Environnement, eau et déchet
le 10/03/2022
Cécile JAUNEAUCécile JAUNEAU

Le Conseil d’Etat refuse de suspendre l’autorisation provisoire d’utilisation des semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes

CE, 25 février 2022, Association Agir pour l’environnement et autres, n° 461238

Saisi par quatre associations et fédérations de défense de l’environnement, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’autorisation provisoire, accordée par arrêté des Ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture et de l’alimentation, permettant l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes jusqu’en 2025, par dérogation à l’interdiction d’utilisation de ces produits. Cette dérogation a été adoptée au regard du danger représenté par le puceron pour les cultures de betteraves sucrières.

En effet, par un arrêt du 17 mai 2018 (T. 429/13 et T. 451/13), le Tribunal de l’Union européenne a jugé que les Etats membres peuvent autoriser, « pour une période n’excédant pas 120 jours, des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives, y compris pour des utilisations qui ne sont pas approuvées au niveau de l’Union, lorsqu’il n’existe pas de solution de remplacement. […] cette disposition permet aux États membres d’éviter de graves conséquences pour l’agriculture et vise des situations où il n’existe pas d’autre solution pour lutter contre un ravageur déterminé ».

Les requérantes soutenaient notamment que l’arrêté contesté ne respectait pas les conditions posées par le droit de l’Union européenne en ne faisant état d’aucune « circonstances particulières » justifiant la dérogation contestée, les risques de maladies de la betterave imputables aux pucerons n’étant ni nouveaux ni particulièrement forts en 2022. L’arrêté ne met pas non plus, selon elles, en place un « usage limité et contrôlé », puisqu’il ne fixe aucune limite spatiale et que les substances toxiques en cause continueront à être présentes dans les sols bien au-delà de la durée de 120 jours. Il ne serait en outre pas démontré que la dérogation s’imposait « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables », dans la mesure où l’étude de l’Anses sur les alternatives à l’autorisation de l’utilisation de produits contenant des néonicotinoïdes souligne au contraire l’existence de plusieurs solutions alternatives possibles, dont quatre au moins sont disponibles à court terme.

Le Conseil d’Etat écarte toutefois ces moyens en retenant que le risque d’une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2022 devait être regardé comme sérieux et qu’il n’existe pas encore, à ce stade, malgré les recherches en cours, de solutions alternatives suffisamment efficaces pour éviter les dommages graves subis en 2020 par ces cultures. La Haute juridiction rejette ainsi la requête et refuse de suspendre l’autorisation provisoire contestée.