Délibération d’ester en justice : la suffisance d’une délégation générale et permanente devant le juge pénal

Par arrêt en date du 4 avril 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence en censurant le raisonnement d’une Cour d’appel qui avait déclaré irrecevable la constitution de partie civile d’une commune en ce que la délégation d’ester en justice accordée à son maire par délibération du conseil municipal se bornait à reproduire les dispositions légales de manière générale sans spécifier les affaires pour lesquelles ce dernier avait reçu une délégation pour agir en justice.

En effet, l’article L. 2122-22, 16°, du Code général des collectivités territoriales dispose : « le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : […] 16° d’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ».

Le raisonnement censuré des juges de la Cour d’appel se fondait sur la précédente jurisprudence de la Chambre criminelle, notamment affirmée dans son arrêt du 28 janvier 2004 (n° 02-88.471) selon lequel une telle délibération ne pouvait se borner à viser ou reproduire ce texte sans définir les cas de délégation ou sans indiquer expressément que la délégation concerne l’ensemble du contentieux de la commune.

Dans le présent arrêt, la Chambre criminelle a approuvé la rédaction de la délibération du Conseil municipal autorisant « le maire à intenter au nom de la commune, par voie d’action ou d’intervention, toute action en justice quelle que soit sa nature ou à défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle, ceci devant l’ensemble des juridictions administratives, civiles et pénales, ainsi que devant toutes les juridictions sans exception, en charge de contentieux spécialisés, aussi bien en première instance qu’en appel ou en cassation ».

Par cette jurisprudence, la Cour de cassation admet ainsi la régularité et la validité, au soutien des constitutions de partie civile des collectivités, des délibérations d’ester en justice permanente et générale, se conformant ainsi à la jurisprudence administrative (CE 30 juill. 1997, n° 169574, Cne de Montrouge c/ Parmentier ; CE 4 mai 1998, n° 188292, Mme de Verteuil).

Annulation d’un arrêté préfectoral répartissant des ouvrages de production d’eau potable sur le fondement des dispositions de l’article L. 5211-25-1 du CGCT

Pour rappel, en cas de réduction du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) résultant du retrait d’une commune membre de cet établissement, il convient de faire application des dispositions de l’article L. 5211-25-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Plus précisément, et comme le rappelle la Cour administrative dans cet arrêt, il appartient aux parties en cause ou, à défaut d’accord, au préfet de procéder à la répartition, d’une part, de l’ensemble des actifs dont l’établissement est devenu propriétaire, d’autre part, de l’encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétence. La Cour administrative ajoute de manière classique que cette répartition doit être fixée dans le but, d’une part, d’éviter toute solution de continuité dans l’exercice, par les personnes publiques, de leur compétence, d’autre part, de garantir la continuité du service public pour les usagers en donnant aux personnes publiques concernées les moyens d’exercer leur compétence, enfin, de garantir un partage équilibré compte tenu de l’importance de la participation de la commune dans l’établissement public.

Au cas présent, deux communes étaient membres d’un syndicat compétent en matière d’eau. A la suite du transfert de la compétence eau à la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) dont elles étaient membres, elles ont été retirées de ce syndicat.

En 2018, après l’échec des négociations entre les communes et le syndicat sur la répartition de deux réservoirs acquis par le syndicat postérieurement au transfert de la compétence et situés sur leurs territoires, les communes ont saisi le préfet afin qu’ils répartissement ces ouvrages entre elles et le syndicat (plus exactement entre elles et la communauté d’agglomération de l’espace sud Martinique (CAESM) qui s’est, entre temps, substituée au syndicat). Le préfet a décidé du transfert en pleine propriété de ces ouvrages à la communauté d’agglomération.

C’est cet arrêté que la Cour administrative d’appel au motif, d’une part, que ces réservoirs produisent des volumes d’eau excédant les besoins des habitants des 12 communes membres de la CAESM et que, d’autre part, l’eau potable acquise auprès de la société martiniquaise de l’eau (SME) (délégataire de service de distribution d’eau potable de la CAESM) aux fins de fournir les habitants des communes du Lamentin et de Saint-Joseph provient, pour l’essentiel, de ces deux ouvrages.

Elle en conclut que : « dans ces conditions, et eu égard à l’importance que revêtait la participation des communes requérantes dans la CAESM, l’arrêté attaqué, qui décide du transfert en pleine propriété de ces ouvrages à la CAESM, sans même prévoir une mise à disposition partielle au bénéfice des communes de Saint-Joseph et du Lamentin, méconnaît les objectifs rappelés au point 3 et repose ainsi sur une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales ».

Et enjoint au préfet de prendre un nouvel arrêté dans un délai de trois mois suivant la notification de l’arrêt.

Cet arrêt est novateur dès lors qu’il prévoit une éventuelle mise à disposition partielle des réservoirs au profit des communes.

Or cela interroge dans la mesure où, premièrement, il n’est pas évident en droit que le préfet puisse imposer la conclusion d’une convention de mise à disposition partielle. Surtout, le juge ne fait pas mention du fondement juridique qui permettrait d’identifier le montage juridique auquel il fait référence. Aussi, le terme de mise à disposition partielle interroge et laisse place à plusieurs interprétations.

Dans le cadre de son nouvel arrêté le préfet a, quant à lui, décidé répartir les ouvrages litigieux à compter du 1er janvier 2027 comme suit : un réservoir à la CAESM et un autre réservoir à la CACEM.

L’opposition de l’entrepreneur principal prohibe le paiement direct du sous-traitant

Par un arrêt en date du 17 octobre 2023, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions quant aux modalités de mise en œuvre du droit au paiement direct du sous-traitant. Plus précisément, le Conseil d’État a tranché la question tendant à savoir s’il appartient au pouvoir adjudicateur de contrôler le refus motivé du titulaire du marché à la demande de paiement direct formulé par son sous-traitant ou s’il peut se borner à constater l’opposition du titulaire sans porter sur elle aucune appréciation quant à son bienfondé.

En l’espèce, Le SIEL Territoire d’énergie Loire (ci-après, le « Syndicat »), a confié les lots nos 16 et 17 d’un marché public de travaux portant sur le réseau de desserte en fibre optique (ci-après, le « Marché ») à un groupement d’entreprises solidaires. Un des membres du groupement, la société SERP (ci-après, le « Titulaire ») a sous-traité une partie des prestations à la société NGE Infranet (ci-après, le « Sous-traitant ») laquelle a été agrée et a vu ses conditions de paiement accepté par le Syndicat.

Au cours de l’exécution du marché, le Sous-traitant a adressé au Syndicat une demande de paiement direct au titre des prestations qu’il avait réalisées. Le Titulaire a manifesté son opposition expresse et motivée à ce paiement. Le SIEL a donc refusé de faire droit à cette demande de paiement direct au seul motif de cette opposition formulée par le Titulaire. Le Sous-traitant a intenté un recours devant le Tribunal administratif de Lyon pour obtenir le paiement des prestations réalisées sur le fondement de son droit au paiement direct mais s’est vu débouté de sa demande par un jugement du 9 juillet 2020. La Cour administrative d’appel de Lyon a en revanche fait partiellement droit à sa demande dans un arrêt du 22 septembre 2022 au motif que la circonstance que l’opposition formulée par le Titulaire en raison de son insatisfaction de la qualité des prestations réalisées par le Sous-traitant n’était pas de nature à justifier le refus de paiement direct des prestations réalisées ce dernier.

Le Syndicat s’est pourvu en cassation contre cet arrêt et il revenait donc au Conseil d’État de se prononcer sur la question tendant à savoir s’il appartient au pouvoir adjudicateur de contrôler le bien-fondé de l’opposition au paiement direct formulé par l’entrepreneur principal ou s’il peut se fonder sur cette seule opposition pour refuser de procéder au paiement du sous-traitant.

Le Conseil d’État expose tout d’abord qu’il résulte des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et de l’article 116 du Code des marchés publics (Code applicable au cas d’espèce mais dont les dispositions sont désormais reprises aux articles R. 2193-10 et suivants du Code de la commande publique) que « pour obtenir le paiement direct par le maître d’ouvrage de tout ou partie des prestations qu’il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l’entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s’il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l’issue de cette procédure, le maître d’ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s’il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d’exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s’opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement ». Et, le Conseil d’État indique notamment que « le refus motivé du titulaire du marché d’accepter la demande de paiement direct du sous-traitant, notifié dans le délai de quinze jours à compter de sa réception, fait également obstacle à ce que le sous-traitant puisse se prévaloir, auprès du maître d’ouvrage, d’un droit à ce paiement ».

En l’espèce, le Conseil d’État constate que le Titulaire avait notifié son refus motivé d’accepter la demande de paiement direct formée par la société NGE Infranet dans le délai de quinze jours qui lui était imparti et conclut logiquement que le Syndicat « était, par suite, fondé, pour ce seul motif, qu’il avait d’ailleurs opposé à la société NGE Infranet dès son courrier du 24 mai 2018 rejetant sa demande de paiement direct, à refuser de procéder à ce paiement ».

Le Conseil d’État a ainsi suivi les conclusions de son rapporteur public lequel a parfaitement synthétisé le contrôle à opérer par l’acheteur puisqu’il écrivait que « le maître d’ouvrage […] n’a pas à contrôler le bienfondé de l’opposition du titulaire, mais il doit en revanche de contrôler son caractère motivé ». Lorsque le refus de l’entrepreneur principal est motivé, il « suffit à fonder le refus du maître d’ouvrage, qui peut se borner à constater l’opposition du titulaire sans porter sur elle aucune appréciation ».

Il résulte ainsi expressément de cet arrêt que le pouvoir adjudicateur n’a pas à porter une appréciation sur le bien-fondé de l’opposition au paiement direct formulé par l’entrepreneur principal, il lui revient uniquement de s’assurer de l’existence d’un tel motif et, le cas échéant, d’opposer un refus à la demande de paiement direct du sous-traitant.

Les limites de prise en charge de l’assurance en matière de contrefaçon

En l’espèce, une société prestataire a été chargée de la décoration des restaurants de la célèbre enseigne McDonald’s. Considérant qu’il y avait contrefaçon en raison de la présence d’images semblables aux œuvres d’un designer dans les restaurants McDonald’s, son ayant droit a formulé des réclamations et les parties ont conclu un protocole transactionnel. La société prestataire a ainsi déclaré le sinistre auprès de son assureur qui lui a opposé un refus de toute prise en charge au motif qu’il s’agissait d’une faute dolosive au vu du caractère « flagrant et massif » de la contrefaçon. La société prestataire a donc assigné son assureur.

La juridiction de première instance s’est fondée sur l’article L. 113-1 du Code des assurances, disposition d’ordre public aux termes de laquelle « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré », pour retenir l’exclusion de garantie légale en cas de faute intentionnelle ou dolosive, et a débouté la société prestataire de l’ensemble de ses demandes.

Ce raisonnement a été confirmé par la Cour d’appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 20 mai 2021[1], puis par la Cour de cassation le 30 mars dernier. Elle a rappelé que la faute dolosive, définie comme « un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables »[2], était caractérisée en l’espèce. Elle a considéré que la société prestataire avait parfaitement conscience de prendre un risque avéré puisqu’elle ne pouvait méconnaitre ni la clause contractuelle d’originalité la liant à la société McDonald’s, ni la similitude incontestable de ses œuvres avec celles du designer trop connu pour être ignorées d’un professionnel du milieu de la décoration intérieure.

Il en ressort qu’une analyse objective du comportement [délibéré] de l’assuré, sans que les critères ne soient pour autant bien définis, permet de retenir la faute dolosive et ainsi l’exclusion de la garantie légale.

Si les critères objectifs semblent remplis en l’espèce, il est fort probablement que la situation ne soit pas aussi évidente dans d’autres cas. En effet, la marge d’appréciation est grande en matière de droits d’auteur et, comme le rappelle justement la société prestataire aux soutiens de ses demandes, « l’aléa en la matière est d’autant plus fort lorsque les créations artistiques sont diffusées à travers le monde […] ».

 

[1]Cour d’appel, Aix-en-Provence, 1re et 3e chambres réunies, 20 mai 2021 – n° 18/08231

[2] Cass. Civ., 2ème, 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245

Le Conseil d’Etat précise la définition d’ « extension » d’une construction

Dans cette affaire, un maire a délivré à une SCI un permis de construire autorisant une extension comprenant une surélévation, après démolition partielle, d’une maison d’habitation existante, située sur un terrain composé de deux parcelles.

D’emblée, il convient de relever un élément important ici : la maison préexistante est d’une surface de plancher de 63 m² tandis que l’extension devait conduire à une surface de plancher totale de 329 m². Ce permis de construire a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, lequel a rejeté la requête des requérants. Le jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Versailles. Les requérants se sont donc pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat.

Les requérants avaient notamment soulevé devant les juges du fond le moyen tiré de ce que le projet attaqué méconnait l’article UE 7 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de Meudon concernant l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.

La Cour a jugé qu’en l’absence de dispositions du PLU limitant la surface des extensions pouvant être autorisées, la qualité d’extension devait s’apprécier seulement au regard d’un critère de continuité physique et fonctionnelle et de sa complémentarité avec la construction existante, peu important la superficie des travaux d’extension projetés par rapport à la construction préexistante. Or, le Conseil d’Etat a considéré qu’en jugeant ainsi, la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit car, ni le PLU de la commune, et en particulier son article 7 relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, ni aucune autre disposition de ce règlement ne définissent la notion d’extension d’une construction existante.

C’est ici bien comprendre que, selon le Conseil d’Etat, outre les conditions tenant à la continuité physique et fonctionnelle de la construction existante, l’extension doit également être d’une surface de plancher inférieure à la construction préexistante, lorsque le règlement du PLU ne limite pas les dimensions de l’extension par rapport à la construction préexistante.

A ce titre, l’on relève que le Conseil d’Etat rappelle qu’il est bien loisible aux auteurs d’un PLU de préciser au sein de leur règlement si la notion d’extension d’une construction existante comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension. Mais, dans le silence du PLU, une extension ne pourra être qualifiée comme telle que si sa surface de plancher est inférieure à la surface de plancher de la construction initiale.

Le considérant de principe à retenir du Conseil d’Etat est donc le suivant :

« Lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’extension d’une construction existante, lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci ».

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel et a renvoyé l’affaire devant cette dernière.

Une opération de restauration immobilière nécessitant la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique ne porte pas atteinte au droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

Dans cette affaire, le Préfet du Pas-de-Calais a déclaré cessibles des immeubles nécessaires à la réalisation d’une opération de restauration immobilière à Béthune.

Cet arrêté a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif qui a rejeté cette demande, rejet qui a été confirmé en appel.

La requérante s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel, et a en parallèle soulevé la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) suivante :

« Les dispositions des articles L. 313-4, L. 313-4-1 et L. 314-4-2 du Code de l’urbanisme, en ce qu’elles permettent l’expropriation d’un immeuble dont le propriétaire n’a pas fait connaître son intention de réaliser ou faire réaliser les travaux qui ont été prescrits dans le cadre d’une opération de restauration immobilière, sont-elles constitutionnelles par rapport au droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ? ».

