Aucune indemnité d’occupation n’est due envers l’indivision dès lors qu’il n’existait pas d’indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires

En l’espèce, par ordonnance de non-conciliation du 12 mai 2014, un juge aux affaires familiales a attribué à l’époux la jouissance du domicile conjugal, qui se trouvait être un bien indivis en nue-propriété avec son épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens. L’usufruit du bien susvisé était détenu par la mère du conjoint.

Le divorce était prononcé par jugement e date du 26 mai 2016, et l’ancien époux se voyait assigné le 10 mai 2018 en liquidation et partage des intérêts patrimoniaux.  Par arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes le 17 février 2021, ce dernier se voyait notamment déclarer redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision en nue-propriété à compter du 12 mai 2014.

C’est sur ce moyen que l’ancien époux formait un pourvoi en cassation, considérant que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus, et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère.

Or, en l’espèce, il apparaissait que l’indivision litigieuse ne portait uniquement que sur la nue-propriété du bien, si bien qu’elle n’avait pas le droit aux fruits.

Dans ces conditions, le demandeur soutenait que la privation de jouissance du co -indivisaire ne générait pas de droit à indemnité. Pour dire que le demandeur au pourvoi indivisaire et redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision en nue-propriété, la cour d’appel avait pour sa part retenue que le démembrement de propriété entre les anciens époux et l’usufruitière, mère du demandeur, était indifférent dès lors que son fils «  occupe effectivement le bien indivis qui constituait le domicile conjugal occupé qui constituait le domicile conjugal occupé par les époux malgré ledit démembrement de propriété est sans incidence sur la privation  de jouissance subie par l’épouse ».

Aux visas des articles 815-9 et 582 du Code civil, la Cour de cassation est venue casser en toutes ses dispositions de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes le 17 février 2021.

 

Il résulte en effet de ces textes que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits ainsi que de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, et que l’usufruiter a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils que peut produite l’objet dont il a l’usufruit. En conséquence, dans la mesure où il n’existait pas d’indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, aucune indemnité d’occupation n’était due par le demandeur au pourvoi envers l’indivision.

La force majeure en procédure civile

L’article 910-3 du Code de procédure civile dispose :

« En cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 ».

En l’espèce, un avocat appelant avait rencontré un problème médical qui l’avait empêché de conclure dans les trois mois de la déclaration d’appel. Il avait subi une fracture de la main et avait produit un certificat d’hospitalisation et un certificat médical attestant de l’incapacité de l’avocat à travailler trois mois durant, soit pendant le délai légalement prévu pour conclure.

En principe, la sanction normalement prévue, soit la caducité de la déclaration d’appel, ne peut être écartée qu’en cas de force majeure. Or, la Cour de cassation, aux termes de cette décision, est venue préciser la définition procédurale de la force majeure et son contenue.

En effet, pour écarter la force majeure, la cour d’appel s’était fondée sur l’emplacement de la fracture, rendant celle-ci peu handicapante, la très courte durée d’hospitalisation (une journée) et le fait que l’avocat aurait pu être suppléé par son associé pour rédiger les conclusions.

Ainsi, d’après la cour d’appel, il n’était pas démontré que la fracture subie par l’avocat de l’appelante ait constitué un empêchement à l’exécution, c’est à dire au dépôt des conclusions dans les délais légaux.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt, rappelant qu’en matière procédurale, constitue un cas de force majeure « la circonstance non imputable au fait de la partie qui l’invoque et qui revêt pour elle un caractère insurmontable ».

Or, la Cour a relevé que l’avocat avait remis un certificat médical établissant qu’il s’était trouvé dans l’incapacité d’exercer sa profession entre le 15 février et le 15 avril 2021, soit pendant la période au cours de laquelle le délai de dépôt du mémoire avait expiré.

En l’espèce, c’est donc la durée de l’empêchement de l’avocat telle que prévue par son arrêt de travail qui s’est révélée décisive pour conclure à l’existence d’un cas de force majeure au sens du Code de procédure civile. Par ailleurs, le fait que l’avocat empêché ait eu un associé est resté un élément indifférent aux yeux de la Cour, qui n’en fait même pas état.

La résiliation des contrats conclus par voie électronique en trois « clics »

Après la possibilité de rétractation prévus pour les contrats conclus à distance, (Article L. 221-8 du Code de la consommation-Ordonnance 2016-131 du 10 février 2016), les consommateurs disposent de manière effective d’une nouvelle protection leur permettant de résilier de manière simplifiée, les contrats conclus par voie électronique.

Cette protection supplémentaire a été créée par la loi n° 2022-1158 en date du 16 août 2022. Elle prévoit la possibilité de résilier lesdits contrats plus facilement depuis l’interface, c’est-à-dire, soit depuis le site internet soit depuis l’application mobile.

Cependant restait à en définir les modalités techniques, lesquelles devaient être fixées par décret avant le 1erjuin 2023. C’est ainsi le décret n° 2023-182 du 16 mars 2023 spécifique à la matière assurantielle et le décret n° 2023-417 du 31 mai 2023 ont été adoptés. Ce dernier vient compléter le nouvel article L 215-1-1du code de la consommation, lequel dispose :

« Lorsqu’un contrat a été conclu par voie électronique ou a été conclu par un autre moyen et que le professionnel, au jour de la résiliation par le consommateur, offre au consommateur la possibilité de conclure des contrats par voie électronique, la résiliation est rendue possible selon cette modalité.

A cet effet, le professionnel met à la disposition du consommateur une fonctionnalité gratuite permettant d’accomplir, par voie électronique, la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat. Lorsque le consommateur notifie la résiliation du contrat, le professionnel lui confirme la réception de la notification et l’informe, sur un support durable et dans des délais raisonnables, de la date à laquelle le contrat prend fin et des effets de la résiliation.

Un décret fixe notamment les modalités techniques de nature à garantir une identification du consommateur et un accès facile, direct et permanent à la fonctionnalité mentionnée au deuxième alinéa, telles que ses modalités de présentation et d’utilisation. Il détermine les informations devant être fournies par le consommateur ».

Le décret n° 2023-417 du 31 mai 2023, précise que la fonctionnalité de résiliation doit être mentionnée de manière claire, être d’un accès direct et facile depuis l’interface en ligne. Le consommateur n’a donc pas à créer un espace personnalisé pour accéder à la résiliation.

Par ailleurs, la fonctionnalité de résiliation peut indiquer des informations sur les conditions de résiliation, (ex-délai de préavis) sans que cela soit une obligation contrairement à ce qui a été prévu en matière d’assurance (décret n° 2023-182 du 16 mars 2023). Le décret précise également que la fonctionnalité doit comporter des informations permettant d’identifier le contrat à résilier. (Nom, prénom, adresse électronique, numéro de client ou de contrat par exemple)

Les modalités pratiques de résiliation sont simples elles permettent aux consommateurs de manifester leur volonté de résilier en trois « clics »

  • Premier « clic »: Le consommateur accède à la fonctionnalité « résilier votre contrat » ;

A cette étape il vérifie les informations correspondant à son contrat ou les saisira.

  • Deuxième « clic » le consommateur accède à la vérification des informations ;

  • Troisième « clic » après avoir vérifié les informations le consommateur accède depuis la page récapitulative à la « notification de la résiliation» ou « confirmation de la résiliation » ou tout autre mention sans ambigüité.

