Urbanisme, aménagement et foncier
le 18/01/2024

Point sur le projet de décret sur l’agrivoltaïsme mettant en œuvre la loi ENR

Décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers

Le projet de décret ici commenté doit mettre en musique les dispositions de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables. Il fait l’objet d’une consultation du 26 décembre 2023 au 16 janvier 2024.

Pour rappel, la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’ENR visait notamment à permettre le développement du photovoltaîque en France. L’un des vecteurs de ce développement est celui de l’agrivoltaïsme.

Dans cette perpective donc, la loi ENR a d’abord inscrit à l’article L. 100-4 du Code de l’énergie l’objectif « d’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques, […] en conciliant cette oridyctuib avec l’activité agricole, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ».

Par la suite, la loi a donné une définition de l’agrivoltaïsme, qui ressort désormais de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie. Une installation agrivoltaïque est une « installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».

Les ouvrages correspondant à la définition précitée sont désormais considérés comme « nécessaire à l’exploitation agricole » ce qui permet leur installation en zone agricole ou, en l’absence de document d’urbanisme, en dehors des parties urbanisées de la commune.

S’agissant de l’installation des serres, des hangars et des ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques, ces équipements doivent correspondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative. En revanche, la loi prévoyait que l’implantation des ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire qui ne correspondent pas à la définition des installations agrivoltaïques : elle est beaucoup plus limitée.

Ces ouvrages ne peuvent être implantés qu’au sein d’une surface identifiée dans un document-cadre établi par arrêté préfectoral après consultation de la commission CDPENAF, des organisations professionnelles intéressées et des collectivités territoriales concernées et sur proposition de la chambre départementale d’agriculture pour le département concerné : seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale définie par décret (les sols ainsi identifiés sont intégrés en tout ou partie dans les zones d’accélération).

Les modalités techniques des installations doivent permettre qu’elles n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique, et que l’installation ne soit pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière.

En résumé, à l’issue de la loi ENR, les installations photovoltaïques en zone agricole sont classées en deux catégories :

  • Des installations agrivoltaïques au sens de l’article L.3 14-36 du Code de l’énergie, elles peuvent être implantées en zone agricole ;
  • Les installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestières, leur installation est bien plus encadrée.

L’article 1 du projet de décret vient d’abord compléter la notion de l’agrivoltaïsme tel que prévu à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie. Tout d’abord il précise des termes qui ressortent de la définition générale et législative :

  • Telle que la notion de « parcelle agricole», qui correspond, selon le projet de décret, « à une surface agricole continue, [supérieure ou égale à un are], présentant les mêmes caractéristiques ».
  • Ou bien encore la notion « d’agriculteur».

S’agissant ensuite des services que doit rendre l’installation agrivoltaïque au sens de la loi ENR, le projet de décret précise :

  • La définition du contenu du service relatif à « l’amélioration, du potentiel et de l’impact agronomiques» qui consiste « en une amélioration des qualités agronomiques du sol et en une augmentation du rendement de la production agricole, ou à défaut, au maintien, voire à la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local» ;
  • Du service relatif à « l’adaptation au changement climatique » qui consiste « en une limitation des effets néfastes du changement climatique débouchant sur une augmentation du rendement de la production agricole, ou à défaut, au maintien, voire à la réduction d’une baisse tendancielle observée au niveau local, ou sur une amélioration de la qualité de la production agricole » ;
  • Du service relatif à la « protection contre les aléas» qui « s’apprécie au regard de la protection apportée par les modules agrivoltaïques contre au moins une forme d’aléa météorologique, ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation faisant peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole à l’exclusion des aléas strictement économiques et financiers » ;
  • Du service relatif à « l’amélioration du bien-être animal» qui « s’apprécie au regard de l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux ».

D’autres définitions sont précisées par le projet de décret, s’agissant notamment de la condition tenant à la garantie pour l’agriculteur d’une production agricole significative et un revenu durable, notamment les notions de « zone témoin », de « significative », du « caractère durable » ou encore d’éventuelles conditions de participations de l’agriculteur au capital de la société de projet.

Enfin, l’article 1 donne les critères de définition de l’activité principale consacrée à l’activité agricole :

« 1° La superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque, hors locaux techniques non situés sur la parcelle, n’excède pas 10 % de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque. 

2° La hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement interrangées intègrent l’usage de l’exploitation, afin notamment d’assurer la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que le passage des engins agricoles si les parcelles sont mécanisables. 

3° Le taux de couverture de l’installation agrivoltaïque est défini comme le rapport entre la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur la parcelle agricole mentionnée à l’article R. 314-108 et la surface de la parcelle agricole définie à l’article R. 314-108, dans des conditions normales d’utilisation ».

L’article 2 est intitulé « Modalités de demande de l’autorisation d’urbanisme ».