En réponse, le Conseil d’Etat a, d’abord, cité les articles du Code de l’urbanisme critiqués.

Pour rappel, l’article L. 313-4 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Les opérations de restauration immobilière consistent en des travaux de remise en état, d’amélioration de l’habitat, comprenant l’aménagement, y compris par démolition, d’accès aux services de secours ou d’évacuation des personnes au regard du risque incendie, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d’habitabilité d’un immeuble ou d’un ensemble d’immeubles. Elles sont engagées à l’initiative soit des collectivités publiques, soit d’un ou plusieurs propriétaires, groupés ou non en association syndicale, et sont menées dans les conditions définies par la section 3 du présent chapitre.

Lorsqu’elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d’utilité publique ».

  1. 314-4-1 du même Code poursuit :

« Lorsque l’opération nécessite une déclaration d’utilité publique, celle-ci est prise, dans les conditions fixées par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à l’initiative de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent pour réaliser les opérations de restauration immobilière, ou de l’Etat avec l’accord de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ».

Selon l’article L. 314-4-2 du Code :

« Après le prononcé de la déclaration d’utilité publique, la personne qui en a pris l’initiative arrête, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser dans un délai qu’elle fixe.

Cet arrêté est notifié à chaque propriétaire. Lorsque le programme de travaux concerne des bâtiments soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’arrêté est notifié à chaque copropriétaire et au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic.

Lors de l’enquête parcellaire, elle notifie à chaque propriétaire ou copropriétaire le programme des travaux qui lui incombent. Lorsque le programme de travaux concerne des bâtiments soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le programme portant sur les parties communes est également notifié au syndicat des copropriétaires, pris en la personne du syndic. Si un propriétaire ou copropriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié pour information, ou d’en confier la réalisation à l’organisme chargé de la restauration, son immeuble n’est pas compris dans l’arrêté de cessibilité ».

C’est ici bien comprendre que lorsqu’une opération de restauration immobilière nécessite que l’utilité publique de l’opération soit reconnue, par un arrêté déclarant d’utilité publique (DUP) le projet, la collectivité qui est à l’origine de cette opération devra mettre en œuvre la procédure de déclaration d’utilité publique décrite au sein du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Concrètement, l’utilité publique est reconnue si les trois conditions suivantes sont réunies :

  • Le but de l’expropriation doit constituer un intérêt général permettant de mettre en œuvre cette opération. Autrement posé, l’expropriation répond à un besoin de la population ;
  • Le recours à l’expropriation est nécessaire en vue de mettre en œuvre l’opération projetée, car l’administration expropriante est ici dans l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération, sans recourir à l’expropriation, faute de posséder des parcelles en vue de réaliser l’ouvrage public, et ce, dans des conditions équivalentes à l’expropriation ;
  • Un bilan coûts/avantages positif de l’expropriation projetée. Il conviendra de démontrer que l’expropriation entrainera des conséquences globalement positives par rapport à ses inconvénients, au regard notamment des atteintes à la propriété privée, du coût financier, des inconvénients d’ordre social (CE, Ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est, req. n° 78825, publié au Recueil).

Ensuite, un arrêté de cessibilité devra être pris par le préfet. Pour ce faire, il faudra ouvrir l’enquête parcellaire, en vue de déclarer cessibles les immeubles présents au sein du projet de DUP et qui lui sont nécessaires.

Lors de l’enquête parcellaire, l’administration porteuse du projet devra arrêter, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser qui incombent au propriétaire, dans un délai qu’elle fixe.

Toutefois, si un propriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié pour information, ou d’en confier la réalisation à l’organisme chargé de la restauration, son immeuble ne sera pas compris dans l’arrêté de cessibilité.

La QPC soulevée portait donc ici sur les propriétaires n’ayant pas fait connaitre leur intention de réaliser les travaux car, dans une telle hypothèse, leurs biens seront compris au sein de l’arrêté de cessibilité, arrêté qui est un préalable indispensable à l’expropriation prononcée par ordonnance du juge de l’expropriation.

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les trois conditions pour transmettre une QPC au Conseil constitutionnel, a estimé que cette QPC n’était pas sérieuse car :

  • Le législateur n’a autorisé l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’opérations dont l’utilité publique est préalablement et formellement constatée par l’autorité administrative, sous contrôle du juge administratif ;
  • En effet, l’arrêté de DUP peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir : dans ce cadre, le juge administratif devra apprécier l’utilité publique du projet selon les trois conditions précitées de la « la théorie du bilan» ;
  • Le Conseil d’Etat en déduit, dans la décision commentée, que : « ces modalités de contrôle de l’utilité publique des opérations de restauration immobilière par le juge administratif répondent aux exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen». ;
  • Enfin, le Conseil d’Etat ajoute que l’arrêté de cessibilité pourra également faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, lequel pourra s’assurer que le périmètre d’expropriation est en rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique et jugera de la nécessité des travaux impartis au propriétaire par le programme des travaux qui lui a été notifié préalablement à l’intervention de l’arrêté de cessibilité.

En conclusion, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel. Il a également refusé l’admission du pourvoi.

Information des conseillers municipaux et DSP : précisions sur les obligations du maire

Dans une décision en date du 13 octobre 2023, le Conseil d’Etat a précisé que l’information adéquate de l’ensemble des membres d’une assemblée délibérante, afin qu’ils puissent exercer utilement leur mandat, constitue, en principe, une garantie pour les intéressés au sens de la jurisprudence Danthony.

Pour rappel, en effet, d’une part, le droit à l’information des élus est prévu, d’une manière générale à l’article L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). L’article L. 2121-12 du même Code prévoit, quant à lui, plus spécifiquement, que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. Le Conseil d’Etat juge traditionnellement que « cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions » (CE, 14 novembre 2012, Commune de Mandelieu-la Napoule, n° 342327).

D’autre part, depuis sa décision Danthony en date du 23 décembre 2011, la Haute juridiction estime qu’un vice de procédure n’entraîne l’illégalité de la décision prise à l’issue de cette dernière que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033).

Ainsi, le défaut ou l’insuffisance d’information des élus sur les affaires inscrites à l’ordre du jour du conseil municipal entraine, en principe, l’illégalité des délibérations correspondantes (une appréciation au cas par cas demeurant nécessaire).

Davantage, et c’est là l’apport principal de la décision, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les modalités d’information des élus préalablement au vote d’une délibération concernant une convention de délégation de service public (DSP).

A cet égard, on relèvera que l’article L. 2121-12 susmentionné du CGCT précise, en son deuxième alinéa, que :

« Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l’ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur ».

Quant à l’article L. 1411-7 du même Code, applicable à l’ensemble des collectivités territoriales, il dispose que :

« Deux mois au moins après la saisine de la commission prévue à l’article L. 1411 5, l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et la convention de délégation de service public.

 

Les documents sur lesquels se prononce l’assemblée délibérante doivent lui être transmis quinze jours au moins avant sa délibération ».

Il a été jugé que, dans cette hypothèse, tout conseiller municipal doit être mis à même, par une information appropriée, quinze jours au moins avant la délibération, de consulter le projet de contrat accompagné de l’ensemble des pièces, notamment les rapports du maire et de la commission de délégation de service public, sans pour autant que le maire ne soit tenu de notifier ces mêmes pièces à chacun des membres du conseil municipal.

