Energie
le 10/03/2022
Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE
Marianne HAUTON

Les apports de la loi 3 DS en matière énergétique

Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3 DS, a été publiée le 22 février 2022.

Cette loi comporte nombre d’apports, sur lesquels nous aurons l’occasion de nous pencher dans une prochaine Lettre d’actualité juridique spéciale loi 3 DS. D’ores et déjà, en voici un aperçu s’agissant de ses dispositions en matière énergétique.

Celles-ci ont d’abord pour objet de compléter l’encadrement du développement des énergies renouvelables que sont l’électricité à partir d’éoliennes et le biogaz. Elles visent ensuite à préciser le statut des canalisations et conduites de gaz à l’intérieur des immeubles et les responsabilités afférentes en matière d’entretien et de renouvellement, dans la continuité de ce qui a été déjà prévu pour les colonnes montantes électriques aux termes de la loi ELAN[1]. Enfin, et parce que les installations de gaz sont éminemment à risque ainsi que des évènements encore récents ont pu le montrer, la loi 3 DS ajoute de nouvelles dispositions pour renforcer la sécurité des réseaux de gaz.

1. Encadrer le développement de certaines énergies renouvelables

L’implantation d’éoliennes susceptible d’être réglementée dans le PLU ou le PLUI

La loi 3 DS consacre la possibilité pour le règlement du PLU ou du PLUI de délimiter des secteurs dans lesquels l’implantation d’éoliennes est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant (nouvel art. L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme).

Les communes ou EPCI ont la possibilité de recourir à la procédure de modification simplifiée du PLU (ou PLUI) pour intégrer ce conditionnement de l’implantation des éoliennes.

Ces modifications des PLU et PLUI destinées à encadrer l’implantation des éoliennes sont en revanche limitées dans le temps puisqu’elles doivent (le cas échéant) entrer en vigueur avant le 24 août 2027.

En définitive, en donnant un pouvoir à la commune ou à l’intercommunalité en matière d’implantation de ces installations parfois décriées, ces dispositions seront l’occasion de clarifier les attentes locales et de donner une visibilité aux exploitants de ces installations.

De nouvelles mesures pour le développement du biogaz

De nouvelles dispositions sont intégrées au sein du Code de l’énergie afin d’intégrer, parmi les missions des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, l’ensemble des activités liées au comptage de la production de biogaz incluant notamment la fourniture, la pose, l’entretien et le renouvellement des dispositifs de comptage ainsi que la gestion de l’ensemble des données afférentes.

Par ailleurs, les fournisseurs de gaz naturel soumis à l‘obligation de conclusion d’un contrat d’obligation d’achat de biogaz avec tout producteur de biogaz qui en fait la demande, et qui ne respectent pas cette obligation, sont désormais passibles de sanctions (pécuniaire ou retrait d’autorisation).

La loi 3 DS complète en outre le Code de l’énergie s’agissant des contrôles réalisés sur les installations de production de biogaz bénéficiant de dispositifs de soutien (complément de rémunération ou obligation d’achat). Ces contrôles seront effectués aux frais du producteur par des organismes agréés, selon des modalités qui seront précisées par décret.

Au total, ce sont là des dispositions de nature à compléter le cadre juridique de l’injection de biogaz dans les réseaux de transport et de distribution de gaz afin d’en favoriser le développement, en anticipation, à la date d’adoption de cette loi, des alternatives qui doivent être trouvées, aux plans stratégique comme économique, au gaz naturel, gaz d’origine fossile.

2. Une clarification bienvenue du statut des canalisations et conduites de gaz situées dans les immeubles

La clarification de la propriété des canalisations et conduites de gaz situées dans les immeubles

Il est désormais clarifié que les canalisations mises en service à compter de la promulgation de la loi 3DS font partie du réseau public de distribution de gaz appartenant aux autorités concédantes de la distribution de gaz.

Et, concernant les canalisations existantes, sauf opposition des propriétaires d’immeubles destinée à en revendiquer la propriété, les canalisations de gaz situées en amont du compteur entreront toutes dans le réseau public selon le calendrier suivant :

  • pour les canalisations situées dans les parties communes à compter du 1er août 2023, sauf si les propriétaires procèdent à un transfert anticipé avant cette date auquel cas le transfert intervient à ladite date ;
  • pour les canalisations situées à l’intérieur des parties privatives :
    • le 1er août 2023, si le contrat de concession de distribution de gaz localement applicable prévoit déjà que le gestionnaire est chargé d’assurer leur maintenance et leur renouvellement ;
    • dans le cas contraire : à compter du 1er août 2026, ou à une date antérieure sous réserve de la réalisation d’une visite de contrôle par le gestionnaire du réseau.

Les obligations qui pèsent en conséquence sur les propriétaires et les gestionnaires des réseaux de distribution de gaz

Dès lors que les canalisations situées en amont des compteurs auront été transférées dans le réseau public, les propriétaires ne demeureront responsables que des seules installations intérieures situées en aval des compteurs.

Les canalisations situées en amont des compteurs seront en revanche placées sous la responsabilité des gestionnaires des réseaux de distribution de gaz à qui il reviendra de les entretenir et de les renouveler, dans les conditions prévues par les contrats de concession conclus avec les autorités concédantes (communes ou syndicats d’énergie pour l’essentiel).

Les transferts s’effectuent à titre gratuit et les gestionnaires de réseaux ne peuvent, ni s’opposer au transfert automatique, ni réclamer de contrepartie, en particulier financière, aux propriétaires.

Le tarif supporté par les usagers à travers leurs factures de gaz (ce tarif étant dénommé « ATRD ») et fixé au niveau national intégrera les coûts générés par ces transferts.

3. De nouvelles mesures pour renforcer la sécurité des réseaux de gaz

Les nombreux incidents dernièrement survenus sur le réseau de gaz incitent à la prévention.

La 3 DS élargit ainsi la faculté pour un gestionnaire de distribution de gaz de couper l’accès au gaz d’un consommateur à de nouvelles hypothèses, et notamment à celle d’un refus opposé à deux reprises à des demandes de visites des canalisations situées en amont du compteur à l’intérieur des parties privatives, préalablement à leur intégration dans le réseau public.

La faculté de couper l’accès est en outre étendue au cas dans lequel le danger grave et immédiat pour la sécurité provient, non pas de ses appareils et équipements, mais d’une canalisation utilisée pour l’alimenter.

Il est par ailleurs explicitement prévu que le fait de porter atteinte volontairement au bon fonctionnement des ouvrages et installations de distribution ou de transport de gaz naturel, aux installations de production de biogaz, aux installations de stockage souterrain de gaz, aux installations de gaz naturel liquéfié ou aux ouvrages et installations de distribution ou de transport d’hydrocarbures, constitue une infraction pénale.

En conclusion et plus largement, dans ce domaine de la distribution publique de gaz naturel, l’attention sera utilement portée par les autorités organisatrices de la distribution publique de gaz, qui vont prochainement renouveler leurs contrats de concession, sur l’inventaire de leur réseau, en ce compris les canalisations et conduites de gaz situées dans les immeubles, sur son état d’entretien et sur l’élaboration d’un schéma directeur des investissements à la hauteur des enjeux de leur territoire et de l’état de leur réseau.

 

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE et Marianne HAUTON

 

[1] LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique