Patrimoine culturel ou dignité de la personne humaine : une loi permettant la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques

Les restes humains ou certains de ses éléments peuvent, dès lors qu’ils appartiennent aux collections publiques parce qu’ils présentent un intérêt public du point de vue notamment de l’histoire, de l’archéologie ou de la science par exemple, faire partie du domaine public mobilier des personnes publiques au sens de l’article L. 2112-1 du Code de la propriété des personnes publiques.

Il doit toutefois naturellement leur être accordé une protection particulière garante du respect de la dignité humaine. C’est ainsi que le Code de déontologie du Conseil International des musées leur confère par exemple le statut d’objets « sensibles » devant être présentés au sein des musées conformément à ce principe.

Et afin d’en assurer le respect, la loi du 26 décembre 2023 ici commentée est revenue créer une section au sein du Code du patrimoine (articles L. 115-5 à L. 115-8 dudit Code) permettant, par dérogation au principe d’inaliénabilité auxquels sont soumis ces biens culturels, qu’il s’agisse d’un corps complet ou d’un de ses éléments, de prononcer leur sortie du domaine public. Et ce, pour permettre la restitution des restes humains à un Etat à des fins funéraires (afin, on le comprend, de réaliser les opérations permettant leur inhumation ou leur crémation).

Cette sortie du domaine public est prononcée par décret en Conseil d’Etat pris sur le rapport du ministre chargé de la culture et du ministre de tutelle de l’établissement public national auquel les restes humains sont affectés. Le texte précise que lorsque les restes appartiennent à une collectivité territoriale, leur sortie du domaine public et leur restitution doivent préalablement être approuvées par délibération. Et ce, après qu’un comité scientifique ait été éventuellement crée de façon concertée avec l’Etat demandeur afin de mener les analyses scientifiques propres à établir l’origine des restes humains objet de la demande de restitution et dont l’origine est incertaine (article L. 115-6 du Code du patrimoine).

Elle ne pourra toutefois être prononcée que si les conditions suivantes posées par l’article L. 115-6 nouvellement créé sont respectées :

« 1°La demande de restitution a été formulée par un Etat, agissant le cas échéant au nom d’un groupe humain demeurant présent sur son territoire et dont la culture et les traditions restent actives ;

2° Les restes humains concernés sont ceux de personnes mortes après l’an 1500 ;

3° Les conditions de leur collecte portent atteinte au principe de la dignité de la personne humaine ou, du point de vue du groupe humain dont ils sont originaires, leur conservation dans les collections contrevient au respect de la culture et des traditions de ce groupe. ».

Afin de pouvoir être mises en pratique, ces exigences appellent à notre sens des précisions, notamment quant aux notions de présence sur le territoire du groupe humain, de caractère actif de la culture concernée ou sur les conditions dans lesquelles une collecte ou une conservation de restes humains peut porter atteinte au principe de dignité humaine ou à la culture concernée. Le décret d’application de ces dispositions, annoncé à l’article L. 115-9 intégré au Code du Patrimoine, viendra, on le comprend, éclairer ces points.

On ne prend pas en compte l’imposition dans les sommes récupérées en cas de cumul irrégulier

Une psychologue affectée au service de protection maternelle et infantile au conseil départemental du Val-d’Oise, a exercé durant 5 ans de 2012 à 2017, sans autorisation préalable, une activité de psychologue à titre libéral.

La Présidente devait, dans un premier temps, prononcer en raison de ce cumul illégal d’activités une sanction d’exclusion temporaire de six mois, dont trois mois avec sursis. Mais dans un deuxième temps, elle a émis un titre de recettes de la somme de 47 549 euros, correspondant au chiffre d’affaires réalisé de 2012 à 2017 au titre des activités privées de la psychologue, pour procéder au recouvrement de cette somme.

La psychologue devait contester cette dernière décision au moyen notamment qu’elle se serait acquittée de l’impôt sur le revenu sur ces sommes et que pour exercer son activité elle aurait engagé de telles charges qu’en réalité son activité était déficitaire. En droit, l’ancien article 25 septies VI, repris quasiment à l’identique par l’article L.123-9 du Code général de la fonction publique, disposait en effet :

« Sans préjudice de l’engagement de poursuites disciplinaires, la violation du présent article donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement »

Si la jurisprudence avait déjà eu l’occasion de préciser que le recouvrement de telles sommes n’était pas soumis à la prescription biennale dès lors que cette dernière ne concernait que des rémunérations versées par des personnes publiques au titre de l’occupation d’un emploi principal (CAA Versailles, 22 juin 2020, req. 18VE000397), il semblerait en revanche que cette décision soit la première – en tous cas publiée – qui se prononce sur la question de la conséquence de l’imposition des sommes récupérées.

La CAA de Versailles (décidemment) est très claire, voire lapidaire :

 les dispositions citées au point 4 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoient que les sommes à reverser doivent comprendre l’intégralité des sommes irrégulièrement perçues, sans déduction ni du montant de l’impôt sur le revenu éventuellement acquitté sur ces rémunérations, ni des charges engagées pour les percevoir. Il en résulte que Mme A… ne saurait utilement faire valoir que son activité libérale durant la période litigieuse était déficitaire pour contester le bien-fondé de la créance. ».

En d’autres termes, c’est bien le chiffre d’affaires, et non le bénéfice, qui doit être reversé à l’employeur.

La décision apparaît particulièrement sévère : s’agissant d’une activité libérale, la psychologue disposait nécessairement d’un bilan comptable qui aurait permis à la Cour de réformer, sans avoir à effectuer le moindre calcul, le titre exécutoire.

Mais une telle décision aurait obligé à envisager la distinction avec un emploi salarié, qui lui ne permet pas aussi simplement de déterminer l’imposition due à ce seul titre, et c’est probablement pourquoi la Cour en est restée à un principe : l’administration employeur récupère la totalité de la somme.

En outre, les sommes étaient imposables dès qu’elles ont été perçues, ce qu’elles sont advenues par la suite ne concerne guère l’administration fiscale : aucun recours à ce titre n’est ouvert à l’agent indélicat.

Sanction disciplinaire : pas de méconnaissance de l’obligation de loyauté pour une sanction fondée sur des propos tenus sur un groupe WhatsApp

La Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé la possibilité de sanctionner des propos irrévérencieux et orduriers tenu à l’encontre de l’institution et de la hiérarchie de son auteur, ainsi que le fait d’administrer un groupe de discussion où de tels propos étaient par ailleurs tenus. Contrairement à la décision de première instance, l’utilisation de cette discussion comme élément de preuve n’a par ailleurs pas été considéré constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur.

En matière de sanction disciplinaire, il incombe à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. En l’absence de disposition législative contraire, l’administration peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Elle ne peut toutefois, sauf si un intérêt public majeur le justifie, méconnaitre l’obligation de loyauté à laquelle elle est tenue vis-à-vis de ses agents[1].

Ainsi, le juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire à l’encontre d’un agent public, en apprécie la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

En l’espèce, M.A., gardien de la paix, s’est vu infliger un blâme en raison de sa participation à un groupe WhatsApp, dont il est créateur et administrateur, composé de tous les policiers de sa brigade, au sein duquel, d’une part, il n’a pas réagi à la tenue de propos irrévérencieux et orduriers sur sa hiérarchie, et irrespectueux envers l’institution, et d’autre part, il a lui-même publié des messages de cette nature à l’égard d’un officier de police sous l’autorité duquel il est placé.

Par un jugement en date du 10 mars 2023 (n° 2100042), le Tribunal administratif de Bastia, saisi de la sanction, avait jugé que cette sanction était intervenue en méconnaissance du principe de loyauté des poursuites disciplinaires et annulé ladite sanction en retenant que l’administration n’avait produit aucun élément permettant de déterminer les conditions dans lesquelles les pièces ou documents ayant fondé la sanction avaient été obtenus, soulevant ainsi un doute sur la conformité de l’obtention de la preuve avec son obligation de loyauté.

La Cour administrative d’appel de Marseille n’a pas suivi cette analyse, considérant que dès lors que les faits reprochés à l’agent avaient été révélés à la suite de déclarations spontanées d’un brigadier de la police lui-même membre du groupe de discussion et confirmés par les conclusions du rapport d’enquête de l’IGPN, l’administration ne pouvait être regardée comme ayant obtenu les éléments factuels fondant la sanction infligée à l’agent en méconnaissance de son obligation de loyauté.

Depuis quelques années, le juge administratif a eu l’occasion d’apprécier le caractère fautif de propos pouvant être tenus sur les réseaux sociaux, dès lors que les messages en cause étaient publics ou accessibles au public (CAA Nancy, 22 septembre 2016, n° 15NC00771 ; CAA Bordeaux, 4 mai 2022, n° 19BX02151). Il s’agissait toutefois ici de propos échangés via un dispositif privé, ce qui n’a pas empêché la cour de considérer le comportement fautif. Selon elle, eu égard à la dignité qui incombe à un policier, et dont « il ne doit se départir en aucune circonstance et à aucun moment, que ce soit en service ou en dehors du service, y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux ». La relative confidentialité de l’échange ne remet pas en cause le caractère fautif du comportement : « la circonstance que les messages révélés par l’enquête de l’inspection générale de la police nationale ont été publiés sur un groupe de discussion fermé et sécurisé, auxquels ne participaient que des policiers exerçant leurs fonctions au sein de la section d’intervention de l’unité d’intervention d’aide et d’assistance de proximité, n’est pas de nature à ôter aux faits reprochés leur caractère de faute disciplinaire justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire ». Selon la Cour, l’intéressé aurait même pu se voir infliger une sanction plus sévère.

Sur ce point, l’arrêt s’inscrit dans la jurisprudence du Conseil d’État. Les Juges du Palais Royal ont en effet déjà validé une sanction de révocation, pour des propos racistes et discriminatoires, alors même que ces propos avaient été tenus par un policier dans une conversation privée sur le réseau social WhatsApp[2].

 

[1] CE, Sect., 16 juillet 2014, n° 355201

[2] CE, 28 décembre 2023, n° 474289

Demande de réintégration anticipée moins de trois mois après son placement en disponibilité pour convenances personnelles : pas de droit à réintégration sur le premier emploi devenu vacant

Par un arrêt en date du 9 novembre 2023, la CAA de Nancy a précisé les modalités de réintégration anticipée d’un agent placé en disponibilité pour convenances personnelles

Les modalités de réintégration (anticipée ou non) de l’agent dont la disponibilité pour convenances personnelles a été supérieure à trois mois mais n’a pas excédé trois années, sont prévues par les textes (articles L. 514-6 et L. 514-7 du Code général de la fonction publique et article 26 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986) et ont été précisées à de nombreuses reprises par les juridictions administratives.

Jusqu’alors, une incertitude semblait subsister quant au sort de l’agent sollicitant sa réintégration moins de trois mois après le début de sa disponibilité, compte tenu de l’exception prévue à l’article 26 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 qui n’est assortie d’aucune précision. Cet article impose en effet, le respect par l’agent d’un délai minimal de trois mois, avant la fin de la période de disponibilité accordée, pour demander à sa collectivité d’origine, sa réintégration dans son cadre d’emplois ou le renouvellement de sa disponibilité « sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n’excède pas trois mois »,

A la lecture de ces dispositions il était donc légitime de s’interroger sur l’existence d’un droit à réintégration plus favorable en faveur de l’agent ayant formulé une demande de réintégration moins de trois mois après le début d’une disponibilité pour convenances personnelles, compte tenu du faible temps passé en disponibilité.