Ce process de résiliation par étape, fixé par le décret n° 2023-417 du 31 mai 2023 rappelle celui prévu à l’article 1127-2 du Code civil, pour autant il n’est pas intégré au Code civil mais au code de la consommation.

Certains auteurs s’interrogent donc sur « l’opportunité d’intégrer un tel dispositif au sein du code de la consommation, au détriment du code civil, la résiliation intéressant d’autres rapports contractuels que celui consuméristes » (Fanny Binois, Maître de conférence à l’Université Paris Saclay, chercheur au centre d’études et de recherche en droit de l’immatériel) (G Loiseau , la résiliation des contrats par voie électronique, CCC n° 12 déc 2022, T Douville La résiliation par voie électronique D 2022 1602).

Obligation de délivrance conforme d’un terrain constructible devenu inconstructible

L’article 1604 du Code civil dispose que le vendeur a « deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». L’obligation de délivrance implique que la chose soit conforme aux termes du contrat.

Dans un arrêt en date du 25 mai 2023 (n°22-12.870), la Cour de cassation a rappelé que le respect de l’obligation de délivrance conforme d’un terrain vendu comme constructible s’apprécie à la date du transfert de propriété.

En l’espèce, un terrain à bâtir a été cédé par acte authentique le 31 janvier 2012. Ce terrain était, d’après le Plan Local d’Urbanisme, classé en zone constructible, selon un certificat d’urbanisme en date du 9 janvier 2012. L’acquéreur découvre par la suite que, par modification du PLU en date du 27 janvier 2012, le terrain est devenu inconstructible. La délibération du conseil municipal modifiant le PLU, adopté le 27 janvier 2012, est publiée le 9 février suivant.

L’acquéreur assigne le vendeur en paiement de dommages-intérêts, pour manquement à son obligation de délivrance conforme.

Dans son arrêt du 25 mai 2023, la Cour de cassation refuse de reconnaitre un manquement à cette obligation : « ayant constaté que le PLU modifié, adopté par délibération du conseil municipal du 27 janvier 2012, avait été publié le 9 février 2012, [la Cour d’appel] a retenu à bon droit que cette date étant celle à laquelle il était entré en vigueur et devenu opposable, le bien vendu était un terrain à bâtir au jour de sa délivrance ».

C’est donc à la date de la publication de la délibération modifiant le PLU que ce dernier est entré en vigueur et est devenu opposable, à savoir le 9 février 2012. L’acte authentique datant du 31 janvier, le terrain était donc bien constructible au moment du transfert de propriété, de sorte que le vendeur n’a pas manqué à son obligation de délivrance conforme.

Quel délai de prescription applicable en cas d’appropriation de parties communes à jouissance privative sans autorisation

En droit de la copropriété, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixe le délai de prescription applicable en matière d’action personnelle et dispose que : « les dispositions de l’article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat ».

Sur ce point, il sera précisé que dans sa version antérieure à la Loi ELAN du 25 novembre 2018, il était prévu que les actions personnelles se prescrivaient par un délai de dix ans. Le délai de prescription applicable en matière personnelle doit être distingué du délai de prescription en matière réelle. L’article 2227 du Code civil dispose, à cet égard, que : « le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Ainsi, lorsqu’un copropriétaire réalise des travaux qui affectent les parties communes, sans autorisation de l’assemblée générale, il s’expose à une action aux fins de remise en état et éventuellement à une demande de dommages et intérêts, pouvant être introduite soit par le syndicat des copropriétaires, soit par un copropriétaire pris individuellement.

Sur ce point, une difficulté peut résulter notamment de la détermination du point de départ et du délai de prescription applicable en matière de travaux sans autorisation sur des parties communes. L’arrêt rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation le 20 avril 2023 tend à apporter des éclairages sur cette problématique.Deux propriétaires d’une villa dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, ont obtenu en assemblée général des copropriétaires, l’autorisation de créer une chambre supplémentaire. Toutefois, et sans aucune autorisation, ils ont édifié une terrasse dans le prolongement d’une coursive sur une partie commune, dont ils avaient la jouissance privative.

Près de onze ans plus tard, ils ont été assignés par d’autres copropriétaires, aux fins notamment d’indemnisation de leur préjudice et démolition de la terrasse édifiée sans autorisation. Les juges du fond rejettent les demandes des copropriétaires considérant que leurs prétentions se heurtent à la prescription décennale. Un pourvoi en cassation est donc formé par les copropriétaires demandeurs.

S’agissant du point de départ de l’action des copropriétaires, la Cour de cassation rejette le pourvoi approuvant ainsi la position de la Cour d’appel et considérant que l’action court à compter de la connaissance du fait litigieux. En l’espèce, les copropriétaires avaient pu mesurer l’incidence des travaux et étaient en mesure d’engager toute action qui serait utile pour la préservation de leurs droits et d’éventuelles réparations indemnitaires.

Toutefois, s’agissant du délai de prescription applicable, la Cour de cassation censure l’analyse de la Cour d’appel, au visa de l’article 2227 du Code civil et de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à la Loi ELAN. Selon la Cour de cassation :

« 17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, nonobstant le droit de jouissance privative dont M. et Mme [Z] bénéficiaient, la terrasse litigieuse ne constituait pas une appropriation de parties communes dont la cessation ouvre droit à une action réelle qui se prescrit par trente ans, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

 

A la lecture de cet arrêt, il convient de distinguer les simples travaux sans autorisation affectant les parties communes, des véritables appropriations de parties communes, faites par un copropriétaire. L’annexion et l’appropriation d’une partie commune par un copropriétaire ouvre une action réelle au syndicat des copropriétaires ou aux autres copropriétaires, soumise à la prescription trentenaire.En effet, cette action réelle immobilière tend à protéger le droit de propriété du syndicat des copropriétaires.

 

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation présente un intérêt particulier, dans la mesure où il s’agissait de parties communes à jouissance exclusive. Les copropriétaires disposaient ainsi d’un droit réel leur permettant de jouir de cette partie commune. Toutefois, la jouissance privative d’une partie commune n’est pas de nature à permettre au copropriétaire de l’approprier, l’immeuble demeurant une partie commune.

L’employeur peut obtenir le remboursement d’une prime d’accueil ou d’arrivée (i.e. welcome bonus)

Afin d’attirer les talents, certains employeurs prévoient le versement d’une prime d’accueil ou d’arrivée (i.e. welcome bonus) à l’occasion de la prise de fonctions d’un collaborateur nouvellement embauché.

Pour diverses raisons, il arrive, néanmoins, que le salarié, après avoir perçu sa prime, souhaite, parfois, quitter l’entreprise sans que l’employeur n’ait pu suffisamment bénéficier de ses compétences.

En pareille situation, l’employeur se trouve doublement lésé : d’une part en devant engager un nouveau recrutement et travailler à l’intégration d’un nouveau salarié, d’autre part, en n’ayant pas pu bénéficier du retour sur investissement découlant de la prime versée. Aussi, la rédaction de la clause prévoyant un welcome bonus doit être particulièrement soignée et prévoir des conditions équilibrées, afin que chacune des parties s’y retrouvent.

Dans ce contexte, l’employeur peut légitimement s’interroger sur la possibilité et les conditions d’obtention du remboursement du welcome bonus en cas de départ prématuré de sa récente recrue.

C’est précisément ce point que la chambre sociale de la Cour de cassation est venue éclairer par un arrêt du 11 mai 2023 (pourvoi n° 21-25.136). [1]

 

Faits de l’espèce

Dans cette affaire, un salarié, qui avait été engagée en qualité d’opérateur sur les marchés financiers, a donné sa démission 14 mois plus tard.

