La dénomination sociale d’un candidat pouvant créer un risque de confusion avec un autre candidat n’est pas un motif d’exclusion de la passation d’une concession

Par un récent arrêt, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence sur les motifs pouvant donner lieu à l’exclusion d’un candidat à l’attribution d’un contrat de la commande publique.

Dans cette instance, la commune de Ramatuelle avait lancé une consultation afin d’attribuer une sous-concession de travaux et services public balnéaire pour l’exploitation du lot n°23 « Etablissement de plage » de cette plage entre 2022 et 2030.

La société EPI plage de Pampelonne, candidate évincée arrivée en deuxième position, a alors formé un référé précontractuel auprès du Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon afin d’obtenir l’annulation de la procédure de passation de la sous-concession.

Faisant droit à cette demande, le Juge des référés a considéré que la dénomination sociale de la société EPI, attributaire de la sous-concession, avait créé un « grave risque de confusion » avec la dénomination d’une société détenant un hôtel du même nom et actionnaire unique de la demanderesse évincée, la société EPI plage de Pampelonne. Le Tribunal en a déduit que l’autorité concédante aurait dû exclure la société EPI de la procédure de passation au motif que la société EPI devait être regardée comme ayant « entrepris d’influer indûment le processus décisionnel de l’autorité concédante ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou [de fournir] des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution » au sens de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique ou, à tout le moins, solliciter ses observations sur le fondement de l’article L. 3123-11 du code de la commande publique.

Cependant, saisi par la société EPI, le Conseil d’Etat a censuré cette décision de première instance.

Il a d’abord rappelé qu’aux termes de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique peuvent effectivement être exclus de la procédure de passation d’un contrat de concession certains candidats lorsque des éléments précis et circonstanciés permettent d’attester qu’ils ont tenté d’influer sur le processus décisionnel de l’autorité concédante et lorsque ces candidats n’ont pas établi, après demande de l’acheteur, que leur participation n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

Or, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’espèce la candidature de la société attributaire n’aurait pu faire l’objet d’une telle exclusion car le choix par un opérateur économique d’une dénomination sociale ne peut justifier son exclusion de la procédure de passation sur le fondement de l’article L. 3123-8 du Code de la commande publique au seul motif que cette dénomination peut induire un risque de confusion avec une autre société également candidate. Le Conseil d’Etat a alors estimé que le Juge des référés du Tribunal administratif de Toulon avait, dans son appréciation, commis une erreur de droit.

Toutefois, le Conseil d’Etat choisissant de régler l’affaire au fond a annulé la procédure de passation de la sous-concession considérant que l’offre de la société attributaire aurait dû être écartée par l’autorité concédante comme étant irrégulière, faute de respecter les stipulations du cahier des charges techniques imposant d’allouer à la location de bains de soleil une surface minimum de 60 % de l’établissement de plage.

Possibilité pour le maître d’ouvrage de déduire d’office, dans le DGD, le montant de travaux correspondant à des réserves non levées du solde du marché dû au titulaire

Dans cette affaire, une commune (Sainte-Flaive-des-Loups), a prononcé la réception de l’ouvrage réalisé par son titulaire dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur le réaménagement d’une grange en bibliothèque, sous réserve de l’achèvement de certaines prestations.

Puis, considérant que la prestation n’était toujours pas conforme au marché malgré l’intervention de son titulaire, la commune a refusé la levée de certaines des réserves et a déduit du décompte général qu’elle lui a transmis les sommes correspondantes aux travaux nécessaires.

Saisi d’un recours en ce sens de la société titulaire, le Tribunal administratif de Nantes avait condamné la commune à lui verser le solde de ce décompte assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation par un jugement du 19 juin 2019[1], confirmé ensuite par la Cour administrative de Nantes[2].

En effet, la Cour avait alors considéré, après avoir relevé que la commune n’avait « ni passé de marché de substitution ni obtenu un accord de la société MC Bat sur une réduction du montant de son marché »,jugé que « le refus de la commune de lever une partie des réserves ne l’autorisait pas à opérer d’office, dans le décompte général, une réfaction sur le montant total du marché à hauteur du prix des travaux qu’elle estimait nécessaires pour réparer les malfaçons continuant, selon elle, d’affecter l’enduit extérieur ».

Dans sa décision du 28 mars 2022, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement.

Le Conseil d’Etat rappelle, en s’appuyant sur les articles 41.6 et 41.7 du CCAG travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 relatifs à la possibilité pour le maître d’ouvrage d’assortir la réception de l’ouvrage de réserves et de lui proposer une réfaction du prix en lieu et place de la réparation des malfaçons constatées (lesquels sont similaires aux articles 41.6 et 41.7 correspondants du CCAG travaux actuellement en vigueur[3]) que :

  • D’une part, le maître d’ouvrage n’a pas l’obligation, lorsqu’il fait usage de la possibilité de faire exécuter aux frais et risques de son titulaire les travaux faisant l’objet de réserves non levées dans le délai imparti, de le faire avant l’établissement du décompte général. Le Conseil d’Etat censure donc le raisonnement tenu par la Cour administrative d’appel de Nantes au terme duquel la Cour exigeait que le maître d’ouvrage ait déjà passé le marché de substitution pour pouvoir en imputer le coût à l’entrepreneur ;
  • D’autre part, le Conseil d’Etat rappelle que les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non. En l’absence de chiffrage, le décompte ne devient définitif que sur les éléments n’ayant pas fait l’objet de réserves. Dans le cas où les réserves sont chiffrées, sans que leur montant ne fasse l’objet d’une réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité et les sommes correspondant à ces réserves peuvent ainsi être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire si celui-ci n’a pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.

Ainsi, l’inscription dans le décompte général d’une somme correspondant au chiffrage, par le maître d’ouvrage, de travaux ayant fait l’objet de réserves non levées fait naître à son profit une créance correspondant à ladite somme à l’encontre de son titulaire, et ce alors même que les travaux n’ont pas encore été réalisés aux frais et risques du titulaire.

 

[1] TA Nantes, 19 juin 2019, société MC Bat, n° 1708437.

[2] CAA Nantes, 8 janvier 2021, société MC Bat, n° 19NT03351.

[3] Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux.

Les préconisations du Premier Ministre sur l’exécution des contrats dans le contexte de hausse des prix

Depuis le début de la guerre en Ukraine, de nombreux secteurs d’activité pâtissent d’une hausse conséquente du prix de certaines matières premières, comme le gaz, le pétrole, ou encore l’acier.

Dans ce contexte, par une circulaire n° 6338/SG en date du 30 mars 2022, le Premier ministre a formulé certaines consignes ayant pour objectif d’assurer la pérennité des entreprises et de l’emploi et, par voie de conséquence, la pérennité des services publics. Si ces consignes s’adressent avant tout aux ministres, elle concerne également les préfets, qui sont chargés d’inciter les collectivités territoriales et leurs établissements publics à suivre ces directives d’effet immédiat.

Pour l’essentiel, il s’agit d’un rappel – classique mais néanmoins utile – des trois outils juridiques déjà à la disposition des acheteurs soumis au droit de la commande publique pour adapter leurs contrats à cette évolution brutale de la conjoncture économique (modification pour circonstances imprévues, indemnité d’imprévision, gel des pénalités).

La modification « pour circonstances imprévues » telle que prévue par le Code de la commande publique

En premier lieu, la circulaire rappelle aux acheteurs publics que, dans les cas où la pénurie des matières premières ou la hausse des prix sont susceptibles d’avoir des conséquences sur les conditions techniques d’exécution des contrats, il leur est possible d’en modifier les stipulations (substituer un matériau à celui initialement prévu et devenu introuvable ou trop

cher, modifier les quantités ou le périmètre des prestations à fournir, aménager les conditions et délais de réalisation des prestations).

Pour ce faire, ils peuvent recourir aux différentes hypothèses de modification des contrats en cours prévues par la réglementation en vigueur, et plus particulièrement aux articles R. 2194-5 (pour les marchés publics) et R. 3135-5 (pour les concessions) du Code de la commande publique (CCP).

Ces dispositions permettent une modification du contrat en cours d’exécution, lorsqu’elle est rendue nécessaire « par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir », étant rappelé que l’incidence financière de telles modifications ne peut représenter plus de 50 % du montant initial du contrat, ce plafond n’étant toutefois pas applicable aux contrats des entités adjudicatrices intervenant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports, et des services postaux.

Pour autant, ainsi que le rappelle la circulaire, « l‘acheteur ne doit pas utiliser ces dispositions pour modifier par voie d’avenant les clauses fixant le prix lorsque cette modification du prix n’est pas liée à une modification du périmètre, des spécifications ou des conditions d’exécution du contrat ». En d’autres termes, il doit y avoir un lien de nécessité suffisamment direct entre les circonstances imprévues qui sont invoquées pour justifier les modifications et le contenu de celles-ci.

L’indemnisation du titulaire sur le fondement de la théorie de l’imprévision

En deuxième lieu, l’exécutif détaille longuement les conditions dans lesquelles les acheteurs publics peuvent faire application, au cas par cas, de la théorie de l’imprévision, d’origine jurisprudentielle et désormais prévue à l’article L. 6 du CCP, pour indemniser leurs cocontractants au titre de charges supplémentaires dues à la survenance d’un évènement extérieur aux parties et imprévisible, entraînant un bouleversement temporaire de l’équilibre du contrat.

Dans le cas présent, la circulaire acte que la hausse exceptionnelle du prix du gaz et du pétrole constatée depuis le dernier trimestre 2021, dont l’ampleur est accentuée par la crise en Ukraine, ainsi que la flambée du prix de certaines matières, sont « sans conteste » imprévisibles et extérieures aux parties.

Pour autant, la condition tenant au bouleversement temporaire de l’équilibre du contrat doit être vérifiée au cas par cas, en tenant compte du secteur économique et des justifications apportées par le titulaire, ainsi que de l’application d’éventuelles clauses de révision de prix prévues par le contrat. Il est ainsi rappelé que pour que l’imprévision soit reconnue, « le bouleversement doit entraîner dans le cadre de l’exécution du contrat un déficit réellement important et non un simple manque à gagner ». Selon la jurisprudence, cette condition est remplie lorsque les charges extracontractuelles atteignent environ 1/11e du montant initial HT du marché ou de la tranche (CAA Marseille, 17 janvier 2008, Société Altagna, n° 05MA00492).

S’agissant du montant de l’indemnité, lorsque celle-ci est due, la circulaire insiste sur le fait que ce montant doit être déterminé au cas par cas afin de ne couvrir que le montant des charges extracontractuelles, en tenant compte des diligences mises en œuvre par l’entreprise pour se couvrir (l’analyse de ces diligences devant varier selon la taille de l’entreprise), et en laissant à la charge de celle-ci une part d’aléa (entre 5 et 25 %).

A cet égard, la circulaire apporte une importante clarification quant à la période sur laquelle doit être évalué le montant des charges extracontractuelles : en principe, ce montant doit être évalué « sur l’ensemble du contrat, et donc à la fin de l’exécution de celui-ci », et non pas sur la seule période au cours duquel l’évènement à l’origine de l’imprévision se déroule.

Néanmoins, conscient que le versement de l’indemnité d’imprévision ne peut, dans la plupart des cas, attendre la fin du contrat, l’exécutif prescrit que l’indemnité soit versée « au moins pour partie […] de façon aussi proche que possible du moment où le bouleversement temporaire de l’économie du contrat en affecte l’exécution », sous la forme de provisions à valoir sur l’indemnité globale d’imprévision dont le montant définitif ne pourra être déterminé qu’ultérieurement. La circulaire rappelle par ailleurs que de telles provisions ne peuvent être versées qu’aux titulaires qui en font la demande et que le montant de ces provisions doit être fixé « en tenant compte des données de chaque espèce et notamment de la situation du titulaire ».

Enfin, la circulaire souligne utilement que le support juridique d’une indemnité d’imprévision ne peut, en principe, être un avenant, dès lors que cette indemnité n’a pas pour vocation de modifier le contrat mais au contraire de restaurer son équilibre économique en compensant temporairement des charges extracontractuelles imprévues. L’indemnisation doit donc être formalisée dans le cadre d’une « convention liée au contrat applicable pendant la situation d’imprévision et qui pourra comprendre une clause de rendez-vous à l’issue du contrat de manière à fixer le montant définitif de l’indemnité ».  

Accessoirement, la circulaire rappelle que, pour ce qui concerne les contrats de droit privé conclus depuis le 1er octobre 2016, l’article 1195 du Code civil prévoit également une obligation de principe de tirer les conséquences du bouleversement de l’équilibre économique du contrat par une renégociation du contrat entre les parties ou par une modification ou une résiliation par le juge. Et, si une clause du contrat aménage ou écarte l’application de cette disposition, qui n’est pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de l’écarter, compte tenu des circonstances exceptionnelles actuelles.

La suspension des pénalités contractuelles

En troisième lieu, dans une logique analogue à celle qui ressortait de l’ordonnance du 25 mars 2020 prise lors du premier confinement, le Premier ministre exprime le souhait que l’exécution des clauses des contrats prévoyant des pénalités de retard ou l’exécution des prestations aux frais et risques du titulaire soit suspendue tant que celui-ci est dans l’impossibilité de s’approvisionner dans des conditions normales.

Pour autant, l’exécutif ne préconise pas un tel gel des pénalités contractuelles de manière systématique et rappelle, au contraire, que l’augmentation des prix ne conduit pas, en elle-même, à une situation de force majeure permettant au titulaire de se soustraire à ses obligations contractuelles.

En définitive, la suspension des pénalités contractuelles doit donc continuer à s’envisager au cas par cas.

L’insertion d’une clause de révision des prix dans tous les contrats de la commande publique à venir

En plus d’évoquer les leviers à la disposition des acheteurs publics pour adapter l’exécution de leurs contrats, la circulaire rappelle les acheteurs à leurs obligations en matière de rédaction des clauses de prix. En effet, ainsi que le prévoit l’article R. 2112-13 du CCP, un marché doit être conclu à prix révisable, et non pas ferme, « dans le cas où les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution des prestations ». Ces dispositions sont applicables aux marchés d’une durée d’exécution de plus de trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, et notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux.

Dans la même logique, la circulaire prescrit d’écarter les formules de révision de prix contenant des termes fixes, les clauses butoir et les clauses de sauvegarde.

Réforme des instances médicales de la fonction publique territoriale

Le conseil médical est enfin substitué au comité médical et à la Commission de réforme dans la fonction publique territoriale.

Plus précisément, la fusion des instances est entrée en vigueur le 1er février 2022, en application de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique.

Mais c’est le décret du 11 mars 2022 qui définit la composition de cette nouvelle instance, les modalités de désignation de ses membres ainsi que ses compétences et ses règles de fonctionnement. 

Notamment, le conseil médical se réunit selon deux formations, restreinte (c’est-à-dire uniquement composée de médecins) ou plénière (avec également des représentants du personnel et de l’administration), laquelle varie selon l’objet de la saisine.

Des mesures transitoires sont prévues à plusieurs égards. Ainsi, l’article 52 du décret précise que les médecins agréés membres de comités médicaux et de commissions de réforme à la date d’entrée en vigueur du présent décret siègent en tant que médecins membres des conseils médicaux pour la durée restante de leur mandat et, au plus tard, jusqu’au 30 juin 2022, tandis que les avis demandés aux comités médicaux et commissions de réforme avant la date d’entrée en vigueur du présent décret qui n’ont pas été rendus avant cette date sont valablement rendus par les conseils médicaux.

Etant donné les enjeux liés à la procédure suivie devant les instances s’agissant de la légalité des décisions rendues in fine par les collectivités la vigilance est donc de mise.

Illégalité de la présence d’un emblème religieux sur une parcelle communale ne relevant pas des emplacements publics limitativement prévus par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905

En 2014, une statue de la Vierge Marie d’une hauteur de 3,6 mètres a été installé sur une parcelle de la commune de Saint-Pierre d’Alvey, village situé dans le département de la Savoie. Réalisé et financé par une association de droit privé, cet emblème religieux installé sur le domaine communal n’a toutefois pas fait l’unanimité.

Des habitants de la commune, invoquant la méconnaissance du principe de laïcité, ont ainsi demandé au maire de procéder à son retrait. Cette demande ayant donné lieu à une décision implicite de rejet, les habitants ont porté le litige devant le juge administratif.

En première instance, le Tribunal administratif de Grenoble a refusé de faire droit à la demande des requérants tendant à l’annulation de la décision susvisée et à ce qu’il soit enjoint au maire de procéder au retrait de la statue (TA Grenoble, 3 octobre 2019, n° 1603908). En effet, le juge a considéré que le terrain sur lequel l’emblème a été installé, marqué d’une croix sommitale et situé à environ deux kilomètres de l’église de la commune, devait être considéré comme une dépendance de celle-ci. Dès lors, il était possible d’y installer une statue de la Vierge Marie.

La Cour administrative d’appel de Lyon donnera finalement gain de cause aux habitants, en jugeant que la parcelle communale sur laquelle était installée la statue ne pouvait être regardée comme fonctionnellement indissociable de l’église. N’étant pas constitutive d’une dépendance indissociable et affectée de ce fait au culte, aucun emblème religieux ne pouvait donc y être édifié (CAA Lyon, 29 avril 2021, n° 19LY04186).

Contestant cette lecture de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la commune a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Pour rappel, l’article 28 de cette loi pose un principe général d’interdiction d’élever ou d’apposer un quelconque signe ou emblème religieux sur les monuments et emplacements publics, exception faite des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. Le Conseil d’État avait ainsi déjà pu juger illégale, sur ce fondement, l’installation d’une statue du Pape Jean-Paul II sur une place communale (CE, 25 octobre 2017, n° 396990).

En l’occurrence, invités à se prononcer sur la qualification d’édifice servant au culte du terrain d’assise de la statue de la Vierge Marie et, en conséquence, sur la possibilité d’y installer un emblème religieux, les Juges du Palais-Royal ont répondu par la négative. En effet et contrairement à ce qu’avançait la commune requérante, le fait que des processions religieuses partant de l’église et convergeant vers ce terrain aient lieu chaque année depuis le 18ème siècle à l’occasion de la Pentecôte ne suffit pas à faire de cette parcelle un édifice cultuel au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.

Dans ces conditions, et dès lors que la parcelle ne constitue pas davantage un terrain de sépulture, un monument funéraire ou un lieu d’exposition, il a été jugé que la présence de la statue de la Vierge Marie méconnaissait les dispositions susmentionnées de la loi du 9 décembre 1905.

Le Conseil d’Etat a précisé, à cette occasion, que l’interdiction ainsi posée par l’article 28 de cette loi concerne à la fois les dépendances du domaine public et du domaine privé de la collectivité concernée.

Par ailleurs, le Conseil d’État rappelle que l’éventuelle qualification de la parcelle en dépendance immobilière nécessaire de l’église, au sens des articles 12 et 13 de la loi du 9 décembre 1905, et 5 de la loi du 2 janvier 1907, est sans incidence sur la légalité de la présence de la statue sur le domaine public. En effet, en application de ces dispositions, cette qualification de dépendance d’un édifice du culte, contrairement à celle d’édifice servant au culte, n’a d’incidence qu’en matière de propriété et d’affectation cultuelle de la parcelle.

Ainsi, seule la qualification d’édifice servant au culte de la parcelle aurait en l’espèce permis d’y élever des emblèmes religieux.

Marché de substitution, prestations de reprise des malfaçons et droit à l’information du titulaire initial

Attention au contenu d’un marché de substitution ! Le solde du marché de substitution ayant pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à un titulaire et d’achever les prestations non réalisées par ce même titulaire dans le cadre de son propre marché, ne peuvent être mis à sa charge dans le décompte du marché mis en régie si ce titulaire n’a pas été mis en mesure d’en suivre l’exécution, alors même qu’un marché qui viserait uniquement à remédier à des désordres dans la construction ne saurait être qualifié de marché de substitution.

Dans le cadre d’une opération impliquant notamment la réhabilitation de l’ancien centre de tri postal et de sa reconversion en locaux associatifs, la communauté de communes d’Erdre et Gesvres a confié à l’office public de l’habitat Habitat 44 la maîtrise d’ouvrage de cette partie de l’opération. L’exécution du lot « Gros Œuvre » relatif à la construction de l’ouvrage, qui avait été confié à la société CBI, a été suspendu par Habitat 44 en raison de difficultés rencontrées sur le chantier. Mais, après avoir constaté que des travaux de reprise qui avaient sollicités n’avaient pas tous été exécutés, Habitat 44 a mis en demeure la société CBI de réaliser ces travaux dans un délai de quinze jours. La mise en demeure n’ayant pas été exécutée, la communauté de communes a résilié le marché aux frais et risques de la société. A l’initiative de cette dernière, l’affaire a été portée devant le Tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel. Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour et jugé que :

« Si les contrats passés par le maître d’ouvrage avec d’autres entrepreneurs pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n’a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis aux règles énoncées au point précédent et, en particulier, au droit de suivi de leur exécution, il est loisible au maître d’ouvrage qui, après avoir mis en régie le marché, confie la poursuite de l’exécution du contrat à un autre entrepreneur, d’inclure dans ce marché de substitution des prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées. Dans ce cas, le droit de suivi du titulaire initial du marché s’exerce sur l’ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu’il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l’objet de contrats conclus sans mise en régie préalable » (CE, 27 avril 2021, Société CBI, req. n° 437148).