Ainsi, il convient de distinguer l’information des élus contenue dans le cadre de la note explicative de synthèse, qui doit leur parvenir dans le délai de convocation, et l’information propre aux conventions de DSP, qui doit être accessible au minimum quinze jours en amont de la séance du conseil municipal. S’agissant de cette dernière, les élus doivent être informés, dans le même délai, de la possibilité et des modalités de consultation des documents.

Rapport parlementaire sur la rénovation énergétique des bâtiments : Quelles préconisations pour une rénovation énergétique efficiente ? Financement de la rénovation – MaPrimeRénov – Mon accompagnateur Rénov

Face au besoin urgent de sobriété et d’efficacité énergétique, une mission d’information commune a été constituée en février 2023 par la Commission des Affaires économiques et la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire sur la rénovation énergétique des bâtiments. Un rapport issu du travail de la mission a ainsi été publié le 4 octobre 2023 par Jean-Louis Bricout, Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert.

Pour rappel, les conditions de l’habitat et l’état des constructions constituent des enjeux incontournables pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. En effet, les émissions du secteur du bâtiment représentent 18 % des émissions nationales.

Or, si des dispositifs ont déjà été mis en œuvre par la puissance publique, force est de constater qu’ils sont insuffisants. Par exemple, le dispositif MaPrimeRénov’, lancé en 2020 pour accompagner les ménages dans la rénovation de leurs logements, se trouve être insuffisamment efficace dans la pratique. En effet, l’objectif annoncé était de rénover, par le biais de ce dispositif, 900 000 logements par an en 2030. Or, en 2022, MaPrime Rénov a contribué à la réalisation de seulement 65 939 rénovations globales.

A ce titre, le rapport estime qu’il faut « changer de paradigme dans la rénovation des bâtiments pour faire de la baisse des consommations – et donc de la facture énergétique – un principe fondamental et prioritaire ».

Afin d’atteindre ces objectifs d’économie d’énergie et de neutralité carbone à l’horizon 2050, le rapport identifie ainsi deux impératifs :

  • l’organisation et le renforcement de l’effort de la puissance publique « dans un cadre ordonné» afin de « favoriser l’affermissement d’un véritable secteur de la rénovation énergétique des bâtiments » ;
  • la nécessité de lever les « obstacles à l’engagement de projets de rénovation des bâtiments individuels et collectifs ».

Plus précisément, la mission dresse une liste de préconisations qu’il convient d’évoquer.

 

En premier lieu, le rapport a réalisé un certain nombre de préconisations sur le volet financier de la rénovation énergétique des bâtiments. Il relève que si le montant total des dépenses annuelles dans la rénovation énergétique des bâtiments en France s’établit aujourd’hui à près de 20 milliards d’euros[1], ces ressources financières mobilisées s’avèrent très inférieures à celles nécessaires à l’atteinte des objectifs consacrés par les pouvoirs publics – évaluées à 38,4 milliards à 43,4 milliards d’euros par l’ADEME.

En outre, les aides publiques de l’ANAH laissent subsister un reste à charge sur les ménages, ce qui entraîne des effets dissuasifs sur l’engagement des travaux. Pour cette raison, le rapport propose un relèvement substantiel et rapide des dépenses publiques, en visant prioritairement le financement des travaux de rénovation globale performante et une consolidation de la capacité d’autofinancement de la rénovation énergétique dans le parc social.

Outre l’établissement d’une loi de programmation relative à la rénovation énergétique des bâtiments, il suggère ainsi de porter le montant des crédits budgétaires alloués à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros à compter de 2024 dans le cadre d’une loi de programmation financière, et d’abonder les subventions des bailleurs sociaux de 1,5 milliard d’euros.

Afin de contourner l’écueil des restes à charge élevés pour les ménages, le rapport propose d’examiner la pertinence de la création d’une avance remboursable pouvant représenter jusqu’à 100 % du montant des travaux de rénovation énergétique.

En sus, face à l’insuffisance de l’offre des établissements bancaires et de crédit, le rapport propose de conforter le caractère rémunérateur de l’éco-PTZ en relevant le montant du crédit d’impôt dont les établissements bancaires et de crédit peuvent bénéficier.

Surtout, afin de pallier l’absence d’établissements privés en mesure de proposer des instruments susceptibles de répondre à l’ensemble des besoins des ménages, le rapport suggère la création d’une banque de la rénovation dont le capital associerait les établissements bancaires, des sociétés de financement, des sociétés de tiers-financement et les collectivités publiques.

 

En deuxième lieu, le rapport a dressé un certain nombre de préconisations concernant le dispositif Mon accompagnateur Rénov’.

D’une part, le rapport avertit que le recours à l’accompagnement « Mon accompagnateur Rénov’ » dans le cadre du service public de la performance énergétique de l’habitat (ci-après « SPEEH ») ne sera pas nécessairement amplifié alors que l’article R. 232-8 du Code de l’énergie le rend obligatoire pour bénéficier de certaines aides à la rénovation énergétique de l’Anah (MaPrimeRénov’ Sérénité, forfait MaPrimeRénov’)[2]. En effet, il relève que les accompagnateurs Renov’ ne seront vraisemblablement pas prêts et en nombre suffisant, ce qui pourrait peser sur le rythme des travaux de rénovation énergétique, certains ménages ne pouvant bénéficier des aides qui supposent le recours à Mon accompagnateur Rénov’. Il propose donc de suspendre ou d’aménager cette obligation.

D’autre part, l’accompagnement au niveau local doit être renforcé et l’offre de services doit être rendue plus lisible permettant d’identifier les interlocuteurs fiables pour engager un parcours de rénovation énergétique. Dans cet objectif, le rapport préconise l’établissement d’un document de programmation à l’échelle des EPCI en lien avec le SPEEH, qui organiserait la coordination des réseaux publics locaux et associatifs pour l’information et le conseil des porteurs de projets de rénovation énergétique des bâtiments.

A ce titre, le rapport retient que l’efficacité du dispositif Mon accompagnateur Rénov’ impose également de clarifier les missions et obligations respectives des guichets du SPEEH énoncées aux articles L. 232-3 et R. 232-1 du Code de l’énergie, la loi autorisant les ménages à s’adresser indifféremment aux deux.

Parallèlement, pour renforcer la confiance dans le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ et la neutralité des prestations d’accompagnement fournies, la mission considère qu’il est nécessaire d’évaluer la pertinence des garanties d’indépendance exigées des opérateurs intégrant le dispositif Mon accompagnateur Rénov’ au regard des risques de conflits d’intérêts qui ne seraient, en l’état des dispositions réglementaires, pas écartés.

En outre, le rapport souligne que l’arrêté du 21 décembre 2022 relatif à la mission d’accompagnement du service public de la performance énergétique de l’habitat[3] confère un caractère facultatif à certaines prestations d’accompagnement, notamment au regard de la charge que pourrait représenter la fourniture de ces services suivant les moyens des opérateurs de Mon accompagnateur Rénov’. Par suite, il préconise de conforter les ressources allouées à Mon accompagnateur Rénov’ en examinant la possibilité d’un renforcement de la prise en charge assurée par l’ANAH dans le cadre d’un co-financement entre l’État et les collectivités territoriales – plutôt que par une participation des ménages.

En troisième lieu, le rapport souhaite relancer le marché de la rénovation énergétique des bâtiments qui semble être en progression limitée, voire en ralentissement. A cette fin, il relève que « le manque d’une offre suffisante à l’échelle locale pourrait justifier que dans un secteur géographique, les collectivités publiques recourent à des instruments susceptibles de favoriser un développement de la commande privée ou publique ainsi qu’une certaine mutualisation des débouchés ».

Si le rapport vise à ce titre le recours aux opérations programmées d’amélioration de l’habitation, la mutualisation des besoins en rénovation énergétique au niveau des établissements publics de coopération intercommunale (communauté de communes, d’agglomérations et urbaine, syndicats départementaux d’énergie, etc.) pourrait également être un levier pour faire émerger des marchés locaux en matière de rénovation énergétique.

Enfin, la mission appelle au développement des groupements momentanés d’entreprises dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments dès lors qu’ils permettent aux TPE/PME de répondre à des marchés globaux et de proposer une offre intégrée incluant la rénovation énergétique.

 

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[1] A titre de comparaison, d’après les engagements pris par le Gouvernement fédéral allemand, il devrait recevoir une dotation de l’ordre de 177,5 milliards d’euros pour l’ensemble de ses missions sur la période 2023-2026.

[2] Cf. nos articles précédents : « Service public de la performance énergétique de l’habitat : les contours de l’accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation énergétique » – https://www.seban-associes.avocat.fr/service-public-de-la-performance-energetique-de-lhabitat-les-contours-de-laccompagnement-des-menages-dans-leurs-projets-de-renovation-energetique/

« Le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) : un encadrement de l’accompagnement des ménages dans leurs projets de rénovation énergétique désormais fixé » : https://www.seban-associes.avocat.fr/le-service-public-de-la-performance-energetique-de-lhabitat-sppeh-un-encadrement-de-laccompagnement-des-menages-dans-leurs-projets-de-renovation-energetique-desormais-fixe/#:~:text=Le%20d%C3%A9cret%20n%C2%B0%202022,du%20Code%20de%20l’%C3%A9nergie.

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000046807068/2023-11-06/

Quand les défis environnementaux se heurtent à la protection du patrimoine culturel français

La société Combray Energie projetait l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur les communes jouxtant le village d’Illiers-Combray, dont les terres environnantes ont longuement été décrites par Marcel Proust dans ses œuvres. C’est d’ailleurs en son hommage que le village, originellement appelé « Illiers » a été rebaptisé en « Illiers-Combray ».

Le 15 octobre 2020, la Préfète d’Eure-et-Loir a refusé de délivrer l’autorisation environnementale nécessaire à l’aboutissement du projet, décision confirmée par la Cour administrative d’appel de Versailles le 11 avril 2022.

Le Conseil d’Etat a suivi le raisonnement de la Cour administrative d’appel, qui avait relevé que ce projet risquait « de porter une atteinte significative notamment à l’intérêt paysager et patrimonial du site remarquable, classé au titre de l’article L. 631-1 du code du patrimoine, du village d’Illiers-Combray et de ses abords ».

Si l’autorisation environnementale ne peut être accordée en cas de danger pour divers éléments incluant les paysages, expressément visés à l’article 511-1 du Code de l’environnement, il convient de relever la réticence jusqu’alors des juridictions administratives à privilégier la protection des paysages français face aux projets d’éoliennes.

Il peut être cité par exemple l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Lyon le 17 juin 2021[1], ayant enjoint au Préfet de la Côte-d’Or de reprendre l’instruction de la demande d’autorisation environnementale de 5 éoliennes sur la commune de Seigny.

Dans cette affaire, après avoir considéré qu’il revenait au préfet « d’évaluer l’impact du projet compte tenu de sa nature et de ses effets sur ces sites », la Cour administrative d’appel de Lyon a retenu que le projet d’éolienne n’altérait pas le site en raison notamment de l’angle de vision limité et du faible nombre d’éoliennes.

Ce n’est pas le raisonnement qu’a suivi le Conseil d’Etat dans le cadre du projet d’éolienne sur les terres de Marcel Proust, qui a pris au contraire en compte l’importance du parcours pédestre favorisant la découverte des lieux, et l’importance du clocher de l’église d’Illiers-Combray et des jardins du Pré-Catelan classés monuments historiques.

Outre la dimension historique des lieux, la haute juridiction semble avoir pris en compte la dimension immatérielle constituée de paysages décrits dans des œuvres littéraires [les paysages à protéger restant matériels quant à eux], qui aura permis de s’imposer face aux enjeux environnementaux portant sur l’énergie renouvelable.

On peut imaginer que dans le futur ce raisonnement ne se limite pas au domaine littéraire et s’étende à l’ensemble du domaine artistique et notamment aux peintures ou aux photographies pour l’application de l’article L. 631-1 du Code du patrimoine.

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[1] CAA Lyon – 7è ch. 17 juin 2021 / n°18LY03943

Pesticides et pollution de l’air : rejet du recours en carence contre l’Etat

L’Etat doit-il prendre toutes mesures utiles pour réglementer et protéger la population contre la pollution de l’air par les pesticides ? Il s’agissait de la question soumise au Conseil d’Etat par le Collectif des maires anti-pesticides.

Le Collectif avait en effet adressé au Gouvernement une demande tendant à ce qu’une règlementation destinée à protéger la population contre la pollution de l’air par les pesticides et fixant des valeurs limites de concentration dans l’air de ces substances soit adoptée, et contestait ainsi le refus opposé à cette demande.

Le juge estime toutefois que le requérant n’apporte pas la preuve que l’Etat aurait fait preuve d’une carence fautive en la matière, dès lors qu’il ne serait pas établi par les études scientifiques produites qu’une telle règlementation serait nécessaire faute pour le risque lié à la pollution de l’air ambiant par les produits phytopharmaceutique d’être spécifiquement identifié, notamment au sein de recommandations des agences sanitaires, au-delà des risques liés à l’utilisation de ces produits par les professionnels ou pour les riverains.

Publicité : Modification de la règlementation sur les surfaces

Publié au Journal officiel du 1er novembre 2023, le décret n° 2023-1007 du 30 octobre 2023 a apporté plusieurs modifications aux prescriptions applicables en matière de surface des publicités, enseignes et préenseignes.

Il s’agit des modifications suivantes :

  • Des précisions sont fournies sur le calcul de la surface unitaire maximale au sein de deux nouveaux articles R. 581-24-1, pour les publicités, et R. 581-65-1, pour les enseignes scellées au sol ou installées directement sur le sol, du Code de l’environnement. Cette surface inclut ainsi le dispositif dont le principal objet est de recevoir la publicité, c’est-à-dire l’encadrement, sauf pour le mobilier urbain pour lequel seule la surface de l’affiche ou de l’écran est prise en compte ;
  • La surface unitaire maximale des publicités et enseignes est réduite à 10,5 m², au lieu de 12 m² précédemment ;
  • La surface unitaire maximale de la publicité non lumineuse murale dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants est augmentée à 4,7 m², au lieu de 4 m² précédemment.

Les publicités et enseignes régulièrement mises en place avant le 2 novembre 2023 et qui ne sont plus conformes aux dispositions règlementaires peuvent être maintenues pendant un délai maximal de quatre ans à compter de cette date.

Sursis à exécution de la mesure de régulation d’une dérogation espèces protégées

Dans un arrêt en date du 3 octobre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la possibilité d’obtenir le sursis à exécution d’une décision juridictionnelle ayant sursis à statuer sur une autorisation environnementale délivrée faute de dérogation espèces protégées, le temps que cette irrégularité soit régularisée.

Si les recours devant le juge administratif n’ont en effet en principe pas d’effet suspensif, l’article R. 821-5 du Code de justice administrative permet au juge de prononcer un sursis à exécution d’une décision juridictionnelle lorsque :

  • la décision risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables ;
  • les moyens invoqués paraissent sérieux et de nature à justifier l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond.

