jouant « un rôle prédominant » a passé en 2011 avec la commune une convention en vue d’assurer le déneigement. Cette convention est renouvelée en 2018, puis rompue en janvier 2020 – soit moins de six mois avant le scrutin.

Las, le Conseil d’Etat estime plutôt sévèrement que :

« Dans ces conditions, cette société participait à cette date au service municipal d’entretien de la voirie et M. T… avait, par suite, moins de six mois avant la date du premier tour de l’élection contestée, la qualité d’entrepreneur de service municipal au sens des dispositions de l’article L. 231 du Code électoral, nonobstant la circonstance que cette société n’avait pas fourni de prestation depuis plus de six mois à la date du premier tour de scrutin, et qu’une seule facture d’un montant de 486 euros avait été émise au titre de cette convention en 2019. M. T… était, par suite, inéligible au conseil municipal de Villequier-Aumont à la date du scrutin »[1].

Le jugement rendu par le Tribunal administratif d’Amiens est ainsi annulé – pour ne pas dire damer. L’on peut naturellement s’étonner d’une telle rigidité. En effet, si la convention liant le candidat et la commune de Villequier-Aumont a été rompue moins de six mois avant le scrutin, c’est ici retenir un lien contractuel formelle – et symbolique – qui ne traduit pas nécessairement l’exécution de prestation concrète pour les besoins de la collectivité, sous son contrôle et contre rémunération. On peut d’ailleurs supposer qu’il a été mis fin à la convention de bonne foi en janvier 2020, précisément pour prévenir une qualification d’entrepreneur de services municipaux et ainsi, permettre une participation de l’intéressé à l’élection. Ici, la dernière prestation rémunérée remontait à plus d’un an et devait dans l’esprit du candidat le prémunir de toute indélébilité. Mais le Conseil d’Etat a préféré retenir l’absence de cessation définitive des relations contractuelles moins de six mois avant le scrutin, en dépit de l’absence de commandes dans ce délai et de la saisonnalité de la prestation.

C’est en tout cas ce qui peut être déduit si l’on compare la décision citée à une autre, plus récente, rendue en juillet 2021 au visa des mêmes dispositions :

« il résulte de l’instruction qu’en tout état de cause, les prestations réalisées l’ont été à titre occasionnel et ne présentent pas un caractère régulier, même si elles ont pu être échelonnées dans le temps, et elles ne se sont pas poursuivies pendant la période de six mois précédant le scrutin litigieux »[2].

La nuance est fine : les commandes ponctuelles « au coup par coup » seraient de nature à blanchir (comme neige) le candidat en dépit de leur caractère régulier, tandis qu’un marché à bons de commandes[3] en veille ne serait rien que de l’eau qui dort dont tout candidat devrait se méfier ?

Rien n’est moins sûr, car en 1996, et en l’absence de tout contrat écrit, le Conseil d’Etat avait déjà estimé que :

« en sa qualité d’entrepreneur de maçonnerie et de débroussaillement et de manière régulière au cours des années précédant l’élection, des travaux de fauchage et de déneigement pour le compte de la commune de Champ-le-Duc, pour lesquels il était rémunéré sur le budget municipal ; que les travaux ainsi exécutés n’avaient pas un caractère occasionnel même si leur périodicité était soumise aux événements naturels ; qu’ainsi M. Y… participait au service municipal d’entretien de la voirie  »[4].

On le voit, ce n’est pas vers un assouplissement que se dirige le Conseil d’Etat et l’aléa reste fort : la prudence commande alors de rompre de manière explicite et univoque tout lien contractuel – même tacite – six mois avant le scrutin. Et pour répondre à la question posée, « qui échappe à la qualification d’entrepreneur de services municipaux ? » : la personne qui n’a personnellement (ou par le truchement d’une entreprise dont il est gérant ou actionnaire) aucun lien contractuel avec la collectivité dans laquelle il se présente en qualité de candidat, au moins six mois avant le scrutin.

Pour conclure en paraphrasant Sieyès : qu’est-ce que l’entrepreneur de services municipaux ? Presque tout. Que demande-t-il ? Participer à la vie démocratique locale, peut-être, un jour.

 

Thomas MANHES, avocat associé – Seban Armorique

 

 

[1] CE, 2-7 chr, 21 déc. 2021, élection de Villequier-Aumont : n° 445969, Lebon T.

[2] CE, 2e chs, 22 juill. 2021, élections de Saint-Chamond : n° 448491.

[3] Ou les accords-cadre.

[4] CE, 6 / 2 ss-sect. réunies, 31 juill. 1996, n° 172103.

Le titulaire d’un marché ne peut demander une indemnisation au maître de l’ouvrage du seul fait de fautes commises par d’autres intervenants

Il n’est pas rare que, dans le cadre de l’exécution d’un marché à prix global et forfaitaire, le titulaire formule une demande de rémunération supplémentaire afin de compenser des coûts supplémentaires qu’il aurait eu à supporter du fait de difficultés d’exécution.

