Précisions bienvenues de la Commission de Régulation de l’Energie sur la suppression de la contribution des collectivités pour l’extension du réseau public d’électricité

Par une délibération du 22 septembre 2023, la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a donné des précisions intéressantes sur l’entrée en vigueur de la suppression de la contribution pour l’extension du réseau public de distribution d’électricité due par les collectivités en charge de l’urbanisme (ci-après, CCU) prévue par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Pour rappel, avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, le coût de l’extension du réseau public de distribution d’électricité rendue nécessaire par la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, et non couvert par le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité, était partagé entre le demandeur du raccordement et la collectivité ayant accordé l’autorisation d’urbanisme.

Il résultait alors de la combinaison des articles L. 341-11 du Code de l’énergie et L. 332-15 du Code de l’urbanisme que la contribution pour l’extension était répartie comme suit :

  • Le demandeur du raccordement était débiteur du coût de l’extension sur le terrain d’assiette de l’opération ;
  • La collectivité ayant accordé l’autorisation d’urbanisme était débitrice du coût de l’extension en dehors du terrain d’assiette de l’opération.

L’article 29 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a acté la suppression de la contribution due par les CCU et l’ordonnance n° 2023-816 en date du 23 août 2023, en codifiant le nouvel article L. 342-21, fait peser l’intégralité de la contribution sur le demandeur du raccordement.

Si la suppression de la contribution des CCU est entrée en vigueur le 10 septembre, ni la loi, ni l’ordonnance ne précisaient si cette nouvelle répartition de la contribution concernait les demandes de raccordement ayant fait l’objet d’une décision d’urbanisme antérieure au 10 septembre ou exclusivement celles ayant bénéficié d’une décision d’urbanisme postérieure à cette même date.

Par la délibération présentement commentée, la CRE, en considérant que « les décisions d’urbanisme qui ont été demandées et délivrées avant le 10 septembre 2023 sont intervenues dans un cadre juridique qui prévoyait encore la contribution des CCU pour la part des coûts d’extension situés hors du terrain de l’opération de raccordement » précise que la suppression de la contribution due par les CCU s’applique aux demandes de raccordement liées à des autorisations d’urbanisme délivrées postérieurement au 10 septembre 2023.

Cette délibération, bienvenue, ne règle toutefois pas la question de la contradiction entre l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme et le nouvel article L. 342-21 du Code de l’énergie, que nous avions relevée dans notre lettre d’actualité juridique du mois de septembre.

A la suite de la publication du décret n° 2023-854, le Gouvernement lance une consultation pour soutenir la production d’hydrogène décarbonée

Décret n° 2023-854 relatif au dispositif de soutien à la production de certaines catégories d’hydrogène

Pour mémoire, l’article 57 de la loi n° 2019-1147 en date du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (ci-après, loi énergie climat) a autorisé le Gouvernement à prévoir, par voie d’ordonnance, toutes mesures relevant du domaine de la loi afin de « définir un cadre de soutien applicable à l’hydrogène produit à partir d’énergie renouvelable ou par électrolyse de l’eau à l’aide d’électricité bas-carbone ».

Désormais, les articles L. 812-2 à L. 812-10 du Code de l’énergie prévoient le bénéfice d’un dispositif de soutien ouvert à toute personne exploitant ou désirant construire et exploiter une unité de production d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone produit par électrolyse de l’eau.

Dans ce contexte, le 1er septembre 2023, le Ministre de la Transition énergétique a publié le décret n° 2023-854 relatif au dispositif de soutien à la production de certaines catégories d’hydrogène (ci-après, le décret n° 2023-854) qui complète la partie règlementaire du Code de l’énergie afin d’y ajouter, dans un livre VIII, des dispositions relatives au soutien à la production de certaines catégories d’hydrogène.

Celles-ci apportent des précisions sur les procédures de mise en concurrence de producteurs d’hydrogène renouvelable ou bas-carbone souhaitant bénéficier d’un soutien public dans les conditions de l’article L. 812-3 de ce même Code.

Il est ainsi prévu que le Ministre chargé de l’énergie établisse un cahier des charges qui comporte notamment la description des installations concernées par la procédure et les conditions qui leur sont applicables ains que les critères de sélection des offres. Puis, à la suite d’une phase de sélection des candidats éligibles, qui peut être suivie d’une phase de dialogue afin de développer les solutions proposées par les candidats, le Ministre chargé de l’énergie désigne, avec l’appui de l’ADEME, les candidats sélectionnés pour bénéficier du dispositif de soutien.

C’est dans ce cadre que le Gouvernement a ouvert une consultation publique jusqu’au 20 octobre 2023 afin de sélectionner les producteurs qui bénéficieront d’un soutien à la production d’hydrogène bas-carbone et renouvelable. Ce dispositif de soutien représente 4 milliards d’euros pour une puissance de 1 GW d’électrolyseurs répartie sur trois tranches d’appel : 150 MW en 2024, 250 MW en 2025 et 600 MW en 2026.

Les demandeurs pourront obtenir une aide au fonctionnement uniquement ou une aide à l’investissement et au fonctionnement sur une durée qui correspond à celle nécessaire à l’amortissement des installations.

Le projet de cahier des charges précise que les projets éligibles sont ceux d’une puissance supérieure à 30 MW identifiés pour « le raffinage de carburant, la production de carburants de synthèse et les usages industriels directs et sans mélange en France ». Mais en sont exclus les projets de production d’hydrogène pour le chauffage ou pour le mélange avec du méthane (« blending »). Enfin, seules les installations nouvelles sont éligibles.

La Commission de Régulation de l’Energie publie son guide des bonnes pratiques d’accompagnement des consommateurs professionnels dans leurs achats d’énergie

Dans le contexte de crise énergétique actuelle, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a publié un guide afin d’accompagner les consommateurs professionnels, publics et privés, dans leurs achats d’électricité et de gaz à l’approche du renouvellement ou de la souscription de leurs nouveaux contrats de fourniture d’énergie.

Les acteurs publics et les entreprises privées pourront d’abord y retrouver différents conseils pour anticiper leurs achats d’énergie afin de disposer du temps nécessaire pour définir leurs besoins avec précision. Ensuite, ils y trouveront une présentation des différentes composantes des contrats d’électricité afin de distinguer les contrats à prix fixe, les offres « à clics », et les offres comportant une indexation partielle au marché journalier « spot ». Puis, le guide aborde la question des contrats de gaz naturel avant de présenter les conséquences potentielles que peuvent faire peser certaines clauses contractuelles, dans les contrats de gaz naturel comme d’électricité, sur les prix payés par les consommateurs, telles que celles relatives au droit à l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ci-après, ARENH) du fournisseur.

Le guide présente, plus précisément, quelques recommandations supplémentaires à destination des consommateurs acteurs publics qui sont soumis dans leurs achats d’énergie aux règles de la commande publique. La CRE rappelle d’abord que dans les mêmes conditions que les acheteurs privés, les acheteurs publics ont connu d’importantes difficultés pour souscrire de nouveaux contrats d’achat d’énergie du fait de la hausse des prix pratiqués ou du nombre d’offres disponibles qui, pour les acheteurs publics, se sont manifestés par un très faible nombre de réponses des fournisseurs aux appels d’offres.

Dans ce contexte, la CRE encourage les consommateurs publics à mettre en œuvre une phase de sourcing, dans les conditions prévues par le Code de la commande publique, afin notamment que ces acheteurs appréhendent au mieux l’incidence de leurs choix sur les offres remises et particulièrement les prix proposés par les fournisseurs. Le guide met aussi en lumière la question de l’allotissement des appels d’offres – notamment dans le cadre d’accords-cadres à marchés subséquents – et recommande aux acteurs publics de recourir à un allotissement géographique, par zone de desserte des points de livraisons, plutôt qu’à un allotissement « mixte Enedis ou GRDF / ELD » pratiqué par certains consommateurs publics. Selon la CRE, un tel allotissement n’est pas souhaitable dès lors que certains fournisseurs ne couvrent pas l’ensemble des zones de desserte des ELD.

Le régulateur recommande en outre aux acheteurs publics concluant des accords-cadres d’achat d’électricité de fixer des plafonds maximums[1] en volume d’énergie plutôt qu’en euros afin d’éviter tout risque d’infructuosité compte tenu des prix de marchés actuels et de leur potentiel d’évolution à la hausse.

Enfin, le guide préconise aux acheteurs publics de prévoir des délais suffisants d’au moins 10 jours entre la publication du marché subséquent et la date limite de réponse des fournisseurs et d’au moins 3 mois entre l’attribution du marché subséquent et le début de la période de livraison pour s’adapter aux contraintes des fournisseurs qui doivent collecter les données nécessaires à la facturation des clients et réaliser les modalités nécessaires auprès des gestionnaires du réseau public de distribution d’électricité pour satisfaire les demandes de changement de fournisseur.

 

[1] Pour rappel, les accords-cadres doivent être conclus avec un maximum en valeur ou en quantités (article R. 2162-4 du Code de la commande publique).

Rapport de la Commission de Régulation de l’Energie sur le prix du nucléaire dans les années à venir

Le Ministère de la transition écologique vient de rendre public une synthèse – et non l’intégralité – du rapport élaboré par la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) commandé par l’Etat en mars 2023 et remis par le régulateur en juillet dernier au sujet du « coût de production du parc nucléaire existant d’EDF ».

Comme le précise le Ministre sur son site internet, cette mission confiée à la CRE s’inscrivait « dans le cadre des travaux relatifs à une nouvelle régulation du marché de l’électricité post-2025 », c’est-à-dire dans la réflexion gouvernementale sur le cadre régulatoire qui succèdera au mécanisme de l’ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique) en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025 (art. L. 336-8 du Code de l’énergie).

Plus précisément, l’expertise de la CRE avait été sollicitée « afin de déterminer le prix accessible [de l’électricité nucléaire] dans des engagements longs de l’opérateur nucléaire pour l’ensemble des consommateurs français en sécurisant la couverture des coûts de l’outil nucléaire ».

Pour son rapport, la CRE a retenu les hypothèses, regardées par l’Autorité comme constituant un « cadre très protecteur pour EDF », suivantes :

  • une trajectoire de productible qui s’élève à 361,5 TWh par an sur la période 2026-2030, 360,2 TWh par an sur 2031-2035 et 344,1 TWh par an sur 2036-2040 ;
  • un prolongement de la durée de vie du parc nucléaire historique à 60 ans. Le Régulateur précisant que « ce choix est motivé par les orientations en termes de politique énergétique et d’avenir de la filière nucléaire fixées par le président de la République dans son discours de Belfort du 10 février 2022, et par la suppression du plafond à 50 % de part du nucléaire dans le mix électrique dans la loi du 22 juin 2023» ;
  • un schéma de régulation de l’ensemble de la production nucléaire fondé sur un prix de vente garanti s’appliquant à la totalité de la production du parc nucléaire existant, tel qu’il figure dans la réforme du marché européen de l’électricité proposée par la Commission européenne en mars 2023.

Aux termes de la synthèse du rapport de la CRE, il est relevé que le coût complet du nucléaire existant calculé par la CRE, sur la base de la trajectoire de productible et du niveau de coût moyen pondéré du capital retenus par la CRE, s’élève à respectivement 60,7 €22/MWh sur la période 2026-2030, 59,1 €22/MWh, sur 2031-2035, et 57,3 €22/MWh sur 2036-2040.

Préparation de mesures tendant à la sécurisation de l’approvisionnement énergétique en prévision de l’hiver

Délibération n° 2023-287 du 14 septembre, portant avis sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel

A l’approche de la période hivernale, trois délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) du 14 septembre 2023 se prononcent sur des projets de textes qui réactivent ou complètent le cadre juridique applicable en cas de nécessité de faire face à des menaces sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz ou de tension sur le système électrique.

D’abord, une première délibération n° 2023-288 du 14 septembre 2023 portant avis sur le projet de décret relatif aux mesures exceptionnelles de maîtrise de la consommation de gaz naturel des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel se prononce sur un projet de décret soumis par le Gouvernement en application de l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie. Cet article, issu de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dite loi « MUPPA » a introduit un dispositif permettant :

  • En cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, d’ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou de suspendre l’activité de leurs installations ;
  • Et si, à la menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, de réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin qu’elles fonctionnent uniquement selon les directives et sous le contrôle de l’opérateur qu’il désigne.

Il résulte du projet de décret soumis par le Gouvernement que :

  • ce sont les installations d’une puissance supérieur à 20 MW qui seront susceptibles de faire l’objet de restrictions ;
  • la détermination des installations qui seront soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement en cas de menace sur l’approvisionnement en gaz naturel sera faite sur la base de la prise en compte des critères suivants :

1) la gravité de la menace sur la sécurité d’approvisionnement ;

2) le type d’installation, en restreignant ou suspendant en priorité les sites qui ne produisent pas en cogénération de l’électricité ou de la chaleur ;

3) les contraintes techniques des installations qui seraient incompatibles avec une réduction de leur consommation de gaz naturel ;

4) l’ordre de préséance économique, en se basant sur les estimations du GRT d’électricité pour restreindre ou suspendre en priorité les installations dont le coût de production de l’électricité est le plus élevé ;

5) des prérequis minimaux de puissance permettant de ne pas remettre en cause la sécurité d’approvisionnement en électricité, la sûreté et la sécurité de l’exploitation du réseau électrique.

  • en cas de menace sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité, il peut être dérogé aux mesures de restriction ou de suspension du fonctionnement des installations.

La CRE indique accueillir favorablement ce projet « qui contribue à anticiper et à résorber de potentielles menaces » mais émet néanmoins des réserves sur les points suivants :

  • Selon la CRE, il est nécessaire que les capacités techniques du réseau de gaz soient prises en compte dans la sélection des installations de production d’électricité à partir de gaz qui seront visées par les mesures de restriction ou de suspension de leur fonctionnement, afin de tirer le meilleur bénéfice de ces mesures et d’éviter tout effet négatif sur le fonctionnement du réseau de gaz ;
  • De plus, toujours selon la CRE, le critère de préséance économique est de second ordre par rapport aux autres critères prévus par le projet d’arrêté de sorte qu’il pourrait n’être pris en compte que dans les situations où la prise en compte des autres critères ne suffirait pas à départager les installations soumises à restriction ou suspension ;
  • Enfin, la CRE est défavorable à ce que le décret prévoie qu’elle rende un avis en cas de sanction pour dépassement des consommations maximales, dans la mesure où celui-ci ajouterait de la complexité à la procédure d’instruction.

Ensuite, par une deuxième délibération n° 2023-287 du 14 septembre, la CRE se prononce sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptible de la consommation de gaz naturel.

Pour mémoire, les articles L. 431-6-2 et L. 431-6-3 du Code de l’énergie prévoient deux dispositifs qui permettent aux gestionnaires de réseaux d’interrompre la consommation de certains consommateurs finals agréés lorsque le fonctionnement du réseau de gaz naturel est menacé de manière grave et afin de sauvegarder l’alimentation des consommateurs protégés :

  • une interruptibilité « garantie », rémunérée, s’adressant aux consommateurs raccordés aux réseaux de transport et de distribution et organisée par le biais d’un appel d’offres sélectionnant les consommateurs éligibles ;
  • une interruptibilité « secondaire », non rémunérée, déclinée à la fois sur le réseau de transport et le réseau de distribution.

En 2022, dans un contexte de tension sur la sécurité d’approvisionnement, un appel d’offres a été organisé pour contractualiser 150 GWh/jour de capacités interruptibles de la consommation de gaz naturel. L’appel d’offres a cependant été déclaré infructueux. Le projet d’arrêté a pour objet de prendre en compte ce retour d’expérience en modifiant certaines modalités opérationnelles du dispositif d’interruptibilité garantie.

En particulier, le projet d’arrêté fait évoluer les modalités de transmission des programmes de consommation d’un lieu de consommation pour une semaine civile, ce que la CRE estime de nature à répondre « aux difficultés mises en avant en 2022 par les consommateurs concernés quant à la complexité administrative et opérationnelle du mécanisme ». Au total, la CRE accueille favorablement le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel, qui selon elle « améliore l’attractivité du dispositif et devrait faciliter la mise en œuvre du dispositif l’hiver prochain et ainsi contribuer à protéger les consommateurs d’une mise en œuvre des mécanismes de dernier recours ».

Enfin, une troisième délibération n° 2023-285 du 14 septembre 2023 se prononce sur un projet de décret relatif aux mesures d’urgence définies en application des articles L. 321-17-1 et L. 321-17-2 du Code de l’énergie.

Ce projet de décret a pour objet de pérenniser, sans limitation de durée, le dispositif prévoyant une obligation de mise à disposition du gestionnaire du réseau de transport d’électricité de la totalité de la puissance non utilisée et techniquement disponible des moyens de production en période de tension sur le réseau électrique prévu par l’article L. 321-17-2 du Code de l’énergie. En effet, l’application de ce dispositif n’était prévue que pour l’hiver 2022-2023 par le décret e décret n° 2022-1539 du 8 décembre 2022. Or, comme le souligne la CRE, il s’agit de faire preuve de prudence, même si jusqu’à présent le mécanisme n’a pas eu à être déclenché :

« Les conditions de sécurité d’approvisionnement en électricité de l’hiver passé ayant été meilleures qu’initialement envisagé, du fait notamment de conditions météorologiques clémentes, des efforts de sobriété réalisés à l’échelle nationale et d’une disponibilité de la production nucléaire meilleure qu’attendue, la CRE note qu’aucune journée n’a nécessité l’application des modalités du décret du 8 décembre 2022 au cours de l’hiver passé, RTE n’ayant émis aucun signal « EcoWatt rouge » au cours de la période.

La CRE considère cependant qu’il serait prématuré de considérer comme entièrement levés les risques de sécurité d’approvisionnement pesant sur le système électrique français. La CRE est donc favorable à l’extension temporelle des mesures introduites par le décret du 8 décembre 2022, en application de l’article L. 321-17-2. Au cours des hivers à venir, cette extension permettra de mettre l’ensemble des moyens techniquement disponibles à disposition de RTE, dans l’hypothèse de journées particulièrement tendues pour le réseau (signal EcoWatt rouge). La CRE est donc favorable aux mesures présentées dans le projet de décret transmis par la Direction Générale de l’Energie et du Climat ».

La CRE émet donc un avis favorable sur le projet de texte.

Communautés d’énergie : un décret en préparation

Dans une délibération en date du 6 septembre 2023, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) s’est prononcée sur un projet de décret soumis par le Gouvernement concernant les communautés d’énergie.

On rappellera que la CRE avait déjà été amenée à se prononcer sur un premier projet de décret sur le même sujet et s’était, à cette occasion, prononcée défavorablement sur ledit texte par une délibération du 30 juin 2022 (voir notre brève sur le sujet dans notre Lettre d’actualité énergie environnement du mois de septembre 2022).

Faute de texte réglementaire venant compléter les dispositions législatives contenues aux articles L. 291-1 à L. 293- 4 du Code de l’énergie, le cadre juridique applicable à ces outils est donc demeuré incomplet.

Si certaines des précisions attendues ont été ensuite apportées par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (en particulier s’agissant des formes juridiques susceptibles d’être retenues pour constituer les communautés d’énergie), un certain nombre d’éléments demeurent encore à ce jour inconnus,

Dans sa délibération du 6 septembre 2023, la CRE se prononce cette fois-ci favorablement sur le projet de texte qui lui est soumis. En particulier, on retiendra à la lecture de la délibération, qui ne renseigne toutefois pas parfaitement sur la teneur exacte du projet de décret, que de nouveaux articles R. 291-1 à R. 293-5 seraient créés au sein du Code de l’énergie et prévoiront :

  • les modalités d’autonomie et de contrôle des communautés d’énergie ;
  • la définition du critère de proximité géographique caractérisant les communautés d’énergie et qui n’est pour l’heure pas fixé par le cadre juridique ;
  • les modalités de sortie des communautés d’énergie renouvelable et des communautés énergétiques citoyennes. En particulier, le Code prévoira que dans le cas d’un départ d’une communauté d’énergie, ou dans le cas où le départ d’une communauté d’énergie renouvelable entraine la fin d’une relation contractuelle ayant pour objet la fourniture d’électricité y compris via une opération d’autoconsommation collective, les articles L. 224-14 et L. 224-15 du Code de la consommation, relatifs au libre choix du fournisseur et au changement de fournisseur sans frais, s’appliqueront ;
  • que l’indemnisation du gestionnaire de réseau susceptible d’être due par la communauté d’énergie peut être déterminée par les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel ainsi que par les tarifs des prestations annexes des gestionnaires desdits réseaux.

Petit et grand cycle de l’eau : le point sur une actualité débordante

Qu’il s’agisse du petit cycle (assainissement et eau potable) ou du grand cycle de l’eau (gestion de la ressource à plus grande échelle), ces dernières semaines ont été riches en actualité.

Alors que la mission d’information sur la gestion durable de l’eau rendait, le 11 juillet dernier, son rapport formulant 53 propositions pour faire face à l’urgence de la situation (voir notre brève sur le sujet), de nouveaux textes ou nouvelles décisions de jurisprudence sont venus préciser le droit ou le faire évoluer. Le début de l’année avait déjà été marqué par la transposition de la Directive Eau potable (comme nous le développions dans notre focus du mois mars) et le sujet de l’eau reste l’une des principales sources de la législation au regard des enjeux liés au réchauffement climatique. C’est ainsi que tant les textes que la jurisprudence convergent la plupart du temps vers des mesures destinées à favoriser une meilleure gestion tant quantitative que qualitative de l’eau.

Les actualités les plus récentes concernent ainsi tant la gestion des eaux pluviales et des eaux usées (I) que celle des eaux utilisées par les ICPE (II) ou encore celle des cours d’eau et l’objectif de continuité écologique tant recherché par les acteurs de l’eau (III).

I. Eaux usées : entre précisions réglementaires sur les modalités de réutilisation et jurisprudentielles sur les zonages

Une des actualités fortes de la fin de l’été a été l’adoption, le 29 août, du décret relatif aux usages et conditions d’utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées (A). Toutefois, l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 13 juillet au sujet de la définition des zonages d’assainissement et des obligations de raccordement des autorités compétentes ne doit pas non plus passer inaperçu (B).

A. La parution du décret relatif à la réutilisation des eaux de pluie et eaux usées traitées 

Décret n° 2023-835 du 29 août 2023 relatif aux usages et aux conditions d’utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées

Le décret sur la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et des eaux de pluie, qui avait fait l’objet d’une consultation du public du 31 mai au 22 juin 2023 (voir notre article sur le sujet), a été publié au Journal officiel du 30 août 2023.

Ce décret a pour objectif de simplifier le régime applicable à la REUT, et plus particulièrement leur régime d’autorisation, afin de faciliter cette réutilisation et de définir les conditions d’utilisation des eaux de pluie pour les usages non domestiques.

Plusieurs modifications ont été apportées à la suite de la consultation du public, particulièrement :

  • La condition, pour la mise en œuvre de la REUT, relative à la qualité des boues des stations de traitement de eaux usées a été supprimée, dès lors que plusieurs observations du public avaient indiqué que la qualité des boues ne préjuge pas de la qualité des eaux ;
  • Le terme d’ « eaux non conventionnelles » a été supprimé, et il est ainsi créé au sein du Code de l’environnement une section relative aux « usages et conditions d’utilisation des eaux de pluie et des eaux usées traitées » ;
  • Les dispositions relatives aux eaux usées traitées et aux eaux de pluie ont été réorganisées dans le but de permettre une meilleure identification des usages et des procédures associées ;
  • La définition des eaux de pluie a été harmonisée avec celle découlant du Code de la santé publique ;
  • Dans le cadre de la procédure d’autorisation pour la REUT, le silence de l’Agence régionale de santé lorsqu’elle est saisie pour avis est réputé donner lieu à un avis défavorable, alors qu’il était initialement prévu que ce silence soit favorable.

La publication de ce texte a soulevé quelques interrogations dans la mesure où il pourrait être interprété comme interdisant des pratiques d’utilisation des eaux de pluie jusqu’alors admises. En effet, alors que les arrêtés des 21 août et 17 décembre 2008 régissent les modalités de récupération des eaux de pluie et leur usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments, l’assimilation, par la nouvelle réglementation, des eaux de pluie et des eaux usées traitées et le renvoi à la notion d’« usages non domestiques » sans autre précision, pourraient conduire à considérer que l’utilisation jusqu’alors admise dans certains bâtiments ne l’est plus. Des précisions sur ce point sont donc attendues et les textes qui doivent intervenir en la matière pourraient venir lever les ambiguïtés existantes.

B. Zonage d’assainissement : le pouvoir d’appréciation des autorités compétentes et l’obligation de raccordement

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047837302?init=true&page=1&query=454945&searchField=ALL&tab_selection=all

Dans un récent arrêt mentionné au Recueil, le juge a précisé l’articulation des différentes dispositions qui s’imposent aux autorités compétentes pour définir leur zonage d’assainissement et procéder ou non au raccordement des usagers.

Dans cette espèce, un particulier s’était vu refuser sa demande de raccordement adressée au Maire de la Commune du Rouret et demandait au juge administratif l’annulation de ce refus. Si le tribunal administratif a suivi le requérant dans sa demande, tel n’a pas été le cas de la Cour administrative d’appel et, par suite, du Conseil d’Etat.

En effet, pour obtenir l’extension du réseau, le requérant faisait valoir que l’article R. 2224-10 du CGCT impose aux « communes dont tout ou partie du territoire est compris dans une agglomération d’assainissement dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour [d’] être équipées, pour la partie concernée de leur territoire, d’un système de collecte des eaux usées ». Or tel était le cas de la commune du Rouret à l’époque des faits.

Le juge administratif a d’abord rappelé le large pouvoir d’appréciation dont bénéficient les communes ou EPCI dans la définition de leur zonage en vertu de l’article L. 2224-10 et R. 2224-6 et suivants du CGCT pour délimiter les zones d’assainissement collectif et les zone d’assainissement non collectif en précisant toutefois que devaient être pris en compte « la concentration de la population et des activités économiques productrices d’eaux usées sur leur territoire, de la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées, ainsi que des coûts respectifs des systèmes d’assainissement collectif et non collectif et de leurs effets sur l’environnement et la salubrité publique ».

Ensuite, le juge a confronté l’article R. 2224-10 précité avec l’article R. 2224-7 du CGCT qui permet aux collectivités de placer en zones d’assainissement non collectif les parties de leurs territoires « dans lesquelles l’installation d’un système de collecte des eaux usées ne se justifie pas, soit parce qu’elle ne présente pas d’intérêt pour l’environnement et la salubrité publique, soit parce que son coût serait excessif ». Il affirme alors que le second article permet de déroger au premier et en déduit que dès lors que le requérant était situé dans une zone d’assainissement non collectif à la date de sa demande, la commune n’était pas tenue de réaliser le raccordement demandé quand bien même cette dernière aurait été incluse au sein d’une agglomération d’assainissement au sens de l’article R. 2224-6 du CGCT, dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour.

II. La meilleure prise en compte de la gestion quantitative et qualitative de l’eau dans les ICPE

L’actualité concerne aussi la gestion de l’eau dans le cadre des ICPE. Il ne s’agit pas là de traiter le régime spécifique des IOTA, soumis à la police de l’eau, mais bien de s’arrêter sur les mesures visant à préserver la quantité de la ressource (A) ainsi que sa qualité (B) qui s’imposent à certaines ICPE.

Arrêté du 30 juin 2023 relatif aux mesures de restriction, en période de sécheresse, portant sur le prélèvement d’eau et la consommation d’eau des installations classées pour la protection de l’environnement

A. Les mesures en faveur de la gestion quantitative de l’eau

Partant du double constat que les épisodes de sécheresse s’intensifient en France et que la réglementation applicable aux ICPE ne dispose pas d’un cadrage national propre à la gestion de l’eau en période de sécheresse, un arrêté du 30 juin 2023 a défini des mesures de restriction sur le prélèvement et la consommation d’eau par les ICPE lors des périodes de sécheresse.

Cet arrêté s’applique aux ICPE soumises à autorisation ou à enregistrement dont le prélèvement d’eau total annuel est supérieur à 10 000 m3, à l’exception de certaines exploitations qu’il identifie (notamment les installations d’eau potable ou d’électricité, celles ayant déjà réduit leurs prélèvements, etc.). Il prévoit, selon la gravité de l’épisode de sécheresse, des réductions des consommations d’eau qui doivent être atteintes au plus tard trois jours après le déclenchement du niveau de gravité correspondant :

  • vigilance : sensibilisation accrue du personnel aux règles de bon usage et d’économie d’eau selon une procédure écrite affichée sur site ;
  • alerte : réduction du prélèvement d’eau de 5 % ;
  • alerte renforcée : réduction du prélèvement d’eau de 10 % ;
  • crise : réduction du prélèvement d’eau de 25 %.

Pour les niveaux de gravité d’alerte renforcée ou de crise, l’exploitant doit également communiquer toutes les semaines sur une plateforme numérique les volumes d’eau journaliers prélevés et consommés sur la semaine calendaire précédente et le volume journalier moyen prévisionnel prélevé et consommé pour les besoins de son installation. Plusieurs informations relatives à sa gestion de l’eau doivent également être tenues à disposition de l’inspection des installations classées (liste des milieux de prélèvements et rejets, procédure de sensibilisation accrue du personnel, investissements pour réduire les volumes prélevés ou consommés, etc.).

Cet arrêté pourra être adapté par le préfet selon les circonstances locales.

B. Les mesures en faveur de la gestion qualitative de l’eau

Arrêté du 7 juillet 2023 modifiant l’arrêté du 2 février 1998

L’arrêté du 7 juillet 2023 apporte plusieurs modifications aux prescriptions, portant sur la règlementation des rejets aqueux, applicables à certaines des ICPE soumises à autorisation et fixées par arrêté du 2 février 1998 :

  • si l’industriel demeure responsable des seules concentrations de substances qui résultent de son activité, l’arrêté précise que l’exploitant devra démontrer la compatibilité du rejet avec le milieu récepteur et de la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du Code de l’environnement ;
  • il exclut de l’obligation de collecte et traitement des eaux pluviales susceptibles d’être significativement polluées les aires de stationnement des véhicules exclusivement légers ;
  • il ajoute que la liste des ICPE soumises à autorisation auxquelles l’arrêté du 2 février 1988 ne s’applique pas comprend seulement les cimenteries relevant de la rubrique 2520 (relative à la fabrication de ciments, chaux et plâtres) et non la rubrique 2520 dans son ensemble ;
  • il supprime la mention relative au prélèvement instantané, qui ne constituerait pas une bonne pratique d’autosurveillance selon les services de l’Etat, qui privilégient des prélèvements représentatifs moyennés ;
  • l’arrêté indique que les valeurs limites, les fréquences et modalités de contrôle des rejets dans l’air et dans l’eau fixées par l’arrêté du 3 février 2022 relatif aux meilleures techniques disponibles (MTD) applicables à certaines installations classées du secteur du traitement de surface prévalent par rapport à celles qu’il fixe.

Et d’autres nouveautés règlementaires en matière de gestion de l’eau sont également à prévoir, un projet de décret portant diverses dispositions relatives à la procédure d’autorisation environnementale, à la planification et à la gestion de la ressource en eau ayant en effet été soumis à consultation du public récemment.

III. IOTA : la parution tant attendue de la nouvelle rubrique 3.3.5.0 relative aux travaux de restauration écologique des cours d’eau

Décret n° 2023-907 du 29 septembre 2023 modifiant la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la police de l’eau annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement

C’est pour faire suite à l’annulation de la rubrique 3.3.5.0 relative aux travaux de restauration de la continuité écologique des cours d’eau par le Conseil d’Etat le 31 octobre 2022 (voir notre brève sur le sujet) que le décret de modification de la nomenclature loi sur l’eau a été adopté le 29 septembre dernier pour réintégrer ladite rubrique.

Pour rappel, par un arrêt en date du 31 octobre 2022, le juge administratif avait annulé la rubrique 3.3.5.0 qui ne soumettait les travaux qu’elle envisageait qu’à déclaration. Or le juge ayant considéré que ces travaux tels que l’arasement de barrage ou de digues pouvaient, par nature, présenter des dangers pour la sécurité publique ou d’accroître le risque d’inondation, le régime de l’autorisation aurait dû s’imposer dans certaines hypothèses.

La nouvelle rubrique issue du décret du 29 septembre 2023 pose encore le principe selon lequel les travaux de restauration des cours d’eau sont soumis à la seule déclaration, mais elle est beaucoup plus précise et exclut expressément un certain nombre de cas.

Sont ainsi soumis à déclaration les arasements d’ouvrages relevant de la nomenclature IOTA lorsqu’ils sont implantés dans le lit mineur d’un cours d’eau sauf s’il s’agit de barrages classés en application de l’article R. R. 214-112 du Code de l’environnement. Dans le même sens, l’arasement des ouvrages latéraux des cours d’eau entre dans le champ de cette nouvelle rubrique sauf s’ils sont intégrés à un système d’endiguement, au sens de l’article R. 562-13 du Code de l’environnement. Il en va également ainsi des d’ouvrages ayant un impact sur l’écoulement de l’eau ou les milieux aquatiques autres que ceux précités, sauf s’ils sont intégrés à des aménagements hydrauliques, au sens de l’article R. 562-18 du même Code.

La rubrique vise également d’autres travaux qui doivent faire l’objet d’une simple déclaration :

  • le déplacement du lit mineur pour améliorer la fonctionnalité du cours d’eau ou le rétablissement de celui-ci dans son talweg ;
  • la restauration de zones humides ou de marais ;
  • la mise en dérivation ou la suppression d’étangs ;
  • la revégétalisation des berges ou le reprofilage améliorant leurs fonctionnalités naturelles ;
  • le reméandrage ou la restauration d’une géométrie plus fonctionnelle du lit du cours d’eau ;
  • la reconstitution du matelas alluvial du lit mineur du cours d’eau ;
  • la remise à ciel ouvert de cours d’eau artificiellement couverts ;
  • la restauration de zones naturelles d’expansion des crues.

Il est encore précisé que « la présente rubrique est exclusive des autres rubriques de la nomenclature. Elle s’applique sans préjudice des obligations relatives à la remise en état du site et, s’il s’agit d’ouvrages de prévention des inondations et des submersions marines, à leur neutralisation, qui sont prévues par les articles L. 181-23, L. 214-3-1 et L. 562-8-1, ainsi que des prescriptions susceptibles d’être édictées pour leur application par l’autorité compétente. Ne sont pas soumis à la présente rubrique les travaux mentionnés ci-dessus n’atteignant pas les seuils rendant applicables les autres rubriques de la nomenclature ».

Les autorités compétentes en matière de gestion des cours d’eau (et en particulier celles qui assurent la GeMAPI) se réjouissent de l’apparition de cette nouvelle rubrique qui met fin au blocage auquel elles devaient faire face depuis l’arrêt du Conseil d’Etat. Pourtant, des recours contre le décret de la part d’associations sont déjà annoncés en particulier en ce qui concerne l’aspect « continuité écologique » de la rubrique, qui permettront notamment au juge de se prononcer sur la suffisance des modifications apportées.

 

Clémence DU ROSTU et Julie CAZOU

Le décret relatif à l’assujettissement des indemnités des élus locaux aux cotisations sociales a été publié

Le 31 août dernier, le décret n° 2023-838 du 30 août 2023 relatif à la mise en œuvre pour les élus locaux de la faculté de cotisation et de la prise en compte des périodes de mandats pour les versements pour la retraite prévues à l’article 23 de la LFRSS pour 2023, a été publié au journal officiel de la République. Ce décret, pris en application des dispositions de l’article 14 de la loi de financement rectificative n° 2023-270 du 14 avril 2023, vient fixer les conditions permettant aux élus locaux percevant des indemnités de fonction inférieures à 1883 euros brut mensuel de cotiser, sur ces indemnités, au régime général pour leur retraite.

D’après la sénatrice Sylvie Vermeillet, lors des débats sur cette loi, cette mesure est susceptible de concerner plus de 80 % des maires, quasi exclusivement de communes de moins de 4.000 habitants.

Le décret prévoit, en son article 1er ayant vocation à être codifié au I de l’article D. 382-34-1, que les élus souhaitant bénéficier de cette faculté de voir leurs indemnités de fonction assujetties devront former une demande auprès de leur collectivité « par tout moyen conférant date certaine à sa réception ».

Les cotisations sociales seront dues le mois suivant la réception par la collectivité concernée et pendant toute la durée du mandat restant à courir, sauf renoncement de l’élu pouvant intervenir à tout moment pendant la durée de son mandat, dans les mêmes conditions. Le cas échéant, la collectivité s’acquittera de la part patronale supplémentaire inhérente. Ces dispositions sont en vigueur depuis le 1er septembre dernier.

Copropriétés issues de la vente HLM et mise à disposition de personnel dans les OPH

Circulaire du 28 mai 2009

Décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 dite « loi MOLLE », les organismes HLM, dans les copropriétés issues de la vente HLM, peuvent, dès lors qu’ils détiennent au moins un logement dans ladite copropriété, mettre à disposition du syndicat des copropriétaires leur personnel de proximité (gardiens, employés d’immeuble notamment). Si cette disposition existe depuis de nombreuses années, force est de constater qu’elle suscite encore des questions chez les bailleurs sociaux, et en particulier parmi les OPH dont une partie du personnel a le statut de fonctionnaire.

Pour mémoire, cette disposition, introduite par l’article 16 de la loi MOLLE dans un objectif à la fois économique et pragmatique, visait à répondre à l’impossibilité pour les organismes HLM copropriétaires de recourir à leur propre personnel pour assurer les prestations de gardiennage et de surveillance dans ces copropriétés, qu’ils en soient ou non syndic. « L’embauche d’autre personnel par les syndics v[enait] alors doublonner le personnel de ces organismes », soulignait l’amendement n° 748 présenté par le Rapporteur auprès de la Commission des Affaires Economiques, Monsieur Michel PIRON, le 26 janvier 2009.

Pour autant, l’article L. 443-15 tel que modifié par l’article 16 de la loi MOLLE reste muet sur les modalités de cette mise à disposition, qui peut poser question tant s’agissant des fonctionnaires, pour lesquels un tel dispositif est très encadré par ailleurs par le Code Général de la Fonction Publique (CGFP), que s’agissant des salariés, pour lesquels le Code du Travail proscrit le prêt de main d’œuvre à but lucratif. Pourtant, une circulaire en date du 28 mai 2009 a bien réaffirmé la possibilité, dans les copropriétés issues de la vente HLM, de mettre du personnel à disposition des syndicats de copropriétaires, y compris fonctionnaire, dans « les conditions de droits commun ».

Lesquelles nécessitent toutefois une vigilance particulière, le CGFP restant pleinement applicable s’agissant de la mise en œuvre de cette mise à disposition de fonctionnaires.

Rapport annuel des élus mandataires des collectivités territoriales dans les sociétés d’économie mixtes (SEM) locales

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant mesures de simplification (dite « loi 3DS ») a apporté deux modifications essentielles à l’obligation qui existait déjà pour les collectivités actionnaires des SEM de délibérer sur le rapport annuel présenté par leur(s) représentant(s) au sein des conseils d’administration ou de surveillance desdites sociétés, d’une part, en précisant le contenu de ce rapport par le renvoi à un décret d’application, publié le 6 novembre 2022 (décret n° 2022-1406 du 4 novembre 2022), et, d’autre part, en imposant un débat préalable au vote au sein de l’assemblée délibérante.

Ces modifications adoptées à l’occasion du vote de la loi 3DS font suite aux recommandations de la Cour des Comptes, dans l’objectif de renforcer le contrôle des SEM et plus généralement des entreprises publiques locales (EPL) dont sont actionnaires les collectivités territoriales et groupements de collectivités.

Le contenu de ce rapport est désormais fixé par les dispositions de l’article D. 1524-7 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), entré en vigueur le 1er janvier 2023.  Parmi les éléments à mentionner au rapport et sur lesquels il conviendra d’être particulièrement vigilant, on citera notamment :

  • la liste de tous les contrats et autres actes conclus entre la collectivité actionnaire et la SEM, dont les marchés publics ainsi que les apports en compte courant d’associés, les garanties d’emprunt et autres aides octroyées au titre du développement économique ;
  • l’état de l’ensemble des participations de la SEM et des sociétés qu’elle contrôle, le cas échéant, dans d’autres sociétés civiles ou commerciales ou dans des groupements d’intérêt économique (GIE), étant rappelé que ces prises de participations doivent depuis le 1er août 2022 être préalablement autorisées par l’assemblée délibérante de la collectivité actionnaire ;
  • l’état des procédures de prévention et de détection des faits d’atteinte à la probité mises en œuvre dans le cadre de la loi dite « Sapin II » ;
  • les rémunérations accordées au(x) représentant(s) de la collectivité dans le SEM ;
  • la répartition du chiffre d’affaires en distinguant la part exercée pour le compte des actionnaires, celle exercée pour le compte d’autres personnes publiques ou privées non-actionnaires et celle exercée pour son propre compte.

Enfin, bien qu’aucun délai ne soit fixé par les textes, la Fédération des EPL recommande une présentation et un débat dans les trois mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée générale annuelle ordinaire de la SEM.

Cour européenne des droits de l’Homme et droit à l’oubli

Le 4 juillet 2023 a été rendu un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sur le sujet, ô combien d’actualité, du « droit à l’oubli » – notion sur laquelle la Cour de justice de l’Union européenne (à ne pas confondre avec la présente Cour européenne des droits de l’Homme) s’est également elle-même largement prononcée depuis 2014 (CJUE 13 mai 2014, Google Spain c/ Agencia Espanola de Protection de Datos, C-131/12) sur un volet distinct mais complémentaire de la désindexation de contenu licite auprès d’un moteur de recherche.

Rappelons qu’à travers ce droit, « ce n’est pas la licéité de l’article lors de sa première parution qui est mise en cause en l’espèce mais sa mise à disposition sur l’internet et la possibilité d’accès à cet article longtemps après les faits » (CEDH, 22 juin 2021, requête n° 57292/16, §90).

En l’espèce, le directeur de publication d’un quotidien belge – pas un moteur de recherche – avait été condamné par les juridictions belges à anonymiser les archives en ligne d’un article référencement le nom d’un conducteur responsable d’un accident mortel de la route survenu en 1994. Le conducteur visé arguait que l’article apparaissait lorsque son nom était entré dans un moteur de recherche en ligne, ce qui portait atteinte à sa réputation et à sa situation professionnelle. Les juridictions internes avaient fait droit à sa demande. Dès lors, le directeur la CEDH déposait une requête au visa de l’article 10 de la convention, relatif à la liberté d’expression et ses limites.

La Cour rappelle d’abord que le droit à l’oubli est une composante du droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la CEDH (§188) et le définit ainsi : « le droit à l’oubli repose sur l’intérêt d’une personne à faire effacer, modifier ou limiter l’accès à des informations passées qui affectent la perception actuelle de cette personne. En cherchant à faire disparaître ces informations, les intéressés veulent éviter de se faire reprocher indéfiniment leurs actes ou déclarations publiques antérieures et cela dans des contextes variables, tels que, par exemple, l’embauche ou les relations d’affaires » (§191).

La Cour a ensuite considéré que la condamnation du directeur de publication constituait une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression – conclusion logique d’autant que la Constitution belge protège la liberté d’expression.

Elle devait alors répondre à la seconde question, celle de savoir si cette ingérence était « rendue nécessaire dans une société démocratique » au regard de la mise en balances des deux corpus juridiques habituels et d’égale valeur, à savoir les droits d’autrui (vie privée, réputation) et le droit à la liberté d’expression ; en l’espèce, elle considérait que l’anonymisation du nom était une ingérence rendue nécessaire ; et à cet effet, la Cour nous indique contrôler le cheminement juridique des juges internes sur la base des critères suivants :

  • la nature de l’information ;
  • le temps écoulé depuis les faits, depuis la première publication et depuis la mise en ligne de la publication ;
  • l’intérêt contemporain de l’information ;
  • la notoriété de la personne revendiquant l’oubli et son comportement depuis les faits ;
  • les répercussions négatives dues à la permanence de l’information sur Internet ;
  • le degré d’accessibilité de l’information dans des archives numériques ;
  • l’impact de la mesure sur la liberté d’expression, plus précisément la liberté de la presse.

L’arrêt est certes rendu dans le contexte légal du droit belge ; mais la portée de la décision – le cheminement juridique que doivent retenir les juges internes – reste bien évidemment transposable à notre droit interne – c’est l’intérêt même du droit européen.

Par ailleurs, l’arrêt est certes rendu en matière « d’archives électroniques d’une publication plutôt que sa version initiale » (§202). Mais la CEDH confirme qu’elle s’est « appuyée sur les critères classiques examinés dans des affaires relatives à des publications initiales et résumés dans l’arrêt Axel Springer AG (précité, §§ 89-95) : la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le mode d’obtention des informations et leur véracité, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi que la gravité de la mesure imposée au requérant ».

D’ailleurs, la Cour nous confirme également que « les mêmes critères avaient été pris en compte par la Cour par le passé dans des affaires ayant trait à des demandes d’altération du contenu d’une archive de presse numérique (Fuchsmann, précité, § 34, et M.L et W.W. c. Allemagne, précité, § 96) » ; ce que la Cour avait du reste rappelé dans une affaire similaire : « de l’avis de la Cour, les critères qui doivent être pris en compte quand est concernée la mise en ligne ou le maintien à disposition d’une publication archivée sont en principe les mêmes que ceux utilisés par la Cour dans le cadre d’une publication initiale. Certains d’entre eux peuvent toutefois revêtir plus ou moins de pertinence eu égard aux circonstances de l’espèce et au passage du temps » (CEDH, 22 juin 2021, requête n° 57292/16, §104).

Au final, la démarche de proportionnalité est quasiment similaire (avec des variantes toutefois), qu’il s’agisse d’article initial ou d’archive numérique, que cette requête du droit à l’oubli soit présentée à l’éditeur de contenu ou aux moteurs de recherche (cf. CJUE 13 mai 2014, Google Spain c/ Agencia Espanola de Protection de Datos, C-131/12, §81, 93 et 97).

Dans ce cadre, un socle commun de critères se dégage :

  • La nature de l’information en question (dont sa contribution au débat d’intérêt général) ;
  • Sa sensibilité ou son impact sur la vie privée de la personne ;
  • La notoriété de la personne requérante au droit à l’oubli ou son rôle joué dans la vie publique.

Et… surtout… le temps écoulé – indice premier et fondamental permettant d’écarter le critère opposé de la pertinence à maintenir en ligne une information ancienne et privée de contemporanéité.

La condamnation d’une société pour le suicide de son salarié

Par arrêt en date du 31 janvier 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé le raisonnement d’une Cour d’appel ayant retenu un lien de causalité entre le suicide d’un salarié et le comportement de son employeur, et condamné ce dernier du chef d’homicide involontaire.

Plus précisément, à la suite d’une collision en mer de deux navires, le 23 décembre 2020, le capitaine de l’un des deux se voyait notifier son affectation à un poste à terre, lors de son débarquement ; cette décision faisait suite à une enquête interne qui n’avait pas conclu à une faute suffisante pour le licencier.

Quelques semaines plus tard, celui-ci se suicidait à son domicile, en laissant un message à ses collègues, expliquant que son geste trouvait son origine dans la décision de son employeur.

Les juges du fond avaient retenu que cette affectation à terre constituait « une sanction déguisée, qui ne pouvait être reçue que comme telle, témoignant du mépris de la compagnie à son égard. » et estimait que ce comportement fautif de l’employeur a été le « facteur déclenchant de son passage à l’acte suicidaire ».

Au soutien de son pourvoi en cassation, la société maritime relevait l’absence de « continuité temporelle » entre la faute retenue à son encontre – savoir la décision de réaffectation professionnelle – et le suicide de son salarié, pour contester le caractère certain du lien de causalité – condition pour retenir l’infraction d’homicide involontaire.

La chambre criminelle a toutefois rejeté le pourvoi, confirmant ainsi l’existence d’une faute d’imprudence de l’employeur, en lien indirect mais certain avec le décès de son salarié.

L’application de la qualification d’homicide involontaire au cas du suicide pourrait a priori surprendre, ces deux notions s’opposant par leur intentionnalité respective – le suicide étant un acte intentionnel par essence.

Par cette jurisprudence, la Chambre criminelle confirme que, pour retenir le délit d’homicide involontaire, la certitude du lien de causalité n’exige pas une immédiateté entre le comportement fautif reproché et le résultat dommageable.

Les dispositions de l’article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ne constituent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur selon le Conseil constitutionnel

Nous avions commenté dans une précédente LAJ la question prioritaire de constitutionnalité adressée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation portant sur l’article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

Le Conseil Constitutionnel s’est prononcé le 26 mai dernier, pour rappel, l’article 15 III impose au bailleur qui souhaite donner congé du bail pour reprise, de proposer à son locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés, un logement correspondant à ses besoins dans des limites géographiques déterminées, sauf si le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou si ses ressources sont en dessus de ce seuil.

En l’espèce, les requérants reprochaient à ces dispositions de les priver du droit de reprendre leur logement dans le cas où l’état du marché locatif le placerait dans l’impossibilité de proposer à son locataire un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités et situé dans un périmètre géographique déterminé. Il en résulterait en effet selon eux une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété.

Le Conseil Constitutionnel a pourtant décidé le 26 mai 2023 que ces dispositions étaient conformes à la Constitution et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Le Conseil constitutionnel a d’une part rappelé qu’il était loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». Le Conseil constitutionnel a ainsi indiqué que par ces dispositions, le législateur avait entendu protéger les locataires âgés et disposant de faibles ressources contre le « risque de devoir quitter leur résidence principale et d’avoir à se reloger en l’absence de renouvellement de bail ». Ces dispositions mettent ainsi en œuvre, selon le Conseil, l’ « objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent ».

Le Conseil constitutionnel a d’autre part rappelé que ces dispositions étaient applicables « que lorsque le locataire est âgé de plus de soixante-cinq ans et que ses ressources annuelles sont inférieures à un certain plafond » soulignant ainsi par-là l’application restreinte de ces dispositions.

En outre, s’agissant des difficultés pratiques évoquées par les requérants pour formuler une offre de relogement qui correspondent à l’ensemble des exigences prévues par l’article 15, III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le Conseil constitutionnel s’est contenté d’expliquer que ces difficultés n’« entachent pas, par elles-mêmes, d’inconstitutionnalité les dispositions contestées ».

Enfin, le Conseil a rappelé que le bailleur conservait la « possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer » et disposait toujours, en cas de manquement de son locataire, de la faculté de l’assignation en résiliation de bail et expulsion. Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution.

Cette décision peut être justifiée juridiquement mais l’on constatera que le Conseil constitutionnel, et ce alors même qu’il s’agit là d’une question essentielle pour nombre de bailleurs, n’a pris la peine de répondre que de manière sommaire à la question prioritaire de constitutionnalité légitime des requérants.

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, la cession du droit au bail se fait aux conditions prévues par le bail à la date du jugement d’ouverture

Dans un arrêt récent du 19 avril 2023 (Cass. Com., 19 avril. 2023, F-B, n° 21-20.655), la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail autorisée par le juge-commissaire, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture.

En l’espèce, une SCI consent un bail commercial à une société Y en mai 2013. La société Y est placée en liquidation judiciaire en août 2020 et la société M est désignée en qualité de liquidateur. Le 5 octobre 2020, la SCI délivre au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d’ouverture et sollicite par requête du 3 novembre 2020, la résiliation du bail commercial.

Le 6 octobre 2020, le liquidateur a saisi le juge-commissaire afin que soit autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société Y, en ce compris le bail commercial, en application de l’article L. 642-19 du Code de commerce. Par une ordonnance en date du 17 décembre 2020, le juge-commissaire a, et ce en dépit de l’opposition de la SCI, autorisé la cession du fonds de commerce de la société Y au profit d’une société X. La SCI s’est opposée à cette cession du fonds de commerce et se prévalait d’une clause d’agrément prévue au bail qui exigeait l’accord du bailleur pour « toute cession du bail ».

Les juges du fond ont néanmoins confirmé l’ordonnance autorisant la cession du fonds de commerce en appréciant de manière particulièrement restrictive la clause qui prévoyait l’agrément du bailleur pour la cession du « bail » et non la cession du fonds de commerce comme c’était le cas en l’espèce.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans cet arrêt du 19 avril 2023, a censuré l’arrêt d’appel au visa des articles 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et L. 145-16, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mai 2022, L. 641-12 et L. 642-19 du Code de commerce. En effet, la chambre commerciale a refusé de distinguer selon que le bail est cédé seul ou avec le fonds de commerce en retenant qu’« en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans le fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire ».

Cet arrêt constitue une alerte aux rédacteurs de baux commerciaux et aux praticiens qui doivent rédiger chaque clause de la manière la plus claire et explicite qu’il soit afin d’éviter de semblables contentieux à l’avenir.

Déploiement et commercialisation de la fibre : mise à disposition des données d’adressage par les communes précisée par un décret en date du 11 août 2023

Pour mémoire, depuis l’adoption de l’article 169 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dites « loi 3DS ») les communes ont l’obligation de mettre à disposition les données relatives à la dénomination des voies et la numérotation des maisons. Cette obligation s’inscrit dans le cadre de l’article L. 321-4 du Code des relations entre le public et l’administration qui érige le service public des données de référence.

Les modalités de mise en œuvre de cette obligation communale ont récemment été édictées par le décret n° 2023-767 du 11 août 2023 relatif à la mise à disposition par les communes de données relatives à la dénomination des voies te à la numérotation des maisons et autres constructions.

Ce décret a créé l’article R. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales lequel précise que les communes mettent à disposition de la base adresse nationale (BAN) :

  • La dénomination de l’ensemble des voies, publiques et privées lorsque ces dernières sont ouvertes à la circulation, ainsi que les lieux-dits ;
  • La numérotation des maisons et autres constructions.

En outre, les communes doivent renseigner toute modification apportée à ces données dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle la décision de modification a été prise.

Le décret prévoit également l’abrogation des dispositions relatives à l’obligation de transmission de ces mêmes données aux services fiscaux (abrogation du décret n° 94-1112 du 19 décembre 1994 relatif à la communication du centre des impôts foncier ou au bureau du cadastre de la liste alphabétique des voies de la commune et du numérotage des immeubles) à une date qui sera fixée par arrêté du Premier ministre et au plus tard le 1er juin 2024.

Les modalités de mise à disposition des données d’adressage seront applicables :

  • Le 1er janvier 2024 pour les communes de plus 2000 habitants ;
  • Au plus tard le 1er juin 2024 pour les communes de moins de 2000 habitants.

En garantissant un accès facilité aux données relatives à la dénomination des voies et des lieux-dits et à la numérotation des maisons et autres constructions, ces nouvelles dispositions réglementaires très attendues poursuivent un objectif d’efficacité des services publics. La centralisation de ces données rend également plus aisé l’adressage des locaux et logements et participe ainsi activement au déploiement de la fibre et à sa commercialisation sur le territoire national.

Financement du raccordement des maisons et immeubles neufs aux réseaux de communications électroniques / Fibre optique / Article L.332-15 du code de l’urbanisme

Une réponse ministérielle vient compléter le régime des adductions des constructions neuves nécessaires à leur raccordement aux réseaux de communications électroniques.

Par une nouvelle réponse, le ministre des Collectivités territoriales et de la ruralité complète le régime applicable aux adductions des constructions neuves nécessaires à leur raccordement aux réseaux de communications électroniques.

En début de l’année, nous avions déjà commenté une première réponse ministérielle indiquant que les réseaux de télécommunications ne sont pas des équipements publics au sens de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme et une seconde rappelant que les obligations des constructeurs en matière d’équipements des constructions neuves en fibre optique relèvent du Code de la construction et de l’habitation.

Par une réponse publiée le 12 septembre 2023, le ministre des Collectivités territoriales et de la ruralité confirme explicitement que « l’article L. 332-15 prévoit aussi que, pour les réseaux d’eau et d’électricité, l’autorisation d’urbanisme peut, sous réserve de l’accord du demandeur et dans les conditions définies par l’autorité organisatrice du service public de l’eau ou de l’électricité, demander au constructeur le financement de raccordements à usage individuel sur les réseaux d’eau potable ou d’électricité, situés sur des emprises publiques, dans une limite de 100 mètres. Aussi, lors de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme, le raccordement aux réseaux en eau, à l’électricité, la desserte des terrains et les conditions liées à la gestion de l’assainissement fait l’objet d’un examen de la part du service compétent afin de déterminer si l’autorisation peut être accordée. Le raccordement de la construction à la fibre n’est quant à lui pas imposé par le code de l’urbanisme et ne doit pas être considéré comme une condition à l’obtention d’une autorisation d’urbanisme ».

Confirmant la réponse ministérielle du 23 février 2023 à la question écrite n° 01893, le raccordement des constructions neuves à la fibre n’entre donc pas dans le champ de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, contrairement à ce que certains acteurs du secteur des réseaux de communications électroniques indiquent (pour un exemple récent : ARCEP, Synthèse des travaux et recommandations sur les modalités tarifaires des raccordements finals des réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné, 28 juillet 2023).

Comme dans la réponse ministérielle du 26 janvier 2023 à la question écrite n° 02664, la réponse ministérielle vise les seules dispositions du Code de construction et de l’habitation pour évoquer le raccordements constructions neuves des et, après avoir rappelé les termes de son article R.113-4, précise que « un aménageur doit réaliser une infrastructure de génie civil qui va de l’entrée de chaque parcelle ou lot (point de démarcation) jusqu’au point d’accès réseau sur le domaine public, en respect du droit du terrain. Cette infrastructure reste la propriété du détenteur du lot ou de la parcelle et ne peut en aucun cas être rétrocédée à titre gracieux à l’opérateur d’infrastructure chargé du raccordement des lignes de communications électroniques en fibre optique ».

Ces précisions appellent plusieurs remarques :

  • Tout d’abord, le fait que la réponse cite l’alinéa 3 de l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation, relatif aux « bâtiments d’habitation», et utilise la notion d’« aménageur » semble limiter sa portée aux seuls immeubles neufs et en conséquence exclure une application de l’article R.113-4 du Code de construction et de l’habitation aux lotissements neufs, qui sont régis par l’article 118-II de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, et aux maisons individuelles neuves, qui restent néanmoins soumises aux dispositions de l’article D.407-2 Code des postes et des communications électroniques ;
  • La réponse ministérielle est très claire sur le fait que la maîtrise d’ouvrage et le financement de l’adduction des bâtiments d’habitation neufs relève de l’aménageur, ce qui exclut une maîtrise d’ouvrage et un financement par l’opérateur d’infrastructure ;
  • Elle est également très claire sur le fait que l’opérateur d’infrastructure ne peut bénéficier gracieusement d’une rétrocession de cette adduction ;
  • De manière plus étonnante, la réponse vise un « point d’accès réseau sur le domaine public, en respect du droit du terrain». Or, la notion de « point d’accès au réseau » ne figure pas dans l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation et celle de « droit du terrain » découle du code de l’urbanisme dont l’application est pourtant exclue par la même réponse ministérielle. Une explication possible est que la réponse ministérielle a confondu la notion de de point d’accès au réseau, utilisée par les opérateurs d’infrastructures, et celle de point de raccordement visée dans l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation. Cet aspect de la réponse mériterait un éclaircissement car il a une influence directe sur l’étendue de la maîtrise d’ouvrage des infrastructures d’accueil incombant à l’aménageur : le point de raccordement de l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation concerne les lignes établies par l’aménageur dans le bâtiment d’habilitation, donc en domaine privé. Dès lors, la maîtrise d’ouvrage de l’aménageur ne devrait pas s’étendre au domaine public puisqu’elle part « depuis la voie publique jusqu’au point de raccordement » ;
  • Une telle précision permettrait de résoudre une autre problématique : celle de la rétrocession des infracteurs d’accueil à l’opérateur aménageur. Le caractère onéreux d’une telle rétrocession paraît peu crédible. Sauf à considérer que les aménageurs devraient prendre en charge les obligations découlant d’une occupation du domaine public, le fait de limiter la maîtrise d’ouvrage de l’aménageur « depuis la voie publique jusqu’au point de raccordement» comme le prévoit l’article R. 113-4 du Code de construction et de l’habitation, éviterait que la question de la rétrocession de l’adduction en domaine public ne se pose.

A noter qu’une question parlementaire portant sur le même objet demeure pendante devant le Sénat et sera peut-être l’occasion de clarifier la confusion qui semble exister entre point d’accès au réseau et point de raccordement.

Conditions de réparation de l’éviction illégale de l’agent qui n’a pas demandé l’annulation de la décision d’éviction

Une décision récente du Conseil d’Etat apporte des précisions sur le mécanisme de réparation des préjudices susceptibles d’être subis par un agent dont la réintégration à l’issue d’une disponibilité est illégalement refusée.

En l’espèce, une assistante ingénieure titulaire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) avait été placée en disponibilité pour convenances personnelles du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016 et avait demandé sa réintégration anticipée au 1er avril 2016, ce qui lui avait été refusé.

Par une nouvelle décision en date du 18 juillet 2016, le CNRS avait refusé de la réintégrer à l’issue du terme normal de sa mise en disponibilité, et l’avait placée en disponibilité d’office pour 6 mois supplémentaires, renouvelés le 11 janvier 2017. Enfin, le 4 avril 2017, le CNRS lui avait proposé un poste à Caen qu’elle avait refusé, de sorte que ce n’est que le 14 avril 2019 qu’elle avait finalement été réintégrée sur un site de Toulouse.

Entre temps, le Tribunal administratif de Toulouse avait été saisi d’une demande de réparation et avait condamné le CNRS à verser à l’intéressée une indemnité forfaitaire de 4.000 euros pour solde de tout compte. La Cour administrative d’appel de Bordeaux avait par la suite porté le montant de cette indemnité à hauteur de 7.191 euros, amenant Madame A. à se pourvoir en cassation au motif qu’elle ne lui aurait pas non plus donné satisfaction s’agissant du montant de son préjudice.

Le Conseil d’Etat dans cet arrêt a d’abord confirmé la faute commise par le CNRS au titre de la méconnaissance du droit de Mme A. à être réintégrée dans son corps d’origine sur l’une des trois premières vacances d’un emploi de son grade, à défaut pour le CNRS de produire des éléments permettant au juge de constater qu’aucune vacance dans son grade ne pouvait lui être proposée, et peu important le caractère anticipé de la demande de réintégration formulée par l’agente.

Sur le montant de l’indemnité accordée à Mme A. en réparation de ses divers préjudices, il doit être rappelé que depuis la décision Commune d’Ajaccio rendue le 26 décembre 2013 (n° 365155), un agent public irrégulièrement évincé a, par principe, droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.

Existe cependant une exception à l’indemnisation intégrale lorsque l’agent n’a pas demandé l’annulation de la décision d’éviction, auquel cas l’indemnisation est forfaitaire, lorsqu’il est impossible de fixer une date objective de bornage du droit à indemnité à la date d’annulation de la décision (Conseil d’Etat, 22 septembre 2014, n° 365199)

Dans sa décision en date du 19 juillet 2023, conformément aux conclusions du Rapporteur public Nicolas Labrune reprécisant la portée à donner à la décision du 22 septembre 2014, le Conseil d’Etat a estimé que la réparation forfaitaire ne saurait être retenue dans cette affaire au seul motif d’une absence d’annulation de la décision d’éviction, dès lors que les éléments du dossier permettent de dater avec précision la survenance d’une illégalité et la cessation du préjudice qui en résulte. Il a ainsi jugé qu’il ressortait des pièces que, le 4 avril 2017, le CNRS avait adressé à Mme A. une proposition de réintégration, avec effet au 1er juin 2017, sur un poste correspondant à son grade, de sorte que les illégalités entachant les décisions de refus de réintégration des 21 mars et 18 juillet 2016, relevées par l’arrêt, n’avaient pu préjudicier à Mme A. au-delà du 1er juin 2017 ce qui, dans ce contexte précis, ne permettait pas à la Cour, en se fondant sur la seule circonstance que Mme A. n’avait pas demandé l’annulation des décisions de refus de réintégration, d’allouer à cette dernière une indemnisation forfaitaire versée pour solde de tout compte « alors qu’il lui appartenait de lui allouer une indemnisation réparant intégralement les préjudices qu’elle avait subis au cours de cette période ».

Sanction disciplinaire et congé maladie

Le Conseil d’Etat vient enfin de siffler la fin de la récréation sur la question de l’effet du congé maladie sur les sanctions d’exclusion temporaire de fonctions.

Jusqu’à présent, il était établi que l’employeur public pouvait engager et poursuivre une procédure disciplinaire lorsque le fonctionnaire était en congé maladie, ce qui était logique au regard de la prescription des poursuites disciplinaires fixée à 3 ans depuis la loi déontologie de 2016 et codifiée aujourd’hui sous l’article L. 532-2 CGFP, le congé maladie n’étant pas une cause interruptive de prescription.

Donc ce point-là était clair.

En revanche, ce qui l’était moins, c’était de savoir si la décision d’exclusion temporaire de fonctions pouvait entrer en vigueur alors que le fonctionnaire était en congé maladie, car des divergences jurisprudentielles étaient apparues entre plusieurs cours administratives d’appel : parfois oui, parfois non.

Nous conseillions donc jusque-là à nos clients, afin de sécuriser leur procédure disciplinaire, de prendre la sanction mais de prévoir qu’elle n’entrerait en vigueur qu’au terme du congé maladie de l’agent : nous les préservions ainsi de la prescription, la sanction était infligée dans un temps raisonnable et compréhensible par rapport à la procédure disciplinaire, et les droits de l’agent à congé maladie était respectés. Mais il s’agissait d’une gymnastique au final peu satisfaisante : la sanction pouvait s’appliquer quelques mois voire années après la procédure, avec d’une part le risque de pousser l’agent à demeurer en arrêt maladie, et d’autre part une certaine perte de sens de la sanction.

En outre, côté agent, c’était piégeux : la sanction était prise, et s’il ne l’attaquait pas dans les deux mois de sa notification devant le tribunal administratif, le délai de recours était expiré au moment de son application concrète.

Dans sa décision en date du 3 juillet, une fois de plus très didactique, le Conseil d’Etat affirme :
« la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes, et la circonstance qu’un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision de sanction ». Et il précise qu’à défaut, l’agent en congé maladie aurait plus de droits à rémunération que l’agent en fonctions, qui se serait lui vu privé de rémunération du fait de l’ETF.

En conclusion, le congé maladie n’est plus la « maison magique » (du nom de ce jeu de cour de récréation) de la discipline, et c’est une bonne chose.

J’en déduis que nous devrions assister prochainement à un revirement sur l’effet « miroir magique » de l’arrêt maladie sur la suspension conservatoire, non ?

Quand le juge administratif confirme une sanction de révocation prise sans conseil de discipline !

Dans une décision ; Commune de Grand-Bourg-de-Marie-Galante (CE, 29 juillet 1994, n° 135096, n° 139933, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat a estimé que la carence du conseil de discipline à se réunir « ne saurait avoir pour effet de priver le maire du pouvoir d’exercer ses attributions en matière disciplinaire ; qu’il appartient dans ce cas au maire de mettre le conseil disciplinaire en demeure de se prononcer dans un délai déterminé ; que c’est seulement s’il n’est pas fait droit à cette demande et sauf impossibilité matérielle pour le conseil de se réunir, que le maire est en droit de passer outre la carence du conseil et de prononcer la sanction sans avis de ce conseil, après avoir invité le fonctionnaire à présenter sa défense ».

Cet exemple d’application de la théorie des formalités impossibles, tempéré par le nécessaire respect des droits de la défense, n’a cependant reçu que de rares applications, la Cour administrative d’appel de Bordeaux étant notamment venue préciser que la carence du conseil de discipline ne devait pas avoir pour effet de priver l’agent concerné des garanties de la procédure disciplinaire (CAA de Bordeaux, 2 mars 2004, n° 00BX00285).

Dans une affaire récente la Cour administrative d’appel de Paris a à son tour eu à se prononcer sur cette question du respect des garanties dues à l’agent, dans une affaire assez originale.

En l’espèce, une sanction de la révocation était envisagée à l’encontre d’une agente qui avait, d’une part, manqué à son devoir de réserve en publiant sur Facebook des propos outranciers visant directement le Maire de la Commune et, d’autre part, manqué à son devoir d’obéissance hiérarchique en conservant à son domicile l’ordinateur professionnel mis à sa disposition et qu’elle avait refusé de rendre à son employeur.

Préalablement à l’ouverture de cette procédure disciplinaire, l’intéressée avait cependant sollicité une mutation au sein d’une autre collectivité qui devait être effective à compter du 2 octobre 2020 et à laquelle ne s’était pas opposée sa collectivité d’origine.

Pour autant, la collectivité avait maintenu la procédure disciplinaire mais lors d’une séance du 18 septembre 2020, il a été fait droit à une demande de renvoi de l’intéressée. La nouvelle séance ayant été fixée au 18 décembre 2020 ceci aurait pu avoir pour effet de priver l’autorité compétente de l’exercice de son pouvoir disciplinaire puisqu’à cette date, l’agente aurait déjà quitté les effectifs de la Ville en raison de sa mutation à intervenir.

La Commune avait alors mis en demeure le conseil de discipline de se réunir le 24 septembre 2020 et informé le 21 septembre le Conseil de la requérante de cette mise en demeure qui si elle n’était pas suivie d’effet – ce qui fut le cas – se verrait substituer un entretien le 25 septembre.

Le courrier de convocation à l’entretien ayant été adressé à l’agente seulement la veille, le Tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté de révocation intervenu in fine, au motif que l’intéressée n’avait pas bénéficié d’un délai suffisant pour préparer cet entretien.

C’est dans ces conditions que la question de savoir si l’agente n’avait pas été privée des garanties liées à la procédure disciplinaire du fait de ce très bref délai avant la convocation à l’entretien ayant suppléé la réunion du conseil de discipline a ensuite été portée à la Cour administrative d’appel de Paris qui en a fait une appréciation très concrète.

En effet, elle a relevé que l’agente avait été informée dès le mois de juillet 2020 de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, qu’elle avait été en mesure de s’adjoindre d’un Conseil et de produire un mémoire en défense en amont de la première séance du conseil de discipline et qu’ainsi, « eu égard aux garanties dont l’intéressée avait bénéficié depuis l’engagement de la procédure disciplinaire, mentionnées ci-dessus, et à l’impossibilité, pour la commune, d’exercer son pouvoir de sanction à raison de la prise d’effet de la mutation de l’intéressée à la demande de cette dernière », elle n’avait été privée d’aucune garantie.

Il est également intéressant de relever que, sur le fond, la Cour a confirmé le quantum de la sanction.

Il s’agit d’une décision récente qui, si elle fait l’objet d’un pourvoi en cassation, méritera que l’on s’intéresse à la position du Conseil d’Etat.

Scolaire : deux nouveaux décrets relatifs aux directeurs d’école et au harcèlement intéressant les communes

Décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’éducation nationale

Deux décrets relatifs aux directeurs d’école et au harcèlement scolaire qui intéresseront les communes ont été publiés au cours du mois d’août.

S’agissant d’abord des directeurs d’école, le décret a été pris en application de l’article L. 411-2 du Code de l’éducation issu de la loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice et directeur d’école. Il a pour objet de définir les missions des directrices et des directeurs d’école des écoles maternelles et élémentaires publiques, les conditions de nomination et d’exercice des fonctions des directeurs d’école et de mettre en place un dispositif d’avancement accéléré.

Parmi ses dispositions, certaines ont trait aux relations entre l’établissement et la commune. Ainsi, il est précisé que le directeur d’école représente l’institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales. Il est l’interlocuteur de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour l’école qu’il dirige. (article R. 411-18 du Code de l’éducation).

Le décret précise que le directeur « a autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire » (article R. 411-10 du Code de l’éducation), ce qui inclut nécessairement les agents communaux et notamment les ATSEM. Il s’agit logiquement de l’autorité fonctionnelle, par opposition à l’autorité hiérarchique qui relève du maire. L’article R. 411-14 du Code de l’éducation précise d’ailleurs que le « directeur d’école organise le travail des agents communaux ».

S’agissant ensuite du harcèlement scolaire, le décret crée une procédure de traitement d’une situation de harcèlement scolaire à l’école, pouvant aller jusqu’à l’exclusion de l’élève et qui fait intervenir le maire.

Ainsi, plus précisément, l’article R. 411-11-1 du Code de l’éducation prévoit que, dans un premier temps, « lorsque le comportement intentionnel et répété d’un élève fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d’un autre élève de l’école », le directeur d’école met en œuvre toute mesure éducative de nature à faire cesser ce comportement et peut, à titre conservatoire, suspendre l’accès à l’établissement de l’élève dont le comportement est en cause pour une durée maximale de cinq jours.

Dans un second temps, le même article indique que si le comportement de l’élève persiste, le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN), saisi par le directeur de l’école, peut demander au maire de procéder à la radiation de cet élève de l’école et à son inscription dans une autre école de la commune.

Lorsque la commune ne compte qu’une seule école publique, la radiation de l’élève ne peut intervenir que si le maire d’une autre commune accepte de procéder à son inscription dans une école de cette commune. Et les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, la demande porte sur l’inscription dans une autre école du territoire de cet établissement.

Pour être complet, on relèvera que le DASEN peut, pendant cette procédure de radiation, suspendre l’accès de l’école à l’élève, lequel fait, en outre, l’objet, dans sa nouvelle école, d’un suivi pédagogique et éducatif renforcé jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours. En outre, des dispositions sont prévues pour les établissements du secondaire mais elles ne font pas intervenir les départements ou régions puisque la réponse prévue est une réponse disciplinaire.

Enfin, le décret porte également sur la sanction du non-respect des principes de la République, et notamment du principe de laïcité mais, là encore, la réponse est interne puisque disciplinaire.