Autrement dit, si les contrats visant à remédier à des malfaçons ne sont pas des marchés de substitution et ne permettent pas au titulaire du marché initial d’en suivre l’exécution, le maître de l’ouvrage peut inclure la reprise de malfaçons dans les marchés de substitution, ce qui ouvre au titulaire du marché initial un droit de suivi sur l’ensemble des prestations.

L’affaire lui ayant été renvoyée, la Cour administrative d’appel de Nantes tire les conséquences financières de cette règle dans cette affaire :

« il n’est pas contesté que le marché confié en décembre 2011 à la société Eiffage Construction avait pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à la société CBI et d’achever les prestations non réalisées par cette même société dans le cadre de ses propres marchés. Il est également constant, ainsi que le reconnaissent les personnes publiques intimées, que ce marché n’a aucunement été notifié à la société CBI avant l’exécution de ce dernier et que la société appelante n’a donc pas été mise à même d’user du droit qu’elle a de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les opérations exécutées à ses risques et périls par le nouvel entrepreneur. La société CBI ne saurait donc être tenue de supporter les conséquences onéreuses de ce marché, alors même que ce marché avait partiellement pour objet de remédier à des désordres qui lui étaient imputés » (CAA de Nantes, 4 février 2022, Société CBI, req. n° 21NT01182).

Alors même que la société CBI n’en avait pas été informé, la communauté de communes avait, en effet, conclu un marché avec la société Eiffage pour reprendre les malfaçons et poursuivre l’exécution du marché initialement confié à la société CBI. Le droit de suivi du marché de substitution par le titulaire initial s’exerçant sur toutes les prestations exécutées dans le cadre du marché de substitution, le titulaire initial ne saurait supporter la charge de ce dernier.

On relèvera que d’autres contrats avaient été passés pour remédier aux désordres affectant les prestations du titulaire initial et que, dès lors qu’il n’est pas établi qu’ils « auraient inclus des prestations devant être initialement réalisées par la société CBI », ils n’ont pas la nature d’un marché de substitution, et pouvaient donc être pris en compte dans le décompte général et définitif du marché mis en régie en l’absence de notification au titulaire du marché initial.

Fonds de commerce et domaine public, les liaisons (toujours) dangereuses

Par une décision ambiguë en date du 11 mars 2022, le Conseil d’Etat estime que si la clause interdisant un fonds de commerce sur le domaine public est illicite, pour autant, il ne s’agit pas d’un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation de la convention.

Commençons par rappeler que l’article L. 2124-32-1 du Code général de la propriété des personnes publiques précise depuis la loi du 18 juin 2014[1] qu’« un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre ». Ces dispositions ne sont applicables qu’aux contrats d’occupation qui sont postérieurs au texte[2]. En outre, le fonds de commerce doit ici être distingué du bail commercial, lequel demeure interdit sur le domaine public[3] compte du caractère précaire et révocable de l’occupation.

Les faits prenaient place au Cap-d’Ail : un couple exploitait depuis 1995 un restaurant sur le domaine public communal. La convention expire en 2016 et le couple signe une nouvelle convention d’occupation précaire de la parcelle pour une durée de cinq ans. Mention y est apportée que l’occupation ne donnerait lieu à la création d’aucun fonds de commerce.

Victimes selon leurs termes d’une « extorsion », le couple saisit  le Tribunal administratif en annulation du contrat. Les premiers juges[4], puis la Cour Administrative d’Appel de Marseille[5] leur donnent tort. Le Conseil d’Etat est saisi.

Le Tribunal administratif de Nice affirmait :

« les parties à la convention du 15 février 2016 ont pu, en toute légalité, exclure l’exploitation d’un fond [sic] de commerce sur la parcelle cadastrée AI 49 dès lors qu’il est constant que l’article L. 2124-32-1 précité du code général de la propriété des personnes publiques n’ouvre qu’une faculté pour une personne publique d’autoriser l’exploitation d’un fonds de commerce sur son domaine public artificiel ».

Pour les premiers juges, la reconnaissance d’un fonds de commerce ne relevait donc que d’une faculté à la discrétion des parties. Ils ne se sont donc pas penchés sur la licéité de la clause.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille est déjà plus nuancée :

« à supposer même que cette clause serait illégale au regard des dispositions de l’article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques[…], cette illégalité ne pourrait, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, entraîner l’annulation de la convention ni même l’annulation de cette seule clause, indivisible du reste de la convention ».

En clair, compte tenu du prisme d’analyse donnée par la jurisprudence Béziers I[6], un tel ajout ne constitue pas à ses yeux un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat.

A quelques mots près, le Conseil d’Etat est du même avis et juge :

« La Cour administrative d’appel de Marseille a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la clause figurant à l’article 3 de la convention litigieuse, selon laquelle l’occupation du domaine ne donnerait pas lieu à la création d’un fonds de commerce, formait un ensemble indivisible avec les autres stipulations. En jugeant que la méconnaissance par une telle clause des dispositions de l’article L. 2124-32-1 du Code général des propriétés publiques ne pouvait constituer, à elle seule, un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation de la convention ou de cette seule clause indivisible du reste de la convention, la cour, par un arrêt suffisamment motivé, n’a pas commis d’erreur de droit ».

Certains lecteurs y ont vu la possibilité d’écarter contractuellement la création d’un fonds de commerce. Il conviendrait d’être plus prudent, car à bien le lire, le Conseil d’Etat se veut plus nuancé.

En effet, le (relativement) faible montant de la redevance domaniale est précisément lié à l’absence de possibilité de constituer un fonds de commerce[7]. La lecture de cette clause aurait probablement été différente si le montant de la redevance avait été équivalente aux prix du marché – du loyer de baux commerciaux voisins, par exemple.

De plus, il pourrait être tentant de généraliser cette interdiction aux conventions d’occupation à venir. Ne nous y risquons pas, car contrairement au Tribunal administratif de Nice qui n’y voyait qu’une simple faculté, le Conseil d’Etat rappelle bien qu’une clause proscrivant les fonds de commerce demeure illicite. Ce n’est que l’obstacle posé par la jurisprudence Béziers I qui retient le juge d’annuler le contrat. Mais alors, la loi s’effacerait au profit d’un principe prétorien ? Le débat doctrinal reste ouvert.

Enfin, à l’issue de la convention d’occupation, si malgré tout l’article L. 2124-32-1 du CG3P offre à l’occupant le droit de constituer un fonds de commerce, sa valeur chiffrée dépend-elle de l’existence d’un repreneur de l’activité ? Là encore, la décision commentée est éloignée de ces considérations financières. Prudence, donc, car le litige pourrait trouver une issue sur le plan indemnitaire et devant le juge commercial en cas de reprise de l’activité par un tiers. Voire administrative, sans repreneur, dans le cadre d’une procédure tirée de la faute commise d’avoir inséré, à tort, une telle clause.

En somme, le Conseil d’Etat n’a pas déplié toutes les aspérités d’une décision aux enjeux protéiformes.

 

Thomas MANHES, avocat associé

Seban Armorique

 

 

 

[1] relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel.

[2] CE, 24 novembre 2014, n° 352402.

[3] CE, 8e ch, 27 déc. 2021, n° 452381, pour un exemple, à propos d’un pourvoi non admis.

[4] TA Nice, 26 juin 2018, n° 1601897.

[5] CAA Marseille, 7e ch., 9 avr. 2021, n° 18MA03151.

[6] CE, Assemblée, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, p. 509.

[7] Conclusions du rapporteur public sur l’affaire « la cour relevait que la clause faisant obstacle à la reconnaissance d’un fonds de commerce exploité sur le domaine public n’était pas divisible des autres stipulations de la convention, comme trouvant nécessairement une contrepartie dans le montant de la redevance ».

Association en charge d’un musée municipal sur le domaine public : les différentes conventions d’occupation et de subventions doivent être analysées comme des délégations de service public, et les fonds comme des biens de retour

Par un arrêt en date du 24 mars dernier, le Conseil d’État répond à une question préjudicielle posée par le Tribunal judiciaire de Toulouse, et qualifie de délégations de service public une série de conventions par laquelle la ville de Toulouse avait autorisé une association à occuper son domaine public pour y gérer un musée local de la photographie, tout en lui versant des subventions.

Par une délibération du 18 mai 1978, la ville de Toulouse a créé un musée de la Photographie au Château d’eau, monument historique de la ville et appartenant à son domaine public. La Ville a, dans un premier temps, assuré la gestion en régie de ce musée, avant de la confier à l’association pour la Photographie au Château d’eau (l’association PACE), créée en 1981 « dans le but d’apporter son appui à la galerie » (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

Les relations entre la ville et cette association ont ainsi fait l’objet, depuis 1985, d’une série de conventions qui (i) autorisaient l’association à occuper la Galerie en organisant le contrôle de la ville sur l’activité de l’association et en mettant notamment (plus ou moins clairement selon les conventions) à la charge de cette dernière le soin de constituer le fonds de photographies qui devaient être exposées dans la Galerie et (ii) prévoyaient le versement de subventions municipales à l’association pour l’exercice de cette activité.

En 2019, l’association a été placée en procédure de sauvegarde, puis de redressement judiciaire, et a entendu céder les fonds photographique et documentaire. La Ville, considérant que ces fonds avaient été constitués à sa demande, pour la gestion d’un service public qu’elle avait délégué à l’association et qu’ils devaient ainsi être analysés comme des biens de retour lui appartenant ab initio, en a alors revendiqué la propriété devant le Juge-commissaire du Tribunal judiciaire de Toulouse.

Le Juge-commissaire a sursis à statuer pour saisir le Tribunal administratif de Toulouse d’une question préjudicielle relative à la qualification des différentes conventions conclues entre la ville et l’association depuis 1985, et à la nature des biens constitués dans le cadre de ces conventions.

Par un jugement du 2 février 2021, le Tribunal administratif a considéré que les premières conventions (conclues en 1985 et 1987) confiaient effectivement une mission de service public à l’association, mais que les subventions qui les accompagnaient était « de nature à prémunir l’association de tout risque lié à l’exploitation de ce service public », si bien qu’elles étaient en réalité des marchés publics de services. Et il a jugé que les conventions suivantes devaient être qualifiées uniquement de conventions d’objectifs et de moyens, et non pas de marchés publics, en raison de leur contenu, ou de délégations de service public, parce qu’elles ne confiaient pas à l’association un risque lié à l’exploitation de la Galerie. Et il en a déduit que les fonds ne pouvaient être qualifiés de biens de retour, mais sans se prononcer sur leur nature publique ou privée (TA Toulouse, 2 février 2021, req. n° 2005649).