Par sa décision de principe Société Tonin du 12 novembre 2015 (req. n° 384716), le Conseil d’Etat a précisé comment le bien fondé de telles demandes doit être apprécié : « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ».

Par son arrêt du 28 décembre 2021 (req. n° 19NC03317), la Cour administrative d’appel (CCA) de Nancy apporte un complément important à ce considérant de principe relatif à l’hypothèse spécifique dans laquelle les fautes invoquées par le titulaire ont trait à la mission d’ordonnancement, de pilotage et de la coordination du marché que la personne publique a confiée à un maître d’œuvre.

Cet arrêt a été rendu dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution du lot n°4 « charpente bois » d’un marché public de travaux de construction d’un hôpital confié par l’Etablissement public de santé Alsace Nord (ESPAN) à la Société SERTELET. A l’occasion de l’élaboration du décompte général du marché, le titulaire a réclamé l’ajout à son crédit d’une somme de 108.699 € HT au titre de « surcoûts supplémentaires », ce qu’a refusé l’ESPAN. La Société SERTELET a donc saisi le Tribunal administratif de Strasbourg du litige mais celui-ci a rejeté sa demande par jugement du 24 octobre 2019.

Saisie en appel par la Société SERTELET, la CAA de Nancy commence par écarter sa demande d’inscription à son crédit d’une quelconque somme au titre de plans d’exécution qu’elle aurait réalisés à la place du maître d’œuvre, dès lors qu’elle ne démontre pas que l’EPSAN lui en aurait fait la demande de tels travaux supplémentaires.

Puis, après avoir rappelé le considérant de principe dégagé par la décision Tonin précité, la CAA y ajoute, et c’est là le principal apport de cet arrêt, la précision suivante : « En revanche, le titulaire du marché ne peut demander une indemnisation au maître de l’ouvrage du seul fait des fautes commises par d’autres intervenants ».

Et, en l’occurrence, la CAA constate qu’aucune faute de l’EPSAN dans ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché de travaux n’est établie, dès lors qu’il ressortait des pièces produites par la requérante elle-même que ses reproches selon lesquels le maître de l’ouvrage aurait laissé le chantier subir « d’importantes dérives » à l’origine de l’allongement de la durée du chantier étaient en réalité relatifs à la mission d’ordonnancement, de pilotage et de la coordination (OPC), laquelle relevait du maître d’œuvre et non du maître d’ouvrage. Il est également relevé que la Société SERTELET ne démontre pas avoir alerté l’EPSAN des risques de retard et, par ailleurs, qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’EPSAN aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité lors de son choix du titulaire de la mission OPC.

La CAA en conclut que la Société SERTELET n’était pas fondée à demander l’inscription dans le décompte, à son crédit, d’une quelconque somme au titre des fautes qu’auraient commises le maître d’ouvrage. Elle rejette également comme infondées ses autres réclamations formulées, d’une part, contre les pénalités de retard qui lui ont été appliquées et, d’autre part, contre la retenue appliquée par l’EPSAN correspondant au coût des notes de calcul que celui-ci a effectuées à sa place.

Publication du décret relatif au service numérique d’information et de billettique multimodal

Le décret venant préciser les conditions d’application des articles L. 1115-10 et L. 1115-11 du Code des transports (créés par l’article 28 de la loi d’orientation des mobilités) portant sur la mise en place et le fonctionnement des services numériques multimodaux (SNM) proposant la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation, est paru le 9 décembre dernier au Journal Officiel après avoir été soumis pour avis à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL).

Rappelons que la mise en place par les autorités organisatrices de la mobilité de SNM est facultative (L. 1115-12 du Code des transports), de sorte que d’autres acteurs peuvent intervenir pour la fourniture de SNM, au cœur du concept de Mobility as a service.

Le décret apporte les précisions importantes suivantes :

  • Champ d’application : le décret fixe les seuils à partir desquels l’ouverture d’un service numérique de vente d’un des services de mobilité ou de stationnement visé au I de l’article L. 1115-11 du Code des transports est de droit : c’est le cas si la société gestionnaire du service de mobilité ou de transport considéré existe depuis plus de trois ans et dispose d’un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros ;
  • Garantie financière : s’il perçoit le produit des ventes des services de mobilité ou de stationnement qu’il propose, le fournisseur du SNM devra justifier d’une garantie financière de façon à garantir les gestionnaires des services contre un défaut de paiement de sa part. Le montant de cette garantie « correspond à la dette maximale due par ce fournisseur au titre de la vente des services qu’il assure ».

C’est le contrat conclu entre le fournisseur du SNM et le gestionnaire de chacun des services qui devra préciser les conditions et modalités de mise en œuvre de la garantie financière.

