Fonction publique
le 12/10/2023

La protection fonctionnelle des policiers : droit à une provision pour préjudice moral en cas d’outrage à agent

CAA Toulouse, 21 août 2023, Inédit au recueil Lebon, n° 22TL22114

Le Juge du référé-provision de la Cour administrative d’appel de Toulouse a, par une ordonnance en date du 21 août 2023, jugé que l’octroi de la protection fonctionnelle à un agent brigadier-chef de police pour un outrage à agent, lui ouvrait également droit à une provision sur la réparation du préjudice que lui a causé cet outrage.

En l’espèce, lors d’une manifestation sur la voie publique non déclarée, l’agent de police a été victime dans l’exercice de ses fonctions d’un outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique par l’une des manifestantes ; outrage pour lequel il a adressé à son administration une demande d’indemnisation de son préjudice et sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 7 avril 2022, le Préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a, d’une part, accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’agent, et d’autre part, rejeté implicitement sa réclamation indemnitaire.

Le brigadier-chef a alors saisi le Juge du référé provision[1] du Tribunal administratif de Nîmes afin qu’il condamne l’État à lui verser une provision d’un montant de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il estimait avoir subi du fait de l’outrage dont il a été victime. Saisi en appel, le Juge des référés de la Cour administrative d’appel de Toulouse a infirmé l’ordonnance du Tribunal administratif rejetant la demande de provision de l’agent.

Pour cela, le Juge des référés a rappelé que les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983[2] portant droits et obligations des fonctionnaires prévoyant le régime de la protection fonctionnelle établissaient à la charge de l’administration une obligation de protection de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l’agent est exposé, mais aussi d’assurer une réparation adéquate des torts qu’il a subis[3], à la charge de l’employeur, et sous réserve des actions qu’il peut ensuite engager pour obtenir auprès de l’auteur des faits le remboursement des sommes exposées.

Il a ensuite souligné qu’il était constant que l’agent avait été victime lors de l’exercice de ses fonctions d’un outrage de la part d’une manifestante qui lui a adressé un doigt d’honneur devant ses collègues et les autres manifestants, et qu’il s’était vu accorder, à la suite de cet incident, le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Le Juge des référés a ainsi considéré, d’une part, que la protection fonctionnelle accordée entraînait une obligation de réparation à l’égard du requérant qui n’était pas sérieusement contestable, et d’autre part, que l’agent avait droit à la réparation adéquate du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de son outrage.

Il a donc retenu que, dans ces conditions, l’agent de police était fondé à soutenir avoir subi un préjudice moral qu’il incombe à l’État de réparer du fait de la protection fonctionnelle et que, dès lors que l’obligation dont il se prévalait n’était pas sérieusement contestable, il y avait lieu de fixer la provision à la somme demandée par l’agent, soit 1 000 euros.

Si la procédure de référé provision est fréquemment utilisée dans le cadre de la protection fonctionnelle pour demander une provision pour les sommes engagées par l’agent lors d’un procès, et en particulier pour couvrir les frais d’avocat, la Cour administrative d’appel précise ici que le préjudice moral né d’un outrage est également susceptible de constituer une créance non sérieusement contestable permettant d’ouvrir le bénéfice d’une provision pour l’agent victime.

En tout état de cause, dans le cadre d’une de demande de référé-provision, et telle qu’en témoigne l’ordonnance commentée, le Juge dispose d’une grande latitude dans le choix des éléments déterminant son appréciation, et par conséquent, recourt à une motivation renforcée de sa décision, dans la mesure où elle constitue à certains égards, un quasi-jugement.

 

[1] Sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative

[2] « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. […]. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté », dispositions dont la substance est aujourd’hui codifiée aux articles L. 134-1 et suivants

[3] v. aussi sur le principe CE, 4 avril 2011, n°334402 ; CE, 1 octobre 2014, n°366002 ; CE, 14 février 2023, n° 461247