Dans cette espèce, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait sursis à statuer sur l’autorisation d’exploiter huit aérogénérateurs et trois postes de livraison, jusqu’à ce que la bénéficiaire justifie de l’obtention d’une dérogation espèce protégée dont elle ne disposait alors pas.

Le Conseil d’Etat indique tout d’abord que l’exécution de cette décision, notamment en ce qu’elle est susceptible d’entraîner un retard estimé entre un an et deux ans pour la réalisation du projet éolien ainsi qu’un surcoût entre 1,8 et 3,6 millions d’euros, risquerait d’entraîner des conséquences difficilement réparables pour la requérante.

Ensuite, il identifie un moyen sérieux soulevé par la requérante de nature à justifier l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond.

Le juge ordonne ainsi le sursis à exécution de l’arrêt de la CAA de Bordeaux.

Reconnaissance d’un droit des générations futures

TA de Strasbourg, 7 novembre 2023, Association alsace nature et a., n° 2307183

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 27 octobre 2023 sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui lui avait été transmise par le Conseil d’Etat (cf. notre brève ici) dans le cadre du recours dirigé contre le décret déclarant d’utilité publique le centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue Cigéo et mettant en compatibilité les plans locaux d’urbanisme afférents.

Plusieurs associations et particuliers avaient en effet soulevé une QPC fondée sur ce que cette décision porterait atteinte notamment au droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, droit qui n’avait jusqu’alors jamais été reconnu par le juge constitutionnel.

Et le Conseil constitutionnel a bien estimé que « lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard ». Le droit des générations futures est donc interprété à l’aune du droit à un environnement sain et se traduit par une liberté de choix qui doit leur être laissée.

En l’espèce toutefois, le juge constitutionnel considère que la mise en œuvre du site de Cigéo ne méconnait pas cette exigence constitutionnelle, au regard notamment du caractère réversible et des garanties de sûreté de l’installation.

Ce principe a été mis en œuvre par le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg qui a, par une ordonnance du 7 novembre 2023, suspendu l’autorisation délivrée à la société Stocamine pour exploiter un stockage de déchets souterrains réversibles de déchets industriels. Le juge a en effet considéré qu’il y avait une situation d’urgence dès lors qu’il n’était pas démontré que les travaux auraient un caractère réversible et qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté, fondé notamment sur le droit à un environnement sain tel qu’interprété à l’aune du droit des générations futures.

Actualités autour des certificats d’économies d’énergie

Arrêté du 29 septembre 2023 portant modification de programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie 

Arrêté du 4 octobre 2023 modifiant et créant des fiches d’opérations standardisées d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie 

Le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) a connu quelques modifications récentes à la suite de la publication de trois arrêtés portant modification et création de fiches d’opérations standardisées d’économie d’énergie.

Le 15 septembre 2023 et le 4 octobre 2023, deux arrêtés ont en effet modifié plusieurs fiches d’opérations standardisées figurant en annexe de l’arrêt du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie.

L’arrêté du 29 septembre 2023 mérite plus d’attention en ce qu’il a modifié les programmes ACTEE 2, ACTEE + et SARE.

Pour mémoire, le programme ACTEE (Action des Collectivités Territoriales pour l’Efficacité Energétique) est un programme porté par la Fédération Nationales des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR) qui vise à mettre en place des actions en faveur de l’efficacité énergétique pour les bâtiments publics des collectivités.

Par l’effet du nouvel arrêté, l’éligibilité au dispositif des CEE du programme PRO-INNO-52 « ACTEE 2 » issu d’un arrêté du 4 mai 2020, a été prolongé d’une année jusqu’au 31 décembre 2024. Il en va de même du programme PRO-INFO-23 « service d’accompagnement pour la rénovation énergétique », prévu par un arrêté du 5 septembre 2019, qui s’étend jusqu’au 31 décembre 2025.

La Commission de Régulation de l’Energie présente ses recommandations relatives aux achats d’énergie dans le logement social

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a publié plusieurs recommandations à destination des acteurs du logement social qui concernent l’achat d’énergie dans un contexte de très forte hausse des prix de l’électricité et du gaz depuis l’année 2021.

Ces acteurs, soumis aux règles de la commande publique, sont en effet confrontés à des difficultés dans la conclusion de marchés de fourniture d’électricité et de gaz du fait des très faibles réponses de fournisseurs aux consultations qu’ils organisent.

Les recommandations de la CRE s’inscrivent dans la continuité d’ateliers qui se sont tenus au début de l’année 2023 entre le Régulateur, l’Union sociale pour l’habitat (ci-après, USH), différents fournisseurs d’électricité, des représentants d’entreprises locales de distribution (ci-après, ELD) et des gestionnaires de réseaux de distribution afin notamment d’identifier les bonnes pratiques contractuelles permettant de faciliter les achats d’énergie dans le logement social au regard des contraintes respectifs de chaque participant.

Les recommandations formulées sont réparties en deux grands axes et, pour certaines, s’appliquent plus globalement aux achats d’énergie des collectivités territoriales en dépassant le seul secteur du logement social :

  • Renforcer la coordination entre bailleurs sociaux et fournisseurs d’énergie pour mieux anticiper les marchés de fourniture d’énergie et améliorer ainsi le taux de réponse aux appels d’offres ;
  • Adapter les contrats aux conditions de marché pour maîtriser les risques et les surcoûts associés.

Au sein du premier axe, il est notamment recommandé aux bailleurs sociaux de donner plus de visibilité aux fournisseurs d’énergie sur les calendriers prévisionnels du lancement de leurs consultations pour que ceux-ci puissent allouer les ressources internes nécessaires afin d’y répondre (Recommandation n°1) et de leur transmettre les périmètres des points de livraison au plus tôt dans l’intérêt de réponses plus rapides (Recommandation n° 5).

L’accent est aussi mis sur l’organisation par ces acheteurs de phases de « sourcing » afin d’appréhender au mieux leurs besoins (Recommandation n° 2).

Également, les acheteurs pourraient ajuster les délais de réponse lorsque le nombre de points de livraison est élevé. Cela devrait permettre aux fournisseurs de fournir une réponse satisfaisante aux marchés subséquents (Recommandation n° 4).

En outre, s’agissant des sites localisés dans les zones de desserte des ELD, la CRE recommande notamment de définir un allotissement des marchés qui tient compte des spécificités des territoires et de leur patrimoine et de prévoir des lots spécifiques ELD lorsque le patrimoine constitue une taille suffisante au regard du périmètre de la consultation (Recommandation n° 6).

Enfin, on peut également relever que la CRE recommande aux bailleurs sociaux de répondre le plus tôt possible aux offres des fournisseurs dans les périodes de forte volatilité des marchés de l’énergie et lorsque les offres sont formulées à prix fixe. En effet, dans ces conditions, la durée de validité des offres va, selon la Commission, de quelques heures à 24h au maximum (Recommandation n° 8).

Au sein du second axe, le Régulateur appréhende aussi les périodes de volatilité des marchés en recommandant aux bailleurs sociaux de privilégier l’inscription d’un plafond exprimé en volumes d’énergie plutôt qu’en euros au sein des accords-cadres, dans le but de se prémunir de toute infructuosité si un plafond exprimé en euros est dépassé en cas de fortes hausses des prix (Recommandation n° 9).

Plus spécifiquement, il est recommandé d’optimiser les taux de flexibilité demandé par les bailleurs sociaux afin d’éviter des surcoûts particulièrement élevés (Recommandation n° 11).