Saisi en cassation, le Conseil d’État a pris le contrepied de ce jugement.

Il rappelle tout d’abord la différence fondamentale entre les contrats de la commande publique (marchés, concessions, délégations de service public) et les subventions : contrairement aux secondes, les premiers « sont conclus pour répondre aux besoins de la personne publique ».

Et ici, il ne faisait pas de doute que « l’ensemble des conventions visaient à répondre à un besoin de la commune ». La Rapporteure publique rappelle à ce titre que la ville a géré la Galerie en régie directe à ses débuts, a mis à la disposition de l’association certains de ses agents, et a surtout entendu, bien que les conventions les plus récentes l’indiquent moins clairement, mettre à la charge de l’association (d’ailleurs créée à cet effet) une mission de service public (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

Ce postulat admis, le Conseil d’État relève que si la ville a effectivement versé des subventions annuelles à l’association, celle-ci « a toujours conservé un risque lié à l’exploitation de la galerie, son équilibre financier n’étant pas garanti par les sommes apportées par la commune ». Il exerce donc un contrôle de la qualification juridique des faits permettant d’établir le transfert d’un risque lié à l’exploitation d’un service public et annule le jugement du Tribunal administratif sur ce fondement.

À ce sujet, on peut souligner que la Rapporteure publique s’appuyait, dans ses conclusions, sur « trois points permanents » pour établir qu’un risque d’exploitation avait été effectivement mis à la charge de l’association : « d’abord, la subvention n’est jamais définie comme une subvention d’équilibre, visant à compenser les charges de l’activité. Ensuite, l’association elle-même reconnaît que la diminution de la subvention a conduit à la réalisation du risque d’exploitation ayant été à l’origine du déficit de l’association de 60 000 euros et finalement à la procédure de sauvegarde. Enfin, même si le risque est faible, il existe et il est supporté par l’association. Rien ne garantit que les dépenses soient couvertes par les recettes tirées de l’exploitation de l’activité. Et, contrairement à la gestion d’une cantine par exemple dont l’activité est prévisible, la fréquentation d’expositions culturelles n’obéit évidemment pas à une telle stabilité » (Conclusions de Mireille Le Corre sous CE, 24 mars 2022, req. n° 449826).

S’agissant ensuite de la qualification des conventions, le Conseil d’État juge que toutes les conventions ont bien eu pour objet de confier à l’association « l’exploitation d’un musée de la photographie créé à l’initiative de la commune et dont elle avait assuré directement la gestion de 1978 à 1985, qu’elle a ensuite repris à compter du 1er janvier 2020 » et plus précisément, au regard du contenu des conventions, « la gestion d’un service public muséal ». Et parce qu’il considère que l’association a bien supporté un risque dans l’exploitation de ce musée, il en déduit que les conventions doivent être qualifiées de délégations de service public.

Par conséquent, le Conseil d’État applique le régime des biens de retour, aujourd’hui codifié à l’article L. 3132-4 du Code de la commande publique, aux fonds photographique et documentaire : il juge qu’ils ont bien été « constitués pour les besoins de l’exploitation du musée […] et notamment aux fins de réaliser des expositions ouvertes au public », si bien qu’ils « constituent des biens de retour », c’est-à-dire des biens « qui sont et demeurent la propriété de la commune de Toulouse ».

La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’était d’ailleurs déjà prononcée en ce sens : dans le cadre d’une affaire relative aux conséquences de la liquidation d’une association chargée par la commune de Lourdes de gérer son musée local, elle avait jugé que les biens acquis par l’association pour constituer les collections de ce musée étaient affectés à un service public culturel, et qu’ils appartenaient dès lors au patrimoine de la Ville (CAA Bordeaux, 4 décembre 2000, Commune de Lourdes, req. n° 96BX00709).

Par un sixième avenant, la Commission européenne prolonge et adapte l’encadrement temporaire des aides d’Etat dans le contexte de crise sanitaire

Afin de faire face à l’impact économique de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid 19, la Commission Européenne a assoupli, de façon temporaire, le cadre régissant le recours aux aides d’Etat.

En effet, un premier encadrement temporaire, se fondant sur l’article 107.3,b) du TFUE, avait été adopté dès le mois de mars 2020 pour permettre aux entreprises ayant rencontrés des difficultés, à compter du 31 décembre 2019, de bénéficier d’aides au titre de ce dispositif.

Par suite, et face à une crise durablement installée, la Commission Européenne a dû adopter une succession de modifications relatives à cet encadrement pour continuer de s’adapter aux graves perturbations économiques rencontrées par les entreprises. Ainsi, des formes d’aides diverses ont été attribuées, des plafonds se sont vu relevés, et les délais d’octroi ont été étendus.

Par une communication du 18 novembre 2021 un sixième, et probablement dernier, avenant a été adopté. Cette modification a pour ambition de continuer à soutenir les entreprises, encore touchées par la crise, et de permettre une transition progressive vers la forte reprise attendue dans l’ensemble de l’économie européenne.

En premier lieu, cette sixième modification de l’encadrement temporaire des aides prévoit une prolongation de l’application de l’encadrement temporaire jusqu’au 30 juin 2022.

En second lieu, la Commission Européenne a entendu adapter le plafond de certaines catégories d’aides en les réévaluant à la hausse.

  • Concernant le régime des aides à un montant limité, le plafond est porté à 2,3 millions d’euros par entreprise et par pays, au lieu de 1,8 millions euros anciennement ;
  • Concernant les aides de soutien aux coûts fixes non couvertes, ces dernières ne doivent pas dépasser 12 millions d’euros, contre 10 millions d’euros anciennement.

En troisième lieu, deux nouveaux outils, dont le but est spécifiquement de soutenir de façon durable la reprise de l’économie, ont été adoptés.

  • D’un part, des mesures de soutien à l’investissement : il s’agit de permettre aux Etats membres de créer des mécanismes d’incitations pour encourager les entreprises à investir, et notamment pour permettre d’accélérer les transitions écologiques et numériques. Les montant de ces aides restent cependant plafonnés ;
  • D’autre part, des mesures de soutien à la solvabilité : il s’agit de permettre aux Etats membres d’octroyer des garanties afin que le risque lié à l’endettement des entreprises soit partagé entre Etats membres et investisseurs privés. La valeur de cette garantie est également plafonnée mais représente un intérêt certain eu égard à la montée de l’endettement des entreprises pendant la crise.

En dernier lieu, une série de modifications ont également été prévues par la Commission :

  • Une prolongation, jusqu’au 30 juin 2023, de la possibilité pour les Etats membres de convertir certains instruments remboursables, tels que les garanties, les prêts et les avances remboursables en d’autre formes d’aides, telles que des subventions directes ;
  • Une adaptation, proportionnellement à leur prolongation, des montants maximaux de certains types d’aides ;
  • Une clarification de l’utilisation des dispositions en matière de flexibilité exceptionnelle des lignes directrices de la Commission concernant les aides au sauvetage et à la restructuration ;
  • Une prolongation de trois mois, du 31 décembre 2021 au 31 décembre 2022, de la liste adaptée des pays à risque non commercialisable dans le cadre de l’assurance-crédit à l’exportation à court terme.

1607 heures : le bras de fer entre l’Etat et certaines communes continue

Les derniers mois ont vu naître un riche contentieux éminemment politique en matière de temps de travail dans la fonction publique territoriale, à l’occasion des recours engagés par les représentants de l’Etat dans les départements à l’encontre des mesures prises – ou non – par les collectivités pour faire application de leurs nouvelles obligations en la matière.

Rappelons en effet que, par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le législateur a décidé d’abroger le dernier alinéa de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui prévoyaient la possibilité de déroger au temps de travail de 1607 heures imposées par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, pour les collectivités dans lesquelles un temps de travail inférieur existait avant l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Les collectivités et leurs établissements publics disposaient d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées délibérantes pour adopter une délibération conforme à ces dispositions. Ces délibérations avaient vocation à entrer en vigueur, une fois adoptées, au 1er janvier 2022.

A compter de cette date, l’ensemble des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale devaient donc appliquer un régime de temps de travail fixé sur la durée annuelle de 1607 heures, sous réserve des éventuelles sujétions reconnues pour des fonctions particulières autorisant à abaisser cette durée annuelle.

Pour cette raison, au cours de cette année 2021, certaines collectivités ont voté une délibération appliquant un régime de temps de travail de 1607 heures, qu’elles ont naturellement transmise au préfet au titre de son contrôle de légalité.

Le préfet pouvait alors déférer cet acte au juge administratif, le cas échéant dans le cadre d’une procédure d’urgence, s’il estimait qu’il était contraire aux obligations prescrites par la loi. C’est notamment ce qu’a fait le Préfet de Paris à l’encontre de la délibération de la ville de Paris de juillet 2021.

Le règlement modifié par la délibération avait en effet prévu l’octroi à l’ensemble des agents de la Ville de Paris de jours de congés supplémentaires en considération des « niveaux importants de bruit et de pollution atmosphérique et soumis à des conditions de travail particulières du fait de la sursollicitation du territoire et des services publics ». Ces circonstances constituaient, selon la ville de Paris, une sujétion justifiant une minoration de la durée annuelle de travail de l’ensemble des agents, prenant la forme de jours de congés supplémentaires.

Le Préfet de Paris n’a toutefois pas partagé cette analyse, et a déféré cette délibération devant le Tribunal administratif de Paris, sollicitant en urgence la suspension de cette délibération au regard de l’illégalité dont il l’estimait entachée. Selon le Préfet, on ne pouvait considérer que l’ensemble des agents de la commune était soumis à une sujétion particulière du fait du seul environnement de travail particulier de la ville de Paris.

Le Tribunal administratif, le 25 octobre 2021, puis, saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Paris, le 13 décembre 2021, ont donné raison au Préfet. Les deux juridictions ont estimé que les sujétions justifiant une diminution du temps de travail devaient être propres à chaque fonction exercée, et ne pouvaient résider dans la seule nature de l’environnement de travail de l’ensemble des agents[1].

Ce litige n’a toutefois marqué qu’une première étape dans les rapports entre l’Etat et certaines collectivités quant à la mise en œuvre de l’article 47 de la loi du 6 août 2019.

En effet, selon le Gouvernement, un cinquième des collectivités n’avaient pas adopté de délibération dans les délais prescrits par la loi, avec différentes motivations : pour certaines, les travaux nécessaires à la mise en place d’une délibération ont été très largement retardés par le contexte de la crise sanitaire qui rendait naturellement difficile notamment la mise en place du dialogue social qui cadence la plupart du temps la mise en place d’un nouveau régime de temps de travail, pour d’autres, en revanche, l’abstention à délibérer était volontaire et exprimait une opposition de leurs élus au principe même de la loi.