En l’espèce, une agente qui avait formulé, moins de trois mois après le début de sa disponibilité pour convenances personnelles, une demande de réintégration anticipée ayant été rejetée par son employeur (commune). Elle soutenait qu’elle avait droit à être réintégrée à la première vacance de poste, dès lors que sa demande de disponibilité intervenait moins de trois mois après la date de placement en disponibilité sur demande.

En premier lieu, la Cour administrative de Nancy rappelle qu’un agent n’a droit à réintégration à l’issue d’une disponibilité pour convenances personnelles (de moins de trois ans) qu’à l’occasion de l’une des trois premières vacances d’emploi, mais que l’employeur public doit toutefois pouvoir justifier son refus de réintégration sur les deux premières vacances par un motif tiré de l’intérêt du service.

Toutefois, en l’espèce, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Nancy, qui avait à tort considéré que le refus opposé à la demande de réintégration anticipée sur le poste occupé par l’intéressée avant sa disponibilité ne reposait pas sur un motif tiré de l’intérêt du service. Selon la Cour, les nombreuses difficultés relationnelles que cette dernière avait rencontrées au sein de l’équipe et avec son supérieur hiérarchique, qui mettaient à mal la cohésion de l’équipe, était matériellement établi et « suffisait légalement à justifier le refus de réintégration opposé par la commune ».

L’intérêt de cette décision réside en deux points.

En premier lieu, il reconnaît qu’une administration peut légalement opposer les difficultés relationnelles rencontrées par un agent sur son ancien poste pour refuser, dans l’intérêt du service, la réintégration de l’intéressé sur ce même poste.

En second lieu, et surtout, la Cour a jugé que le fonctionnaire territorial auquel une disponibilité pour convenances personnelle d’une durée de plus de trois mois a été accordée, mais sollicitant sa réintégration avant trois mois, ne disposait pas d’un droit à être réintégré sur le poste qu’il occupait précédemment, ni même à la première vacance. La circonstance que la demande de réintégration intervient moins de trois mois après le début de la disponibilité, et que le poste soit par conséquent resté vacant, n’a pas de conséquence sur la possibilité dont dispose l’administration de refuser la réintégration sur les deux premières vacances de poste.

Point sur le projet de décret sur l’agrivoltaïsme mettant en œuvre la loi ENR

Le projet de décret ici commenté doit mettre en musique les dispositions de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables. Il fait l’objet d’une consultation du 26 décembre 2023 au 16 janvier 2024.

Pour rappel, la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’ENR visait notamment à permettre le développement du photovoltaîque en France. L’un des vecteurs de ce développement est celui de l’agrivoltaïsme.

Dans cette perpective donc, la loi ENR a d’abord inscrit à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie l’objectif « d’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques, […] en conciliant cette oridyctuib avec l’activité agricole, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ».

Par la suite, la loi a donné une définition de l’agrivoltaïsme, qui ressort désormais de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie. Une installation agrivoltaïque est une « installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».

Les ouvrages correspondant à la définition précitée sont désormais considérés comme « nécessaire à l’exploitation agricole » ce qui permet leur installation en zone agricole ou, en l’absence de document d’urbanisme, en dehors des parties urbanisées de la commune.

S’agissant de l’installation des serres, des hangars et des ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques, ces équipements doivent correspondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative. En revanche, la loi prévoyait que l’implantation des ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire qui ne correspondent pas à la définition des installations agrivoltaïques : elle est beaucoup plus limitée.

Ces ouvrages ne peuvent être implantés qu’au sein d’une surface identifiée dans un document-cadre établi par arrêté préfectoral après consultation de la commission CDPENAF, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées et sur proposition de la chambre départementale d’agriculture pour le département concerné : seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale définie par décret (les sols ainsi identifiés sont intégrés en tout ou partie dans les zones d’accélération).

Les modalités techniques des installations doivent permettre qu’elles n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique, et que l’installation ne soit pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière.

En résumé, à l’issue de la loi ENR, les installations photovoltaïques en zone agricole sont classées en deux catégories :

  • Des installations agrivoltaïques au sens de l’article L.3 14-36 du Code de l’énergie, elles peuvent être implantées en zone agricole ;
  • Les installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestières, leur installation est bien plus encadrée.

L’article 1 du projet de décret vient d’abord compléter la notion de l’agrivoltaïsme tel que prévu à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie. Tout d’abord il précise des termes qui ressortent de la définition générale et législative :

  • Telle que la notion de « parcelle agricole», qui correspond, selon le projet de décret, « à une surface agricole continue, [supérieure ou égale à un are], présentant les mêmes caractéristiques ».
  • Ou bien encore la notion « d’agriculteur».

S’agissant ensuite des services que doit rendre l’installation agrivoltaïque au sens de la loi ENR, le projet de décret précise :

  • La définition du contenu du service relatif à « l’amélioration, du potentiel et de l’impact agronomiques» qui consiste « en une amélioration des qualités agronomiques du sol et en une augmentation du rendement de la production agricole, ou à défaut, au maintien, voire à la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local» ;
  • Du service relatif à « l’adaptation au changement climatique » qui consiste « en une limitation des effets néfastes du changement climatique débouchant sur une augmentation du rendement de la production agricole, ou à défaut, au maintien, voire à la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local, ou sur une amélioration de la qualité de la production agricole » ;
  • Du service relatif à la « protection contre les aléas» qui « s’apprécie au regard de la protection apportée par les modules agrivoltaïques contre au moins une forme d’aléa météorologique, ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation faisant peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole à l’exclusion des aléas strictement économiques et financiers » ;
  • Du service relatif à « l’amélioration du bien-être animal» qui « s’apprécie au regard de l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux ».

D’autres définitions sont précisées par le projet de décret, s’agissant notamment de la condition tenant à la garantie pour l’agriculteur d’une production agricole significative et un revenu durable, notamment les notions de « zone témoin », de « significative », du « caractère durable » ou encore d’éventuelles conditions de participations de l’agriculteur au capital de la société de projet.

Enfin, l’article 1 donne les critères de définition de l’activité principale consacrée à l’activité agricole :

« 1° La superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque, hors locaux techniques non situés sur la parcelle, n’excède pas 10 % de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque. 

2° La hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement interrangées intègrent l’usage de l’exploitation, afin notamment d’assurer la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que le passage des engins agricoles si les parcelles sont mécanisables. 

3° Le taux de couverture de l’installation agrivoltaïque est défini comme le rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur la parcelle agricole mentionnée à l’article R. 314-108 et la surface de la parcelle agricole définie à l’article R. 314-108, dans des conditions normales d’utilisation ».

L’article 2 est intitulé « Modalités de demande de l’autorisation d’urbanisme ».

L’instruction des autorisations d’urbanisme portant sur une installation agrivoltaïque ressort de la compétence du préfet, y compris pour les installations agrivoltaïques qui sont accessoires à une construction. Notamment, le projet de décret prévoit qu’une demande d’autorisation d’urbanisme en vue de l’implantation d’un ouvrage agrivoltaïque devra comprendre des éléments justifiant qu’il répond aux critères prévus par l’article L. 314-36 du Code de l’énergie :

  • Une description de la parcelle ;
  • des informations permettant d’apprécier que l’installation répond au moins à l’un des services que doivent rendre ces installations, et qu’il ne porte pas une atteinte substantielle à l’un de ces services ou une atteinte limitée à deux de ces services ;
  • des informations permettant d’apprécier que la production agricole est l’activité principale de la parcelle agricole ;
  • des informations permettant d’apprécier que la production agricole est significative et qu’elle assure des revenus durables à l’exploitant agricole ;
  • Le cas échéant, une description de la zone témoin ;
  • Une attestation certifiant que l’agriculteur est actif.

L’article 3 porte quant à lui sur les installations photovoltaïques compatibles avec l’activité agricole (mais qui n’entrent pas dans la définition de l’agrivoltaïsme, car elles ne sont pas nécessaires à l’activité agricole).

La loi rappelait que ces installations ne pouvaient être implantées que sur des surfaces identifiées dans un document cadres, au sein desquels seules peuvent être identifiées des terres réputées incultes ou des surfaces non exploitées depuis une certaine durée. Le décret vient préciser ces deux catégories d’emprises. Pour les terres réputées incultes, le décret précise qu’une terre doit être regardée comme telle quand elle répond à l’un au moins des critères suivants :

  • L’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au regard du territoire environnant en raison de ses caractéristiques topographiques, pédologiques et climatiques ou à la suite d’une décision administrative ;
  • Le site est un site pollué ou une friche industrielle ;
  • Le site est une ancienne carrière, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestière a été prescrite ou une carrière en activité dont la durée de concession restante est supérieure à 25 ans ;
  • Le site est une ancienne carrière avec prescription de remise en état agricole ou forestière datant de plus de 10 ans mais dont la réalisation est inefficace en dépit du respect des prescriptions de cessation d’activité ;
  • Le site est une ancienne mine, dont ancien terril, bassin, halde ou terrain dégradé par l’activité minière, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
  • Le site est une ancienne Installation de Stockage de Déchets Dangereux ou une ancienne Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux ou une ancienne Installation de Stockage de Déchets Inertes, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
  • Le site est un ancien aérodrome, délaissé d’aérodrome, un ancien aéroport ou un délaissé d’aéroport en domaine public ou privé ;
  • Le site est un délaissé fluvial, portuaire routier ou ferroviaire en domaine public ou privé ;
  • Le site est situé à l’intérieur d’un établissement classé pour la protection de l’environnement soumis à autorisation, à l’exception des carrières et des parcs éoliens ;
  • Le site est un plan d’eau ;
  • Le site est dans une zone de danger d’un établissement SEVESO pour laquelle la gravité des conséquences humaines d’un accident à l’extérieur de l’établissement est à minima importante défini selon l’annexe 3 de l’arrêté du 29 septembre 2005 ;
  • Le site est en zone d’aléa fort ou très fort d’un plan de prévention des risques technologiques ;
  • Le site est un terrain militaire, ou un ancien terrain, faisant l’objet d’une pollution pyrotechnique ;
  • Le site est situé dans une zone classée comme favorable à l’implantation de panneaux photovoltaïques dans le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’intercommunalité, le cas échéant;
  • Le site est situé sur un terrain forestier, à l’exception des catégories de forêts à forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole et d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages, listées par arrêté interministériel.

Pour ce qui est des surfaces non exploitées, ce sont celles non exploitées depuis au moins dix ans à la date de publication de la loi. Sont par ailleurs de facto exclues des documents cadres les périmètres de mise en œuvre d’un aménagement foncier agricole été forestier et les zones agricoles protégées.

L’article 4 porte sur la durée d’autorisation, le démantèlement et la remise en état après exploitation.

Selon le projet de décret, ces installations pourront être autorisées pour une durée maximale de 40 ans, qui seront prorogeables pour 10 ans renouvelables sous réserve que l’installation présente encore un rendement significatif.

A l’issue de cette durée il conviendra de remettre en l’état dans le délai d’un an, et le décret décrit les opérations de démantèlement et de remise en l’état qui seront à mettre en œuvre, et prévoit la possibilité par ailleurs la possibilité de subordonner l’autorisation d’urbanisme à la présentation et justification de garanties financières, qui imposent de consigner le montant à la caisse des dépôts et consignation.

L’article 5 précise la condition de réversibilité.

L’article 6 précise les contrôles et sanctions. Le projet de décret complète le code de l’énergie.

Il met en place un suivi agricole pour permettre de déterminer un retour d’expérience.

Le projet de décret instaure deux contrôles :

  • A la mise en service des installations qui est un contrôle du suivi du respect des conditions (s’agissant notamment du service rendu, de la réversibilité, etc.) ;
  • Un contrôle qui a lieu 6 ans après l’achèvement des travaux pour s’assurer de l’aspect agronomique (fonctions écologiques du sol, hydrauliques, compatibilité de l’installation avec l’activité agronomique, etc.).