Par ailleurs, une exception à cette obligation de garantie est prévue si le SNM est fourni par une personne publique (dont les biens sont insaisissables) ;

  • Transmission des données nécessaires au service après-vente : le contrat conclu entre le fournisseur du SNM et le gestionnaire du service doit également prévoir les modalités selon lesquelles le premier transmet au second les données nécessaires afin d’assurer le service après-vente de produits tarifaires vendus par le fournisseur, étant précisé que « seules peuvent être collectées et transmises dans ce cadre les données utiles à la résolution des difficultés, dans l’intérêt de la protection des consommateurs », parmi lesquelles :
    • Les coordonnées du client (ses nom, prénom, et adresse de messagerie électronique ou numéro de téléphone) ;
    • Le type de titre ou de service acheté ou sa description ;
    • Le cas échéant, l’historique du traitement de chaque dossier et les suites qui y ont été données.
  • Lutte contre la fraude : Le contrat conclu entre le fournisseur du SNM et le gestionnaire du service doit comporter les dispositions nécessaires à la lutte contre la fraude. Il est prévu que les données collectées et transmises par le fournisseur du SNM au gestionnaire du service au titre de la lutte contre la fraude et le contrôle des pièces justificatives ne peuvent être conservées au-delà d’un an et que le fournisseur du SNM « […] est tenu de mettre en place, sous sa responsabilité, les solutions techniques permettant d’éviter la contrefaçon des titres qu’il émet et d’en assurer le contrôle, conformément aux recommandations relatives à la sécurité des titres reconnues par le ministre chargé des transports » ;
  • Transmission des données statistiques relatives aux déplacements des usagers : le fournisseur du SNM s’engage à transmettre aux gestionnaires des services de mobilité et de stationnement et, le cas échéant, à l’AOM compétente, les données relatives aux déplacements des usagers en vue des strictes finalités suivantes : uniquement pour « […]  fournir une connaissance statistique des trajets effectués au moyen du service numérique », dans un but d’amélioration sur un territoire donnée des offres de services de mobilité (notamment pour l’intermodalité et les correspondances) et de l’organisation des mobilités en général.

Ces données statistiques comportent les informations sur les déplacements effectués par les voyageurs utilisant le SNM classées par mode de transport, par type de services et par catégorie d’usagers. Elles peuvent même comprendre, si le fournisseur en dispose, des informations sur les modes de déplacement utilisés immédiatement avant ou après le trajet effectué au moyen du service numérique ;

  • Interopérabilité : le fournisseur du SNM peut demander au gestionnaire des services de mobilité de mettre en oeuvre une interface standardisée afin d’accéder au service numérique de vente de ce gestionnaire (dès lors qu’une telle interface a été reconnue par le ministre chargé des transports). Rappelons que les gestionnaires des services peuvent demander aux fournisseurs de SNM « […] une compensation financière, raisonnable et proportionnée, des dépenses encourues pour la fourniture de cette interface » (L. 1115-11 II 3e du Code des transports).

L’obligation vaccinale au sein des secteurs médico-social et de l’économie sociale et solidaire

 

  • Une obligation vaccinale prévue depuis la loi du 5 août 2021

Les acteurs du secteur médico-social et du secteur de l’économie sociale et solidaire sont au cœur de la lutte contre la covid-19. Eu égard aux spécificités de leur secteurs le législateur a adopté des mesures spécifiques à leur égard à l’occasion de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire[1].

Pour mémoire, cette loi prévoit, ainsi, que les personnels des établissements de soins, médico-sociaux et sociaux listés en son article 12 doivent obligatoirement être vaccinés, sauf contre-indication médicale.

Cette obligation avait fait l’objet d’aménagements transitoires et n’a pris plein effet qu’à compter du 16 octobre 2021. 

Aussi, depuis le 16 octobre 2021, les personnels concernés doivent justifier, auprès de leur employeur :

  • d’un schéma vaccinal complet ;
  • ou ne pas être soumis à l’obligation de vaccination en raison de contre-indication médicale ou d’un rétablissement après une contamination par le COVID-19.

Les professionnels qui ne réalisaient aucune activité médicale et travaillant dans les établissements de la petite enfance avaient, toutefois, après moultes discussions notamment devant le Conseil d’état[2] été exclus de ce dispositif[3].

En tout état de cause et par ailleurs, cette obligation vaccinale ne s’appliquait pas aux personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle dans les locaux, prévus à l’article 12 de la loi du 5 août précitée ou elles exerçaient ou travaillaient.

 

  • Une tentative de question prioritaire de constitutionnalité infructueuses le 15 décembre 2021

Dans le cadre d’une contestation de la loi du 5 août 2021 une « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) avait été formulé contre l’obligation vaccinale des salariés travaillant dans le secteur médico-social.

L’objectif de cette QPC était in fine qu’elle soit transmise au Conseil constitutionnel afin qu’il censure l’obligation vaccinale de ces travailleurs.

La QPC posée à la Cour de cassation aux fins de transmission au Conseil constitutionnel était la suivante :

L’article 14 II de la loi du 5 août 2021 est-il contraire au préambule de la Constitution de 1958 qui rappelle l’engagement de la France à respecter les conventions internationales, notamment celles qui interdisent à un pays signataire de priver un travailleur quel qu’il soit de sa rémunération par le recours à différents artifices, notamment une suspension arbitraire de son contrat de travail ?