Son contrat de travail comportait la clause suivante :

« le salarié percevra à titre de prime initiale, la somme brute de 150 000 € dont le paiement interviendra dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié conformément aux termes du contrat de travail. Dans le cas où le salarié démissionne ou si le salarié est licencié pour faute grave ou lourde à la fin de la troisième année à compter de la date de commencement, le salarié pourra conserver 1/36e de la prime d’arrivée pour chaque mois complet de travail après la date de commencement. Le solde de la prime initiale sera remboursable à la société à la date de la rupture ou au jour où la notification du licenciement est faite, à la plus proche des deux dates ».

À la suite de ce départ, l’employeur a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de remboursement partiel de la somme perçue au titre de cette prime d’arrivée, mais a été débouté par la cour d’appel.

La cour d’appel estimait que si une telle prime pouvait être subordonnée à une condition d’appartenance du salarié à l’entreprise au moment de sa distribution, elle ne pouvait pas être liée à sa présence à une date postérieure à son versement.

La cour expliquait que cela portait atteinte à la liberté du travail et en concluait que le salarié pouvant conserver la prime dans son intégralité.[2]

L’employeur s’est alors pourvu en cassation.

La Cour de cassation a donné raison à l’employeur, en cassant l’arrêt de la cour d’appel sans renvoi, au visa des articles L. 1121-1 et L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (ancien désormais 1104 du code civil).

Elle a énoncé, à cet égard :

« Il résulte de ces textes qu’une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue ».

 

Portée de la solution

Par l’arrêt ci-commenté, la Cour de cassation considère que l’employeur peut formaliser une clause de welcome bonus prévoyant le remboursement de cette prime au prorata du temps de présence dans l’entreprise, en cas de démission du salarié avant l’échéance qu’elle fixe.

Cependant, les faits de l’espèce qui lui ont été soumis n’ont pas permis à la Haute juridiction de se prononcer sur la validité d’une telle clause dans les autres cas de rupture du contrat de travail et notamment le licenciement (qu’il soit disciplinaire, pour inaptitude ou pour motif économique, etc.) et la rupture conventionnelle.

A notre sens, et sous réserve d’une éventuelle décision ultérieure sur ce point, il ne semble pas possible d’obtenir le remboursement de cette prime par l’application d’une telle clause en cas de licenciement pour inaptitude du salarié ou pour motif économique. Ce remboursement ne pourrait pas non plus être obtenu si le licenciement est injustifié.

Néanmoins, le débat reste ouvert et la question du remboursement se pose avec d’autant plus de ferveur en cas de licenciement faute grave ou faute lourde.

____

[1] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2023, 21-25.136, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[2] CA Paris, 9 juin 2021 RG n° 19/02239

Défense extérieure contre l’incendie : proposition de loi pour adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux

Le Sénat a adopté en première lecture, le 15 mars dernier, une proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie (DECI) à la réalité des territoires ruraux. Déposée par le sénateur Hervé Maurey, cette proposition de loi fait suite à un rapport qu’il avait cosigné avec le sénateur Franck Montaugé, et qui dressait en 2021 le constat des « conséquences budgétaires très lourdes » de l’exercice des missions de DECI pour les communes, en particulier rurales (Rapport d’information n° 760 (2020-2021) d’Hervé Maurey et Franck Montaugé, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, publié le 8 juillet 2021, p. 10)

La proposition de loi tend, tout d’abord, à faire du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie (RDDECI) un volet du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (SDACR).

Elle propose également que les règles, dispositifs et procédures fixées par ce volet « tiennent compte, le cas échéant, d’un référentiel national […] et en les adaptant aux spécificités du territoire et aux différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales situées sur ledit territoire ».

Ce volet devra, en outre, favoriser « un équilibre et une complémentarité » entre les moyens déployées par les communes (ou EPCI compétents) et par le service d’incendie et de secours et sera élaboré « en concertation avec les maires, notamment les maires des communes rurales, ainsi que l’ensemble des acteurs concourant à la défense extérieure contre l’incendie ».

Le texte prévoit, par ailleurs, l’institution d’une « commission départementale de suivi de la défense extérieure contre l’incendie » chargée « de favoriser l’adéquation entre les objectifs de couverture des risques mentionnés au I de l’article L. 14247 [du CGCT] et la création, l’aménagement et la gestion des points d’eau mentionnés aux articles L. 22251 et L. 22252 [du CGCT] ». Les membres de cette commission seront désignés sur proposition des associations des maires du département « parmi les membres des conseils municipaux des communes compétentes et, lorsqu’ils sont compétents, des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale en matière de défense extérieure contre l’incendie », à l’exclusion des membres du conseil d’administration du service d’incendie et de secours.

Enfin, il autorise le transfert de la police spéciale de la défense extérieure contre l’incendie vers les syndicats compétents en matière de DECI.

Le devenir de ce texte reste toutefois incertain : le gouvernement n’y étant pas favorable.

Date de référence d’un bien exproprié situé, à la fois, en ZAC et en DPU

En vertu de l’article L. 322-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, lorsque le bien exproprié est situé à l’intérieur du périmètre d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) mentionnée à l’article L. 311-1 du Code de l’urbanisme, la date de référence est celle de la publication de l’acte créant la zone, si elle est antérieure d’au moins un an à la date d’ouverture de l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique. Par dérogation, lorsque le bien exproprié, situé à l’intérieur du périmètre d’une telle zone, est par ailleurs soumis au droit de préemption urbain, il résulte de la combinaison des articles L. 213-4, a), et L. 213-6 du Code de l’urbanisme que la date de référence prévue à l’article L. 322-2 précité est, pour les biens non compris dans une zone d’aménagement différé, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

Méthode d’évaluation de la récupération foncière pour un bien déclaré insalubre

Par un arrêt en date du 13 avril 2023, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation que dès lors que l’immeuble exproprié a fait l’objet d’un arrêté préfectoral le déclarant insalubre à titre irrémédiable, les règles d’évaluation de l’article L. 511-6 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sauraient être écartées au motif qu’il existe un doute sur l’intention de l’expropriant de démolir le bien.

Convention de coopération entre établissement public territorial (EPT) et Syndicat sur la compétence eau potable : absence de consultation des conseils municipaux

eaux d’Ile-de-France (SEDIF), s’agissant de plusieurs communes. Par arrêté préfectoral du 8 juin 2018, les Préfets de Paris, de Seine et Marne, des Yvelines, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis, du Val de Marne et du Val-d’Oise ont autorisé cette adhésion. Après le rejet de leur demande d’annulation de cet arrêté auprès du Tribunal administratif de Paris, une association ainsi que plusieurs personnes physiques ont relevé appel du jugement considérant que, les EPT étant soumis aux dispositions applicables aux syndicats de communes (article L. 5219-2 du Code général des collectivités territoriales-CGCT), il convenait d’appliquer la procédure identifiée à l’article L. 5212-32 du CGCT aux termes duquel « A moins de dispositions contraires, confirmées par la décision institutive, l’adhésion du syndicat à un établissement public de coopération intercommunale est subordonnée à l’accord des conseils municipaux des communes membres du syndicat, donné dans les conditions de majorité prévues au second alinéa de l’article L. 5212-2 ».

Autrement dit, l’association soutient que l’adhésion partielle des EPT Plaine Commune, Est Ensemble et Grand Orly Seine Bièvre au SEDIF aurait dû être soumise à l’accord des conseils municipaux des communes membres des EPT.