Le projet de décret prévoit aussi un programme de suivi des opérations de démantèlement.  En outre, dans les textes projetés, sont organisés au sein du code de l’urbanisme des sanctions s’il est établi que l’installation n’est plus exploitée ou si les conditions de compatibilité avec l’activité agricole ne sont plus remplies. La consultation est désormais close, et de nombreux points du projet de décret sont encore susceptibles d’évoluer dans sa version finale.

Prêt social location-accession (PSLA) et baux réels solidaires (BRS) : élargissement des conditions d’accès

Articles R. 255-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation

Article R. 331-76-5-1 du CCH du Code de la construction et de l’habitation

En clôture des 5èmes Journées du Réseau des Organismes de Foncier Solidaire (OFS) qui ne sont tenues à Lyon les 21 et 22 novembre 2023, Monsieur Renaud PAYRE, Président de Foncier Solidaire France, rappelait le souhait des OFS d’élargir les conditions d’accès au BRS, aujourd’hui réservé aux ménages respectant les plafonds du Prêt social location accession (PSLA).

Il se faisait ainsi l’écho des demandes présentées en ce sens par la Fédération des Coop’HLM et l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), qui plaidaient pour un relèvement des plafonds du PSLA et du BRS (les textes relatifs aux conditions d’accès au BRS renvoyant à l’article D. 331-76-5-1 du Code de la construction et de l’habitation lui-même relatif aux conditions d’accès au PSLA). Lors de la clôture du dernier Congrès de l’USH, Monsieur Patrice VERGRIETE avait fait droit à cette demande.

C’est ainsi qu’est paru au journal officiel du 14 décembre 2023 un arrêté du 11 décembre 2023 (NOR TREL2334003A). Cet arrêté aligne les plafonds du PSLA sur les plafonds du «PLS accession».

Les nouveaux plafonds, applicables à compter du 1er janvier 2024, sont les suivants :

Actualisation des régimes d’exemption attachés aux aides d’État

Si les aides d’État, c’est-à-dire « les avantages consentis par des autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » sont en principe prohibées, elles peuvent toutefois dans certaines hypothèses être déclarées compatibles avec les Traités européens et donc être octroyées.

C’est notamment le cas lorsqu’elles peuvent s’inscrire dans le champ de l’un ou l’autre des règlements d’exemption édictés par la Commission européenne ; règlements qui viennent tout juste d’être modifiés.

Après la publication durant l’été 2023 d’un règlement portant révision du Règlement Général d’Exemption par Catégorie (RGEC), le plus mobilisé des règlements d’exemption, la Commission européenne a procédé à la révision du règlement dit des « minimis » et le gouvernement français a actualisé la liste des zones concernées par les aides à finalité régionales et les aides à l’investissement des PME.

Par un règlement (UE) 2023/1315 du 23 juin 2023, la Commission a en effet notamment :

  • Prorogé de 3 ans (jusqu’au 31 décembre 2026) les régimes d’exemption visés par le règlement (UE) n° 651/2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Ces régimes d’exemptions concernent notamment les aides à finalité régionale ; en faveur des PME ; à la recherche, développement et innovation ; à la formation ; aux travailleurs défavorisés ou handicapés ; à la culture ; aux infrastructures locales ; aux infrastructures sportives ou récréatives… ;
  • Relevé les seuils en-deçà desquels une notification à la Commission européenne n’est pas nécessaire notamment en matière d’aides à l’environnement et à la recherche, développement, innovation ;
  • renforcé la possibilité d’octroyer des aides dans le domaine de la protection de l’environnement et de l’énergie, notamment pour soutenir le déploiement des énergies renouvelables, les projets de décarbonation, la mobilité verte et la biodiversité, ainsi que pour faciliter les investissements dans l’hydrogène renouvelable et accroître l’efficacité énergétique.

Par un règlement (UE) 2023/2831 du 13 décembre 2023, la Commission européenne a relevé le seuil des aides de minimis à hauteur de 300 000 euros sur trois ans (au lieu de 200 000 euros auparavant). Ce seuil a également été relevé par un règlement (UE) 2023/2832 du même jour concernant les aides versées aux opérateurs en charge d’un service d’intérêt économique général (SIEG) à hauteur de 750 000 euros (contre 500 000 euros auparavant). Ces deux règlement d’appliquent jusqu’au 31 décembre 2030.

Enfin, et faisant écho à l’adoption de lignes directrices révisées concernant les aides d’État à finalité régionale, le Gouvernement français a par un décret n° 2023-1286 en date du 26 décembre 2023 modifié le Code général des collectivités territoriales et les annexes relatives aux zones d’aide à finalité régionale et aux zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises pour la période 2022-2027.

Bien que non révolutionnaires, les règles consacrées par la Commission européenne permettent de tenir compte des nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les États européens tout en leur offrant un cadre clair dans lequel intervenir.

Loi de finance pour 2024 : introduction d’une obligation pour les collectivités et les groupements de plus de 3 500 habitants de se doter d’un « budget vert » (art. 191 de la loi) et d’une dette verte (article 192)

La loi de finances pour 2024 a été publiée le 30 décembre 2023 au Journal officiel (JORF n° 0303 du 30 décembre 2023). Aux termes de ses articles 191 et 192, cette loi de finances instaure l’obligation pour les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics locaux de plus de 3 500 habitants de se doter d’un « budget vert » ainsi que d’une « dette verte ».

D’une part, l’article 191 de la loi prévoit que :

« I. – Le compte administratif ou le compte financier unique des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux de plus de 3 500 habitants qui appliquent le régime budgétaire et comptable prévu aux articles L. 5217-10-1 à L. 5217-10-15 et L. 5217-12-2 à L. 5217-12-5 du code général des collectivités territoriales, de la métropole de Lyon, de la collectivité de Corse, de la collectivité territoriale de Martinique et de la collectivité territoriale de Guyane comporte un état annexé intitulé « Impact du budget pour la transition écologique ».

    1. – Cet état est annexé au compte administratif ou au compte financier unique à compter de l’exercice 2024.

III. – Le Gouvernement remet au Parlement un bilan de la mise en place de cet état annexé au plus tard le 15 octobre 2026.

    1. – Cet état :

Présente les dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France correspondant au règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 ;

2° Est présenté conformément au modèle fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget, à l’issue d’une concertation avec les associations d’élus.

    1. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. ».

Dès lors, le compte administratif ou financier unique des collectivités devra désormais comporter un état annexé relatif à l’impact du budget pour la transition écologique. De plus, un arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget, à l’issue d’une concertation avec les associations d’élus devra présenter un modèle de cet état annexé.

Au sein de cet état annexé au compte administratif, les collectivités devront ainsi présenter les dépenses d’investissement prévues au sein du budget qui contribuent négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France correspondant au règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088. Pour rappel, les objectifs énoncés dans ce règlement sont les suivants :

  • L’atténuation du changement climatique ;
  • L’adaptation au changement climatique ;
  • L’utilisation durable et la protection des ressources en eau et des ressources marines ;
  • La transition vers une économie circulaire ;
  • La prévention et la réduction de la pollution ;
  • La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

L’article précise également que cet état sera annexé au compte administratif ou au compte financier unique dès l’exercice 2024. Un bilan de la mise en place de cette procédure sera remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 15 octobre 2026. D’autre part, l’article 192 de la loi prévoit que :

« I. – Le budget et le compte administratif ou le compte financier unique des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics locaux de plus de 3 500 habitants qui appliquent le régime budgétaire et comptable prévu aux articles L. 5217-10-1 à L. 5217-10-15 et L. 5217-12-2 à L.5217-12-5 du code général des collectivités territoriales, de la métropole de Lyon, de la collectivité de Corse, de la collectivité territoriale de Martinique et de la collectivité territoriale de Guyane peut comporter, à compter de l’exercice 2024, un état annexé intitulé « état des engagements financiers concourant à la transition écologique ».

    1. – Cet état présente l’évolution, sur l’exercice concerné, du montant de la dette consacrée à la couverture des dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent positivement à tout ou partie des objectifs environnementaux fixés par le règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 et indique la part cumulée de cette dette au sein de l’endettement global de la collectivité.

III. – Les modalités d’application du présent article, notamment le champ des dépenses d’investissement mentionnées au II, sont précisées par décret. ».

La loi prévoit ainsi qu’un « état des engagements financiers concourant à la transition écologique » pourra être annexé dès 2024 par les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics locaux de plus de 3 500 habitants. Cet état permettra de faire une présentation de l’évolution, sur l’exercice concerné, du montant de la dette consacrée à la couverture des dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent positivement à tout ou partie des objectifs environnementaux mentionnés dans le règlement précité. Enfin, il sera indiqué la part cumulée de la dette au sein de l’endettement global de la collectivité.

Les modalités d’application de ces deux articles seront précisées par décret.

Préemption des espaces naturels sensibles : le retour des périmètres sensibles

Décision n° 2023-1071 QPC du 24 novembre 2023 | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)

Le droit de préemption des espaces naturels sensibles a connu une actualité fournie ces dernières semaines visant principalement à pallier les effets de l’abrogation de l’ancien article L. 142-12 du Code de l’urbanisme.

Cette disposition permettait aux titulaires du droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles (départements et titulaires par substitution, parmi lesquels figure le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres) de préempter des biens dans les « périmètres sensibles » définis par l’Etat en application de l’article L. 142-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985.

En effet, avant le transfert de compétence vers l’échelon départemental pour la préemption des espaces naturels sensibles, l’Etat avait défini des « périmètres sensibles » au sein desquels un droit de préemption était applicable. Si le périmètre de ces « périmètres sensibles » n’étaient pas repris au sein du périmètre des nouveaux espaces naturels sensibles départementaux, l’ancien article L. 142-12 du Code de l’urbanisme permettait toutefois aux titulaires du droit de préemption d’exercer leur droit dans le périmètre de ces zones.

De l’abrogation au rétablissement du droit de préemption au sein des « périmètres sensibles »

Néanmoins, par une ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme, l’article L. 142-12 du Code de l’urbanisme a été abrogé à compter du 1er janvier 2016. Résolvant cette difficulté faisant peser un risque sur les décisions de préemption des titulaires du droit de préemption au titre des ENS, le législateur a réintroduit un article L. 215-4-1 au sein du Code de l’urbanisme issu de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021.

Cet article L. 215-4-1 réinstaure ainsi le droit de préemption « à l’intérieur des zones fixées par l’autorité administrative en application de l’article L. 142-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement, et des textes pris pour son application et qui n’ont pas été intégrées dans les zones de préemption pouvant être instituées par délibération du conseil départemental au titre des espaces naturels sensibles ».

Le décret daté du 12 décembre et publié le 14 décembre 2023 au JORF prévoit que la mise en œuvre du droit de préemption dans les zones dites de « périmètres sensibles » s’exerce dans les mêmes conditions que le droit de préemption exercé par l’échelon départemental dans les espaces naturels sensibles. Le droit de préemption au sein des « périmètres sensibles » est donc rétabli, pour l’avenir seulement, la validation législative des décisions de préemption intervenue depuis le 1er janvier 2016 ayant été déclarée inconstitutionnelle.

L’inconstitutionnalité de la validation législative des décisions de préemption prises sur le fondement de l’article L. 142-12 du Code de l’urbanisme, abrogé depuis le 1er janvier 2016

Afin de sécuriser les décisions de préemption prises pour des biens situés dans ces anciens « périmètres sensibles », le législateur avait introduit un deuxième paragraphe à l’article 233 de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et Résilience » qui validait, sous réserve de l’autorité de la chose jugée, « les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l’entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l’abrogation de l’article L. 142-12 du code de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l’urbanisme ».