La Cour de cassation a statué à l’irrecevabilité de cette QPC, en précisant :

  • d’une part, que la question ne précise pas à quels droits et libertés garantis par la Constitution la disposition législative critiquée porte atteinte ;
  • et, d’autre part, que le grief tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative avec les engagements internationaux de la France ne constitue pas un grief d’inconstitutionnalité (Cass. Soc., QPC 15-12-2021 no21-40.021 FS-B).

La décision de la Cour de cassation s’explique par le fait que le Conseil constitutionnel a seulement le pouvoir de juger la conformité des textes de loi au regard de la Constitution et non des conventions internationales.

 

  • L’intégration d’une troisième dose de rappel au 30 janvier 2022

Dans le cadre de la prolifération exponentielle du variant Omicron, la Direction Générale de la santé a publié une note en date du 10 janvier 2022 intégrant la troisième dose au schéma vaccinal complet des salariés du secteurs médico-social.

Cette note prévoit l’intégration de cette 3ème à partir du 30 janvier 2022, contre le 15 février 2022 pour la population générale[4].

« la réalisation de la dose de rappel sera intégrée dans l’obligation vaccinale applicable aux personnels travaillant dans les secteurs sanitaire et médico-social au 30 janvier 2022 date à laquelle, ils devront donc présenter un schéma vaccinal valide. 

Les règles d’application du rappel dans l’obligation vaccinale sont les mêmes que celles applicables au rappel, à savoir l’application du délai de 7 mois au 30 janvier 2022 puis de 4 mois à partir du 15 février 2022 ».

Les personnes bénéficiant d’un certificat de rétablissement peuvent déroger de manière temporaire à cette obligation, pour la durée de validité de certificat, celle-ci étant actuellement fixée à 6 mois.

Les personnes bénéficiant d’un certificat de contre-indication médicale peuvent, également, déroger de manière pérenne à cette obligation, sauf dans les cas où la contre-indication est temporaire.

 

  • Le nouveau projet de loi sur le pass vaccinal : un impact limité sur le secteur médico-social et de l’ESS

Dans ce contexte et à l’issue d’intenses débats parlementaires, un nouveau projet de loi, transformant le pass sanitaire en pass vaccinal, a été voté à l’Assemblée nationale, ce dimanche 16 janvier 2022.

Ce projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique » est actuellement soumis aux fourches caudines du Conseil constitutionnel, qui a été saisi le 17 janvier 2022 par plus de soixante députés et soixante sénateurs, en application de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution[5].

Le Conseil constitutionnel a d’ores et déjà annoncé qu’il rendra sa décision ce vendredi 21 janvier 2022.

Ainsi, sous réserve d’absence de censure, ce projet entend renforcer la lutte contre l’épidémie de Covid-19 par l’adoption de nouvelles mesures générales.

En substance, ce projet de loi impose un pass vaccinal aux salariés jusqu’alors soumis à l’obligation d’un pass sanitaire lorsqu’ils travaillaient dans des établissements recevant du public.

Il intégrera l’obligation d’une troisième dose au schéma vaccinal complet au 15 février 2022 et réduira de 7 à 4 mois la période interstitielle entre la deuxième et cette troisième dose pour bénéficier d’un schéma vaccinal complet.

Il devrait donc avoir un impact limité sur le secteur médico-social pour les professionnels déjà soumis à une obligation vaccinale.

 

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043909676

[2] CE 25 octobre 2021, référé, n°457230  Conseil d’État (conseil-etat.fr)

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044315202

[4] COVID 19 : Obligation vaccinale | Agence régionale de santé Normandie (sante.fr)

[5] Projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique (Dossier législatif en version repliée) – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

Un pôle de juges spécialisés pour les oubliés de la Justice 

Au terme du livre « Nous, avocats des oubliés », paru chez Lattès en 2020, Corinne HERRMANN et Didier SEBAN avaient formulé dix propositions tendant à améliorer le traitement des crimes non résolus ou des crimes sériels.

Trois d’entre elles ont été retenues par Monsieur le Garde des Sceaux, elles ont été adoptées par les parlementaires et figurent à l’article 8 de la Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Il s’agit tout d’abord de la création d’un pôle à compétence nationale inséré au Titre XXV BIS du Code de procédure pénale et nommé « de la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés ».  Cette disposition consacre la création d’un pôle national d’instruction dédié aux crimes non résolus et aux crimes sériels. Ainsi l’article 706-106-1 du Code de procédure pénale prévoit désormais qu’un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés, exerceront, sur le principe d’une compétence concurrente, l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1 , 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du Code pénal ainsi que les délits connexes de ces crimes, si l’une au moins des deux conditions suivantes est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité :

  • ces crimes ont été commis ou sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes ;
  • leur auteur n’a pas pu être identifié plus de dix-huit mois après leur commission.