La Cour administrative de Paris rejette ce moyen considérant que :

 « D’une part, que l’ensemble des communes d’Ile-de-France, à l’exception de Paris, ne sont plus compétentes en matière d’assainissement et eau, d’autre part, que l’attribution de cette compétence aux établissements publics territoriaux ne résulte ni du choix de ces communes d’adhérer à ces établissements publics, ni de celui de leur transférer cette compétence. Ces dispositions font dès lors obstacle à ce que l’adhésion des établissements publics territoriaux au SEDIF, syndicat mixte, pour l’exercice de cette compétence, soit subordonnée à l’accord des conseils municipaux des communes membres de l’établissement public. Il s’ensuit que la méconnaissance de l’article L. 5212-32 du code général des collectivités territoriales ne peut être utilement invoquée. Ce moyen doit, par suite, être écarté ».

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris considère que l’article L. 5212-32 du CGCT relatif à l’obligation de consultation des conseils municipaux membres en cas d’adhésion d’un syndicat à un EPCI n’est pas applicable à la situation où un EPT adhérerait à un syndicat.

Intérim médical à l’hôpital : le Conseil d’Etat tranche le débat

La question de l’intérim médical à l’hôpital public est devenue récurrente depuis quelques années, traduction littérale du manque de professionnels médicaux dans la plupart des services de la plupart des établissements publics de santé.

De nombreuses agences spécialisées se sont ainsi créées et proposent, par la voie de l’intérim, des médecins dans toutes les spécialités médicales, recrutés pour boucler les plannings de présence médicale, principalement les fins de semaine et les jours fériés.

Sous la pression de la demande, les tarifs pratiqués par ces agences ou les professionnels recrutés directement ont connu une croissance exponentielle, jusqu’à constituer une charge démesurée pour les budgets des hôpitaux.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé était venue encadrer la rémunération des pratiques intérimaires. Cependant, faute de dispositions contraignantes effectives, les excès et abus ont continué de prospérer. Certains établissements ont ainsi vu leurs dépenses de personnel croître de plus de 20 % par an, sous le seul effet de l’intérim médical.Le législateur est donc venu fixer à la pratique intérimaire un cadre plus drastique au moyen de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.

Pour corriger les dérives de l’intérim médical, la loi Rist a introduit dans le Code de la santé publique des dispositions visant à encadrer le montant des rémunérations des personnels intérimaires. Elle a également confié aux comptables publics le soin d’exercer un contrôle sur ces montants, avec la possibilité d’interdire la mise en paiement des factures dont le montant viendrait à excéder le plafond fixé par décret.

Reportée à cause de la situation sanitaire liée au Covid-19, l’application de cette loi est désormais effective depuis le 3 avril 2023, pour tous les contrats signés à compter de cette même date. De plus, et afin de ne pas mettre à mal cette ressource en personnels pour les hôpitaux, le plafond de rémunération a été revalorisé, pour être porté à la somme de 1.390,00 € bruts pour 24 heures de travail.

C’est dans ces conditions que, par requête enregistrée les 12 avril et 1er mai 2023, le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) a saisi le Conseil d’Etat d’une demande de suspension de l’instruction ministérielle n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 en date du 17 mars 2023, prise en exécution des contrôles créés par la loi Rist.

Le demandeur soulevait, notamment, que l’instruction ministérielle attaquée méconnaissait les dispositions de l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administrations, en ce qu’elle prévoit la possibilité d’annuler le contrat d’exercice des médecins remplaçants et l’écrêtement de leur rémunération, sans procédure contradictoire préalable.

Le Conseil d’Etat, dans sa décision en date du 11 mai 2023 ici commentée, rappelle que lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu’il exerce sur la rémunération du praticien ou sur celle facturée par l’entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières et informe le directeur de l’établissement public de santé, qui procède à la régularisation dans les conditions fixées par la réglementation. En cas de refus du cocontractant de l’établissement de mettre son contrat en conformité avec les plafonds, le comptable public est tenu de saisir le directeur général de l’Agence régionale de santé, qui défère le contrat litigieux devant la juridiction administrative.

Ainsi, contrairement aux arguments soutenus par le SNMRH, le juge des référés écarte le doute sérieux sur la légalité de l’instruction ministérielle, considérant qu’elle ne méconnait pas le principe du respect des contrats en prévoyant une annulation unilatérale, puisque c’est bien à l’initiative du bénéficiaire du contrat ou à celle du juge que les stipulations contractuelles peuvent être modifiées.

Le Conseil d’Etat sera, sans aucun doute, amené à statuer au fond mais il est probable que sa position demeurera la même, la liberté contractuelle n’empêchant pas les contrôles.

Précisions sur le régime juridique de la convention de projet urbain partenarial (PUP)

Rappel des faits :

Dans cette affaire, une convention de PUP a été conclue entre une communauté de communes – devenue communauté d’agglomération – et la société Eurocommercial Properties Taverny, cette dernière souhaitant réaliser l’extension d’un centre commercial et créer un commerce de moyenne surface.

La SCI Massonex, agissant en qualité de contribuable local, a saisi le tribunal administratif d’une demande d’annulation de cette convention. Le tribunal a fait droit à sa demande en tant seulement que la convention de PUP portait sur les travaux de dévoiement du réseau d’eau potable et prévoyait une contribution de la société Eurocommercial Properties Taverny à ce titre, ainsi que l’obligation pour la collectivité de réaliser le réseau correspondant.

La SCI Massonex a ensuite interjeté appel de ce jugement en ce qu’il ne faisait pas intégralement droit à ses demandes de première instance. Mais la cour administrative d’appel a rejeté son appel et, consécutivement, le surplus des conclusions de sa demande.

Enfin, la SCI Massonex a exercé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour. C’est donc dans ce cadre que le Conseil d’État a été saisi.

Précisions du Conseil d’État sur la nature de la convention de PUP et les recours ouverts à son encontre :

Le Conseil d’État a eu à se prononcer sur le cadre juridique applicable à la contestation de la validité d’une convention du PUP.

Sur ce point, il a rappelé la distinction à opérer entre les recours ouverts aux parties à un contrat administratif et les recours ouverts aux tiers à ce contrat, tant devant le juge du contrat que devant le juge du référé contractuel.

Et, s’agissant des recours des tiers à un contrat administratif, il a distingué les tiers qui doivent démontrer avoir été « lésé[s] dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » (cf. CE, 4 avril 2014, Tarn et Garonne, n° 358994), des tiers dits « privilégiés », à savoir les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale – ou du groupement de collectivités territoriales – concerné, ainsi que le préfet du département, ces derniers n’ayant pas besoin d’opérer une telle démonstration.

De même, le Conseil d’État a distingué les vices pouvant être invoqués par les tiers et ceux pouvant être invoqués par les tiers « privilégiés » : les premiers ne peuvent invoquer que des « vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office », tandis que les seconds peuvent invoquer tout moyen à l’appui de leur recours.

Tout cela étant posé, le Conseil d’État ne fait donc ici que rappeler les personnes et interventions autorisées, ainsi que les moyens pouvant être soulevés selon leur qualité, à l’encontre d’un contrat administratif.

Seulement, et c’est ce qui nous intéresse ici, le Conseil d’État vise l’article L. 332-11-3 du Code de l’urbanisme, relatif aux participations à la réalisation d’équipements publics exigibles à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme par le biais d’une convention de PUP, pour en déduire qu’une telle convention de PUP « présente le caractère d’un contrat administratif dont la validité peut être contestée par un tiers » conformément aux modalités détaillées ci-avant.