L’instruction des autorisations d’urbanisme portant sur une installation agrivoltaïque ressort de la compétence du préfet, y compris pour les installations agrivoltaïques qui sont accessoires à une construction. Notamment, le projet de décret prévoit qu’une demande d’autorisation d’urbanisme en vue de l’implantation d’un ouvrage agrivoltaïque devra comprendre des éléments justifiant qu’il répond aux critères prévus par l’article L. 314-36 du Code de l’énergie :

  • Une description de la parcelle ;
  • des informations permettant d’apprécier que l’installation répond au moins à l’un des services que doivent rendre ces installations, et qu’il ne porte pas une atteinte substantielle à l’un de ces services ou une atteinte limitée à deux de ces services ;
  • des informations permettant d’apprécier que la production agricole est l’activité principale de la parcelle agricole ;
  • des informations permettant d’apprécier que la production agricole est significative et qu’elle assure des revenus durables à l’exploitant agricole ;
  • Le cas échéant, une description de la zone témoin ;
  • Une attestation certifiant que l’agriculteur est actif.

L’article 3 porte quant à lui sur les installations photovoltaïques compatibles avec l’activité agricole (mais qui n’entrent pas dans la définition de l’agrivoltaïsme, car elles ne sont pas nécessaires à l’activité agricole).

La loi rappelait que ces installations ne pouvaient être implantées que sur des surfaces identifiées dans un document cadres, au sein desquels seules peuvent être identifiées des terres réputées incultes ou des surfaces non exploitées depuis une certaine durée. Le décret vient préciser ces deux catégories d’emprises. Pour les terres réputées incultes, le décret précise qu’une terre doit être regardée comme telle quand elle répond à l’un au moins des critères suivants :

  • L’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au regard du territoire environnant en raison de ses caractéristiques topographiques, pédologiques et climatiques ou à la suite d’une décision administrative ;
  • Le site est un site pollué ou une friche industrielle ;
  • Le site est une ancienne carrière, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestière a été prescrite ou une carrière en activité dont la durée de concession restante est supérieure à 25 ans ;
  • Le site est une ancienne carrière avec prescription de remise en état agricole ou forestière datant de plus de 10 ans mais dont la réalisation est inefficace en dépit du respect des prescriptions de cessation d’activité ;
  • Le site est une ancienne mine, dont ancien terril, bassin, halde ou terrain dégradé par l’activité minière, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
  • Le site est une ancienne Installation de Stockage de Déchets Dangereux ou une ancienne Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux ou une ancienne Installation de Stockage de Déchets Inertes, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
  • Le site est un ancien aérodrome, délaissé d’aérodrome, un ancien aéroport ou un délaissé d’aéroport en domaine public ou privé ;
  • Le site est un délaissé fluvial, portuaire routier ou ferroviaire en domaine public ou privé ;
  • Le site est situé à l’intérieur d’un établissement classé pour la protection de l’environnement soumis à autorisation, à l’exception des carrières et des parcs éoliens ;
  • Le site est un plan d’eau ;
  • Le site est dans une zone de danger d’un établissement SEVESO pour laquelle la gravité des conséquences humaines d’un accident à l’extérieur de l’établissement est à minima importante défini selon l’annexe 3 de l’arrêté du 29 septembre 2005 ;
  • Le site est en zone d’aléa fort ou très fort d’un plan de prévention des risques technologiques ;
  • Le site est un terrain militaire, ou un ancien terrain, faisant l’objet d’une pollution pyrotechnique ;
  • Le site est situé dans une zone classée comme favorable à l’implantation de panneaux photovoltaïques dans le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’intercommunalité, le cas échéant;
  • Le site est situé sur un terrain forestier, à l’exception des catégories de forêts à forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole et d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages, listées par arrêté interministériel.

Pour ce qui est des surfaces non exploitées, ce sont celles non exploitées depuis au moins dix ans à la date de publication de la loi. Sont par ailleurs de facto exclues des documents cadres les périmètres de mise en œuvre d’un aménagement foncier agricole été forestier et les zones agricoles protégées.

L’article 4 porte sur la durée d’autorisation, le démantèlement et la remise en état après exploitation.

Selon le projet de décret, ces installations pourront être autorisées pour une durée maximale de 40 ans, qui seront prorogeables pour 10 ans renouvelables sous réserve que l’installation présente encore un rendement significatif.

A l’issue de cette durée il conviendra de remettre en l’état dans le délai d’un an, et le décret décrit les opérations de démantèlement et de remise en l’état qui seront à mettre en œuvre, et prévoit la possibilité par ailleurs la possibilité de subordonner l’autorisation d’urbanisme à la présentation et justification de garanties financières, qui imposent de consigner le montant à la caisse des dépôts et consignation.

L’article 5 précise la condition de réversibilité.

L’article 6 précise les contrôles et sanctions. Le projet de décret complète le code de l’énergie.

Il met en place un suivi agricole pour permettre de déterminer un retour d’expérience.

Le projet de décret instaure deux contrôles :

  • A la mise en service des installations qui est un contrôle du suivi du respect des conditions (s’agissant notamment du service rendu, de la réversibilité, etc.) ;
  • Un contrôle qui a lieu 6 ans après l’achèvement des travaux pour s’assurer de l’aspect agronomique (fonctions écologiques du sol, hydrauliques, compatibilité de l’installation avec l’activité agronomique, etc.).

Le projet de décret prévoit aussi un programme de suivi des opérations de démantèlement.  En outre, dans les textes projetés, sont organisés au sein du code de l’urbanisme des sanctions s’il est établi que l’installation n’est plus exploitée ou si les conditions de compatibilité avec l’activité agricole ne sont plus remplies. La consultation est désormais close, et de nombreux points du projet de décret sont encore susceptibles d’évoluer dans sa version finale.