Contrats publics
le 19/04/2022

Possibilité pour le maître d’ouvrage de déduire d’office, dans le DGD, le montant de travaux correspondant à des réserves non levées du solde du marché dû au titulaire

CE, 28 mars 2022, société MC Bat, n° 450477

Dans cette affaire, une commune (Sainte-Flaive-des-Loups), a prononcé la réception de l’ouvrage réalisé par son titulaire dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur le réaménagement d’une grange en bibliothèque, sous réserve de l’achèvement de certaines prestations.

Puis, considérant que la prestation n’était toujours pas conforme au marché malgré l’intervention de son titulaire, la commune a refusé la levée de certaines des réserves et a déduit du décompte général qu’elle lui a transmis les sommes correspondantes aux travaux nécessaires.

Saisi d’un recours en ce sens de la société titulaire, le Tribunal administratif de Nantes avait condamné la commune à lui verser le solde de ce décompte assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation par un jugement du 19 juin 2019[1], confirmé ensuite par la Cour administrative de Nantes[2].

En effet, la Cour avait alors considéré, après avoir relevé que la commune n’avait « ni passé de marché de substitution ni obtenu un accord de la société MC Bat sur une réduction du montant de son marché »,jugé que « le refus de la commune de lever une partie des réserves ne l’autorisait pas à opérer d’office, dans le décompte général, une réfaction sur le montant total du marché à hauteur du prix des travaux qu’elle estimait nécessaires pour réparer les malfaçons continuant, selon elle, d’affecter l’enduit extérieur ».

Dans sa décision du 28 mars 2022, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement.

Le Conseil d’Etat rappelle, en s’appuyant sur les articles 41.6 et 41.7 du CCAG travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 relatifs à la possibilité pour le maître d’ouvrage d’assortir la réception de l’ouvrage de réserves et de lui proposer une réfaction du prix en lieu et place de la réparation des malfaçons constatées (lesquels sont similaires aux articles 41.6 et 41.7 correspondants du CCAG travaux actuellement en vigueur[3]) que :

  • D’une part, le maître d’ouvrage n’a pas l’obligation, lorsqu’il fait usage de la possibilité de faire exécuter aux frais et risques de son titulaire les travaux faisant l’objet de réserves non levées dans le délai imparti, de le faire avant l’établissement du décompte général. Le Conseil d’Etat censure donc le raisonnement tenu par la Cour administrative d’appel de Nantes au terme duquel la Cour exigeait que le maître d’ouvrage ait déjà passé le marché de substitution pour pouvoir en imputer le coût à l’entrepreneur ;
  • D’autre part, le Conseil d’Etat rappelle que les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non. En l’absence de chiffrage, le décompte ne devient définitif que sur les éléments n’ayant pas fait l’objet de réserves. Dans le cas où les réserves sont chiffrées, sans que leur montant ne fasse l’objet d’une réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité et les sommes correspondant à ces réserves peuvent ainsi être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire si celui-ci n’a pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.

Ainsi, l’inscription dans le décompte général d’une somme correspondant au chiffrage, par le maître d’ouvrage, de travaux ayant fait l’objet de réserves non levées fait naître à son profit une créance correspondant à ladite somme à l’encontre de son titulaire, et ce alors même que les travaux n’ont pas encore été réalisés aux frais et risques du titulaire.

 

[1] TA Nantes, 19 juin 2019, société MC Bat, n° 1708437.

[2] CAA Nantes, 8 janvier 2021, société MC Bat, n° 19NT03351.

[3] Arrêté du 30 mars 2021 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux.