- Transport et commande publique
le 12/10/2023

Publication d’un avis consultatif du Conseil d’Etat en matière de concessions d’autoroutes : l’Etat peut-il résilier de telles concessions en cas de rémunération excessive du concessionnaire ?

Avis portant sur la sécurisation des mesures permettant d’assurer une meilleure prise en compte de l’intérêt public dans l’équilibre des contrats de concession autoroutière

Par un avis consultatif (n° 407003) en date du 8 juin 2023 et rendu public par le Gouvernement le 12 septembre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur des problématiques majeures en matière de concessions autoroutières.

Le 7 avril 2023, le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a souhaité recueillir l’avis du Conseil d’Etat au sujet de la méthode à retenir pour apprécier la rentabilité d’un concessionnaire, la possibilité de résilier unilatéralement la concession en cas de rémunération excessive et, le cas échéant, les modalités à respecter pour résilier cette concession.

D’abord, s’agissant de la méthode permettant d’apprécier la rentabilité d’une concession, le Conseil d’Etat souligne que dans le cadre de son pouvoir de contrôle exercé sur son concessionnaire, l’Etat « n’est en rien tenu par tel ou tel choix méthodologique ». Au titre de son rôle de concédant, il appartient à l’Etat « de contrôler les conditions d’exécution, y compris financières, de chaque contrat de concession par une analyse détaillée et critique, effectuée à date régulière, non seulement des résultats des exercices mais aussi du plan d’affaires du concessionnaire et des prévisions financières qui en ressortent ».

Ensuite, s’agissant de la possibilité de résilier une convention en cas de rémunération excessive du concessionnaire, le Conseil d’Etat rappelle que l’Etat dispose d’un pouvoir de résiliation unilatérale lorsqu’il se fonde sur un motif d’intérêt général ou lorsque le cocontractant a commis une faute.

Aussi, par l’avis du 5 février 2015, le Conseil d’Etat avait déjà affirmé que peut être envisagée une « résiliation pour motif d’intérêt général dans le cas où l’évolution économique constatée aurait pour effet d’accélérer sensiblement, contrairement aux prévisions, l’amortissement des ouvrages et la rémunération raisonnable du concessionnaire, au point que la durée initialement convenue n’aurait plus de justification. Une telle mesure supposerait une appréciation globale de l’amortissement des investissements et de la rémunération du concessionnaire ».

Ainsi, en cas de constatation d’une importante augmentation de la rémunération du concessionnaire, il appartient à l’Etat « pour apprécier les conséquences à en tirer, de tenir compte du transfert de risque auquel procède le contrat de concession, qui est le corollaire de l’équilibre de ce dernier ». Le Conseil d’Etat précise à ce titre que « si le transfert de risque joue essentiellement dans les cas d’évolutions défavorables au concessionnaire, il doit jouer également dans les cas d’évolutions favorables à ce dernier ».

Le Conseil d’Etat en conclut ainsi que « la seule circonstance que le concessionnaire ait optimisé le financement de sa dette en raison de taux historiquement bas, voire négatifs, comme cela a été le cas dans la période récente, ou qu’une baisse des coûts de construction et d’entretien, corrélée à une inflation particulièrement faible, lui ait procuré des bénéfices importants, ne pourrait suffire à fonder légalement une résiliation pour motif d’intérêt général, au regard du risque de pertes que le concessionnaire a accepté de courir en contrepartie des possibilités de gains que peut lui procurer une situation économique favorable ».

Enfin, s’agissant des modalités juridiques à observer pour résilier, par anticipation, une concession autoroutière, le Conseil d’Etat rappelle d’emblée qu’une telle décision appelle une particulière vigilance de la part du concédant. En effet, en amont, le concédant doit avoir envisagé l’organisation future du service public et prendre en compte les délais de préparation d’une éventuelle remise en concurrence ainsi que la nécessité de disposer d’un inventaire des biens de retour.

Le Conseil d’Etat suggère ainsi de ménager un délai de préavis suffisant entre la décision de résiliation et sa prise d’effet mais aussi, le cas échéant, de prévoir un effet différé. La décision de résiliation devra également prendre en considération l’existence de clauses de rachat pour motif d’intérêt général (prévoyant une indemnisation) qui figurent dans les contrats détenus par les sociétés concessionnaires d’autoroutes historiques. Selon le Conseil d’Etat, une telle clause « est une alternative à la résiliation unilatérale du contrat. [Cette clause de rachat] peut, en effet, être regardé[e] comme un mode de résiliation unilatérale, à l’initiative du concédant, organisé par le contrat de concession ».