Toutefois, il est pour l’instant question d’un seul pôle national à l’instar des pôles financier, anti-terroriste ou de la santé. Et Monsieur le Garde des Sceaux vient d’annoncer la création de ce pôle national à Nanterre, le 1er mars prochain. Il pourrait être en charge de 241 dossiers, dont 173 crimes non élucidés et 68 procédures de crimes sériels.  Cette juridiction spécialisée permettra ainsi la centralisation de ces dossiers complexes dans les mains de magistrats spécialisés dans le traitement de ces dossiers spécifiques. Il sera confié à trois magistrats de l’instruction et à un parquetier.

La création de ce pôle est une grande victoire pour les familles de victimes et les associations qui les épaulent. Elle devrait permettre l’élucidation de nombreux crimes non-élucidés.  

La seconde proposition adoptée concerne l’intégration et la conservation des empreintes génétiques des victimes au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques – FNAEG. Ces nouvelles dispositions viennent compléter l’article 706-54 du Code de procédure pénale en y ajoutant l’alinéa suivant :

«  Le fichier contient également, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, pour une durée et un régime d’effacement similaires à ceux des traces dans les dossiers criminels, les empreintes génétiques des victimes d’un crime mentionné à l’article 706-106-1 du présent code, ainsi que, lorsque l’empreinte génétique de la victime n’a pu être recueillie ou qu’il est nécessaire de confirmer son identification, les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux de ces victimes, sous réserve de leur consentement éclairé, exprès et écrit, et de leur possibilité de demander à tout moment au procureur de la République d’effacer leur empreinte du fichier ».

Ainsi, les empreintes génétiques de victimes seront-elles enfin conservées et inscrites au sein même du FNAEG. Cette nouvelle avancée permettra d’identifier les profils génétiques des victimes sur des traces demeurant inconnues.  

Enfin, l’article 706-106-4 du Code de procédure pénale permettra au Procureur de la République d’ordonner une enquête ou de saisir un Juge d’Instruction d’une information ayant pour objet de retracer l’éventuel parcours criminel d’une personne condamnée pour des faits relevant de l’article 706-106-1 ou pour laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre de tels fait.

Le Juge d’Instruction étant jusqu’à lors saisi in rem, il ne pouvait investiguer sur le parcours d’un criminel en série. La loi pour la confiance en l’institution judiciaire est venue pallier cette difficulté en permettant aux magistrats de se saisir du parcours de tels criminels. Il s’agit là encore d’une avancée majeure pour la résolution des crimes sériels.

Et pour notre part, nous continuerons de nous mobiliser aux cotés des familles de victimes pour leur permettre de saisir ce pôle, en espérant l’élucidation des leurs dossiers et pour former de nouvelles propositions au bénéfice de leurs affaires.

Les lois en faveur de l’engagement associatif et visant à améliorer la trésorerie des associations

Loi n° 2021-875 du 1er juillet 2021 visant à améliorer la trésorerie des associations

 

Le 1er juillet 2021, ce sont deux lois qui ont été promulguées afin d’améliorer la trésorerie des associations et de renforcer les sources de financement mais aussi de faciliter la vie des associations sur le terrain de la responsabilité juridique des dirigeants bénévoles.

La loi en faveur de l’engagement associatif[1] étend la procédure prévue par le Code de commerce[2] tendant à engager la responsabilité des dirigeants de personnes morales en cas d’insuffisance d’actifs aux dirigeants d’associations. Toutefois, elle étend aussi l’exception de négligence prévue par le législateur au profit des dirigeants de société. Cela signifie que, en cas de simple négligence, la responsabilité des dirigeants d’associations ne pourra plus être recherchée sur ses fonds propres.

La loi visant à améliorer la trésorerie des associations[3] modifie la loi dite DCRA[4], qui prévoit notamment les modalités de versement des subventions publiques aux associations, en indiquant que les conventions de subventionnement conclues de manière obligatoire lorsque la subvention dépasse 23.000 euros[5] comprennent des stipulations exposant les modalités selon lesquelles toute ou partie de la subvention non intégralement consommée peut être conservée.

De plus l’article 4 de cette loi prévoit qu’une partie des sommes issues des comptes inactifs et recueillies par l’État soit reversée « au bénéfice du développement de la vie associative », selon un montant précisé dans le rapport annuel de la Caisse des Dépôts de suivi de ces fonds.

Ces deux lois offrent donc de nouvelles perspectives aux associations et protègent davantage leurs dirigeants et leurs ressources.

 

 

[1] Loi n° 2021-874 du 1er juillet 2021 en faveur de l’engagement associatif

[2] Article L. 651-2 du Code de commerce

[3] Loi n° 2021-875 du 1er juillet 2021 visant à améliorer la trésorerie des associations

[4] Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations

[5] Décret n°2001-495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques

Les fondations territoriales et les fondations opératrices et gestionnaires sont-elles une nouvelle forme juridique de fondation ?

Les fonds de dotation et fondations constituent un véhicule juridique de plus en plus apprécié par les acteurs de l’ESS pour la mise en œuvre de leurs œuvres d’intérêt général.