Motifs du rejet du pourvoi par le Conseil d’État :

Enfin, le Conseil d’État s’est précisément prononcé sur le pourvoi de la SCI Massonex.

En premier lieu, le SCI Massonex a soutenu que les articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales relatif au fonctionnement de l’organe délibérant avait été méconnu.

Or, le Conseil d’État a considéré que la Cour avait suffisamment motivé son arrêt et n’avait pas commis d’erreur de droit s’agissant de l’information donnée aux membres de l’organe délibérant lors de la réunion autorisant le président de la communauté de communes à signer la convention de PUP. En effet, le Conseil d’État a rappelé que la Cour a, dans le cadre de son pouvoir souverain et sans dénaturer les pièces du dossier, pu juger que le projet de convention de PUP transmis « permettait aux membres du conseil communautaire de disposer d’une information suffisante sur l’objet de cette convention et son équilibre financier et les mettait à même de délibérer de façon éclairée et de solliciter, le cas échéant, des explications supplémentaires ».

En deuxième lieu, la SCI Massonex soutenait que la commune ou l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme devrait déterminer, préalablement, à la conclusions d’une première convention de PUP, et donc par une convention distincte, les modalités de partage des coûts des équipements ainsi que la délimitation d’un périmètre à l’intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui se livrent à des opérations d’aménagement ou de construction seront le cas échéant appelés à participer, dans le cadre d’autres conventions, à la prise en charge des équipements publics concernés.

Or, le Conseil d’État a considéré que, dès lors que les conditions du I de l’article L. 332-11-3 du Code de l’urbanisme sont remplies, et dans l’hypothèse où les équipements public ayant vocation à faire l’objet d’une telle convention sont susceptibles de desservir des terrains autres que ceux qui y sont mentionnés, une convention de PUP peut être conclue sans qu’il ne soit besoin de signer préalablement une convention déterminant les modalités de partage des coûts des équipements ainsi que la délimitation d’un périmètre à l’intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui se livrent à des opérations d’aménagement ou de construction seront le cas échéant appelés à participer, dans le cadre d’autres conventions, à la prise en charge des équipements publics concernés.

Partant, le Conseil d’État a jugé que :

« 8. Il suit de là qu’en jugeant qu’à supposer que les équipements partiellement financés par la société Eurocommercial Properties Taverny puissent desservir d’autres terrains que ceux mentionnés par la convention de projet urbain partenarial litigieuse, la circonstance que la communauté de communes n’ait pas, avant de la conclure sur le fondement du I de l’article L. 332-11-3 du code de l’urbanisme, délimité le périmètre prévu par le II de cet article à l’intérieur duquel les propriétaires, aménageurs ou constructeurs se livrant à des opérations participeraient à la prise en charge des équipements publics desservant plusieurs terrains était sans incidence sur la légalité de cette convention, la cour, qui a relevé à titre surabondant que l’incidence du vice allégué sur les finances de la communauté de communes n’était pas démontrée et qu’il ne résultait pas de l’instruction que la quote-part des travaux mise à la charge de la société cocontractante ne correspondrait pas à l’utilité des équipements pour le projet qu’elle envisage, n’a pas commis d’erreur de droit ».

En dernier lieu, combinant les articles L. 1331-7 du Code de la santé publique et de l’article L. 332-1-3 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’État a rappelé que « le propriétaire de l’immeuble qui contribue auprès de l’autorité compétente, compte tenu des stipulations d’une convention de PUP, au financement d’installations collectives d’évacuation ou d’épuration pour un montant égal ou supérieur au maximum légal prévu par l’article L. 1331-7 du code de la santé publique ne saurait être astreint, sur le fondement de cet article, à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif ayant le même objet ».

D’ailleurs, dans notre espèce, le Conseil d’État a relevé que c’est à bon droit que les juges d’appel avaient relevé que la société Eurocommercial Properties Taverny a bien été exonérée, au sein de la convention de PUP litigieuse, de la participation prévue à l’article L. 1331-7 du Code de la santé publique, car la convention de PUP prévoyait que ladite Société « participe au financement des installations collectives d’évacuation ou d’épuration des eaux usées pour un montant déterminé, conformément au calcul effectué par la régie gessienne des eaux annexé à cette convention, en fonction du pourcentage des débits futurs provenant des ouvrages projetés par cette société sur le poste de refoulement des eaux devant être réalisé », de sorte que les juges d’appel n’ont pas commis d’erreur de droit.

Proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains, vers une révolution au quotidien ?

Cette proposition de loi part d’un constat simple : les transports dans les métropoles sont congestionnés et la demande d’alternatives aux déplacements individuels augmente, il s’agit de donner la priorité à l’investissement dans l’usage du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien.

En 2020, à la demande du Gouvernement, SNCF Réseau a élaboré un schéma directeur des étoiles ferroviaires et services express métropolitains. Ce rapport concluait à l’insuffisance de l’offre ferroviaire urbaine en termes capacitaires, principalement composée de TER, et à la nécessité de développer une nouvelle offre de services express métropolitains.

Le 24 février 2023, la Première ministre avait annoncé que le déploiement des RER métropolitains doit viser à « construire des réseaux de transport complets pour les Français », permettant « de se rapprocher d’une gare ou développer les transports en commun là où ils sont absents » puisque « c’est lorsque nos concitoyens pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable, qu’ils pourront réduire leur usage de la voiture »[1].

C’est l’objet de la proposition de loi n° 1166 relative aux services express régionaux métropolitains, déposée le 25 avril 2023 et actuellement en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Elle doit être discutée en séance le vendredi 16 juin prochain.

 

1. Notion de Services Express Régionaux Métropolitains et objectifs

La proposition de loi affiche donc un objectif ambitieux : doubler la part du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien, désenclaver les territoires insuffisamment reliés aux centres urbains et augmenter la fréquence de passage et les amplitudes horaires.

Et pour ce faire, la proposition de loi créer un nouveau service, le « service express régionaux métropolitains » ou « SERM ».

Le « service express régionaux métropolitains » (SERM) est défini par la proposition de loi, telle que modifiée en commission[2], comme une « offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s’appuie sur un renforcement de la desserte ferroviaire et intègre, le cas échéant, la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service ainsi que la création ou l’adaptation de gares ou de pôles d’échanges multimodaux ».

Bien entendu, le déploiement de ces SERM passe en premier lieu par le déploiement d’infrastructures de transport ferroviaires, étant précisé que le déploiement de ces infrastructures devra être coordonné avec les autres politiques publiques d’aménagement du territoire, en particulier la maîtrise de l’urbanisation et la consommation d’espace.

Mais au-delà, la multimodalité tient également une place importante, voire déterminante, dans le dispositif. Ainsi, il s’agit d’intégrer les services de transport routier à haut niveau de service (« cars express ») ainsi que la création / adaptation de gares ou pôles d’échanges multimodaux. Et cette multimodalité doit être pensée dès le stade de la conception des réseaux de transport.

L’offre multimodale de services devra intégrer, le cas échéant, la mise en place de services de transport fluvial, de transports guidés (métros, tramways sur fer ou sur pneus, téléphériques…) et les gares et les pôles d’échanges multimodaux des SERM devront comprendre des aménagements permettant l’accès et le stationnement sécurisés des véhicules de covoiturage, des autres moyens de mobilité partagée et des vélos.