Saisi par le biais d’une QPC introduite par des exploitants agricoles représentés par un groupement foncier agricole, le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle cette disposition au terme d’une décision n° 2023-1071 QPC du 24 novembre 2023.

La validation législative de la légalité d’un acte administratif doit répondre à certaines conditions rappelées par le Conseil Constitutionnel. Elle doit être clairement définie et respecter le principe de l’autorité de la chose jugée et celui de non-rétroactivité des peines et sanctions. Par ailleurs, l’atteinte aux droits des personnes résultant de cette validation doit être justifiée par un motif impérieux d’intérêt général. Enfin, aucun principe de valeur constitutionnelle ne doit être méconnu du fait de cette validation, sauf à ce que le motif impérieux d’intérêt général soit lui-même d’intérêt général. Or, en l’espèce, le Conseil Constitutionnel a jugé qu’aucun motif impérieux d’intérêt général ne justifiait qu’il soit porté atteinte au droit des justiciables de se prévaloir de l’abrogation de ces dispositions.

D’une part, il a été relevé que le nombre de décisions de préemption non-définitives qui font ou seraient susceptibles de faire l’objet d’un contentieux n’est pas significatif si bien que le risque de contentieux important ne serait pas établi.

D’autre part, si la responsabilité du titulaire du droit de préemption peut être recherchée à la suite de l’annulation d’une décision de préemption illégale, il n’est pas démontré l’existence d’un risque financier important pour les personnes publiques concernées. Tel est d’autant plus le cas, comme le relève le Conseil Constitutionnel, que le juge administratif doit s’assurer que le rétablissement de la situation préalable à la décision de préemption ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général attaché à la préservation des sites remarquables.

Pour ces raisons, aucun motif impérieux d’intérêt général ne justifie, pour le Conseil Constitutionnel, que les effets de l’abrogation de l’article L. 142-12 du Code de l’urbanisme soient neutralisés par validation législative. Le deuxième paragraphe de l’article 233 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » est donc déclaré inconstitutionnel à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel et applicable à toutes les affaires non-jugées définitivement à cette date.

Reconnaissance d’une présomption d’urgence à suspendre une décision de mise en demeure de démolir une construction en référé-suspension

Dans cette affaire, un maire a, par deux décisions, mis en demeure une société civile immobilière (SCI), sur le fondement de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, de remettre dans son état initial – impliquant des démolitions – la parcelle dont la SCI est propriétaire.

La SCI propriétaire a saisi le juge du référé-suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de ces deux décisions. Le premier juge des référés a rejeté sa demande. La SCI s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a, d’abord, cité les dispositions des articles L. 480-1 et L. 481-1 du Code de l’urbanisme.

Pour mémoire, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, a créé l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme. Selon la rapporteur publique, Madame Dorothée PRADINES, ayant conclu sur cette affaire, cet article est une disposition « complémentaire des poursuites pénales [qui] permet ainsi aux autorités compétentes en matière d’urbanisme de mettre en demeure les auteurs de constructions, d’aménagements, d’installations ou de travaux contraires au code de l’urbanisme, « soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. », le cas échéant sous astreinte pouvant aller jusqu’à 500 euros par jour, mais dont le montant total des sommes résultant de l’astreinte ne peut excéder 25 000 euros.

La rapporteure publique a rappelé que le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’une telle mise en demeure sur ce fondement pouvait comporter des démolitions (CE, 22 décembre 2022, n° 463331, publié au Recueil).

Aussi, il convient d’indiquer que le Conseil d’Etat avait précisé que, préalablement à la mise en demeure, quand bien même celle-ci n’est pas une sanction administrative, l’administration doit inviter l’intéressé à présenter ses observations conformément à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme (CE, 21 septembre 2023, n° 470176).

En résumé, la procédure est la suivante :

  • Dresser un procès-verbal d’infractions aux règles d’urbanisme ;
  • Inviter l’intéressé à présenter ses observations ;
  • Mettre en demeure l’intéressé de procéder, selon le cas, à des opérations de mise en conformité, ou de régularisation via le dépôt d’une demande d’autorisation d’urbanisme.

Dans notre cas d’espèce, le maire a donc dressé deux procès-verbaux d’infractions sur le fondement de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme, condition préalable à la mise en œuvre de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, puis mis en demeure, sous astreinte, la SCI de remettre en son état originel sa parcelle, supportant plusieurs constructions réalisées ou modifiées sans autorisation d’urbanisme préalable et en méconnaissance de certaines règles d’urbanisme.

Saisi par la SCI propriétaire, le premier juge des référés a rejeté sa demande de suspension après avoir « recherché si la décision contestée préjudiciait de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ».

Or, en cassation, le Conseil d’Etat a considéré que le premier juge avait commis une erreur de droit « En statuant ainsi, alors que la condition d’urgence doit […] en principe être regardée comme satisfaite sauf circonstances particulières opposées par l’autorité administrative ».

Le considérant de principe du Conseil d’Etat est le suivant :

« Eu égard à la gravité des conséquences qu’emporte une mise en demeure, prononcée en application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, lorsqu’elle prescrit une mise en conformité qui implique nécessairement la démolition des constructions, la condition d’urgence est en principe satisfaite en cas de demande de suspension de son exécution présentée, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, par le propriétaire de l’immeuble qui en est l’objet. Il ne peut en aller autrement que dans le cas où l’autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître, soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire, soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure ».

Face à une mise en demeure de démolir des constructions, l’urgence est donc présumée en matière de référé-suspension pour le propriétaire du bien concerné par la mise en demeure. Néanmoins, il ne s’agit que d’une présomption simple car le Conseil d’Etat a indiqué que la présomption peut être renversée lorsque l’administration justifie de circonstances particulières faisant apparaître :

  • soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation du propriétaire ;
  • soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure de démolition.

Surtout, notons qu’à la lecture de la décision du Conseil d’Etat, l’on comprend que cette présomption d’urgence ne vaut que s’il y a mise en demeure de démolir. A cet égard, la rapporteure publique avait quant à elle considéré que s’il était évident que la présomption d’urgence était nécessaire lorsque la mise en demeure concernait une démolition, elle semblait plutôt opter pour une simplification de la procédure en proposant de reconnaitre la présomption d’urgence quel que soit l’objet de la mise en demeure au sens de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, sans besoin de distinguer selon qu’il s’agisse d’une mise en demeure de démolir un immeuble ou non.

Ainsi, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du premier juge et réglé l’affaire au fond, mais a jugé qu’aucun des moyens soulevés par la SCI n’était propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des deux décisions de mises en demeure. Le Conseil d’Etat a donc rejeté la demande de suspension de la SCI.

Enfin, selon nous, cette reconnaissance de la présomption d’urgence à suspendre une décision de mise en demeure de démolir s’inscrit dans la lignée des hypothèses dans lesquelles l’urgence est déjà présumée en référé-suspension, à savoir par exemple en cas référé-suspension intenté à l’encontre d’un permis de construire délivré ou encore d’une démolition ordonnée dans le cadre d’une procédure d’insalubrité.

Rapprochement du droit de préemption commercial et du droit de préemption urbain

Dans cette affaire, une société d’auto-école a souhaité céder son droit au bail commercial à sa voisine, la société NM Market, qui exploite déjà un commerce de boucherie et qui souhaite s’agrandir et diversifier son activité par une offre de traiteur oriental, sur la place Saint-Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon.

Toutefois, le maire a exercé son droit de préemption au nom de la commune sur le fondement de l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme. Pour rappel, cet article permet à une commune de délimiter, par délibération motivée, un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, à l’intérieur duquel les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de commerce ou de baux commerciaux, sont soumises au droit de préemption.

L’acquéreur évincé a alors saisi le juge du référé-suspension, lequel a rejeté sa requête. La société NM Market s’est alors pourvue en cassation contre cette ordonnance.

Après avoir rappelé l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a également fait référence aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, pour en déduire que les collectivités titulaires du droit de préemption « commercial » :

« peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l’occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ».

Il s’en évince qu’une collectivité, pour exercer son droit de préemption sur les fonds artisanaux, de commerce et les baux commerciaux présents dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, doit :

  • Justifier, à la date de la décision de préemption, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, même si les caractéristiques précises du projet n’auraient pas encore été définies.

Il s’agit ici de l’application de la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire propre au droit de préemption urbain. A ce titre le rapporteur public dans ses conclusions sur la présente affaire, Monsieur Thomas JANICOT, indique que : « rien ne fait donc selon nous obstacle à ce que vous transposiez votre jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire au droit de préemption commercial, alors au demeurant que la commune se place elle-même dans ce cadre d’analyse, à l’image de l’approche également retenue par la doctrine […] ».

  • Faire apparaitre la nature du projet dans la décision de préemption ;
  • Justifier de ce que cette préemption, eu égard notamment aux caractéristiques du bien objet de la préemption ou au coût prévisible de celle-ci, répond à un intérêt général suffisant.

Or, au présent cas, le Conseil d’Etat a relevé que la décision de préemption se bornait à se référer à la délibération ayant délimité plusieurs périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat, et à indiquer que l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de l’objectif de la diversité commerciale et artisanale ayant conduit au choix de délimiter ledit périmètre. Selon le Conseil d’Etat, cette décision de préemption n’apportait donc pas de précision quant à la nature du projet poursuivi, notamment la/les activités commerciales ou artisanales dont l’installation ou le développement seraient organisés dans le périmètre en cause. Aussi, toujours selon le Conseil d’Etat, la nature du projet poursuivi ne ressortait pas non plus de la délibération délimitant le périmètre de sauvegarde, ni des autres pièces du dossier.

Plus précisément, le rapporteur public indiquait dans ses conclusions que : « en l’espèce, la décision de préemption attaquée est assez laconique sur le projet poursuivi par la commune. Selon elle, la préemption se justifie par le choix de maintenir une diversité commerciale et artisanale forte dans le quartier de la place Saint-Luc, excentré du centre-ville et dont la population reste majoritairement résidentielle«  et le fait que « l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de cet objectif« . La commune y joint aussi la délibération instaurant un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité dans les secteurs «  où des menaces pèsent sur la diversité commercial et artisanale« , comme la place Saint-Luc. Mais c’est à peu près tout… A raisonner comme en droit de préemption urbain, nous pensons que la décision attaquée n’est pas suffisamment justifiée. ».

Ce qui manque, selon le rapporteur public, est le fait qu’à « aucun moment la commune ne dit ce qu’elle souhaite réaliser à l’issue de la préemption du local de l’auto-école. […] Ici la commune ne produit aucun document laissant apparaître une réflexion en ce sens. Et le pourvoi indique qu’aucun projet de préemption n’a été mené depuis l’instauration du périmètre de sauvegarde, de sorte qu’aucun précédent ne viendrait conforter ou témoigner des intentions de la commune dans cette zone ».

Au surplus, le rapporteur public a affirmé que la simple référence à l’existence du périmètre de sauvegarde ne suffit pas à établir, à elle seule, à la réalité du projet. A l’inverse, le rapporteur public estime qu’ « exiger que la commune justifie de la réalité d’un projet motivant la préemption ne nous semble pas être une contrainte insurmontable ». Selon lui, il suffirait de préciser dans la décision de préemption le type d’activités commerciales/artisanales que la collectivité souhaite voir s’installer (commerces de bouche, cafés, restaurants, etc.), ou même de renvoyer à la délibération définissant le périmètre, dès lors qu’elle contiendrait un programme de diversification et de développement du commerce de proximité.

Partant, le Conseil d’Etat a considéré que le juge du référé de première instance avait dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit. Il a annulé son ordonnance et rejugé l’affaire :

  • Sur l’urgence, brièvement, le Conseil d’Etat a rappelé que la condition d’urgence devait en principe être regardée comme remplie face au recours d’un acquéreur évincé ;
  • Sur l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption de la commune, il a confirmé qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de l’absence de justification de la réalité d’un projet et de ce que la mise en œuvre du droit de préemption par la commune ne répond pas à un intérêt général suffisant, sont propres à créer un doute sérieux.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a suspendu la décision de préemption.

Une simple erreur sur la destination de la construction dans l’arrêté de permis n’a pas d’incidence sur sa légalité ou sur les possibilités de construire

La décision n° 461552 rendue par le Conseil d’Etat en date du 20 décembre 2023 vient préciser que les erreurs éventuelles figurant sur un arrêté délivrant un permis de construire en ce qui concerne la destination des constructions – tout comme la surface de plancher créée – n’ont pas d’incidence sur la légalité et la portée de celui-ci.

Les faits étaient les suivants : le Maire de Charleville-Mézières a délivré deux autorisations d’urbanisme (un permis de construire et un permis de démolir) pour la création de 3 300 m2 de surfaces commerciales et de 4 000 m2 de bureaux, avec une salle de sport de 2000 m2 et 118 places de stationnement (« le Projet »). Un propriétaire et occupant d’une maison de maître voisine du Projet avait tenté en vain d’obtenir l’annulation des autorisations devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne[1]  puis en appel devant la Cour administrative de Nancy[2].

L’un des moyens soulevés était tiré de la méconnaissance par le permis de construire des prescriptions de l’alinéa 1er de l’article A. 424-9 du Code de l’urbanisme selon lequel « lorsque le projet porte sur des constructions, l’arrêté indique leur destination et, s’il y a lieu, la surface de plancher créée ».

En effet, l’arrêté de permis faisait référence aux anciennes destinations (antérieures au décret de 2015), en l’occurrence celles de « commerce et bureaux » en lieu et place de la nouvelle destination « activités de services » qu’il aurait convenu de mentionner dans l’arrêté.

Rappelons à cet égard que c’est le décret n° 2015-1783 qui a remplacé les 9 destinations préexistantes[3] (habitation ; hébergement hôtelier ; bureaux ; commerce ; artisanat ; industrie ; exploitation agricole ; exploitation forestière ; entrepôt) par 5 nouvelles destinations[4] (exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipements d’intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire) elles-mêmes divisées en 20 sous-destinations[5].

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel avait estimé que la référence aux anciennes destinations dans l’arrêté de permis permettait tout de même de faire respecter les dispositions de l’article A. 424-9 précité. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement mais rejette tout de même la requête aux termes d’une substitution de motifs. Il estime ainsi :

« 4. Un permis de construire, sous réserve des prescriptions dont il peut être assorti, n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis. D’éventuelles erreurs susceptibles d’affecter les mentions, prévues par l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme, devant figurer sur l’arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande. Par suite, la seule circonstance que l’arrêté délivrant un permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu’il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, et qui justifie sur ce point le dispositif de l’arrêt attaqué, à celui retenu par la cour administrative d’appel pour écarter le moyen tiré de l’illégalité du permis de construire attaqué au regard des dispositions de l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme. »

Ce faisant, le Conseil d’Etat :

  • rappelle qu’un permis de construire n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés, c’est-à-dire aux plans transmis par le pétitionnaire dans la demande de permis. Ce faisant, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer sa jurisprudence dégagée dans la décision CE, Sect. 25 juin 2004, SCI Maison médicale Edison n° 228437;
  • précise également que le permis n’a pour effet d’autoriser une construction conforme aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis ;
  • rappelle la réserve relative aux prescriptions dont un permis peut être assorti : dans ce cas, la construction autorisée est conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier sous réserve des prescriptions mentionnées dans l’arrêté de permis ;
  • confirme les conséquences qu’il convient d’en tirer : les inexactitudes ou omissions figurant dans l’arrêté de permis concernant les destinations des constructions ou la surface de plancher créée sont sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis.

Sur ce dernier point, concernant la surface de plancher, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer la solution dégagée dans la décision SCI Maison médicale Edison précitée et par laquelle il avait estimé que le pétitionnaire n’avait aucun droit à construire une surface mentionnée à tort dans l’arrêté de permis et sans lien avec les plans déposés.

Dans la décision en date du 20 décembre 2023, il adopte la même solution pour les destinations des constructions. Il s’agit d’une précision de bon sens : à titre d’exemple donc, un porteur de projet de logements ne pourra être autorisé à réaliser un hébergement hôtelier en se prévalant de l’erreur de mention de destination dans l’arrêté. Et cette erreur de mention ne pourra pas être soulevée par les tiers pour contester la légalité du permis.

Ainsi, cette décision confirme la tendance à responsabiliser d’autant plus les pétitionnaires au moment de la demande de permis tout en sécurisant davantage les autorisations d’urbanisme.

 

[1] TA Nancy, 20 décembre 2018.

[2] CAA Nancy, 16 décembre 2021, n°s19NC00374, 19NC00375.

[3] Ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa version issue du décret n°2001-260 du 27 mars 2001 modifiant le code de l’urbanisme et le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et relatif aux documents d’urbanisme.

[4] Article R. 151-27 du code de l’urbanisme.

[5] Article R. 151-28 du code de l’urbanisme.

La CNIL sanctionne la commune de Kourou pour son absence de désignation d’un délégué à la protection des données et son manque de coopération

Le 12 décembre 2023, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a émis une amende assortie d’une injonction sous astreinte à l’encontre de la commune de Kourou. Cette décision résulte de l’absence de désignation d’un délégué à la protection des données (DPO) par la commune, en sus de son refus de coopérer avec les services de la CNIL[1].

En juin 2021, la CNIL, qui avait lancé une opération de contrôle ciblant les communes de plus de 20 000 habitants, a mis en garde celles qui n’avaient pas encore désigné de délégué à la protection des données. En effet, conformément à l’article 37, paragraphe 1, a) du règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des données personnelles (RGPD), les communes sont tenues, en tant qu’autorités publiques, de nommer un DPO[2].

En avril 2022, certaines communes n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité et n’avaient pas répondu au courrier de l’autorité de contrôle relevant l’absence de la désignation d’un DPO en leur sein[3]. Par conséquent, le 25 avril 2022, la présidente de la CNIL, sur le fondement de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, a mis en demeure 22 communes de procéder à leur mise en conformité dans un délai de quatre mois. Compte tenu du caractère sensible que peuvent revêtir les missions des communes, de l’importance du rôle du DPO qui est obligatoire pour ces dernières et ce depuis l’entrée en vigueur du RGPD, ainsi que par la volonté d’informer les administrés concernés[4], la CNIL a décidé de rendre publiques ces mises en demeure en application du dernier alinéa du II de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée[5].

À l’issue de ce délai de quatre mois, la commune de Kourou, située dans la collectivité territoriale unique de Guyane, n’avait toujours pas procédé à la désignation d’un DPO. En outre, toutes les correspondances de la CNIL à son égard étaient restées sans réponses, ce qui constitue un manquement de la part de la commune à l’obligation de coopération avec l’autorité de contrôle prévue par l’article 31 du RGPD[6].

Face à cette situation, une procédure de sanction simplifiée a été engagée le 8 février 2023 à l’encontre de la commune de Kourou. Cette dernière a été condamnée, par le Président de la formation restreinte de la CNIL, à une amende de cinq mille euros pour les manquements aux articles 31 et 37-1-a) du RGPD et à une injonction de désigner un DPO dans un délai de trois mois à partir de la notification de la décision, soit le 25 février 2023[7].

Cette décision ainsi que sa notification étant également restées sans réponse et la commune n’ayant toujours pas procédé à sa mise en conformité, la formation restreinte de la CNIL a prononcé, cette fois dans le cadre de la procédure ordinaire, une nouvelle sanction à l’encontre de la commune le 12 décembre 2023. L’amende s’élève à un montant de cinq mille euros, accompagnée d’une injonction de se conformer dans un délai de deux mois, assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retard. De plus, la commune a été tenue de publier pendant quatre jours un message d’information, concernant cette décision rendue par la formation restreinte de la CNIL, sur son site web. En raison de la gravité et de la persistance des manquements, il a également été décidé que cette sanction soit rendue publique[8].

 

[1] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, « Non-désignation d’un délégué à la protection des données : la CNIL sanctionne la commune de Kourou », 19 décembre 2023 [https://www.cnil.fr/fr/non-designation-dun-delegue-la-protection-des-donnees-la-cnil-sanctionne-la-commune-de-kourou].

[2] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, « La CNIL met en demeure vingt-deux communes de désigner un délégué à la protection des données », 31 mai 2022 [https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-met-en-demeure-vingt-deux-communes-de-designer-un-delegue-la-protection-des-donnees]

[3] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[4] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[5] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 5 mai 2022, Délibération MEDP-2022-001

[6] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

[7] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

[8] Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, 12 décembre 2023, délibération SAN-2023-018

Retour sur le procès de Monique OLIVIER : entre attente légitime des familles de victime et déception

La Cour d’Assises des Hauts-de-Seine a jugé Madame Monique OLIVIER du 28 novembre au 19 décembre 2023 pour trois complicités de meurtres aggravés jalonnant le parcours criminel du couple qu’elle formait avec Michel FOURNIRET, celui de Marie-Angèle DOMECE en 1988, Joanna PARRISH en 1990 et Estelle MOUZIN en 2003.

Madame Monique OLIVIER a été condamnée à la perpétuité assortie de 20 ans de sureté. Cette décision est devenue définitive en l’absence de d’appel des parties.

Ces trois victimes avaient des parcours de vie très distincts puisqu’elles avaient des âges différents, des personnalités différentes, venaient de milieu voire de pays différents.  Leur seul point commun a été leur tragique rencontre avec le couple de tueurs en série FOURNIRET / OLIVIER, sur plus d’une décennie d’écart, exposant l’incapacité de notre système à les mettre hors d’état de nuire sur le temps long.

Fin 2023, après de longues années d’errance judiciaire pour les familles DOMECE, PARRISH et MOUZIN, Madame Monique OLIVIER a enfin pu être jugée pour ces trois faits, ce qui n’a pas été le cas de son ancien époux, Michel FOURNIRET, décédé le 10 mai 2021, emportant avec lui ses secrets.

Ces familles attendaient donc bien évidemment ce procès, qui était l’aboutissement pour elles d’un long combat au cours duquel elles se sont battues pour connaitre la vérité sur le sort de leur proche. En effet, il est sûr que ces dossiers n’auraient pas pu aboutir sans le combat des familles et de leurs conseils, ce qui a été admis publiquement à l’audience. Ainsi, les parties civiles avaient une place très particulière dans cette audience, elle-même, hors du commun en raison de sa durée, un mois, du nombre de partie civile, une vingtaine et, surtout, de l’ancienneté des dossiers évoqués, plus de 35 ans après les faits pour le plus ancien.

Par ailleurs, ce procès était la troisième comparution de Madame Monique OLIVIER devant une Cour d’assises pour des faits criminels, et ce, alors même que la plupart des faits évoqués était en état d’être jugée en 2008 lors de la première audience devant la Cour d’assises des Ardennes. Ces choix procéduraux de ne pas audiencier tous les dossiers FOURNIRET / OLIVIER en même temps a valu 15 années supplémentaires de souffrance pour les familles, qui n’ont eu de cesse de se battre contre ces décisions.