Juridiquement, il existe plusieurs catégories de fonds et fondations, dont chacune répond à des conditions et objectifs distincts :

  • D’une part, les fondations généralistes (régies par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat) :
    • La fondation reconnue d’utilité publique (FRUP), créée par une ou plusieurs personnes de droit privé ou de droit public (sous conditions),
    • La fondation sous égide (ou fondation abritée), créée par une ou plusieurs personnes de droit privé ou public et est adossée à une FRUP. La fondation abritée n’a pas la personnalité morale,
    • La fondation d’entreprise (FE), créée par une ou plusieurs sociétés civiles ou commerciales, établissements publics à caractère industriel et commercial, coopératives, institutions de prévoyance ou mutuelles,
    • Le fonds de dotation, créé par une ou plusieurs personnes de droit privé ou public (sous conditions) ;
  • D’autre part, les fondations spécialisées (chacune régies par des dispositions propres) :
    • La fondation de coopération scientifique, créée par au moins un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur seul ou avec des partenaires (articles L. 344-11 et suivants du Code de la recherche),
    • La fondation partenariale, créée par au moins un établissement public à caractère scientifique et technologique ou de coopération scientifique seul ou avec des partenaires (article L. 719-13 du Code de l’éducation),
    • La fondation universitaire, créée par au moins un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (articles 719-12 et R. 719-194 et suivants du Code de l’éducation),
    • La fondation hospitalière, créée par un ou plusieurs établissements publics de santé, seul(s) ou avec d’autres personnes de droit public ou privé (articles 6141-7-3 et R. 6141-53 et suivants du Code la santé publique).

Le paysage des fonds et fondations est donc relativement complet. Cependant, la période récente a vu émerger de nouvelles catégories de fondations, notamment par l’action du Centre français des fonds et fondations : les fondations territoriales et les fondations opératrices et gestionnaires.

En réalité, ces fondations ne constituent pas stricto sensu des nouvelles catégories juridiques. Elles empruntent les véhicules juridiques connues (et susvisés), parmi les fondations généralistes.

Ainsi, les fondations territoriales sont des fondations à caractère territorial, parfois à l’initiative d’une collectivité locale, et dont l’activité et les liens sont tournés vers un territoire plus que vers une cause particulière. Elle intervient sur tous les champs de l’intérêt général au sein de ce territoire et a vocation à rassembler les différents acteurs de celui-ci autour de la philanthropie locale.

C’est par exemple le cas de la Fondation Passions Alsace, fondation abritée de la Fondation de France, ou encore de la Fondation de Lille, fondation reconnue d’utilité publique (« FRUP »).

Les fondations opératrices et gestionnaires correspondent à des fondations qui opèrent directement des programmes qui leur sont propres. Elles ont souvent une qualité d’employeur importante en volume et agissent souvent dans le secteur sanitaire, médico-social, social et éducatif. Ces fondations adoptent principalement la forme FRUP.

Cette présence croissante des fondations dans le paysage de l’ESS confirme le constat selon lequel le secteur de l’ESS fait preuve d’une stabilité remarquable face à la crise.

Le mécénat de compétence a le vent en poupe

Le secrétariat chargé de l’économie, sociale solidaire et responsable a publié, en novembre 2021, un Guide pratique du mécénat de compétences.

Les autorités publiques encouragent de plus en plus le mécénat de compétences, comme en atteste la publication de ce guide dédié, rédigé à l’initiative de Madame Olivia Grégoire, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable.

Le mécénat de compétence consiste, pour une entreprise, à mettre ses collaborateurs à la disposition d’un organisme d’intérêt général (association, fonds de dotation, fondation reconnue d’utilité publique, fondations d’entreprises, etc…) pendant une période limitée, afin que ceux-ci mobilisent leur force de travail au profit de l’organisme d’intérêt général.

En contrepartie de cette mise à disposition, qui se fait sur le temps de travail des collaborateurs, l’entreprise employeur bénéficie de certains avantages fiscaux (réduction d’impôts de 60 %).

Cette forme récente de mécénat permet ainsi à une entreprise de participer à une œuvre d’intérêt général autrement que par le versement d’une somme d’argent, en fournissant directement une prestation de service ou de la main d’œuvre.

Le guide, publié en novembre 2021, rappelle opportunément l’ensemble des conditions et précautions sur lesquelles veiller préalablement à la mise en place d’une telle pratique.

 

Mécénat et loi de finances n°2021-1900 du 30 décembre 2021 pour 2022

  • L’exonération des droits de mutations à titre gratuit (DMTG) sans limitation dans le temps :

Les régions, les départements, les communes, leurs établissements publics et les établissements publics hospitaliers sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit sur les biens affectés à des activités non lucratives qui leur adviennent par donation ou succession même après le 31 décembre 2023.

Avant cette loi de finances, cette exonération visée à l’article 794 du CGI ne s’appliquait que pour les legs faits avant le 1er janvier 2024.

  • Le plafond des dons « Coluche » est maintenu en 2022 et 2023 :

Tous dons faits par des particuliers aux organismes à but non lucratif qui fournissent des repas gratuits, des soins ou favorisent le logement des personnes en difficulté donnent droit à une réduction d’impôt de 75 % de leurs montants dans la limite de 1.000 € et ce, jusqu’au 31 décembre 2023.