Estimant que cette abstention méconnaissait, dans tous les cas, les dispositions précitées de l’article 47 de la loi du 6 août 2019, et considérant cette abstention définitivement acquise au 1er janvier 2022, date à laquelle les délibérations, si elles avaient été prises, devaient entrer en vigueur, les préfets ont ainsi décidé d’agir à l’encontre de ces collectivités. N’ayant toutefois manifestement par concerté leur action, les recours engagés par les représentants de l’Etat ont donné lieu à des contentieux différents.

Ainsi le Préfet de la Seine-Saint-Denis a pour sa part décidé d’adresser une demande aux communes du département n’ayant pas encore adopté la délibération en leur enjoignant de lui communiquer la délibération appliquant les 1607 heures.

Les communes ont alors répondu au Préfet qu’elles étaient dans l’impossibilité de transmettre cette délibération, celle-ci n’ayant pas encore été votée, et lui demandaient un délai supplémentaire afin de poursuivre les négociations avec les organisations syndicales.

Le Préfet a saisi le Juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil de deux requêtes en référé suspension, la première portant sur le refus de communiquer la délibération fixant le nouveau régime de temps de travail, la seconde demandant au Juge d’ordonner, en tant que mesure utile, que la délibération soit prise.

De manière quelque peu surprenante, le Juge des référés n’a communiqué aux communes que la première requête visant à suspendre le refus de communiquer la délibération, sollicitant en outre des injonctions au terme desquelles l’adoption du nouveau régime de temps de travail devait intervenir dans un délai d’un mois sous astreinte de 1 000 euros par agent et par jour de retard.

Ce recours était fondé sur deux moyens tirés de l’absence de communication.

Le choix du Préfet était particulièrement surprenant car aucune disposition du Code général des collectivités territoires (CGCT) ne lui permet de déférer au Juge une telle décision, rendant automatiquement son recours irrecevable.

En effet, les articles L. 2131-2 et L. 2131-3 du CGCT confèrent la possibilité au préfet de déférer à la juridiction administrative tout acte soumis à son contrôle de légalité ainsi que les autres actes des communes exécutoires de plein droit dont il aurait demandé la communication.

Or, la décision attaquée en l’espèce n’entrait pas dans le champ d’application de ces articles, le refus de transmission d’une délibération ne pouvant être assimilé à aucun des actes mentionnés par le CGCT.

Il était en outre évident que les communes qui n’avaient pas pris la délibération ne pouvaient lui communiquer une décision inexistante.

Le Juge aurait donc dû logiquement faire droit aux fins de non-recevoir soulevées en défense et rejeter pour irrecevabilité les déférés suspension.

Mais le Juge administratif, tout de même conscient de l’irrecevabilité de la demande telle que formulée par le Préfet, a d’une part décidé de requalifier sa demande de refus de communiquer une délibération en refus de prendre la délibération et, d’autre part, d’accueillir un moyen que le Préfet n’avait même pas pris la peine de soulever dans ses écritures, à savoir la méconnaissance de l’article 47 de la loi du 6 août 2019.

Il a en outre enjoint les communes, sous un délai de 40 jours, de transmettre au Préfet la délibération ou tout élément relatif au temps de travail de leurs agents.

Le Préfet se désistait par ailleurs de sa seconde requête, pourtant beaucoup mieux fondée en droit.

Toutefois, considérant les ordonnances rendues irrégulières, les communes ont décidé d’interjeter appel, faisant ainsi valoir la méconnaissance de l’office du Juge, qui a requalifié les demandes mêmes du Préfet ainsi que ses moyens, statuant ainsi bien au-delà des conclusions et moyens dont il était saisi.

Le Juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris bien qu’exprimant à l’audience ses doutes sur la recevabilité de cette requête de première instance, a fait le choix de confirmer les ordonnances, en considérant que le Préfet avait nécessairement entendu saisir le Juge de la question de la légalité du refus de la commune de satisfaire à l’obligation de mettre les règles définissant le temps de travail de ses agents en conformité avec les dispositions de la loi du 6 août 2019 et de prendre en temps utile la délibération[2] .

Un dernier volet s’ouvre avec la saisine annoncée par les communes du Conseil d’Etat à l’encontre de ces ordonnances.

Nul doute que la décision qui sera rendue par le Conseil d’Etat aura une influence certaine sur les jugements à venir du Tribunal administratif de Montreuil sur les déférés « classiques » déposés par le Préfet simultanément à ses déférés suspension, et qui restent encore à juger.

L’action de la Préfète du Val de Marne s’est présentée d’une façon quelque peu différente à l’encontre des collectivités du département. Un total de 11 communes et établissements n’ayant pas délibéré à la date d’émission de la requête – le 3 février 2022 – ont été déférées devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Melun. Selon la Préfète, cette abstention manifestait un refus des maires et du président d’établissement « d’appliquer la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 », qu’elle demandait donc au tribunal de suspendre, et d’accompagner sa décision d’une injonction avec astreinte à l’autorité territoriale de veiller à l’adoption d’une délibération en application de ces dispositions, dans un délai d’un mois.

Devant le juge, trois axes de défense principaux ont été opposés.

Un premier axe a été, pour certaines communes, de soulever une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de la loi, l’estimant notamment contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales puisqu’elle les privait de toute possibilité de définir leur temps de travail librement.

Pour d’autres communes, il était surtout question de se défendre contre les conclusions en injonction de la Préfète : délibérer en un mois sur le temps de travail, sous la pression d’une astreinte importante, comme le demandait la Préfète, n’était tout simplement pas sérieusement envisageable. Les travaux nécessaires à l’élaboration d’une délibération, la consultation du comité technique, la réunion du conseil municipal étaient autant de facteurs qui rendaient impossible l’adoption d’une délibération dans ce délai.

Enfin, un autre ensemble de collectivités se trouvaient dans une situation bien différente : elles soutenaient qu’elles n’avaient aucune volonté de s’opposer à l’application de la loi du 6 août 2019, mais n’avaient, pour diverses raisons, tout simplement pas été en mesure de le faire dans le délai prescrit. Leur défense consistait alors, notamment, à démontrer qu’elles n’avaient pas pris la décision de refus que la Préfète leur imputait, en produisant par exemple des éléments attestant de l’avancée des travaux destinés à permettre la mise en œuvre de la délibération et des difficultés rencontrées pour délibérer dans les temps.

Ces axes de défense ont donné lieu à deux séries d’ordonnances rendues par le Juge des référés du Tribunal administratif de Melun, le 3 mars 2022.

La première catégorie d’ordonnances[3] donnait raison aux communes qui soutenaient être sur le point d’adopter la délibération, le Juge des référés estimant notamment que les travaux mis en œuvre par les services municipaux démontraient une volonté d’appliquer les dispositions de la loi du 6 août 2019, et excluaient donc que l’autorité territoriale soit regardée comme ayant refusé cette application. Pour certaines, la délibération avait même été adoptée entre-temps, ce qui excluait naturellement l’existence d’une décision de refus. Le Tribunal a donc rejeté la requête dans ces litiges, et a même condamné la Préfète au versement des frais irrépétibles, fait suffisamment rare pour être souligné.

La deuxième catégorie d’ordonnances[4] considérait, conformément aux conclusions de la Préfète, que les autorités territoriales des collectivités concernées devaient être regardées comme ayant refusé d’inscrire à l’ordre du jour de leur conseil municipal l’adoption d’une délibération faisant application de l’article 47 de la loi du 6 août 2019. Ce refus a donc été suspendu par le Juge des référés, qui a en revanche largement atténué la sévérité des conclusions de la représentante de l’Etat, en limitant son injonction à un délai de quatre mois à compter de la date de notification de l’ordonnance.

Surtout, le Juge des référés a jugé qu’il y avait lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les communes au Conseil d’Etat. C’est donc désormais à cette juridiction qu’il appartiendra de juger si la question doit être transmise au Conseil constitutionnel. Disposant à cette fin d’un délai de trois mois, le Conseil d’Etat rendra sa décision, au plus tard, le 3 juin 2022.

Pour l’heure, le premier acte, concernant pour l’essentiel un défaut total d’application de l’article 47, a donc pris fin avec ces ordonnances.

L’histoire est pour autant loin d’être terminée. Outre les suites que connaitra ou non la QPC soulevée, à laquelle pourrait se joindre d’autres communes, un nouvel acte débutera une fois les délibérations de ces communes adoptées. Outre l’application d’un régime de principe de 1607 heures, nombre de communes vont faire application des dérogations prévues par la réglementation, et définir une durée annuelle inférieure à ce seuil pour l’ensemble ou une partie de leurs agents, en considération des sujétions particulières de leurs fonctions.

Or, à ce jour, la jurisprudence comme la doctrine est très avare de précisions sur les sujétions qui peuvent être prises en compte, et la diminution de temps de travail qui peut être prévue dans ces cas. Ce flou, c’est à craindre, risque fortement de faire naître une nouvelle série de déférés, car, à l’instar de la ville de Paris, les préfets pourraient ne pas être en accord avec les interprétations qu’auront faites les communes des dérogations à la durée du travail prévues par la réglementation.

 

Lucie LEFEBURE et Vincent CADOUX

 

 

[1] CAA Paris, ordonnance du 13 décembre 2021, n° 21PA05761 (http://paris.cour-administrative appel.fr/content/download/186502/1796969/version/1/file/ordonnance%2021PA05761.pdf).

[2] CAA Paris, ordonnances du 30 mars 2022, n°22PA00703, 22PA00737, 22PA00738 et 22PA00739 (voir pièce jointe).

[3] TA Melun, ordonnance du 3 mars 2022, n°2201146 (http://melun.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Melun/Decisions/2201146)

[4]TA Melun, ordonnance du 3 mars 2022, n° 2201150, (http://melun.tribunal-administratif.fr/Media/TACAA/Melun/Decisions/2201150)

Bilan de l’ouverture des marchés de détail de l’énergie au 4ème trimestre 2021 (données au 31/12/2021 publié le 25/03/2022)

La CRE a publié son observatoire des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel pour le 4ème trimestre de 2021. Les données témoignent des effets de la crise des prix de l’énergie sur l’ouverture des marchés de détail pour les clients résidentiels et professionnels.

 

S’agissant des clients résidentiels, malgré la crise des prix, la CRE observe que la concurrence continue à se développer sur le marché de détail de l’électricité pour les particuliers, mais à un moindre rythme que les années passées.

