Contrats publics
le 07/07/2023

Violences urbaines : le Gouvernement à la rescousse des collectivités ?

Sénat, proposition de loi d’urgence pour la reconstruction des bâtiments et équipements publics endommagés lors des émeutes du mardi 27 juin 2023 et des jours suivants

Circulaire relative à l’accélération des procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction suite aux dégradations intervenues dans certaines zones urbaines

 

Alors que le thermomètre des violences urbaines à la suite de la mort dramatique du jeune Nahel à Nanterre baisse doucement, la société civile mais aussi les administrations pansent leurs plaies. Les collectivités font notamment face à de très importantes dégradations de biens publics, mettant parfois en jeu la continuité et le bon fonctionnement des services publics.

 

Pour les aider, le gouvernement a proposé l’adoption en urgence d’une loi pour la « reconstruction des bâtiments à la suite des émeutes » déposée au Sénat le 3 juillet et vient de publier une circulaire du 5 juillet relative à l’accélération des procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction suite aux dégradations intervenues dans certaines zones urbaines.

 

La proposition de loi prévoit que les travaux nécessaires à la réfection et à la reconstruction des bâtiments et des équipements publics affectés par les actes de dégradation et de destruction liés aux évènements de voie publique survenus depuis le 27 juin 2023 bénéficient d’adaptations ou de dérogations aux règles en matière de voirie, d’environnement et d’urbanisme, en particulier en ce qui concerne la délivrance des autorisations nécessaires, les procédures et délais applicables et, le cas échéant, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en vigueur. Elle prévoit également que pour ces travaux l’acheteur puisse conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable. Les marchés concernés sont limités aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence.

 

Les dépenses engagées par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les syndicats mixtes pourront, à titre exceptionnel, faire l’objet d’une compensation intégrale par l’État, les départements et les régions, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, au seul bénéfice des communes qui en sont membres.

 

La circulaire du 5 juillet vient préciser ces dispositifs.

 

En particulier, le gouvernement semble considérer que les articles L. 2122-1 et R. 2122-1 du Code de la commande publique pourraient permettre de recourir à l’exemption de publicité et de mise en concurrence préalables sur le fondement d’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures.

 

Mais il nous semble que ces préconisations doivent être interprétées avec précaution : le Juge administratif contrôlera toujours strictement la régularité d’une telle exonération des règles de la commande publique et il n’est évidemment pas acquis que tous les travaux soient concernés par une urgence impérieuse. La circulaire poursuit d’ailleurs en rappelant que « l’urgence impérieuse s’apprécie au cas par cas » et que « la notion doit pouvoir être mobilisée lorsque des atteintes causées aux services publics les plus essentiels à la satisfaction des besoins de la population nécessitent une action rapide de l’Etat, en particulier aux fins de mise en sécurité. Les travaux doivent être limités à l’objectif de garantir la sécurité des biens et des personnes ou de rétablir la continuité du service public en faisant les réparations nécessitées par les dégradations ».

 

Par conséquent, si ces dispositions sont naturellement facilitatrices et ouvrent la voie à une prise en charge financière de l’Etat de certains travaux pour les communes, elles semblent plutôt résulter d’une opération à visée politique pour rassurer les acheteurs, mais ne constituent, à ce stade en tout cas, aucunement une véritable évolution du droit de la commande publique.