Au-delà de 1.000 € le taux de réduction d’impôt est de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable.

ESS et données personnelles : la CNIL publie un guide de sensibilisation au RGPD à destination des associations

La CNIL a publié en novembre 2021 un guide de sensibilisation au RGPD à destination des associations.

Ce guide, dont la CNIL précise qu’il s’adresse aux non-juristes, constitue un appui utile à toute association pour la mise en œuvre de la protection des données personnelles en application notamment du RGPD.

En effet, il y est rappelé les définitions des principales notions (données personnelles, traitement, finalité, donnée sensible, etc.) et grands principes de la protection des données personnelles (posés à l’article 5 du RGPD : licéité, finalité déterminée et légitime, pertinence et minimisation, transparence et respect des droits des personnes, confidentialité et sécurité).

Ce document est donc principalement destiné aux associations qui traitent des données personnelles usuelles dans le cadre de leurs activités (par exemple, les noms et adresses de leurs membres). Il ne semble en revanche pas suffisant pour les traitements de données sensibles, et notamment pour les traitements opérés par les associations de patients, les associations cultuelles ou encore les associations gestionnaires d’établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Etant précisé que pour ces derniers, la CNIL a d’ores et déjà publié, en mars 2021, un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement social et médico-social des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de celles en difficultés (adopté par la Délibération CNIL n° 2021-028 du 11 mars 2021).

 

La commande publique, le bras armé du développement de l’ESS ?

La commande publique doit être amenée à constituer l’un des bras armés de l’économie sociale et solidaire. Le Code de la commande publique comporte déjà de nombreux outils permettant la rencontre entre les acheteurs publics et le monde de l’économie sociale et solidaire.

Et ces derniers mois en ont apporté de nouveaux exemples.

Ainsi, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et résilience ») en est l’illustration la plus probante a introduit un nouveau principe. L’article L 3-1 du Code de la commande publique dispose désormais que « la commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent Code ». Bien entendu, la valeur prescriptive de cette disposition est limitée mais son insertion a une valeur symbolique forte : la commande publique a vocation à constituer un outil de progression sociale.

Et la loi Résilience et Climat vient renforcer les outils que les acheteurs publics ont à leur disposition à ce titre. Ainsi, aux termes de l’article L 2112-2-1 du Code de la commande publique, et à compter de l’entrée en vigueur de cette disposition, l’acheteur aura l’obligation, sauf exception, prendre en compte les considérations sociales pour déterminer les conditions d’exécution des marchés publics. Un autre outil non négligeable doit être souligné : le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER). Si ces schémas existent depuis 2018, ils devront désormais être publiés et comporter des indicateurs précis.

On peut également noter que les Cahiers des Clauses Administratives Générales, documents qui comprennent des clauses types applicables aux marchés publics et dont la dernière version a été adoptée par arrêtée en 2021, comprennent des clauses d’insertion sociale précises et structurées.

Citons enfin la création du service « https://lemarche.inclusion.beta.gouv.fr » qui permet aux acheteurs tout à la fois de connaitre les structures de l’insertion qui pourraient répondre à ses besoins mais également d’être acteurs dans l’inclusion par l’emploi.

Mais bien entendu, il reste à tous les acteurs de ces filières de s’emparer de ces outils et que la commande publique rencontre l’économie sociale et solidaire.

Associations gestionnaires d’ESSMS :  nouvelles précisions jurisprudentielles sur le droit disciplinaire au sein des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées

Dans une décision importante de la Cour de cassation rendue le 22 septembre 2021 [1] complétée par un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles ce 9 décembre 2021, les Magistrats ont précisé l’articulation entre le Code du travail et les dispositions de la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (IDCC 413) en matière disciplinaire avec l’épineux sujet de qualification et de l’échelle des sanctions.

Une décision avait déjà été rendue concernant une garantie similaire prévue par un règlement intérieur[2].

La Cour de cassation considère que s’il résulte de l’article L. 1332-2 du Code du travail que l’employeur n’est en principe pas tenu de convoquer un salarié à un entretien avant de lui notifier un avertissement ou une sanction de même nature, il en va autrement lorsque des dispositions d’une convention collective, instituant une garantie de fond, subordonnent le licenciement d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures.

Précisément, l’article 33 de la convention collective précitée et applicable au litige prévoit que :

  • les mesures disciplinaires applicables aux personnels de ces établissements ou services sont : 1°) l’observation ; 2°) l’avertissement ; 3°) la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours ; 4°) le licenciement ;
  • sauf en cas de faute grave, un salarié ne peut pas être licencié s’il n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins 2 des sanctions précitées.

Pour débouter le salarié de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt de la Cour d’appel a retenu que l’intéressé a fait l’objet de deux observations constitutives de sanctions disciplinaires qui, en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, ne nécessitaient pas d’entretien préalable et que ces deux sanctions disciplinaires régulières pouvaient ouvrir la voie à l’engagement d’une procédure de licenciement.