 

Dans ce contexte haussier, le ralentissement de la croissance des offres de marché s’observe surtout chez les fournisseurs alternatifs alors que le développement des offres de marché des fournisseurs historiques est stable.

 

La CRE relève qu’en revanche, l’ouverture s’accélère sur le marché de détail du gaz naturel, et ce compte tenu de la fin programmée des tarifs réglementés de vente de gaz en juillet 2023. Dans ce cadre, la CRE observe que les usagers se tournent surtout vers les offres de marchés des fournisseurs historiques.

 

Néanmoins, en électricité comme en gaz naturel, si la part des offres de marché continue à augmenter, le nombre d’offres de marché à prix variables proposées au consommateur s’est fortement réduit du fait là encore de la crise énergétique.

 

S’agissant des clients professionnels, en électricité, la dynamique d’ouverture du marché a perduré, même si les fournisseurs alternatifs ont gagné moins de clients qu’au cours des précédents trimestres, alors que le développement de la concurrence est resté stable au cours du 4ème trimestre 2021 pour le gaz naturel.

 

Enfin, les comparaisons sur les différents segments de clientèle publiés par la CRE montrent que les tarifs réglementés de vente ont gagné en compétitivité par rapport aux trimestres précédents, regardés sans doute comme des valeurs refuges dans cette période de crise énergétique.

 

Proposition de loi nº 5170 visant à faciliter le recours à l’autoconsommation collective et à promouvoir la transition énergétique

L’autoconsommation collective a été introduite dans le droit français par la loi Transition énergétique du 17 août 2015, aujourd’hui codifiée à l’article L. 315‑2 du Code de l’énergie.

 

Depuis, quelques évolutions juridiques ont été mises en œuvre afin de la rendre plus attractive, telle que la possibilité pour les organismes d’habitation à loyer modéré de « créer, gérer et participer à des opérations d’autoconsommation collective » [1], la pérennisation de l’autoconsommation collective étendue, et l’admission de l’intervention du tiers‑investisseur dans l’opération d’autoconsommation individuelle [2].

 

Malgré ces évolutions, le régime juridique et financier de l’autoconsommation collective ne favorise pas son essor. En effet, l’autoconsommation collective ne bénéficie d’aucun soutien financier spécifique et n’est pas immédiatement rentable, compte tenu notamment des coûts d’installation très importants, avec un retour sur investissement estimé à plus de 24 ans.

 

La proposition de loi insiste sur la nécessité de développer l’autoconsommation collective afin de d’atteindre les objectifs fixés par la France pour lutter contre le réchauffement climatique.

 

La proposition de loi propose ainsi une série de mesures afin que l’autoconsommation collective devienne un mode de production et de consommation d’avenir avec un cadre permettant de s’assurer que le producteur d’une opération d’autoconsommation d’énergie puisse couvrir ses coûts de production, s’assurer une rentabilité raisonnable et proposer un prix de vente de l’électricité aux consommateurs qui soit compatible avec les offres du marché.

 

Ainsi, afin de pallier l’insuffisance des aides financières, l’article 1er de la proposition de loi prévoit d’étendre le bénéfice des Certificats d’économie d’énergie (CEE) aux opérations d’autoconsommation collective et individuelle.

 

L’article 2 met en œuvre un mécanisme de Prêts garantis par l’État (PGE), appelé « Prêt d’amorçage écologique », qui serait une garantie d’État pour les prêts liés aux investissements dans des projets visant à réduire la consommation énergétique ou l’empreinte carbone des entreprises, tous secteurs d’activité confondus, avec une logique assurantielle dans laquelle les fonds de l’État ne seraient débloqués qu’en cas d’échec des projets d’autoconsommation collective.

 

L’article 3, révise les modalités de fixation du Tarif d’Utilisation du Réseau Public de transport d’Electricité (TURPE) afin de mettre en œuvre un cadre permettant aux autoconsommateurs de payer en fonction de la nature des coûts qu’ils génèrent pour le financement du réseau.

 

Dans la même logique, l’article 4 exonère les flux autoproduits par les autoconsommateurs de Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité (TICFE) et de Taxe sur la consommation finale d’électricité (TCFE), comme c’est le cas pour l’autoconsommation individuelle. Cela permettrait ainsi d’alléger les lourdes formalités comptables auxquelles sont exposées les autoconsommateurs collectifs.

 

Par ailleurs, afin d’alléger les contraintes juridiques, l’article 5 supprime l’obligation de mettre en œuvre une Personne Morale Organisatrice (PMO). L’organisation de l’autoconsommation collective s’aligne sur le fonctionnement de l’autoconsommation individuelle avec la possibilité de désigner un mandataire pour gérer les clés de répartition directement en lien avec le consommateur, via des compteurs dédiés.

 

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[1] Article L. 424-3 du code de la construction et de l’habitation issu de l’article 41 de la Loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

[2] L. 315‑1 du code de l’énergie

Modification des taux de réfaction tarifaire applicables pour le raccordement des installations de biogaz et des installations de production d’électricité à partir d’EnR aux réseaux d’énergie

Consultation publique relative à la participation de tiers aux investissements nécessaires au renforcement des réseaux de gaz naturel pour l’insertion du biométhane

 

Arrêté du 22 mars 2022 relatif à la prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité des coûts de raccordement aux réseaux publics d’électricité des installations de production d’électricité renouvelable

 

En matière de gaz, pour rappel, les articles L. 452-1 et L. 452-1-1 du Code de l’énergie fixent le plafond de prise en charge dans le tarif régulé (tarif d’Accès des Tiers au Réseau de Distribution de gaz naturel, ATRD) des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de transports et à certains réseaux publics de distribution de gaz naturel.

 

Dans ce cadre, l’arrêté du 30 novembre 2017 fixait ce taux de réfaction applicables aux coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de distribution de gaz naturel à 40 % du coût du raccordement et l’arrêté du 10 janvier 2019 fixait le taux de réfaction des coûts de raccordement de ces installations aux réseaux de transports  gaz naturel à 40 % de ce coût dans la limite d’un plafond de 400.000 euros.

 

Puis, l’article 94 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 [1] a modifié les dispositions des articles L. 452-1 et L. 452-1-1 du Code de l’énergie susvisés afin d’augmenter de 40 % à 60 % lesdits plafonds de réfaction tarifaire.

 

Dans ce contexte, l’arrêté du 2 mars 2022 ici commenté, dont le projet a fait l’objet d’une délibération de la CRE en date du 27 janvier 2022 et d’un avis d’ailleurs défavorable de la part de cette dernière, vient désormais fixer :

 

  • Pour l’application de l’article L. 452-1 du Code de l’énergie, le niveau de prise en charge des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de transport de gaz naturel à 60 % du coût du raccordement, dans la limite de 600.000 euros ;

 

  • Pour l’application de l’article L. 452-1-1 du Code de l’énergie, le niveau de prise en charge des coûts de raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de distribution de gaz naturel qui ne sont pas concédés en application de l’article L. 423-6 du Code de l’énergie et dont la société gestionnaire dessert un réseau de distribution de plus de 100.000 clients sur le territoire métropolitain continental, également à 60 % du coût du raccordement, dans la limite de 600.000 euros.

 

Ainsi, l’arrêté en date du 2 mars 2022 vient abroger les arrêtés susvisés des 30 novembre 2017 et 10 janvier 2019 mais ces derniers continuent toutefois s’appliquer aux contrats de raccordement d’installation de production de biométhane mentionnés à l’article D. 446-13 du Code de l’énergie dont la signature est antérieure à son entrée en vigueur.

 

On notera qu’en parallèle de cette première incitation à l’injection de biogaz dans les réseaux de gaz naturel, la CRE avait ouvert, jusqu’au 24 mars 2022, une consultation publique relative aux modalités de prise en compte de participations de tiers dans le financement de programmes d’investissements de renforcement pour l’insertion de biométhane dans les réseaux de gaz naturel.

 

Cette consultation s’inscrit dans le cadre du « droit à l’injection » instauré par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 [2] pour les producteurs de biogaz et le dispositif de « participation de tiers » permettant aux porteurs de projets aux collectivités locales ou tout autre tiers d’apporter une contribution financière dans les zones considérées comme non efficaces pour l’injection du biométhane.

 

En matière d’électricité, c’est l’article L. 341-2 du Code de l’énergie qui prévoit une réfaction tarifaire pour le raccordement aux réseaux publics des installations de productions d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables pour les producteurs.

 

A ce titre, l’article 98 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 susvisée est venue relever le plafond du taux de réfaction, fixé à 40 % du coût de raccordement, à 60 % pour les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable dont les installations sont raccordées aux réseaux publics de distribution, pour des puissances inférieures à 500 kilowatts.

 

Il a également inséré au sein de l’article L. 341-2 susvisé du Code de l’énergie un plafonnement dérogatoire du taux de prise en charge de 8 0% pour certaines opérations de remplacement, d’adaptation d’ouvrages existants ou de création de canalisations en parallèle à des canalisations existantes.

 

Et, l’arrêté du 22 mars dernier vient fixer les taux de réfaction tarifaire à l’aune de ce évolutions, modifiant ainsi l’arrêté du 30 novembre 2017, lui-même modifié par l’arrêté du 19 mars 2019.

 

Ainsi, le nouvel arrêté relève de 40 % à 60 % ce taux de réfaction tarifaire pour les installations d’une puissance inférieure à 500 kilowatts, allégeant ainsi leur coût, la part réfactée se trouvant prise en charge par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE).

 

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[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[2] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

Lancement de deux procédures de mise en concurrence pour la réalisation d’un projet d’éoliennes flottantes en Méditerranée

Proposition de loi permettant d’arrêter l’implantation anarchique des éoliennes, n° 5163, déposé(e) le mardi 15 mars 2022

Saisi par la Ministre de la transition écologique sur le fondement des dispositions de l’article L. 121-8-1 du Code de l’environnement et L. 311-10 du Code de l’énergie, la Commission nationale du débat public a, par une décision du 29 juillet 2020, ouvert un débat public quant à la construction et l’exploitation de parc éoliens flottants en mer Méditerranée.

 

Le compte rendu et le bilan de ce débat public ont été publiés le 31 décembre 2021.

 

Dans ce cadre, par la décision du 17 mars 2022 ici commentée, la Ministre de la transition écologique a décidé de lancer deux procédures de mise en concurrence en vue de l’attribution de parcs éoliens situés en mer Méditerranée et plus précisément sur des zones numérotées de 1 à 3 identifiées en annexe de la décision :

 

  • La première sera lancée en 2022 pour l’attribution de deux parcs d’éoliennes en mer flottantes d’une puissance d’environ 250 mégawatts ;

 

  • La seconde sera lancée ultérieurement pour deux autres parcs d’une puissance d’environ 500 mégawatts, lesquels constitueront des extensions des premiers.