Autre particularité de l’audience, elle était la première du Pôle National dédié au traitement des Crimes Sériels ou Non Elucidés (PNCSNE) rattaché au Tribunal judiciaire de Nanterre, qui a vu le jour à la suite de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance en l’institution judiciaire (articles 706-106-1 et suivants du Code de procédure pénale).

Cette création trouve son origine dans les dysfonctionnements mis en évidence dans ce type de dossier et la mauvaise appréhension par le système judiciaire des meurtres sériels en France.

Madame Sabine KHERIS, vice-présidente chargée de l’instruction et coordinatrice du Pôle, a d’ailleurs déclaré, au cours de cette audience, que ce Pôle aurait pu prendre le prénom d’une des trois victimes compte tenu de l’importance qu’elles ont eu dans la genèse de celui-ci. Dans ce contexte particulier, les parties civiles avaient énormément d’attente quant à cette audience, son déroulement et son dénouement.  En effet, elles souhaitaient que cette audience permette la reconnaissance de leur souffrance par l’institution judiciaire, qui l’a si longtemps ignorée voire parfois aggravée.

À titre d’illustration, la procédure concernant la disparition de Marie-Angèle DOMECE a fait l’objet d’une décision de classement par le magistrat instructeur 6 mois seulement après son ouverture. Autrement dit, il était attendu par les familles un autre visage de la justice, que l’institution se montre enfin à la hauteur.  Malheureusement, malgré l’engagement de femmes et d’hommes et la teneur de la décision de culpabilité rendue, cela n’a pas pu être totalement le cas, et ce, pour différentes raisons.

Tout d’abord, les parties civiles ont eu le regret de constater que la tenue de l’audience n’a pas permis d’obtenir des éléments supplémentaires sur le déroulement des faits de la part de l’accusée. En outre, l’audience a ainsi été marquée par de nombreux incidents avec le Président de l’audience. En effet, le Président de la Cour d’Assises a adopté tout au long de l’audience une position autoritaire, refusant toutes les demandes des parties, fixant son planning de manière unilatérale sans tenir compte des observations justifiées des parties. Sa présidence a également été marquée par sa méconnaissance de certains éléments du dossier et du parcours criminel des auteurs. Or, la procédure devant la Cour d’Assises a la particularité d’être une procédure totalement orale, ce qui signifie qu’il est impératif de rappeler l’ensemble des éléments de l’enquête, de mettre en lumière les éléments constitutifs de l’infraction et leur imputation à l’accusé (Se déduit de l’article 347 alinéa 3 du Code de procédure pénale). C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes ont été citées en qualité de témoin ou d’experts pendant les trois semaines et demie d’audience. Le rôle du Président est donc central puisque c’est lui a qui revient la charge d’entendre les témoins et experts cités à la barre ainsi que l’accusé et les parties afin que la Cour et les jurés puissent se forger leur intime conviction.

Les parties, parties civiles, parquet et défense, peuvent ensuite poser des questions, la défense devant systématiquement avoir la parole en dernier (Articles 312 et 346 du Code de procédure pénale). Ainsi, l’audition des témoins a été faite en dépit du bon sens et du minimum de respect qui est dû aux personnes se présentant à la barre, souvent avec beaucoup d’anxiété et d’appréhension. Les parties ont été particulièrement choquées par l’audition de Megan, une amie d’Estelle ayant fait l’objet d’une tentative d’enlèvement par un homme dans une camionnette blanche à Guermantes un jeudi, trois semaines avant les faits dont Estelle a été la victime. La similarité de cette tentative avec les faits dont Estelle a été la victime rendait ce témoignage d’une importance particulière parce que ce témoin a peut-être vu le meurtrier. Cependant, le Président au cours de l’audition de cette enfant devenue jeune femme a très lourdement insisté auprès d’elle en lui reprochant notamment de s’être « désintéressé du dossier » et de ne pas avoir appelé la police pour leur dire qu’elle reconnaissait Michel FOURNIRET comme étant l’homme qui avait tenté de l’enlever.  L’intensité des questions et la façon dont le témoin a été invectivé publiquement à la barre ont manqué de provoquer chez elle un malaise à tel point que les conseils des parties civiles ont dû lui apporter une chaise pour qu’elle puisse s’assoir et un verre d’eau pour qu’elle reprenne ses esprits.

De la même manière, le Président de l’audience a refusé d’interroger au fur et à mesure l’accusée sur les déclarations des témoins et experts et a également réduit le nombre d’interrogatoire sur le fond de Madame Monique OLIVIER.

À l’instar d’autres sessions devant d’autres Cour d’Assises, il est profondément regrettable de constater que l’accusée a été entendue sur des plages horaires précises selon un planning prédéfini faisant obstacle à toute spontanéité dans sa parole et entravant, par la même occasion, la manifestation de la vérité à l’audience. En effet, cette manière de mener les débats a pour désavantage d’empêcher tout fait d’audience, toute confrontation entre les témoins, l’accusée et les éléments du dossier. En l’occurrence, cela a malheureusement contribué à l’absence de nouveaux éléments sur les faits.

Le Cabinet, par le biais de conclusions d’incident, a tenté de sensibiliser la Cour d’Assises sur ce sujet dans le but de pouvoir interroger l’accusée à des moments qu’il jugeait opportun pour la manifestation de la vérité. Par exemple, après une longue bataille avec le Président pour confronter Monique Olivier à certains témoins, il a été fait droit partiellement à cette demande, en particulier en présence du fils unique du couple FOURNIRET/OLIVIER, Sélim. La démarche a permis de montrer à la Cour un autre visage de Monique Olivier, totalement différent de celui qu’elle présentait jusqu’alors et d’assister à un échange très personnel entre elle et son fils. Cet élément était intéressant pour la manifestation de la vérité puisqu’il était noté par tous les experts psychiatres et psychologues une dichotomie de son comportement, entre la femme âgée tremblante devant les juges et celle sûre d’elle capable de commettre des faits terribles, qui a fait face aux victimes.

Parallèlement à la question de la place laissée à la parole de l’accusée, les familles représentées par le Cabinet ont pu s’insurger contre la liberté de ton de certains témoins et experts dérapant, pour certains, en dehors du cadre et en totale violation de leurs obligations déontologiques et/ou professionnelles. C’est le cas, à titre d’exemple, des enquêteurs du Service Régional de la Police Judiciaire (SRPJ) de Versailles, ayant travaillé sur le dossier lié à la disparition d’Estelle MOUZIN. En effet, il est habituel en Cour d’assises que les directeurs d’enquêtes viennent exposer à la barre le compte-rendu de leurs investigations. Le dossier MOUZIN a la particularité d’avoir été traité par des services enquêteurs différents, le SRPJ de Versailles dépendant de la police judiciaire, puis, la section de recherche de Dijon rattachée à la gendarmerie nationale. De fait, ce dossier a connu des directeurs d’enquêteurs distincts au fur et à mesure du temps.

C’est grâce à la saisine de nouveaux enquêteurs que ce dossier a pu être élucidé.

Or, les premiers enquêteurs saisis, en échec par rapport à l’élucidation de ce crime, ont été cités à comparaître. Ainsi, un haut responsable de la police est venu à la barre exposer l’enquête de ses services et, peut-être, par peur de critiques, a également souhaité s’exprimer sur l’enquête postérieure à la sienne, dont il n’a eu connaissance que par voie de presse pour exposer son sentiment par rapport à la culpabilité de l’accusée.  Cette attitude non professionnelle et qui illustre l’opposition gendarmerie / police dont les victimes souffrent dans tant de dossiers, nous a également poussé à intervenir et à demander que sa parole soit recadrée par le Président à la stricte intervention dans le dossier MOUZIN des services du SRPJ de Versailles.

Les parties civiles ont donc eu du mal à comprendre qu’autant de tension puisse être présente au cours de cette audience alors qu’il s’agissait d’un dossier pour lequel les faits été reconnus par l’accusée. Les parties civiles et leurs conseils ont dû subir cette nouvelle maltraitance institutionnelle tout au long de cette audience qui aurait pourtant dû avoir une fonction réparatrice des erreurs du passé.

En définitive, le troisième procès de Madame Monique OLIVIER, le seul où elle était seule dans le box, par les aspects évoqués, n’a pas été à la hauteur de l’attente légitime des familles de victime, qui espèrent désormais que des leçons seront tirées par l’institution judiciaire de ses errements.

C’est d’ailleurs dans cette démarche qu’un recours en responsabilité pour fonctionnement défectueux des services judiciaires de l’État a été engagé par Monsieur Eric MOUZIN, père d’Estelle, devant le Tribunal judiciaire de Paris, ainsi qu’une action par-devant la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de l’article 2 de la Convention par l’Etat français, à savoir le respect du droit à la vie.

Ces procédures sont pendantes et auront pour finalité de trancher la question de la responsabilité des services judiciaires et policiers ainsi que de l’Etat français lui-même dans le traitement du dossier lié à la disparition d’Estelle.

Didier SEBAN et Marine ALLALI

ICPE : Renforcement de la prévention des risques incendies et de la sécurité et au sein de certaines installations de gestion de déchets

Arrêté du 22 décembre 2023 modifiant plusieurs arrêtés ministériels relatifs aux installations de gestion de déchets soumises à enregistrement

Arrêté du 22 décembre 2023 modifiant l’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation

 

Le régime applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement a fait l’objet de trois arrêtés, parus le 22 décembre 2023 afin de lutter contre les risques d’incendie et renforcer la prévention des risques accidentels liés à la gestion des déchets.

1°) Le premier arrêté cité introduit un certain nombre de prescriptions qui doivent permettre à l’exploitant de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et stockant des déchets de prévenir le risque d’incendie sur son site. Applicable aux installations soumises à autorisation nouvelles et existantes – sauf mention contraire – il s’applique, selon les articles, aux rubriques suivantes :

  • 2710 (collecte de déchets apportés par le producteur initial) ;
  • 2712 (moyens de transport hors d’usage) ;
  • 2718 (transit, regroupement ou tri de déchets dangereux) ;
  • 2790 (traitement de déchets dangereux) ;
  • 2791 (traitement de déchets non dangereux).

L’arrêté complète le cadre règlementaire existant par l’ajout de prescriptions en matière de détection et de surveillance des incendies et plus particulièrement dans les zones susceptibles de contenir des déchets combustibles ou inflammables. L’exploitant doit notamment élaborer un plan de défense contre l’incendie (article 5) et doter son installation d’un système d’alerte des services d’incendie et de secours (article 6).

D’autres articles sont applicables uniquement à certaines rubriques. Ainsi, les installations soumises aux rubriques 2712, 2718, 2790 et 2791 doivent mettre en place un système de détection automatique de départ d’incendie et de transmission automatique des alertes (article 3). Ce dispositif doit être complété par des rondes (article 4). De plus, les déchets combustibles ou inflammables doivent être entreposés dans des îlots, selon des règles de distances et de dimensionnement précisés au sein de l’arrêté (article 9). Quant aux installations accueillant des moyens de transport hors d’usage (rubrique 2712), elles doivent prévoir une zone de stockage temporaire ainsi qu’un processus de dépollution (article 7) ; le traitement des déchets fait l’objet de dispositions spécifiques notamment en termes de traçabilité (article 10) et de tri (articles 8 et 11).

2°) Visant également la prévention du risque incendie, l’arrêté relatif aux installations de gestion des déchets soumises au régime de l’enregistrement concerne plus particulièrement les rubriques suivantes :

  • 2710, (collecte de déchets apportés par le producteur initial) ;
  • 2711, (déchets d’équipements électriques et électroniques) ;
  • 2712, (moyens de transport hors d’usage) ;
  • 2713, (métaux ou déchets de métaux non dangereux, d’alliage de métaux ou de déchets d’alliage de métaux non dangereux) ;
  • 2714, (déchets non dangereux de papiers/cartons, plastiques, caoutchouc, textiles, bois) ;
  • 2716 (déchets non dangereux non inertes).