Le Régulateur préconise également de mieux cadrer les modalités d’indemnisation par les organismes des coûts du fournisseur qui assurerait la fourniture d’énergie sur une courte période à l’issue d’un marché dans le cadre d’opérations de basculement des points de livraison vers un nouveau fournisseur (Recommandation n° 16).

Enfin, la CRE propose d’indiquer directement dans les consultations relatives aux accords-cadres que les réponses aux marchés subséquents pour des livraisons pour l’année 2026 devront prendre en compte l’éventuel dispositif qui devrait succéder à celui de l’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ci-après, ARENH) sur lequel il demeure à ce jour des incertitudes (Recommandation n° 13).

Des recommandations en somme qui ont pour but de créer les conditions d’une concurrence dynamique.

Arrivée du prochain Tarif d’acheminement du gaz naturel, l’ATRD 7 : la Commission de Régulation de l’Energie consulte les acteurs du marché

Le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF aujourd’hui applicable, dit « ATRD 6 », est entré en vigueur le 1er juillet 2020 pour une durée de 4 ans, par application d’une délibération de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) du 3 janvier 2020 commentée dans notre Lettre d’actualité.

Compte tenu de la fin prochaine de l’ATRD 6 et de la complexité des sujets et enjeux soulevés par la détermination de ces tarifs d’utilisation, il est nécessaire pour la CRE – compétente en vertu des articles L. 452-2 et L. 452-3 pour en fixer la méthodologie d’établissement – de se pencher sur l’ATRD 7 à venir.

Le régulateur a ainsi organisé entre février et septembre 2023 cinq ateliers ouverts au public, dont les contributions lui ont permis de définir les trois volets principaux suivants, auxquels devra répondre sa décision quant à l’ATRD 7 applicable au 1er juillet 2024 :

« – le niveau des charges à couvrir, les hypothèses de nombre de clients et de consommation, et le niveau moyen des tarifs unitaires en découlant ;

– la structure du tarif de distribution, c’est-à-dire la façon dont le revenu autorisé de GRDF est collecté auprès des utilisateurs au travers de différents termes tarifaires ;

 – le cadre de régulation tarifaire, qui correspond à l’ensemble des mécanismes incitatifs pluriannuels ayant pour objectif de s’assurer de l’efficacité de l’opérateur en termes de maitrise des coûts et de qualité du service rendu à l’utilisateur ».

C’est sur ces thèmes que la CRE souhaite recueillir l’avis des acteurs du marché avant de rendre sa décision quant aux tarifs à venir, dans le cadre d’une consultation publique ouverte jusqu’au 20 novembre 2023.

Cette consultation s’inscrit dans le cadre de la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Energie, qui prévoit tout à la fois, pour des raisons évidentes liées aux enjeux climatiques actuels, une diminution de la consommation de gaz naturel et une augmentation de la production de biométhane.

Dans ce contexte, et ainsi que l’indique la CRE, l’ATRD 7 devrait augmenter, sans toutefois que ne soit retenue la hausse de 41 % sollicitée par GRDF, considérée comme trop élevée par la Commission.

 

 

La Commission de Régulation de l’Energie consulte les acteurs du marché sur la stratégie d’approvisionnement en énergie du tarif réglementé de vente d’électricité pour l’année 2026

Ainsi que nous le rappelions dans notre Lettre d’actualité du mois dernier, le tarif d’Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) et les Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité (TRVE) sont interdépendants.

En effet, selon la méthode « par empilement » en vigueur prévue par les articles L. 337-6 et R.337-19 du Code de l’énergie, les TRVE sont construit par addition de divers coûts, dont le coût d’approvisionnement du fournisseur aux TRVE à l’ARENH.

Et toujours selon le cadre méthodologique actuel, l’approvisionnement d’une partie des volumes de TRVE est lissé sur deux ans. Ainsi, une partie des volumes de TRVE pour l’année 2026 commencera à être approvisionnée à compter du 1er janvier 2024.

Or, le dispositif d’ARENH prendra fin au 31 décembre 2025, et si de nouveaux dispositifs de régulation économique sont en cours de discussion au niveau national comme européen, aucun n’a pour l’heure été retenu pour lui succéder. Pourtant, les caractéristiques du futur dispositif influeront sur les TRVE pour 2026.

Dans ce contexte, il est nécessaire, dans l’attente de ce nouveau dispositif, de proposer des ajustements de la méthode de construction des TRVE pour l’année 2026.

Ainsi, et dès lors qu’il lui revient de proposer aux Ministres de l’énergie et de l’économie ses propositions motivées de TRVE (article L. 337-4 et L. 337-6 du Code de l’énergie), la Commission de Régulation de l’Energie a ouvert une consultation du 20 octobre au 17 novembre 2023 afin de recueillir l’avis des acteurs du marché sur la stratégie d’approvisionnement en énergie et en garanties de capacité du TRVE pour l’année 2026.

Utiles rappels du Médiateur National de l’énergie sur les obligations de maintenance préventive des gestionnaires de réseaux de distribution sur les colonnes montantes situées dans les copropriétés

Le Médiateur National de l’énergie a eu l’occasion de rappeler, dans une recommandation du 21 août dernier (publiée sur son site le 29 septembre suivant), les obligations incombant aux gestionnaires de distribution d’électricité en matière de travaux de maintenance des colonnes montante situées dans les copropriétés.

Dans l’affaire qui lui a été soumise, à la suite d’une demande d’ajout d’un compteur électrique dans une copropriété, le gestionnaire du réseau de distribution avait mandaté une entreprise afin qu’elle réalise une étude de vérification préalable de l’état de la colonne montante de l’immeuble concerné. Étude de laquelle il résultait que d’importants travaux devaient être réalisés compte-tenu des risques élevés d’incendie liés à l’état de cette colonne montante.

Et au terme du dossier technique présenté par le gestionnaire de réseau à la copropriété afin de prendre en charge la rénovation de cette colonne montante, de nombreux travaux visés par cette dernière demeuraient à la charge de la copropriété. Face à l’opposition des copropriétaires quant à cette prise en charge financière, le gestionnaire de réseau avait fait savoir qu’en cas de persistance dans ce refus, les travaux seraient annulés et la copropriété tenue pour responsable des accidents pouvant survenir.

C’est dans ce contexte qu’un des copropriétaires a été saisi le Médiateur National de l’Energie, dont les conclusions sont les suivantes :

  • Sur le principe même des travaux de maintenance de la colonne montante :
    Le Médiateur rappelle qu’en vertu de l’article R. 323-33 du Code de l’énergie, il pèse sur les gestionnaires de réseau une obligation permanente de résultat quant au bon fonctionnement, à la performance et la sécurité de l’ensemble des biens constitutifs du réseau public de distribution d’électricité dont font partie les colonnes montantes, et cette obligation doit être observée spontanément sans attendre l’apparition d’une quelconque défaillance.

Ainsi, selon le Médiateur, le fait que les défaillances de la colonne montante ici concernée – dont il résulte un « péril imminent » reconnu par le gestionnaire de réseau – aient été révélées à l’occasion d’une demande travaux de la part d’un copropriétaire traduit une carence grave du gestionnaire de réseau quant à son obligation de maintenance préventive. Carence qui s’est poursuivie lors de ses discussions avec la copropriété alors que le désaccord sur la prise en charge des travaux à réaliser ne peut justifier un quelconque retard du gestionnaire dans cette intervention.

C’est ainsi que le Médiateur recommande au gestionnaire de réseau de réaliser immédiatement la rénovation de la colonne montante de cet immeuble ou, à tout le moins, de prendre l’ensemble des mesures conservatoires nécessaires à sa mise en sécurité.