 

Les zones de raccordements en mer et à terre de ces parcs telles qu’envisagées sont également identifiées en annexe 1 de cette décision et feront l’objet d’une concertation comme prévu par la circulaire du 9 septembre 2002 relative au développement des réseaux publics de transport et de distribution de l’électricité.

 

On notera que cette décision intervient alors qu’une nouvelle proposition de loi très hostile à l’éolien a été déposée, le 15 mars 2022, à l’Assemblée nationale.

 

Dans le même esprit qu’une proposition de loi qui avait été déposée le 25 janvier dernier devant l’Assemblée Nationale et commentée dans une précédente lettre d’actualité du cabinet, cette proposition de loi « permettant d’arrêter l’implantation anarchique des éoliennes » prévoit un droit de véto au profit des communes consultées dans le cadre d’un projet d’installation de parc éolien, leur permettant d’empêcher l’octroi de l’autorisation environnementale nécessaire au projet.

ARENH : parution de nombreux textes encadrant la délivrance des volumes additionnels pour l’année 2022

L’actualité est riche de plusieurs textes et délibérations publiés à la suite de l’annonce du Gouvernement, le 13 janvier 2022, de relever le plafond de l’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ci-après « ARENH ») de 100 à 120 TWh pour l’année 2022, tel que nous le commentions dans une de nos précédentes LAJEE [1].

La mise en œuvre du dispositif exceptionnel

Cette annonce a été concrétisée par la publication de deux arrêtés le 11 mars 2022 : l’un actant le relèvement du volume global maximal d’ARENH pouvant être cédé par EDF aux fournisseurs en faisant la demande [2] et l’autre fixant, en application de l’article L.337-16 du Code de l’énergie, le prix de ces volumes additionnels d’ARENH à 46,2 euros/MWh [3].

Les modalités spécifiques d’attribution de ces volumes additionnels ont été précisées par la délibération n° 2022-72 [4] de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après « CRE ») et par le décret n° 2022-342 [5] publiés le 11 mars 2022.

Le début de la période de livraison des volumes additionnels d’ARENH est ainsi fixé au 1er avril 2022 et les fournisseurs éligibles aux volumes additionnels d’ARENH sont ceux ayant été notifiés des volumes d’ARENH pour la période de livraison débutant le 1er janvier 2022.

En outre, l’article 5 du décret susvisé précise que pour bénéficier de ces volumes additionnels, les fournisseurs concernés devront revendre à EDF un volume d’électricité équivalent à celui qui leur sera cédé au titre de la période complémentaire de livraison a un prix égal à la moyenne des cotations sur les marchés de gros du produit base calendaire pour livraison d’électricité en France métropolitaine continentale sur l’année 2022.

La CRE a, par ailleurs, publié une délibération n° 2022-73 du 11 mars 2022 [6] afin de préciser les modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH.

La modification du modèle d’accord-cadre

La mise en œuvre de ce dispositif exceptionnel et l’obligation des fournisseurs de revendre à EDF un volume d’électricité équivalent ont amené la CRE à proposer une modification du modèle d’accord-cadre défini par l’arrêté du 28 avril 2011 [7]. Pour rappel, en application de l’article L.336-5 du Code de l’énergie, EDF et le fournisseur ayant demandé à bénéficier de volumes d’ARENH concluent un accord-cadre précisant les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut exercer son droit à l’ARENH.

Le 21 mars 2022, la CRE a donc proposé, par une délibération n° 2022-94 [8], un nouveau modèle d’accord-cadre comprenant un article 17 prévoyant des stipulations dérogatoires applicables exclusivement durant la période de livraison complémentaire et portant sur les volumes additionnels d’ARENH et sur la revente à EDF de volumes équivalents d’électricité.

En outre, la CRE a proposé de modifier les stipulations générales portant sur l’obtention de volumes ARENH pour les fournisseurs de secours.

La modification du modèle d’accord-cadre a été actée par l’arrêté du 25 mars 2022 [9].

Les répercussions du dispositif exceptionnel sur le calcul des TRVE

La délivrance des volumes additionnels d’ARENH entraine enfin des répercussions, d’une part, sur le calcul des Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité (ci-après « TRVE ») dont le calcul prend en compte le prix de l’ARENH tel que prévu par l’article L. 337-6 du Code de l’énergie et, d’autre part, sur le montant des garanties de capacité cédées par EDF [10].

Par une délibération n° 2022-74 [11] également publiée le 11 mars 2022, la CRE a ainsi communiqué à l’ensemble des acteurs les modalités retenues pour la prise en compte des 20 TWh supplémentaires d’ARENH dans le calcul des TRVE.

La CRE a précisé par ailleurs que ces modalités seront identiquement appliquées pour la construction du tarif de cession pour les ELD et qu’une partie des compléments d’énergie et de garanties de capacité consécutifs à l’écrêtement de l’ARENH seront finalement approvisionnés à l’ARENH au prix de 46,2 €/MWh et devront être revendus.

La CRE précise enfin que le maintien d’un plafond à 100 TWh de volume d’ARENH lors du guichet de novembre 2021 et la mise à disposition de 20 TWh supplémentaires postérieurement à la période de livraison ont conduit à des modifications importantes des stratégies d’approvisionnement dans les TRVE. Elle rappelle donc sa recommandation de rehausser le plafond de l’ARENH à 150 TWh pour l’année 2023.

La répercussion des volumes additionnels d’ARENH sur les consommateurs

Enfin, par une délibération du 31 mars 2022, la CRE a communiqué ses orientations relatives aux modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fournitures adressées aux consommateurs [12].

Rappelant que l’attribution de 20 TWh d’ARENH supplémentaires pour l’année 2022 a pour objectif de renforcer la protection des consommateurs contre les fortes hausses des prix de gros de l’électricité, la CRE a rappelé, d’une part, que la valeur des volumes supplémentaires d’ARENH devra être intégralement répercutée aux consommateurs affectés par la hausse des prix dans leur contrat et, d’autre part, que les montants restants devront être intégralement redistribués aux consommateurs les plus touchés. Dans le cadre de sa mission de surveillance des marchés, la CRE indique qu’elle veillera particulièrement au respect de ces orientations.

Les fournisseurs devront ainsi transmettre à la CRE leur méthodologie de redistribution avant le 1er mai 2022 et informer leurs clients des modalités de redistribution avant le 1er juin 2022.

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[1] https://www.seban-associes.avocat.fr/relevement-du-plafond-de-larenh-de-100-twh-a-120-twh-pour-lannee-2022/?idlajee=107988

[2] Arrêté du 11 mars 2022 fixant le volume global maximal d’électricité devant être cédé par Electricité de France au titre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, pris en application de l’article L. 336-2 du code de l’énergie 

[3] Arrêté du 11 mars 2022 pris en application de l’article L. 337-16 du code de l’énergie et fixant le prix des volumes d’électricité additionnels cédés dans le cadre de la période de livraison exceptionnelle instaurée par le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[4] Délibération du 11 mars 2022 portant communication sur les modalités d’accès aux volumes additionnels d’ARENH

[5] Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[6] Délibération du 11 mars 2022 portant décision relative aux modalités de calcul et de répartition du complément de prix ARENH pour la période de livraison d’ARENH complémentaire débutant le 1er avril 2022 

[7] Arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

[8] Délibération du 21 mars 2022 portant proposition d’arrêté relatif aux conditions de vente et au modèle d’accord-cadre pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) 

[9] Arrêté du 25 mars 2022 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

[10] Article R.335-69 du Code de l’énergie.

[11] Délibération du 11 mars 2022 portant communication des modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH que la CRE retiendra dans ses propositions de tarif réglementés de vente d’électricité

[12] Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 31 mars 2022 portant orientations et décision sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fourniture 

Infrastructure de Recharge de Véhicules Électriques : approbation du cahier des charges de l’appel à projets « Soutien au déploiement de stations de recharge haute puissance pour les véhicules électriques »

Cahier des charges de l’appel à projet

Plateforme pour déposer un dossier 

 

Par un arrêté du 4 mars 2022, le Premier ministre a approuvé le cahier des charges de l’appel à projets relatif au soutien au déploiement de stations de recharge haute puissance pour les véhicules électriques.

 

L’ouverture de cet appel à projets a été annoncé par le Gouvernement le 17 mars 2022. Il s’inscrit dans le cadre de l’action « Industrialisation et déploiement » du plan d’investissement France 2030 afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 en soutenant l’investissement pour le déclenchement d’une dynamique de déploiement de ces infrastructures en zone urbaine et dans les territoires.

 

L’enveloppe globale qui y est consacrée par le Gouvernement s’élève à 300 millions d’euros dont 100 millions d’euros dès 2022.

 

L’appel à projets s’adresse aux opérateurs privés et aux collectivités ayant la capacité d’installer et d’exploiter un réseau de bornes de recharge. Il s’agit ainsi, pour ces dernières, de syndicats intercommunaux disposant de la compétence en matière de déploiement d’infrastructures de recharge de véhicules électriques et d’entités titulaires de la compétence de création et d’entretien de telles infrastructures, prévue à l’article L. 2224-37 du Code générale des collectivités territoriales.

 

Le cahier des charges de l’appel à projets précise que chaque station de recharge devra disposer d’au minimum 100 points de recharge si le projet est porté par un opérateur privé et de 50 points de recharge s’il est porté par une collectivité.

 

Les projets devront s’inscrire dans deux axes : l’axe « métropoles » et l’axe « territoires ». Ainsi, les stations devront être situées dans l’une des 10 métropoles principales [1] et dans d’autres métropoles, dans des villes moyennes, dans des territoires ruraux ou des zones blanches, et pourront également se situer dans les départements et régions d’Outre-Mer.

 

Le cahier des charges précise que ces infrastructures de recharge de véhicules électriques, qui ont vocation à répondre aux besoins ponctuels des particuliers et des professionnels du transport de passagers et de marchandises, seront développées en complémentarité des infrastructures de recharge utilisées pour la recharge quotidienne.

 

Sur les critères de l’appel à projets, seront analysées les études de planification sur le choix de la location et de la puissance installée de chaque station, les études d’impact du déploiement sur le réseau électricité ainsi que l’attractivité commerciale du projet, l’interopérabilité, la tarification, la qualité de service et la pérennité des infrastructures.

Il est également précisé que l’opération pour laquelle les opérateurs privés ou les collectivités éligibles demanderont une aide financière ne doit, ni avoir commencé, ni avoir donné lieu à des engagements fermes.

 

Sur les modalités de candidatures, l’appel à projets est ouvert depuis le 17 mars 2022 et se clôturera le 31 décembre 2024 à 17h00, étant précisé que la première relève de dossiers aura lieu le 11 juillet 2022 à 17h00 puis les 1er janvier et 1er juin de chaque année.

