Santé, action sanitaire et sociale
le 12/10/2023

Indemnisation des victimes de transfusions sanguines : le Conseil d’Etat encadre les recours de l’ONIAM contre les hôpitaux.

CE, 20 juin 2023, n° 460868

Dans un arrêt en date du 20 juin 2023 (CE – 5ème et 6ème ch – n° 460868), le Conseil d’Etat est venu repréciser les principes généraux de l’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) et les recours que ce dernier peut exercer à l’endroit des hôpitaux.

En l’espèce, M. B a été contaminé par le virus de l’hépatite C, à l’occasion d’une transfusion sanguine, au cours d’une hospitalisation à l’hôpital Avicenne de Bobigny en 1985. Deux transactions ont été conclues, en suite de cette contamination, entre l’ONIAM et l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dont dépend l’hôpital Avicenne, en 2016 et 2017, pour une indemnisation globale de 15.287 €.

Le 27 juillet 2018, l’ONIAM a émis, à l’encontre de l’AP-HP, un titre exécutoire pour la somme de 15.287 € à titre subrogatoire. Par un jugement en date du 14 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, saisi par l’AP-HP, a annulé ce titre exécutoire et déchargé l’AP-HP du paiement de la somme ainsi mise à sa charge. Par un arrêt du 26 novembre 2021, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par l’ONIAM contre ce jugement.

C’est dans ces conditions que l’ONIAM a saisi le Conseil d’Etat.

Dans un évident souci de pédagogie et afin de fixer sa jurisprudence en la matière, le Conseil d’Etat va reprendre point par point le cadre de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux et, notamment, le rôle dévolu à chacun des acteurs et les recours mis, le cas échéant, à leur disposition.

L’article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 dispose que l’Etablissement Français du Sang (EFS) est substitué aux établissements de transfusion sanguine dans les droits et obligations résultant des contrats conclus antérieurement à la loi. D’autre part, l’article 67 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a chargé l’ONIAM d’indemniser les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang.

Par ailleurs, l’article L. 1221-14 du Code de la santé publique dispose que la transaction intervenue entre l’ONIAM et la victime, ou ses ayants-droits, est opposable à l’assureur de l’établissement reconnu responsable, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction de procès éventuellement contenue dans le contrat d’assurance.

Enfin, l’article 14 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 prévoit que l’ONIAM et les tiers payeurs ne peuvent exercer d’action subrogatoire contre l’EFS, venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, si ledit établissement n’est pas assuré et si sa couverture d’assurance est expirée.

L’AP-HP et l’EFS ont ainsi conclu, le 29 décembre 1999, une convention prévoyant la prise en charge par l’EFS de l’ensemble des contentieux transfusionnels et des demandes transactionnelles nées ou susceptibles de naître. Le Conseil d’Etat vient ici rappeler que ces stipulations sont opposables à l’ONIAM et en conclut que la Cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’ONIAM n’est pas fondé à exercer un recours subrogatoire contre l’AP-HP en sa qualité de personne responsable du dommage.

Cependant, l’ONIAM avait soulevé un autre moyen qui visait à considérer que l’AP-HP ayant obtenu une dérogation de l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique obligeant les établissements de santé à s’assurer au titre de la responsabilité civile susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers, l’AP-HP devait être regardée comme un assureur contre lequel un recours devenait possible.

En effet, l’article L. 1221-14 du Code de la santé publique vise à permettre à l’ONIAM, lorsqu’il a indemnisé une victime de contamination transfusionnelle par le virus de l’hépatite C, d’exercer soit directement une action en garantie auprès des assureurs des établissements de transfusion sanguine repris par l’EFS, soit l’action subrogatoire contre l’EFS, qui est subordonnée à l’existence d’une couverture d’assurance de l’établissement de transfusion aux droits duquel est venu l’EFS.

Le Conseil d’Etat va également rejeter ce moyen en considérant que si, aux termes de l’article L. 1142-2 du Code de la santé publique, l’AP-HP avait bénéficié d’une dérogation à l’obligation de souscrire un contrat d’assurance, elle ne pouvait à ce titre être considérée comme un assureur. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris est donc également confirmé sur ce point.

Ce rappel du cadre juridique dans lequel l’ONIAM peut exercer un recours contre les établissements de santé responsables d’un accident transfusionnel était plus que salutaire, tant les relations s’étaient tendues et les décisions des juridictions administratives de première instance aléatoires d’une région à l’autre. Une bonne administration doit toujours être transparente et prévisible.