Fonction publique
le 20/07/2023

La demande de l’organisme d’accueil tendant à ce que l’administration d’origine suspende de ses fonctions l’agent mis à sa disposition n’est pas susceptible de recours.

CAA Nantes, 5 mai 2023, n° 21NT02308

Le juge administratif est peu souvent saisi de contentieux liés à la discipline des agents publics mis à disposition. L’arrêt rendu le 5 mai 2023 par la Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi été l’occasion pour lui de se prononcer dans ce cadre, sur la possibilité ou non, pour le fonctionnaire, de contester la demande de l’organisme d’accueil tendant à qu’il soit suspendu de ses fonctions.

Logiquement, la Cour a jugé que le courrier par lequel l’organisme d’accueil saisit l’administration d’origine d’un fonctionnaire mis à sa disposition afin que celle-ci prononce une mesure de suspension à son encontre n’est qu’un acte préparatoire, insusceptible de recours.

Dans cette espèce, M. B., fonctionnaire territorial du département X., a été mis à la disposition d’un groupement d’intérêt public (GIP), pour exercer les fonctions de chef du service immunologie virologie PCR. Le 23 octobre 2019, le directeur général du GIP a sollicité du président du conseil départemental la suspension à titre conservatoire de l’agent. Par arrêté en date du 12 novembre 2019, le président du conseil départemental a suspendu M. B. de ses fonctions. Ce dernier a alors demandé au Tribunal administratif de Rennes d’annuler le courrier du directeur du GIP ainsi que l’arrêté du président du conseil départemental. Toutefois, sa requête a été rejetée.

Saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Nantes a d’abord rappelé que la mise à disposition « est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d’emplois ou corps d’origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir » (article 61 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) et que dans cette position, le pouvoir disciplinaire est exercé par l’administration d’origine, qui peut être saisie par l’organisme d’accueil (article 7 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008).

Puis, de ce fait, la Cour a pu rappeler que l’administration d’origine est seule compétente pour prononcer une mesure de suspension à titre conservatoire.

Ainsi, elle a estimé que le courrier du 23 octobre 2019 par lequel le directeur général du GIP a demandé au président du conseil départemental de suspendre M. B. de ses fonctions, en tant qu’il ne constitue que le premier acte de la procédure pouvant conduire le cas échéant à la suspension de l’intéressé, présente le caractère d’une mesure préparatoire et ne constitue pas par lui-même une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, son irrégularité pouvant seulement être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la mesure de suspension éventuellement prise.

On soulignera que cette solution n’a rien de surprenant au regard de la jurisprudence administrative, qui considère classiquement qu’un acte doit être considéré comme préparatoire lorsqu’il ne produit en lui-même aucun effet juridique et laisse à l’autorité compétente toute latitude pour prendre une décision (CE, 23 mars 1994, n° 104420). Cela est précisément le cas en la matière puisqu’il appartient à l’administration d’origine, seule investie du pouvoir disciplinaire, d’apprécier les suites à réserver à la demande de l’organisme d’accueil tendant à la suspension de l’agent.