Son contenu est similaire au premier arrêté cité, puisqu’il ajoute de nouvelles dispositions en matière de prévention du risque d’incendie (plan de défense contre l’incendie, moyen d’alerte des services d’incendie et de secours, îlotage, détection automatique de départ d’incendie, rondes…).

À noter les rubriques 2712-1 (véhicules terrestres hors d’usage) et 2712-3 (déchets issus de bateaux de plaisance ou de sport) font l’objet d’un article spécifique concernant les émissions de polluants : les fluides susceptibles de se disperser dans l’atmosphère doivent être recueillis et stockés au sein d’une cuve étanche (article 4). Plus généralement, l’arrêté prévoit des conditions de stockage spécifiques pour certains déchets (par exemple les batteries).

3°) Enfin, l’arrêté relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations soumises à autorisation encadre plus précisément les risques liés au vieillissement des équipements et réglemente la gestion des déchets ayant des propriétés équivalentes aux substances ou mélanges dangereux.

Concessions de distribution d’électricité : pas de suspension des modifications unilatérales apportées par le SIPPEREC à la clause relative à l’indemnité de fin de contrat du concessionnaire

Par une décision en date du 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat a rendu une nouvelle décision s’inscrivant dans le différend qui oppose le Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour les Energies et les Réseaux de Communication (ci-après, SIPPEREC), dont Seban Avocats est le conseil, au Préfet et à la société Enedis, au sujet des clauses contractuelles régissant les flux financiers qui interviendraient en cas de résiliation anticipée ou de fin définitive sans renouvellement des contrats de concession de distribution d’électricité dont la société précitée est le concessionnaire (aux côtés de la société EDF au titre de la mission de fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente).

Par trois délibérations du 16 décembre 2021, le SIPPEREC avait apporté des modifications unilatérales à la clause contenue dans chacun des trois contrats de concession de distribution d’électricité le liant à la société Enedis relative à l’indemnisation due au concessionnaire en cas de fin anticipée du contrat ou de non-renouvellement de celui-ci à son échéance. Le SIPPEREC estimait en effet que cette clause était illicite au regard des principes généraux posés en matière d’indemnisation du concessionnaire au titre du retour anticipé des biens de retour par la décision de principe Commune de Douai (CE, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788) et mis en œuvre en matière de concessions de distribution d’électricité par la Cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 8 décembre 2020, n° 20NC00843 ;arrêt devenu définitif). Après avoir tenté en vain de modifier par voie d’avenant cette clause, le SIPPEREC avait entendu faire usage de son pouvoir de modification unilatérale pour purger les trois contrats de l’illégalité qui les affectait.

Estimant ces délibérations illicites, le Préfet de Paris, Préfet de la Région Ile de France, avait alors saisi la juridiction administrative d’un déféré préfectoral, d’une part, et d’un déféré suspension d’autre part. Par des ordonnances du 21 mars 2022 et du 18 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris, puis la Cour administrative d’appel de Paris, avaient successivement donné raison au Préfet (au soutien duquel la société Enedis était intervenue) dans le cadre de la procédure de déféré suspension.

Toutefois, par une décision en date du 8 mars 2023 qui sera mentionnée aux Tables (CE, 8 mars 2023, SIPPEREC, n° 464619), le Conseil d’Etat, saisi par le SIPPEREC, avait alors reprécisé et redéfini les contours du pouvoir de modification unilatérale dont dispose la personne publique cocontractante. Aux termes de cette décision, on retiendra en synthèse, d’une part, que la correction d’irrégularités affectant les clauses d’un contrat administratif constitue un motif d’intérêt général justifiant, en tant que tel, la mise en œuvre du pouvoir de modification unilatérale, et ce y compris si l’irrégularité concerne des clauses financières, et d’autre part, que la possibilité de mettre en œuvre le pouvoir de modification unilatérale pour purger le contrat d’une illégalité est conditionnée au caractère divisible du reste du contrat de la clause concernée.

Par cette même décision du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat avait annulé l’ordonnance du 18 mai 2022 et renvoyé à la Cour administrative d’appel de Paris le soin de se prononcer sur l’affaire dans le cadre ainsi redéfini.

Cette dernière a, par une ordonnance du 17 avril 2023, annulé l’ordonnance initiale du Tribunal administratif de Paris du 21 mars 2022 et rejeté les demandes de suspension des délibérations du SIPPEREC, estimant qu’en l’état de l’instruction, aucun des moyens du Préfet et de la société Enedis « tirés de l’impossibilité de modifier unilatéralement les clauses financières d’une concession, alors qu’il n’est pas établi que l’équilibre financier du contrat serait compromis, de l’absence d’intérêt général et de l’absence d’illégalité des clauses modifiées, alors que la valeur des biens de retour indemnisables en fin de contrat ne peut dépasser légalement leur valeur nette comptable, de l’indivisibilité des clauses d’indemnité de fin de contrat des autres clauses des concessions et de la méconnaissance du principe de loyauté contractuelle, ne [paraissait] propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées ». (CAA Paris,17 avril 2023, n° 23PA01061).

Dans sa décision du 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat se prononce sur les pourvois formés par l’Etat et Enedis à l’encontre de cette ordonnance du 17 avril 2023, qu’il confirme.

A cet égard, le Conseil d’Etat commence par rappeler le cadre juridique applicable en reprenant le considérant de principe posé par sa décision susmentionnée du 8 mars 2023 (considérant n° 4) ainsi que celui résultant notamment de la décision Commune de Douai relatif à l’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat (considérant n°5).

Puis, à la lumière de ces principes, le Conseil d’Etat relève d’abord que les requérants se bornent à soutenir que les clauses unilatéralement modifiées ne sont pas identiques à celles que la Cour administrative d’appel de Nancy a jugées illégales par l’arrêt susmentionné du 8 décembre 2020 et qu’en conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris, qui a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point, n’a pas dénaturé les faits et pièces du dossier ou commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l’illégalité des clauses modifiées ne paraissait pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations contestées.

Autrement dit, le Conseil d’Etat considère que ni l’Etat, ni Enedis, n’ont démontré l’illégalité de la modification apportée par le SIPPEREC au regard des clauses initiales.

Enfin, s’agissant du critère tenant à la divisibilité des clauses unilatéralement modifiées, le Conseil d’Etat estime que la Cour administrative d’appel n’a pas davantage commis d’erreur en rejetant les moyens qui étaient soulevés devant elle et qui tenaient, d’une part, à l’indivisibilité des clauses compte tenu de leur portée dans l’équilibre du contrat et, d’autre part, à l’atteinte alléguée au principe de loyauté des relations contractuelles.

Cette décision du Conseil d’Etat marque ainsi la fin de la procédure de déféré suspension (équivalente au référé suspension lorsqu’elle est à l’initiative du Préfet au titre du contrôle de légalité) qui avait été initiée en parallèle du déféré préfectoral.

Il incombe donc désormais au Tribunal administratif de Paris de juger au fond de la légalité des délibérations du SIPPEREC et des clauses initialement contenues dans les contrats de concession de distribution d’électricité du SIPPEREC.

CE, 8 mars 2023, SIPPEREC, n° 464619

Comités de projets des installations de production d’énergie renouvelable : précisions réglementaires sur les installations concernées et les membres du comité

Le décret d’application de l’article L. 211-9 du Code de l’énergie, relatif aux comités de projets devant être mis en place par les porteurs de projet de production d’énergie renouvelable situés en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables, a été publié au journal officiel du 24 décembre 2023.

Aux termes de l’article L. 211-9 du Code de l’énergie, codifié par l’article 16 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergie renouvelable, dite loi APER, les porteurs de projet de production d’énergie renouvelable situés en dehors des zones d’accélération d’énergie renouvelable doivent mettre en place un comité de projet. Cette obligation concerne les projets :

  • Situés en dehors d’une zone d’accélération d’énergie renouvelable ;
  • Utilisant certaines technologies ;
  • D’une puissance supérieure ou égale à un seuil.

L’objectif annoncé de ces comités de projet est de permettre une meilleure acceptation locale des projets de production d’énergie renouvelable en associant les parties prenantes pour renforcer la concertation en amont. Adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, l’amendement portant ces comités de projet était en effet justifié comme suit : « ce comité a vocation à mettre autour de la table les différentes entités et personnalités intéressées par le projet d’énergie renouvelable, afin de pouvoir échanger à propos du projet et des blocages et adaptations potentielles » (Amendement n° 1717 présenté par MM Bricourt, Acquiviva, Bassire, Castellani et autres, le 1er décembre 2022 lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale).

Le décret présentement commenté précise les modalités pratiques de fonctionnement desdits comités de projet en insérant de nouveaux articles R. 211-5 à R. 211-10 dans la partie réglementaire du Code de l’énergie. Ces articles définissent notamment les installations de production d’énergie renouvelable concernées, la composition des comités ainsi que les éléments présentés par le porteur du projet aux membres des comités.

En premier lieu, aux termes du nouvel article R. 211-6 du Code de l’énergie, seules certaines technologies sont concernées par l’obligation de mettre en place des comités de projet. Ainsi, les installations utilisant les technologies suivantes seront concernées par l’obligation de mettre en place un comité de projet :

  1. Les éoliennes terrestres soumise à autorisation environnementale ;
  2. Les installations photovoltaïques d’une puissance strictement supérieure à 2,5 MWc ;
  3. Les installations de combustion de biomasse soumises à autorisation environnementale ;
  4. Les installations de méthanisation soumises à autorisation environnementale ;
  5. Les installations de géothermie soumises à autorisation environnementale ;
  6. Les installations hydrauliques placées sous le régime de la concession ;
  7. Les installations de production d’énergie renouvelable en mer faisant l’objet d’une procédure de mise en concurrence.

En deuxième lieu, le décret commenté précise la composition des comités de projet. Ainsi, aux termes du nouvel article R. 211-7 du Code de l’énergie :

« Le comité de projet est composé :

1° Pour les projets d’installations mentionnées aux 1° à 6° de l’article R. 211-6 :

    1. a) Du porteur de projet ;
    2. b) D’un représentant de chaque commune d’implantation du projet d’installation de production d’énergies renouvelables ;
    3. c) D’un représentant de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les communes mentionnées au b sont membres ;
    4. d) Lorsque l’installation relève de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, d’un représentant de chaque commune dont une partie du territoire est située à une distance, prise à partir du périmètre de l’installation, inférieure au rayon d’affichage fixé dans la nomenclature des installations classées pour la rubrique dont l’installation relève ;
    5. e) Lorsque l’installation ne relève pas de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, d’un représentant de chaque commune limitrophe des communes d’implantation du projet ».

La composition des comités de projet pour les installations de production d’énergie renouvelable en mer est adaptée aux circonstances particulières de ces technologies. En outre, la présence facultative du préfet, du gestionnaire des réseaux publics de distribution ou de transport concernés ou de tout autre partie intéressée est également envisagée (nouvel article R. 211-8 du Code de l’énergie).

En troisième lieu, le décret commenté dresse la liste des informations devant être présentées par le porteur de projet aux membres des comité de projet. Le porteur de projet devra ainsi notamment présenter, les objectifs du projet, ses principales caractéristiques, ses enjeux socio-économiques, son coût prévisionnel, sa puissance projetée, ses impacts potentiels significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire, les options de localisation envisagées, une justification du choix du site, et les options de raccordement envisagées.

