Energie
le 10/03/2022

Compteurs Linky : le juge des référés refuse de prononcer des mesures conservatoires sans preuve de l’aggravation automatique de l’électrosensibilité par la pose du compteur

CA Caen, 1 février 2022, n° 19/03072

Par une décision rendue par le juge des référés, la Cour d’appel de Caen vient contribuer au contentieux abondant en matière d’acceptabilité des compteurs communicants d’électricité, dits compteurs « Linky ».

Dans cette instance, plusieurs particuliers avaient demandé au juge des référés du Tribunal de grande instance de Caen de prononcer des mesures conservatoires à l’égard de la société Enedis.

Déboutés de leurs demandes, les requérants ont alors saisi le juge des référés de la Cour d’appel de Caen afin d’obtenir la réformation de l’ordonnance de première instance.

Ils ont alors demandé à la Cour d’enjoindre à la société Enedis de leur délivrer une électricité exempte de tout courant porteur en ligne de type Linky par la pose d’un filtre et notamment dans les fréquences comprises entre 35.000 Hertz et 95.000 Hertz, et à remettre en état les points de livraison concernés sans aucun appareil Linky ou assimilé.

Pour rappel, aux termes de l’alinéa 1er de l’article 835 du Code de procédure civile, des mesures conservatoires peuvent être prescrites par le juge des référés, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite dont la preuve est à rapporter par celui qui l’invoque.

A ce titre, le juge des référés de la Cour d’appel de Caen rappelle que « le dommage imminent est celui qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement. Il doit donc s’agir d’un dommage certain et non d’un dommage potentiel » alors que le trouble manifestement illicite « doit résulter d’une situation apparente qu’il peut constater sans avoir à appréhender le fond du litige », car, tel qu’il le rappelle, le juge des référés est le juge de l’évidence.

Dans cette affaire, les requérants ont invoqué de nombreux moyens au soutien de leurs prétentions :

  • Au titre du dommage imminent : l’hypersensibilité aux champs électromagnétiques et l’existence d’un dommage psychologique ;
  • Au titre du trouble manifestement illicite : l’existence d’un conflit d’intérêt dans la procédure d’évaluation économique du compteur Linky ; la violation du droit de la consommation ; l’ajout par la société Enedis d’une fonction intrusive de détection des appareils électriques sans en informer les utilisateurs ; l’existence de pratiques commerciales trompeuses de la part d’Enedis ; la violation du RGPD ; la violation du principe de précaution ; et enfin, la violation de la réglementation anti-incendie.

Confirmant l’ordonnance du juge des référés, la Cour d’appel de Caen a écarté les différents moyens présentés par les requérants.

Plus précisément sur le moyen tiré de l’hypersensibilité aux champs électromagnétiques, à propos duquel plusieurs jurisprudences présentées dans une de nos précédentes LAJEE ont été rendues[1], le juge des référés constate que le certificat médical versé au débat par la requérante et présentant un syndrome d’hypersensibilité aux champs électromagnétiques n’est étayé d’aucun élément extérieur et, de ce fait, ne prouve pas que ce syndrome « sera automatiquement aggravé ou amplifié par l’installation d’un compteur Linky ».

Autrement dit, la requérante ne prouve pas l’existence d’une causalité entre la présence du compteur Linky et l’aggravation de son électrosensibilité. Le dommage n’étant pas certain, il n’apparait pas imminent.

Dans ces conditions, le juge des référés ne prononce pas de mesures conservatoires à l’égard de la société Enedis qui aurait notamment pu résider en la pose de dispositifs filtrant pour protéger la requérante des champs électro-magnétiques générés par le compteur Linky.

On notera que dans le cadre d’une instance différente, commentée dans une précédente LAJEE[2], la Cour d’appel de Bordeaux avait fait droit à une demande similaire constatant que le caractère précis et détaillé des certificats médicaux présentés ne faisait pas de doute sur la nature imminente du dommage.

En outre, sur le moyen tiré de la violation de la réglementation anti-incendie, la requérante argue notamment que la pose des compteurs Linky ne respecterait pas la norme NF C14-100 imposée par les règlements sanitaires départementaux pour éviter que les départs de feu se transforment en incendies.

Le juge des référés de la Cour d’appel de Caen écarte ce moyen en considérant que la question de la norme applicable n’entre pas dans sa compétence et refuse donc de la trancher.

Il conviendra alors de rester attentifs sur les suites qui pourraient être données par le juge du fond saisi d’une telle question.

En définitive, le juge des référés de la Cour d’appel de Caen ne reconnait pas l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite et ne prononce pas de mesures conservatoires à l’adresse de la société Enedis.

 

[1] https://www.seban-associes.avocat.fr/nouveau-point-detape-sur-lopposition-au-deploiement-des-compteurs-linky/

[2] https://www.seban-associes.avocat.fr/compteurs-linky-pas-dobligation-legale-pour-le-consommateur-daccepter-la-pose/