La Cour de cassation considère que c’est à tort que la Cour d’appel a statué ainsi, alors que la convention collective nationale de 1966 subordonnait le licenciement à l’existence de deux sanctions antérieures pouvant être notamment une observation, en sorte que l’employeur était tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de lui notifier les deux sanctions qui étaient de nature à avoir une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise du salarié au sens de l’article L. 1332-2 du Code du travail.

La Cour de cassation considère néanmoins que s’il appartenait à la juridiction prud’homale d’apprécier si ces sanctions irrégulières en la forme devaient être annulées, la Cour d’appel n’encourt pas toutefois le grief du moyen dès lors qu’il résulte du dispositif des conclusions du salarié que celui-ci ne demandait pas l’annulation des sanctions disciplinaires.

En résumé, le salarié qui a fait l’objet de deux sanctions sans entretien préalable et qui se voit notifier un licenciement pour faute sera tenté de demander l’annulation des sanctions prononcées en l’absence d’entretien préalable pour voir remettre en cause son licenciement.

L’employeur qui use de son pouvoir disciplinaire doit donc anticiper un éventuel licenciement pour faute. Il est donc conseillé à l’employeur d’organiser un entretien préalable avant toute mesure disciplinaire même si elle se limite à un simple avertissement voire « observation » pour que ce dernier soit valablement pris en compte ultérieurement dans l’appréciation de la garantie de fond conventionnelle qui consiste à subordonner le licenciement pour faute simple d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures.

Cette décision importante est à mettre en perspective avec une intéressante et récente décision rendue par Cour d’appel de Versailles[3].

La Cour d’appel indique classiquement qu’en application de l’article L. 1333-2 du Code du travail, il appartient à la juridiction prud’homale d’apprécier si la sanction, irrégulière en la forme, doit être annulée.

Elle note qu’il est constant qu’en l’espèce, une observation formulée par un courrier n’avait pas été précédée d’un entretien préalable. Pour autant, si cette sanction est donc irrégulière en la forme, il n’y a pas eu lieu à annulation, d’ailleurs non demandée, dès lors que les faits sont reconnus et qu’il est établi que la salariée a bien reçu la lettre litigieuse, laquelle lui a été remise en main propre ainsi qu’il résulte de la mention apposée, et qu’elle attirait son attention sur les éventuelles conséquences de cette sanction.

Pour la Cour d’appel, l’absence d’entretien préalable pour une telle sanction disciplinaire n’est qu’une irrégularité de forme qui n’est pas de nature dans cette affaire à entraîner son annulation car les faits sont reconnus (en l’espèce il s’agissait d’une absence injustifiée d’une journée).

Doit-on conclure que si les faits à l’appui de l’avertissement sont non contestés, le salarié ne pourra pas demander l’annulation de sa sanction disciplinaire pour défaut d’entretien préalable ?

Il n’est pas certain que la Cour de cassation soit du même avis et il conviendra d’être attentif à un éventuel pourvoi pour déterminer si l’absence d’un entretien préalable à une sanction non contestée et reconnue par le salarié permet à l’employeur de s’en prévaloir au titre des deux sanctions préalables à un licenciement pour faute simple.

 

 

[1] Cass. soc., 22 sept. 2021, n° 18-22.204

[2] Cass. soc. 3 mai 2011 n° 10-14.104

[3] Cour d’appel, Versailles, 6e chambre, 9 décembre 2021, n° 19/01694

ESS et habitat inclusif : la nouvelle convention type à l’APL applicable aux logements-foyers accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées permet désormais l’habitat inclusif

Le Décret n° 202q1-1862 du 27 décembre 2021 modifie et adapte la convention type à l’APL applicable aux logements-foyers accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées pour permettre aux propriétaires, gestionnaires et résidents des logements-foyers conventionnés à l’aide personnalisée au logement d’y prévoir de l’habitat inclusif.

Pour mémoire, « l’habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes », le cas échéant dans le respect des conditions d’attribution des logements locatifs sociaux prévues au chapitre Ier du titre IV du livre IV du Code de la construction et de l’habitation et des conditions d’orientation vers les logements-foyers prévues à l’article L. 345-2-8 du Code de l’action sociale et des familles, et assorti d’un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du logement (art. L. 281-1 du Code de l’action sociale et des familles).

Depuis le 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur du Décret, les conventions APL applicables aux logements-foyers accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées doivent être conformes à cette nouvelle convention.

Enfin, le Décret modifie des dispositions réglementaires du Code de la construction et de l’habitation (art. R. 353-154 et suivants du CCH) qui concernent les logements-foyers conventionnés à l’APL, qu’il s’agisse des logements-foyers accueillant des personnes âgées ou handicapées ou des résidences sociales. Ces modifications concernent les modalités de révision de la redevance mensuelle due par le résident (art. R. 353-157 du CCH) et l’abrogation de la disposition réglementaire qui permettait au préfet de prononcer des « pénalités » (art. R. 353-165 du CCH).