En quatrième lieu, il convient de souligner que ces comités de projet sont organisés parallèlement aux enquêtes publiques et consultations déjà prévues par les Codes de l’environnement et de l’énergie. En outre, si le porteur de projet est bien dans l’obligation d’organiser ces comités, à ses frais, il ne sera pas lié par les observations adressées par les parties prenantes. Les comités de projet permettront donc aux acteurs locaux d’avoir une meilleure connaissance du projet en développement mais ils ne constitueront pas un levier juridique leur permettant d’empêcher le projet, à la différence des recours administratifs ou contentieux dirigés contre les diverses autorisations des projets.

Le décret pris dans ses dispositions codifiées, susvisées, entrera en vigueur six mois après sa publication au journal officiel, soit le 24 mai 2024.

Nouvel appel d’offres destiné à encourager la petite hydroélectricité

Un nouvel appel d’offres destiné à encourager le développement de la petite hydroélectricité a été publié le 18 décembre dernier par la Commission de Régulation de l’Energie.

Cet appel d’offres porte sur la réalisation et l’exploitation d’installations hydroélectriques nouvelles de puissance supérieure ou égale à 1 MW W, qui ne sont pas soumises au régime des concessions hydrauliques en application de l’article L. 511-5 du Code de l’énergie, et situées en France métropolitaine continentale.

L’appel d’offres sera divisé en trois périodes. Pour la première, la date limite de dépôt des offres est fixée au 4 mars 2024 et portera sur une puissance de 30 MW, la deuxième sera fixée du 18 novembre 2024 au 6 janvier 2025 et portera sur 35 MW, et la troisième correspondra à la période d 17 novembre 2025 au 5 janvier 2026 et portera sur 40 MW.

Solarisation et végétalisation des toitures : publication des textes d’application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation

Arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes

Les textes d’application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation ont été publiés aux journaux officiels des 20 et 29 décembre 2023. Déjà commentés lorsqu’ils étaient à l’état de projets dans notre lettre d’actualité juridique de juin (voir notre article ici), un décret et deux arrêtés viennent préciser le cadre réglementaire applicable à l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures des bâtiments.

Pour rappel, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures a été introduite par l’article 47 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Elle a par suite été précisée et étendue par l’article 101 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Cette obligation est désormais codifiée à l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après CCH). Les trois textes ici commentés viennent préciser le champ d’application de l’obligation et les cas d’exonérations (les deux arrêtés étant fortement similaires aux projets présentés en juin, nous renvoyons pour le commentaire de ceux-ci à notre précédente brève).

En premier lieu, concernant le champ d’application de l’obligation, plusieurs cas doivent être distingués. De première part, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures s’applique aux constructions de bâtiments de plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol. L’article L. 171-4 précité liste les bâtiments concernés par destination. Ainsi, seront soumis à l’obligation les « constructions de bâtiments ou parties de bâtiment à usage commercial, industriel ou artisanal, aux constructions de bâtiments à usage d’entrepôt, aux constructions de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale et aux constructions de parcs de stationnement couverts accessibles au public, lorsqu’elles créent plus de 500 mètres carrés d’emprise au sol ».

Aux termes de l’article 41 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, les bâtiments administratifs, les hôpitaux, les équipements sportifs, récréatifs ou de loisir et les bâtiments ou parties de bâtiments scolaires et universitaire seront également concernés par l’obligation à compter du 1er janvier 2025.

Le décret n°2023-1208 du 18 décembre 2023 présentement commenté apporte des précisions sur les bâtiments concernés par l’obligation. En codifiant le nouvel article R. 171-32 dans le Code de la construction et de l’habitation, le décret précise que la notion de bâtiment doit être entendue au sens de l’article L. 111-1 du CCH, soit comme « un bien immeuble couvert et destiné à accueillir une occupation, une activité ou tout autre usage humain ». L’article précité indique par ailleurs que l’obligation ne s’applique que si plus de la moitié du bâtiment est affectée à l’une des destinations visées par l’article L. 171-4 précité.

De deuxième part, l’obligation de solariser ou de végétaliser s’applique également aux parcs de stationnement, tout en étant adaptée à ces surfaces particulières. En effet, L’article L. 171-4 du CCH dispose : « les aires de stationnement associées aux bâtiments ou parties de bâtiments mentionnés au II du présent article, lorsqu’elles sont prévues par le projet, doivent également intégrer des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols. ». En outre, cette obligation résulte également de l’article L. 111-19-1 du Code de l’urbanisme, qui doit être lu en combinaison avec l’article L. 171-4 précité.

On retiendra que les parcs de stationnement de plus de 500 mètres carrés doivent notamment prévoir des dispositifs de végétalisation favorisant la perméabilité des sols ainsi que des dispositifs d’ombrage, doté de dispositifs de production d’énergie renouvelable lorsqu’ils sont matérialisés par des ombrières.

Le décret vient préciser les catégories de parcs de stationnement concernées par l’obligation. Ainsi, aux termes du nouvel article R. 111-25-1, les parcs de stationnement concernés « sont ceux qui ne sont pas intégrés à un bâtiment ». De plus, le décret détaille la superficie devant être prise en compte pour le calcul de la surface du parc de stationnement concernant les dispositifs de gestion des eaux pluviales (article R. 111-25-3) et les dispositifs d’ombrage (article R. 111-25-7).

De troisième part, l’obligation de solariser ou de végétaliser les toitures s’applique également aux cas d’extension et de rénovation lourde. Si l’article L. 171-4 du CCH précise que l’obligation ne concerne que les extensions et rénovations lourdes ayant une emprise au sol de plus de 500 mètres carrés (ou 1000 mètres carrés pour les bâtiments à usage de bureau), il ne donnait pas de définition de la notion de rénovation lourde.

L’article R. 171-33 du CCH, codifié par le décret commenté, donne désormais une définition aux travaux de rénovation lourde, qui sont « ceux qui ont pour objet ou qui rendent nécessaire le renforcement ou le remplacement d’éléments structuraux concourant à la stabilité ou à la solidité du bâtiment ».

En outre, aux termes de l’article L. 171-4 du CCH, les rénovations lourdes de parcs de stationnement peuvent également être concernées par l’obligation de solariser ou de végétaliser. Le nouvel article R. 111-25-2 du Code de l’urbanisme, codifié par le décret, définit ces rénovations lourdes comme « le remplacement total du revêtement de surface au sol sur une superficie représentant au moins la moitié de la superficie du parc de stationnement ».

En deuxième lieu, le décret détaille les cas d’exonérations de l’obligation de solariser ou de végétaliser et fixe la procédure applicable. Le IV. de l’article L. 171-4 du CCH prévoit que l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme peut prévoir que tout ou partie des obligations ne s’appliquent pas :

« 1° Aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou de parties de bâtiment qui, en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales, ne permettent pas l’installation des procédés et dispositifs mentionnés au I, notamment si l’installation est de nature à aggraver un risque ou présente une difficulté technique insurmontable ;

2° Aux constructions et extensions ou rénovations lourdes de bâtiments ou parties de bâtiment pour lesquels les travaux permettant de satisfaire cette obligation ne peuvent être réalisés dans des conditions économiquement acceptables ».

Le décret détaille tour à tour les cas d’exonération envisageables pour les travaux de construction, d’extension ou de rénovation lourde ; il en va ainsi des exonérations liées à des :

  • Contraintes patrimoniales : article R. 171-34 du CCH ;
  • Coûts disproportionnés : article R. 171-36 du CCH (le calcul de la disproportion des coûts est prévu par l’arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes) ;
  • Coûts de production d’énergie renouvelable excessifs : article R. 171-37 du CCH ;
  • Contraintes techniques : articles R. 171-38 à R. 171-40 du CCH ;
  • Contraintes architecturales : articles R. 171-38 et R. 171-41 du CCH ;
  • Contraintes de sécurité : article R. 171-42 du CCH.

Les exonérations relatives aux parcs de stationnement sont prévues par les nouveaux articles R. 111-25-4 à R. 111-25-6 et R. 111-25-9 à R. 111-28-15 du Code de l’urbanisme. L’exonération pourra donc être accordée par l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme. Le pétitionnaire devra joindre à sa demande d’autorisation une attestation comprenant un résumé non technique, les éléments qu’il estime nécessaire de produire et les éléments de justification propres à chaque cas d’exonération, prévus par les articles précités.

En troisième et dernier lieu, on précisera que les dispositions du décret et des deux arrêtés sont entrées en vigueur au 1er janvier 2024 (article 4 du décret, article 4 de l’arrêté relatif aux caractéristiques minimales que doivent respecter les systèmes de végétalisation installés en toiture et article 6 de l’arrêté précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes).

Enfin, aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l’article L. 171-4 du Code de la construction et de l’habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d’énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l’installation de ces systèmes, l’obligation de solariser ou de végétaliser s’appliquera progressivement sur une surface de plus en plus grande selon le calendrier suivant fixé à l’article 1er de l’arrêté du 19 décembre 2023 précité :

« Les obligations résultant du premier alinéa du I de l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation sont réalisées sur une surface au moins égale à 30 % de la surface de toiture du bâtiment construit ou rénové à compter du 1er janvier 2024, à 40 % à compter du 1er juillet 2026, et à 50 % à compter du 1er juillet 2027 ».

Concessions hydroélectriques prorogées : publication d’un décret encadrant les investissements des concessionnaires

Le cadre juridique applicable aux concessions hydroélectriques a été complété par un décret du 22 décembre 2023 portant diverses dispositions relatives à la fin des concessions d’énergie hydraulique. Son objet consiste à fixer un cadre aux investissements réalisés par les concessionnaires titulaires de concessions hydroélectriques prorogées en application de l’article L. 521-16 du Code de l’énergie.

On rappellera en effet de manière synthétique que ce mécanisme de prorogation permet que les concessions hydroélectriques arrivées à leur terme mais n’ayant pas donné lieu à l’organisation par l’Etat (qui est l’autorité concédante pour tous les ouvrages soumis au régime de la concession) d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en vue de leur renouvellement, soient prolongées selon le mécanisme des « délais glissants ».

Pour mémoire, à ce jour, l’Etat s’abstient en effet de lancer des procédures de publicité et de mise en concurrence en vue de procéder au renouvellement des concessions hydroélectriques échues. Or, cette absence de renouvellement, et le maintien en vigueur de concessions soumises aux « délais glissants » a déjà été considérée comme fautive par le juge administrative (CAA Paris, 17 juin 2022, n° 19PA02850 et n° 19PA02867).

Parmi les difficultés générées par le maintien de ces concessions pourtant échues, figure notamment la question des investissements devant être réalisés par les concessionnaires en vue de permettre le maintien des ouvrages en bon état de fonctionnement, de leur amortissement et de leur indemnisation éventuelle en cas de fin effective de contrat.

L’article L. 521-16 du Code de l’énergie dans sa rédaction issue de l’article 73 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a contribué à résoudre cette difficulté en créant la notion de « compte dédié » sur lequel doivent être inscrits, après accord de l’autorité administrative, les investissements « nécessaires pour assurer le maintien en bon état de marche et d’entretien de la future exploitation » et dont la part non amortie a vocation à être remboursée au concessionnaire sortant, à l’occasion du renouvellement effectif de la concession.

Le décret du 22 décembre 2023 complète le dispositif en créant un nouvel article R. 521-55-1 au sein du Code de l’énergie décrivant les modalités d’application du compte dédié créé par l’article L. 521-16 du Code de l’énergie et dans lequel peuvent être inscrites des dépenses. En particulier, le décret détaille le processus de validation en amont par le Préfet des projets de travaux envisagés, de leur montant et de leurs modalités d’amortissement, et postérieurement à leur réalisation, de la conformité desdits travaux aux projets initialement soumis et des dépenses effectivement exposées par le concessionnaire.