Au total, il s’agit de « créer un choc d’offre de services » de transports. La qualité de services étant la priorité affichée par les parlementaires, le réseau n’étant que le support des services.

 

2. Comment le label « SERM » sera-t-il obtenu ?

Le statut de SERM sera arrêté par le Ministre en charge des transports sur la base d’une proposition conjointe de la région et des autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité concernées.

Le projet devra donc être concerté avec l’État et, le cas échéant, avec les gestionnaires d’autoroutes et de voies routières express du périmètre intéressé. En effet, le projet devra comprendre, sur chacun des axes routiers concernés, une trajectoire de réduction du trafic routier cohérente avec les objectifs de décarbonation[3].

L’obtention du statut de SERM devra être intégré au contrat opérationnel de mobilité déjà prévu à l’article L. 1215‑2 du Code des transports[4]. Ce contrat, qui existe déjà et qui est conclu entre la Région et les AOM, devra organiser les modalités de coordination entre la région et les autorités compétentes pour l’organisation de la mobilité dans la mise en œuvre des services de transport proposés par le SERM.

Un amendement déposé en commission propose d’afficher un objectif de création d’au moins 10 SERM dans un délai de 10 ans.

 

3. Le rôle déterminant de la Société du Grand Paris, renommée « Société des grands projets »

Dans un cadre plus global d’aménagement du territoire et pour profiter de son expertise en matière d’infrastructures de transports collectifs, la Société du Grand Paris se voit assigner un rôle central dans la conception et la réalisation des infrastructures nécessaires aux services express régionaux métropolitains.

Pour rappel, l’article 1er de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris définit le Grand Paris Express (GPE) comme « un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France ». Les lignes du GPE ont vocation à renforcer le maillage de transport public en petite et moyenne couronne, ainsi que dans le sud-est et le nord-ouest de la région francilienne. Le GPE doit permettre de désengorger les lignes de métro en offrant des trajectoires périphériques de banlieue à banlieue.

Jusque-là, la SGP est principalement compétente en matière de « réalisation et gestion du réseau de transport public du Grand Paris ». Mais elle peut également participer aux projets d’infrastructures d’autres réseaux de transport public de voyageurs en Île-de-France.

La proposition de loi propose d’étendre les missions de la SGP pour lui permettre de contribuer à la conception, à la réalisation et au financement des SERM.

Cette extension du champ de compétences de la SGP exige d’abord de renommer l’établissement public pour lui permettre d’intervenir sur l’ensemble du territoire national. La « Société du Grand Paris » deviendrait la « SGP »[5].

La SGP ou ses filiales :

  • pourront participer à la conception des infrastructures nécessaires à la mise en œuvre des SERM ;
  • pourront être désignées, par arrêté du ministre chargé des transports, maîtres d’ouvrage d’infrastructures nouvelles du réseau ferré national incluses dans le périmètre des SERM[6]. Les ouvrages seront incorporés au réseau ferré national ;
  • pourront être désignés par les collectivités territoriales et leurs groupements, maîtres d’ouvrage de projets de création ou d’extension d’infrastructures de transport public urbain ou périurbain de personnes ou de marchandises[7].

En revanche, le monopole de SNCF Réseau n’est pas remis en cause car la nouvelle compétence étendue de la SGP n’inclut pas les infrastructures et les installations de service déjà en exploitation.

L’établissement public SGP pourra intervenir, le cas échéant, en créant des filiales ou en prenant des participations dans des sociétés, groupements ou organismes concourant à la réalisation des SERM. Elle pourra même exercer un rôle de coordination selon des modalités définies par convention avec l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, SNCF Réseau et les autres maîtres d’ouvrage.

 

La proposition de loi prévoit également que la SGP conclue une convention avec SNCF Réseau, le cas échéant avec SNCF Gares & Connexions, lorsque le Ministre des transports lui confie la maîtrise d’ouvrage pour une infrastructure ferroviaire nouvelle du réseau ferré national incluse dans un SERM.

Dans un tel cas, il est en effet nécessaire de prévoir les relations entre SNCF Réseau et la SGP, SNCF Réseau restant attributaire du réseau ferré national pour le compte de l’État.

La convention devra prévoir le programme et l’étendue des opérations à réaliser, la liste des ouvrages et les modalités de leur remise à SNCF Réseau ou à SNCF Gares & Connexions, les spécifications techniques et les modalités de coordination des différents maîtres d’ouvrage.

 

4. Le financement des SERM

Le plan de développement du ferroviaire, annoncé par la Première Ministre le 23 février dernier, est doté de 100 milliards d’euros d’ici 2040.

Ce montant s’ajoute aux 13,4 milliards d’euros d’investissement prévus par la LOM (loi d’orientation des mobilités) pour la période 2017-2022.

Le financement des SERM pendra principalement la forme de dotations supplémentaires de l’État aux collectivités territoriales et / ou à leurs groupements. Afin d’optimiser le mode de financement des projets de SERM, la proposition de loi étend et adapte les règles de financement des missions confiées à la SGP[8].

La SGP pourra contracter des emprunts et le produit de ces emprunts sera affecté aux dépenses relatives à l’exécution de ses missions.

Depuis la loi de finances pour 2019 (art. 167), avant le 1er octobre de chaque année, le Gouvernement doit présenter au Parlement un rapport relatif à l’évolution des dépenses et des ressources de la SGP. Le contenu du rapport est précisé par la proposition de loi, afin d’y intégrer les engagements de la SGP relatifs aux projets de SERM.

Pour chaque SERM, le rapport devra rendre compte de l’exposition financière de la SGP et du respect de l’horizon de remboursement des éventuels emprunts consentis par la SGP ou ses filiales au plus tard cinquante ans après leur mise en service, compte tenu des recettes et produits supplémentaires correspondants.

Le plafond d’endettement de 35 milliards d’euros ne s’applique qu’au projet du Grand Paris. Concernant les SERM, ce plafond est remplacé par une durée d’amortissement de chaque projet de cinquante ans maximum.

Enfin, la proposition de loi impose le cloisonnement des financements affectés au Grand Paris Express et à chaque SERM.

 

5. État des lieux des SERM

Dans un rapport de décembre 2022[9], le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a identifié quinze projets majeurs de SERM et d’autres projets plus émergents ou locaux.

Trois SERM sont déjà partiellement opérationnels :

  • le « Léman Express » incluant la liaison ferroviaire franco-suisse Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, avec deux branches se déployant en France ;
  • à Strasbourg, un SERM est en service depuis le 12 décembre 2022, incluant 800 trains supplémentaires par semaine ;
  • le SERM de Bordeaux est opérationnel depuis 2018. Il augmente progressivement les fréquences de son réseau depuis 2020 et a créé en 2019 une ligne complémentaire de cars express.

Selon le COI, douze autres projets importants sont en cours d’étude ou de déploiement par phases.

Au total, donc, ce serait une erreur de cantonner les SERM à un seul développement de l’offre de transport ferroviaire de proximité. Ce projet va bien au-delà. Il impliquera en effet une réflexion d’ensemble des régions et des autorités organisatrices de la mobilité sur le développement quantitatif et qualitatif des déplacements du quotidien dans une logique multimodale.

Autrement dit, ce nouvel acronyme que constitue les SERM vient de faire son entrée dans notre quotidien, nous n’avons pas fini d’en entendre parler.

Le Ministère des Transports, qui vient de publier une offre d’emploi pour « piloter l’action du Ministère sur les SERM » en est manifestement convaincu.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de l’issue de la séance de l’Assemblée nationale de vendredi 16 juin, et des suites !