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[1] Bordeaux Métropole, Eurométropole de Lille, Nantes Métropole, Métropole Nice Côte d’Azur, Rennes Métropole, Eurométropole de Strasbourg, Toulouse Métropole, Métropole du Grand Paris, Métropole Aix-Marseille-Provence et Métropole de Lyon

Tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel : consultation publique de la CRE

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a mis en ligne le 31 mars 2022 une consultation publique relative à la tarification des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturel.

 

Les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de gaz naturel sont chargés de réaliser les missions de service public liées à la distribution du gaz naturel. Leur rémunération résulte à ce titre des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution (dits tarifs « ATRD») fixés par la CRE.

 

A côté de cette mission, ceux-ci réalisent des prestations annexes à titre exclusif à destination des fournisseurs, des producteurs et des consommateurs finals. Ces prestations figurent, pour chaque GRD de gaz naturel sur sa zone de desserte exclusive, dans un catalogue de prestations. La CRE fixe les méthodes utilisées pour établir les tarifs des prestations annexes, ainsi que les évolutions tarifaires.

 

Les évolutions objets de la consultation concernent en particulier GRDF et Régaz Bordeaux.

 

Les principales évolutions envisagées à ce stade par la CRE consistent principalement à :

  • pérenniser la prestation « changement de compteur gaz hors heures ouvrées » qui est réalisée par GRDF actuellement à titre expérimental et l’étendre aux utilisateurs équipés d’un compteur de débit > 16 m3/h ;
  • adapter deux prestations relatives à la pression disponible « standard » et « non standard» afin de répondre aux besoins des nouveaux consommateurs comme les stations de gaz naturel pour véhicules (GNV) ;
  • raccourcir le délai standard de la prestation « changement de fournisseur » pour GRDF et les entreprises locales de distribution (ELD) ;
  • introduire les prestations visant à faciliter les opérations des fournisseurs, déjà proposées par GRDF, dans les prestations optionnelles du tronc commun.

La date limite de dépôt des réponses à cette consultation publique est fixée au 28 avril 23h59.

Avis de la CRE sur le projet de décret d’application du dispositif d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz

Dans une délibération en date du 17 mars 2022, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) s’est prononcée sur un projet de décret d’application du dispositif d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz.

 

Ce projet de décret avait été mis en consultation par le Gouvernement au cours du mois de février dernier (voir notre brève).

 

Le projet de décret met en œuvre le dispositif de soutien à la production de biogaz et à son injection sur les réseaux de gaz naturel créé par la loi dite « climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) sous la forme de certificats de production de biogaz.

 

Ce dispositif consiste à imposer aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l’Etat de certificats. Les fournisseurs de gaz naturel peuvent s’acquitter de cette obligation, soit en produisant directement du biogaz injecté dans un réseau de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biogaz.

 

Après avoir rappelé le contenu précis du projet de décret dont elle était saisie, la CRE formule notamment les observations suivantes :

  • Sur la typologie d’installations soumises à certificat, la CRE relève que le projet de décret limite l’accès au dispositif des installations mettant en œuvre, pour la production du biométhane, des techniques de production matures et standardisées, à l’instar des typologies d’installations actuellement soutenues par l’Etat via le dispositif d’obligation d’achat. Elle estime que cette limitation est adaptée car elle devrait conduire à maîtriser les écarts de coûts de production, et par conséquent de compétitivité, entre les installations bénéficiaires du dispositif ;
  • Sur les paramètres de modulation de la capacité des installations à émettre des certificats de production de biogaz, la CRE note que la loi avait introduit une simple possibilité de modulation, et que le projet de décret « prévoit une déclinaison complète de cette disposition en fonction de quatre (4) paramètres, renvoyant à un arrêté pour la fixation des coefficients de modulation suivant chacun d’eux». La CRE déplore en conséquence la complexification réglementaire ainsi générée ;
  • Sur la franchise prévue par le projet de décret pour les fournisseurs de petite taille qui ne seront pas soumis au dispositif pendant ses quatre premières années de mise en œuvre, la CRE indique que cette franchise « permettra l’accompagnement des petits acteurs dans les premières années du dispositif », mais souhaite que soit prise en compte la notion d’entreprises liées de manière à éviter de potentiels contournements du dispositif par la filialisation.

 

Au global, si la CRE accueille favorablement le principe de fonctionnement du dispositif des certificats « dont l’objectif est de permettre, via la mise en place d’une obligation d’incorporation de biométhane pesant sur les fournisseurs de gaz, […] la poursuite durable du développement de la filière de production de biométhane injecté », elle formule néanmoins une réserve très claire quant à la complexité du texte qui lui était soumis : « la CRE prend acte avec réserve du projet de décret objet de la saisine. La complexité du système proposé nuit à son efficacité ».

 

Il sera donc intéressant d’observer si le Gouvernement tire les enseignements de cet avis en simplifiant le texte final du décret.

Obligation d’information du GRD envers les copropriétaires en matière de travaux de rénovation des colonnes montantes électriques

Une recommandation du Médiateur National de l’Energie (ci-après, MNE) récemment publiée apporte de nouvelles précisions sur les obligations pesant sur le Gestionnaire du Réseau de Distribution (ci-après, GRD) d’électricité en matière d’information des copropriétaires s’agissant du calendrier de réalisation des travaux de rénovation des colonnes montantes électriques équipant leur immeuble.

 

Pour mémoire, sauf pour les propriétaires d’immeubles à en avoir revendiqué la propriété, les colonnes montantes électriques relèvent toutes du réseau public de distribution d’électricité et doivent, en conséquence, être entretenues et, le cas échéant rénovées par le GRD (art. L. 346-1 et s. du Code de l’énergie).

 

Dans l’affaire qui était soumise au MNE, un copropriétaire avait sollicité l’ajout d’un compteur d’électricité supplémentaire. Le GRD lui avait toutefois indiqué que cet ajout n’était pas possible compte tenu de la vétusté de la colonne montante de l’immeuble. Le Syndic de l’immeuble avait alors entrepris les démarches auprès du GRD afin de connaître les modalités et le calendrier de rénovation de ladite colonne montante, et ce d’autant que la copropriété envisageait de rénover la cage d’escalier où passe la colonne, et que ces travaux ne pouvaient être réalisés avant la réfection de la colonne montante.

 

Or, pendant deux ans, le GRD s’était abstenu de répondre à cette demande, celui-ci ayant néanmoins fini par expliquer que la demande du Syndic n’avait pas été adressée au bon service, et que le service incompétemment saisi s’était abstenu de rediriger la demande. Le GRD avait alors récemment indiqué au Syndic qu’il le contacterait « ‘dans les meilleurs délais’ afin de faire le point sur la demande initiale du copropriétaire et de réaliser une visite en vue de l’ouverture d’un dossier d’ajout de compteur et l’ouverture d’un dossier de rénovation de colonne ‘si nécessaire’ ».

 

Dans sa recommandation, le MNE commence par déplorer ce traitement en relevant que « quel que soit le service du distributeur qui reçoit une demande d’un usager, il lui appartient si cette demande a été mal dirigée, de la réorienter immédiatement vers le service compétent et d’en informer l’intéressé en lui donnant les coordonnées précises de ce service ».

 

Et, s’agissant de la question de fond ayant trait au calendrier de rénovation de la colonne montante, le MNE souligne le flou de la réponse apportée par le GRD : « je constate que la réponse qui vient d’être enfin donnée par le distributeur Z est loin d’être précise : que signifie « dans les meilleurs délais » ? Qu’en est-il de la « visite » sur place ? En serez-vous préalablement informé ? Pourrez-vous y assister ? Si un compte-rendu en est fait, pourrez-vous en avoir communication ? A cela s’ajoute le fait que cette visite sera effectuée « en vue de l’ouverture » de deux dossiers ce qui est fort vague quant aux suites qui seront données et de leur échéance ».

 

Le MNE estime dans ces conditions que le GRD « doit faire parvenir [au Syndic], dans un délai qui ne saurait excéder un mois, un calendrier précis et détaillé des opérations à entreprendre pour aboutir à la pose du nouveau compteur et, préalablement, à la rénovation de la colonne montante, si la nécessité de cette rénovation est confirmée, par une étude qui devra nécessairement vous être communiquée ».

 

Le GRD est ainsi tenu de justifier, en produisant son étude, de la nécessité ou non de rénover la colonne montante et doit communiquer un calendrier précis et détailler des travaux à réaliser.

 

Cette recommandation est particulièrement intéressante pour les propriétaires d’immeubles (institutionnels ou particuliers) qui se heurtent à d’importantes difficultés pour obtenir des GRD les informations relatives au calendrier de rénovation des colonnes montantes équipant leur patrimoine et ainsi coordonner leurs propres travaux avec ceux du GRD.

Responsabilité d’une commune pour défaut d’entretien d’une digue

Dans un arrêt rendu par la deuxième chambre de la Cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 3 mars 2022, le juge confirme la responsabilité d’une commune pour le défaut d’entretien d’une digue ayant entraîné la chute d’une passerelle construite par un propriétaire riverain, dans la rivière qu’elle enjambait.

L’objet du litige portait sur la responsabilité de l’effondrement de la passerelle enjambant la rivière, construite par les propriétaires du terrain, intervenue à suite d’une forte crue en 2014. Si la commune alléguait que la passerelle avait été construite sans autorisation et utilisée dans des « conditions douteuses par les propriétaires du terrain », ces derniers soutenaient en retour que son effondrement était dû au mauvais entretien d’une digue communale, malgré leurs demandes répétées d’intervention auprès de la Commune. Le juge administratif a retenu que les circonstances d’instabilité géologique des rives de la rivière n’étaient « pas de nature à remettre en cause le lien de causalité entre le défaut d’entretien de la digue et les dommages constatés ».

En effet, il retient qu’il résulte de l’instruction que la digue avait été fragilisée par un phénomène d’érosion régressive en 2014. Cette fragilité était connue et avait donné lieu à une mise en demeure de la commune d’effectuer les travaux par les services de l’Etat. En 2008 elle avait effectué un simple colmatage, et non une réparation complète de la digue comme cela avait été demandé. Lors de l’effondrement de la rive gauche de la berge, la passerelle avait été entraînée dans cet effondrement, ce qui a porté atteinte au droit de jouissance de la propriétaire du terrain, cette dernière n’ayant dès lors plus accès à une partie de son terrain, situé sur l’autre rive.

La Cour retient donc la responsabilité de la commune dans ce défaut d’entretien de la digue communale ayant entraîné un préjudice de jouissance de quatre années à la propriétaire du terrain attenant à la rivière.