Contrats publics
le 19/04/2022

Marché de substitution, prestations de reprise des malfaçons et droit à l’information du titulaire initial

CAA de Nantes, 4 février 2022, Société CBI, n° 21NT01182

Attention au contenu d’un marché de substitution ! Le solde du marché de substitution ayant pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à un titulaire et d’achever les prestations non réalisées par ce même titulaire dans le cadre de son propre marché, ne peuvent être mis à sa charge dans le décompte du marché mis en régie si ce titulaire n’a pas été mis en mesure d’en suivre l’exécution, alors même qu’un marché qui viserait uniquement à remédier à des désordres dans la construction ne saurait être qualifié de marché de substitution.

Dans le cadre d’une opération impliquant notamment la réhabilitation de l’ancien centre de tri postal et de sa reconversion en locaux associatifs, la communauté de communes d’Erdre et Gesvres a confié à l’office public de l’habitat Habitat 44 la maîtrise d’ouvrage de cette partie de l’opération. L’exécution du lot « Gros Œuvre » relatif à la construction de l’ouvrage, qui avait été confié à la société CBI, a été suspendu par Habitat 44 en raison de difficultés rencontrées sur le chantier. Mais, après avoir constaté que des travaux de reprise qui avaient sollicités n’avaient pas tous été exécutés, Habitat 44 a mis en demeure la société CBI de réaliser ces travaux dans un délai de quinze jours. La mise en demeure n’ayant pas été exécutée, la communauté de communes a résilié le marché aux frais et risques de la société. A l’initiative de cette dernière, l’affaire a été portée devant le Tribunal administratif, puis la Cour administrative d’appel. Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour et jugé que :

« Si les contrats passés par le maître d’ouvrage avec d’autres entrepreneurs pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n’a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis aux règles énoncées au point précédent et, en particulier, au droit de suivi de leur exécution, il est loisible au maître d’ouvrage qui, après avoir mis en régie le marché, confie la poursuite de l’exécution du contrat à un autre entrepreneur, d’inclure dans ce marché de substitution des prestations tendant à la reprise de malfaçons sur des parties du marché déjà exécutées. Dans ce cas, le droit de suivi du titulaire initial du marché s’exerce sur l’ensemble des prestations du marché de substitution, sans qu’il y ait lieu de distinguer celles de ces prestations qui auraient pu faire l’objet de contrats conclus sans mise en régie préalable » (CE, 27 avril 2021, Société CBI, req. n° 437148).

Autrement dit, si les contrats visant à remédier à des malfaçons ne sont pas des marchés de substitution et ne permettent pas au titulaire du marché initial d’en suivre l’exécution, le maître de l’ouvrage peut inclure la reprise de malfaçons dans les marchés de substitution, ce qui ouvre au titulaire du marché initial un droit de suivi sur l’ensemble des prestations.

L’affaire lui ayant été renvoyée, la Cour administrative d’appel de Nantes tire les conséquences financières de cette règle dans cette affaire :

« il n’est pas contesté que le marché confié en décembre 2011 à la société Eiffage Construction avait pour objet à la fois de remédier à des désordres dans la construction imputés à la société CBI et d’achever les prestations non réalisées par cette même société dans le cadre de ses propres marchés. Il est également constant, ainsi que le reconnaissent les personnes publiques intimées, que ce marché n’a aucunement été notifié à la société CBI avant l’exécution de ce dernier et que la société appelante n’a donc pas été mise à même d’user du droit qu’elle a de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les opérations exécutées à ses risques et périls par le nouvel entrepreneur. La société CBI ne saurait donc être tenue de supporter les conséquences onéreuses de ce marché, alors même que ce marché avait partiellement pour objet de remédier à des désordres qui lui étaient imputés » (CAA de Nantes, 4 février 2022, Société CBI, req. n° 21NT01182).

Alors même que la société CBI n’en avait pas été informé, la communauté de communes avait, en effet, conclu un marché avec la société Eiffage pour reprendre les malfaçons et poursuivre l’exécution du marché initialement confié à la société CBI. Le droit de suivi du marché de substitution par le titulaire initial s’exerçant sur toutes les prestations exécutées dans le cadre du marché de substitution, le titulaire initial ne saurait supporter la charge de ce dernier.

On relèvera que d’autres contrats avaient été passés pour remédier aux désordres affectant les prestations du titulaire initial et que, dès lors qu’il n’est pas établi qu’ils « auraient inclus des prestations devant être initialement réalisées par la société CBI », ils n’ont pas la nature d’un marché de substitution, et pouvaient donc être pris en compte dans le décompte général et définitif du marché mis en régie en l’absence de notification au titulaire du marché initial.