 

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[1] Présentation du Plan d’avenir pour les transports par la Première Ministre, le 23 février 2023, Matignon 

[2] Rapport n° 1290, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2023 

[3] Ajouté en commission de développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale.

[4] Ajouté en commission de développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale.

[5] La Société du Grand Paris a été renommée « SGP » par la proposition de loi initiale, puis « Société des grands projets » par la commission de développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale.

[6] Les ouvrages portant sur les infrastructures et les installations de service en exploitation sont exclus.

[7] Dans la proposition de loi initiale, il était prévu que l’État puisse également désigner la SGP ou ses filiales maîtres d’ouvrage de projets de création ou d’extension d’infrastructures de transport public urbain ou périurbain. Un amendement en commission a supprimé cette possibilité pour l’État.

[8] Ces règles figurent aujourd’hui à l’article 167 de la loi de finances pour 2019.

[9] Rapport « Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leurs transitions », établi à la demande du ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune

Sécheresse : consultation du public sur la réutilisation des eaux usées traitées

Dans l’objectif de faciliter la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et des eaux de pluie, un projet de décret est en consultation jusqu’au 21 juin 2023.

Ce projet de décret s’inscrit dans le contexte de :

  • L’adoption du décret n° 2022-336 en date du 10 mars 2022 (voir notre article sur le sujet), qui a défini un régime d’autorisation spécifique pour la REUT ;
  • Du « Plan eau» du Gouvernement (voir notre article sur le sujet), qui fixe comme objectif de « massifier la valorisation des eaux non conventionnelles (REUT, eau de pluie, eaux grises…) : développer 1000 projets de réutilisation sur le territoire, d’ici 2027 ».

Le projet de décret vise ainsi à codifier le décret du 10 mars 2022 au sein du Code de l’environnement, en créant une nouvelle section « eaux non conventionnelle » au sein de ce Code et en instaurant les articles R. 211-123 et suivants, mais également à modifier la procédure d’autorisation particulière nécessaire à l’utilisation des eaux usées traitées qu’il définit, afin de la faciliter, particulièrement en :

  • Permettant de fixer par arrêté interministériel les exigences de qualité de l’eau pour chaque type d’usage afin de simplifier et accélérer l’instruction pour les projets qui rentreraient dans les seuils fixés, en exonérant dans ce cas de la saisine pour avis du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) et de l’Agence régionale de santé (ARS) ;
  • Supprimant la limite de 5 ans fixée pour l’autorisation délivrée par le préfet ;
  • Supprimant l’obligation pour le bénéficiaire de l’autorisation de transmettre au préfet et au CODERST un rapport annuel. A la place, il est prévu qu’un bilan global soit établi tous les cinq ans ;
  • Permettant, dans certaines hypothèses, l’utilisation des eaux de pluie.

La pollution du sol par la présence d’hydrocarbures rendant l’immeuble impropre à sa destination et ignorée par l’acquéreur constitue un vice caché : application d’une jurisprudence constante

En application de l’article 1641 du Code civil :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Ainsi, lorsque la chose vendue est affectée d’un défaut rédhibitoire, l’acquéreur peut agir contre son vendeur, sur le fondement de la garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la date de connaissance du vice, et obtenir notamment, l’allocation de dommages et intérêts. S’agissant plus particulièrement de la pollution du sol affectant l’immeuble et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions sur l’application de la garantie des vices cachés. En effet, la Cour de cassation a considéré que la présence d’hydrocarbures ayant pour effet de rendre un terrain inconstructible constitue un vice caché. (Cass. Civ., 3ème, 30 septembre 2021, n° 20-15.354, 20-16.156). Dès lors, les juges du fond œuvrent afin d’appliquer cette jurisprudence. Tel est notamment le cas de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar le 12 avril 2023, s’agissant d’une pollution par présence d’hydrocarbure au sein de l’immeuble vendu.

En l’espèce, une société a vendu à une autre un terrain de construction de 2,46 hares, avec le bénéfice d’un permis de construire, en vue de la construction de logement collectifs. Aux termes de l’acte authentique de vente et s’agissant de la clause relative à la protection de l’environnement, le vendeur déclarait, qu’à sa connaissance, le bien n’était frappé d’aucune pollution susceptible de résulter notamment de l’exploitation passée d’une installation soumise à autorisation.

Pour autant et lors de la réalisation des travaux de construction, l’acquéreur a découvert la présence d’une pollution aux hydrocarbures, provenant vraisemblablement d’un ancien garage et station-service bâtie sur le fond voisin, et s’est vu contraint d’évacuer les terres polluées afin de ne pas retarder le chantier. C’est dans ces conditions que l’acquéreur a assigné son vendeur devant le tribunal afin d’obtenir réparation de son préjudice. Le tribunal ayant débouté l’acquéreur de sa demande, il a interjeté appel devant la Cour d’appel de Colmar.

L’acquéreur maintien sa demande tendant à l’indemnisation de son préjudice résultant des vices affectant le terrain et fonde son action, à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire, sur le fondement de la délivrance conforme et à titre infiniment subsidiaire sur la responsabilité contractuelle.

Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel de Colmar infirme le jugement rendu et condamne le vendeur à l’allocation de dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés. Les juges du fond retiennent que le bien vendu comportait des hydrocarbures et que cette pollution rend le terrain acquis impropre à l’usage auquel il est destiné, au sens de la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. Au surplus, le vendeur qui avait envisagé de réaliser un projet de promotion immobilière doit être considéré comme un professionnel de l’immobilier ne pouvant échapper à sa responsabilité.

Ainsi et dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation, la présence d’hydrocarbure constituant une pollution du bien vendu et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination constitue un vice caché, ouvrant droit à l’indemnisation du préjudice subi par l’acquéreur.

Feu vert du Conseil Constitutionnel pour les pouvoirs des inspecteurs de l’environnement

Alors qu’un récent décret n° 2023-187 du 17 mars 2023 est venu préciser les modalités de désignation, d’habilitation, et de notation des officiers judiciaires de l’environnement, le Conseil constitutionnel a, de son côté, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du Code de l’environnement leur conférant des pouvoirs aux fins de recherche et de constatation des infractions, et en matière de contrôles administratifs.

Par arrêt en du 14 février 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait renvoyé au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur le pouvoir des inspecteurs de l’environnement en matière de contrôle administratif et de recherche des infractions – et particulièrement de leurs prérogatives en matière de visite, de communication et de saisie – au regard du droit au respect de la vie privée et du droit à un recours juridictionnel effectif.

En application de l’article L. 172-5 du Code de l’environnement, les inspecteurs de l’environnement – agents commissionnés et assermentés à cette fin – disposent notamment – au même titre que certains agents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics – d’un droit de visite dans tous les lieux où une infraction a pu être commise, à condition d’en informer préalablement le Ministère public ; aucune autorisation d’un magistrat n’est toutefois requise.

Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que le pouvoir législatif avait, par ces dispositions, poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et rappelé que les visites au sein d’un domicile ou un local comportant une partie à usage d’habitation, sont soumises aux règles du droit commun – notamment quant aux horaires d’intervention, savoir entre 6 heures et 21 heures.

En outre, le Conseil constitutionnel a également validé les dispositions de l’article L. 172-11 du Code de l’environnement qui permettent aux inspecteurs de l’environnement de demander la communication, prendre copie ou procéder à la saisie de documents de toute nature, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, sans que puisse leur être opposée, sans motif légitime, l’obligation de secret professionnel.

Enfin, les dispositions de l’article L. 172-12 du Code de l’environnement confiant à ces agents un pouvoir de saisie ont été déclarées conformes aux libertés constitutionnellement garanties, notamment le droit au respect de la vie privée et le droit à un recours juridictionnel effectif.

Par cette décision, le Conseil constitutionnel a adopté le même raisonnement que celui développé dans un arrêt récent du 31 mars 2023 à l’égard des agents de l’Office national des forêts (CC n° 2023-1042 QPC) et tend ainsi à vouloir faire des inspecteurs de l’environnement des « OPJ à part entière » afin de rendre la politique pénale en matière de protection de l’environnement, plus efficace.

Pouvoirs de sanction du Préfet : marge d’appréciation dans le choix des sanctions

Par un arrêt en date du 10 mai 2023, le Conseil d’Etat a réaffirmé que le Préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la détermination des sanctions applicables, notamment, en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Dans cette affaire, le Préfet de Haute-Corse avait constaté qu’une ICPE ne respectait pas les prescriptions qui lui étaient applicables et avait ainsi émis à l’encontre de l’exploitant une mise en demeure de s’y conformer. Faute pour l’exploitant d’avoir exécuté la mise en demeure, le Préfet avait ordonné la suspension des activités de l’ICPE.

L’exploitant contestait cette mesure, validée par la Cour administrative d’appel.

Le Conseil d’Etat rappelle toutefois que :

  • D’une part, le Préfet doit adresser à l’exploitant d’une ICPE dont l’exploitation est non-conforme aux prescriptions lui étant applicables une mise en demeure, le Préfet étant alors en situation de compétence liée ;
  • D’autre part, le Préfet est libre du choix de la ou des sanctions prononcées, le juge indiquant qu’« en cas de non-exécution de son injonction, le préfet peut ainsi arrêter une ou plusieurs des mesures que cet article [L. 171-8 C. env.] prévoit, au regard de la nature des manquements constatés et de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l’installation». Le juge contrôle alors que la sanction adoptée n’est pas disproportionnée.

Dans cette espèce, considérant que la suspension de l’installation n’était pas disproportionnée au regard des nuisances olfactives significatives pour le voisinage portant atteinte à l’environnement et à la santé publique causées par la méconnaissance aux prescriptions, le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel et considère la sanction régulière.

Déchets : quelle responsabilité du collecteur et transporteur de déchets ?

La personne ayant collecté et transporté des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration peut-elle être regardée comme un producteur ou détenteur de ces déchets, et voir à ce titre sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement ?

C’est la réponse tranchée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 2 juin 2023.

Dans cette espèce, la société LGD Développement, qui exploitait un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de construction ou de démolition, a été placée en liquidation judiciaire. Afin de sécuriser le site et évacuer les déchets, une intervention de l’ADEME avait été nécessaire, pour un montant total de 19,5 millions d’euros.

Le préfet avait considéré que la société Métalarc, chargée de la collecte et du transport de déchets issus de chantiers pour le compte d’entreprises tierces, devait être regardée comme responsable, au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement, d’une partie des déchets abandonnés sur le site en question et qu’il lui appartenait, à ce titre, d’en financer l’élimination, sous peine de sanctions prises en application de l’article L. 541-3 du même Code, à hauteur de 1,235 millions d’euros.

La société Paprec Ile-de-France, venant aux droits de la société Métalarc, a demandé au juge la restitution de cette somme de 1,235 millions d’euros ainsi que la réparation du préjudice subi du fait de la mise à charge de cette somme.

Le juge lui donne raison, estimant que la circonstance que l’activité de la société Métalarc avait uniquement consisté à collecter et transporter des déchets pour le compte de tiers jusqu’à un centre de tri autorisé par l’administration, conformément aux dispositions particulières du Code de l’environnement régissant cette activité, et que la société n’avait commis aucune négligence, ne permettait pas de lui conférer la qualité de producteur ou de détenteur des déchets. Dès lors, le préfet ne pouvait adopter de sanctions à son encontre.

Sites et sols pollués : quelles interventions de l’ADEME ?

En matière de sites et sols pollués, l’intervention de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est souvent déterminante lorsque, en raison de la disparition ou de l’insolvabilité de l’exploitant du site pollué ou du responsable de la pollution, la réhabilitation du site pollué n’a pas été réalisée. En effet, l’Etat peut alors, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier cette réhabilitation à l’ADEME.

Par un avis paru au Journal Officiel en date du 17 mai 2023, l’ADEME a exposé son processus d’intervention.

L’ADEME insiste tout d’abord sur l’identification des hypothèses requérant son intervention ainsi que les mesures qui doivent être mises en œuvre avant que son intervention ne soit envisagée :

  • Il est précisé que l’intervention de l’ADEME peut être menée pour la mise en sécurité du site et, seulement dans des cas plus restreints de menace grave pour l’environnement et la population, pour sa réhabilitation. Il est ainsi indiqué que « l’intervention de l’ADEME vise ainsi en priorité à supprimer cette menace grave, et non à réaliser systématiquement l’ensemble des opérations de mise en sécurité dont un exploitant aurait la charge s’il réalisait la cessation du site». ;
  • L’ADEME n’intervient que sur les sites des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), ce qui « exclut la gestion de remblais, avec des déchets ou des terres polluées, ou de dépôts sauvages de déchets, même d’ampleur significative». Cela peut interroger au regard de la lettre de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement.
  • S’agissant des mesures mises en œuvre avant son intervention, l’ADEME rappelle les pouvoirs de police détenus en matière de sites et sols pollués et indique qu’il convient d’anticiper la cessation d’activités des ICPE et de porter une attention particulière aux garanties financières de l’exploitant ou à la procédure de liquidation. Il est également essentiel de veiller à reconditionner et mettre à l’abri les déchets, en priorité les déchets dangereux ou combustibles, ainsi qu’à entretenir les dispositifs empêchant les accès au site. Ce n’est que lorsque les pouvoirs de police n’ont pas abouti que l’ADEME interviendra.

Sont également précisées les modalités d’intervention de l’ADEME :

  • A grands traits, il est indiqué qu’en chaque début d’année, les préfets communiqueront à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) une liste des sites à responsables défaillants susceptibles de faire l’objet d’une intervention de l’ADEME pour l’année en cours, sans que cette information garantisse l’intervention de l’ADEME. Des informations pourront également intervenir en cours d’année. Ensuite, l’ADEME procède à une visite du site pour évaluer les risques. Si la menace est forte, elle propose son intervention systématiquement, et au cas par cas si la menace est intermédiaire. Puis lepPréfet de département saisit selon les cas le préfet de région ou la DGPR pour obtenir son accord pour saisir l’ADEME. Enfin, après la mise en œuvre des procédures contradictoires requises, le préfet peut adopter les arrêtés préfectoraux missionnant l’ADEME. Cette procédure est accélérée en cas d’urgence impérieuse.
  • L’ADEME peut également intervenir pour, notamment :
  • Accorder des subventions lorsqu’un porteur de projet intéressé par l’acquisition du site est connu et se charge des opérations de mise en sécurité ;
  • Réaliser des études de mutabilité du site ayant pour objectif d’émettre des recommandations quant aux usages envisageables sur site et de déterminer a priori les opérations nécessaires à la réhabilitation.

Mener des opérations préalables à son intervention (caractérisation de la nature et des quantités de déchets, diagnostics amiante, etc.)