Le Médiateur demande en outre au gestionnaire de réseau de verser à la copropriété une compensation qui ne saurait être inférieure à 500 € TTC, compte-tenu de la gravité de sa carence et des risques qui en résultent pour la sécurité des personnes et des biens.

  • Sur la prise en charge financière des travaux de maintenance de la colonne montante :
    Le Médiateur observe qu’au terme des engagements du gestionnaire, reproduit dans le tableau joint à ses observations, il doit intégralement prendre en charge les travaux de rénovation lorsqu’un enjeu de sécurité est en cause.

Il remarque par ailleurs que si des exceptions sont portées à ce principe de prise en charge, elles doivent nécessairement être interprétées strictement, ce qui ne semble pas avoir été le cas dans les documents présentés par le gestionnaire de réseau à la copropriété.

Il recommande donc en outre au gestionnaire de réseau de justifier en quoi les travaux mis à la charge de la copropriété feraient partie de cas exceptionnels l’exemptant de les prendre en charge financièrement.

Ombrières des parcs de stationnement de plus de 500 m² : projet d’arrêté précisant les obligations issues de la loi climat résilience et leurs conditions d’exonération

L’article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a codifié de nouvelles obligations pour les parcs de stationnement d’une superficie supérieure à 500 mètres carrés.

Ces parcs doivent ainsi comporter sur la moitié de leur surface, d’une part, des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales, et d’autre part, des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à leur ombrage. Les ombrières ainsi installées doivent être dotées de panneaux photovoltaïques.

Ces obligations sont codifiées aux articles L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation et L. 111-91-1 du Code de l’urbanisme. Le projet de décret vient en préciser les modalités d’application et notamment la définition de la superficie du parc de stationnement concerné par l’obligation, les modalités de calcul de l’ombrage généré par un arbre, la consistance des rénovations lourdes assujétissant le parc aux obligations et enfin les critères d’exonération des obligations.

En premier lieu, l’article 1er du projet de décret prévoit la codification d’un nouvel article R. 111-25-1 dans le Code de l’urbanisme relatif au calcul de la superficie des parcs de stationnement concernés par les obligations, aux conditions de satisfaction de l’obligation d’ombrage lorsque des arbres sont utilisés pour ce faire et à la définition de la rénovation lourde emportant l’assujétissement aux obligations.

Devront ainsi être pris en compte pour le calcul de la superficie :

  • Les emplacements destinés au stationnement des véhicules ;
  • Les voies et cheminements de circulation, les aménagements et les zones de péage permettant l’accès aux emplacements de stationnement ;
  • Pour l’obligation de comporter des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales, les espaces satisfaisant déjà à cette obligation.

L’article R. 111-25-1 du Code de l’urbanisme précise que les espaces verts, les aires de repos, les zones de stockage, les espaces logistiques, de manutention et de déchargement ne sont pas compris dans le calcul de la superficie.

Lorsque des arbres seront plantés pour accomplir l’obligation d’ombrage, le II. de l’article R. 111-25-1 précité prévoit que cette obligation sera satisfaite « par la plantation d’un arbre, à canopée large, par tranche de trois emplacements de stationnement ».

Enfin, la rénovation lourde, mentionnée à l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation est définie comme « le remplacement total du revêtement de surface au sol sur une superficie représentant au moins la moitié de la superficie du parc ».

En deuxième lieu, le projet de décret précise les conditions d’exonération des obligations de comporter des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales, et des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à leur ombrage.

Pourront ainsi justifier une exonération de ces obligations :

  • Les contraintes techniques liées à la nature du sol ;
  • L’aggravation d’un risque naturel, technologique ou relatif à la sécurité civile ;
  • Les contraintes techniques liées à l’usage du parc de stationnement ;
  • Les contraintes techniques engendrant des coûts d’investissement portant atteinte de manière significative à la rentabilité des installations ou à la viabilité économique du propriétaire s’agissant des ombrières comportant des panneaux photovoltaïques ;
  • Un ensoleillement portant atteinte de manière significative à la rentabilité des installations ;
  • Des coûts totaux hors taxe des travaux engendrés par ces obligations qui compromettent la viabilité économique du propriétaire ou qui s’avèrent excessifs, ce caractère étant longuement développé dans le projet de décret ;
  • La suppression ou la transformation totale ou partielle prévue du parc de stationnement lorsque l’autorisation a été délivrée avant le 1er juillet 2023 ;
  • La localisation du bien dans une zone ou un immeuble relevant d’une protection spécifique en vertu de la protection du patrimoine.

Par ailleurs, une exonération temporaire d’une durée maximale de 5 ans pourra également être délivrée par le préfet de département. Cette exonération pourra concerner les parcs de stationnement dont la suppression ou la transformation totale ou partielle est programmée dans le cadre d’une action ou d’une opération d’aménagement.

L’éligibilité à ces exonérations devra être démontrée par le propriétaire du parc de stationnement à l’occasion du dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme par la fourniture d’une attestation, accompagnée d’un résumé non technique.

Enfin, il est envisagé que les dispositions prévues par le projet de décret soient applicables à compter du 1er octobre 2023 pour les autorisations d’urbanisme et pour contrats de concession de service public, de prestations de service et baux commerciaux liés au parc de stationnement conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2023.

Critère de proximité géographique pour l’autoconsommation collective étendue : adieu l’arbitraire, bonjour l’INSEE

Aux termes de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie, une opération d’autoconsommation est dite collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés dans le même bâtiment.

Si, en principe, les participants à une telle opération doivent être situés dans le même bâtiment, l’article précité envisage une exception, qualifiée d’autoconsommation collective étendue. Cette forme d’autoconsommation est notamment possible lorsque les participants respectent un critère de proximité géographique, défini par arrêté du ministre en charge de l’énergie.

Le critère de proximité géographique a été précisé par un arrêté du 21 novembre 2019 (que nous avions commenté). L’opération peut ainsi être menée par des participants éloignés de deux kilomètres, voire de 20 kilomètres sous certaines conditions et par autorisation du ministre chargé de l’énergie.

L’arrêté présentement commenté vient modifier l’article 1er bis de l’arrêté du 21 novembre 2019 autorisant les opérations d’autoconsommation collective étendue jusqu’à 20 kilomètres.

L’ancienne version de l’article 1er bis de l’arrêté du 21 novembre 2019, permettant aux participants à l’opération d’autoconsommation collective étendue d’être distants jusqu’à 20 kilomètres, conditionnait la décision du Ministre en charge de l’énergie à la prise en compte de plusieurs critères dont la contenance était vague et subjective : isolement du lieu du projet, caractère dispersé de son habitat et faible densité de population. Les modifications apportées par l’arrêté du 19 septembre 2023 viennent objectiver la décision du ministre.

Ainsi, la décision du Ministre d’autoriser une opération d’autoconsommation collective étendue dont les membres sont distants de plus de 2 kilomètres est désormais conditionnée à leur localisation dans une commune rurale ou périurbaine, au sens de la grille communale de densité établie par l’Institut national de la statistique (INSEE). Ces deux types de communes font l’objet de conditions spécifiques.

Les communes périurbaines sont celles appartenant aux catégories « petites villes » et « ceintures urbaines » de la grille communale de densité établie par l’INSEE. La distance maximale entre les participants à l’opération peut y être portée à 10 kilomètres.

Les communes rurales sont celles appartenant aux catégories « bourgs ruraux », « rural à habitat dispersé » et « rural à habitat très dispersé » de la grille communale de densité établie par l’INSEE. La distance maximale entre les participants à l’opération peut y être portée à 20 kilomètres.