Dès lors qu’un projet est soumis à étude d’impact, le dossier de permis de construire relatif à ce projet doit comprendre ladite étude et ce, alors même qu’elle ne serait pas exigée au titre du permis de construire

Le Conseil d’Etat a précisé les hypothèses dans lesquelles le dossier de permis de construire doit comprendre une étude d’impact en application des nouvelles dispositions de l’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles :

« Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L’étude d’impact ou la décision de l’autorité environnementale dispensant le projet d’évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l’autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale (…) ».

Confirmant l’analyse du juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, le Conseil d’Etat considère que « en vertu des dispositions nouvelles de l’article R. 431-16 du Code de l’urbanisme citées au point précédent (…), l’obligation de joindre au dossier de demande de permis de construire l’étude d’impact ou la décision de l’autorité environnementale en dispensant le projet concernait désormais tous les projets relevant du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement ».

Ainsi, dès lors qu’un projet est soumis à étude d’impact, le dossier de permis de construire relatif à ce projet doit comprendre ladite étude et ce, même si la soumission du projet à étude d’impact relève d’une législation autre que celle de l’urbanisme.

Le Conseil d’Etat prend ici en compte la nouvelle rédaction de l’article R. 431-16 qui vise désormais de manière indistincte les projets relevant du tableau annexé à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement (rédaction issue du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016) et non plus seulement les projets soumis à étude d’impact lorsque ladite étude est exigée « au titre du permis de construire » ( interprétation précédemment retenue par le Conseil d’Etat : CE CAMY 25 février 2015, req. n° 367335 ).

Sur la constitutionnalité du champ restrictif d’application de la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs

Par une décision du 6 avril 2018, le Conseil Constitutionnel a déclaré que l’article L. 561-1 du Code de l’environnement dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est conforme à la Constitution.e

Il convient de rappeler que l’alinéa 1er de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement dispose que :

« Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l’État peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation ».

Par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, le législateur a souhaité étendre le champ d’application de la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs à la suite des dommages causés par la tempête Xynthia ayant fortement impacté les côtes charentaises et vendéennes dans la nuit du 27 au 28 février 2010.

En l’espèce, un syndicat des copropriétaires d’un immeuble situé en Gironde, face à la mer, a indiqué que son immeuble se situant initialement à 200 mètres du rivage se trouvait désormais à 10 mètres environ dudit rivage par l’effet de l’érosion dunaire.

Compte tenu de cette circonstance, il a demandé au Préfet d’être exproprié sur le fondement de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement en raison du risque d’effondrement de cet immeuble lié au  risque naturel que constitue le phénomène d’érosion dunaire (encore appelé « érosion côtière »).

Le Préfet a refusé de faire droit à cette demande.

Le syndicat des copropriétaires a donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité en soutenant que les dispositions de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement méconnaissait, à son sens :

–          1°) Le principe d’égalité devant la loi dans la mesure où elles créeraient une différence de traitement injustifiée entre le propriétaire d’un bien situé sur un terrain exposé au risque d’érosion côtière et le propriétaire d’un bien menacé par l’un des risques mentionnés à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement et, plus particulièrement, le risque de mouvements de terrain lié à une cavité souterraine ou à une marnière. En définitive, le syndicat des copropriétaires reproche au dispositif législatif prévu à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement d’avoir un champ d’application trop restrictif.  

–          2°) Le droit de propriété dès lors que, faute de pouvoir bénéficier des dispositions précitées, le propriétaire d’un bien immobilier évacué par mesure de police en raison du risque d’érosion côtière se trouverait exproprié sans indemnisation.

Dans sa décision du 6 avril 2018, le Conseil Constitutionnel juge les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement conformes à la Constitution.

1°) Sur le principe d’égalité devant la loi :

  • Le Conseil constitutionnel retient que, en droit, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
  • Faisant application de cette règle de droit, le Conseil constitutionnel juge, en l’espèce, que :
  • Le législateur a créé cette procédure d’expropriation pour risque naturel aux fins de protéger les vie des personnes habitant dans les logements exposés à certains risques naturels. En ce sens, le législateur n’a pas entendu instituer un dispositif de solidarité pour tous les propriétaires d’un bien exposé à un risque naturel mais uniquement à permettre l’expropriation des biens exposés à certains risques naturels limitativement énumérés.
  • Le législateur peut étendre cette procédure à d’autres risques naturels mais peut donc également traiter différemment le propriétaire d’un bien exposé à un risque d’érosion côtière et celui exposé à l’un des risques visés à l’article L. 561-1, al.1 du Code de l’environnement, car ces personnes sont placées dans des situations différentes.

Ainsi, le principe d’égalité devant la loi n’a pas été méconnu par les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement.

2°) Sur le droit de propriété :  

Le Conseil constitutionnel énonce que :

  • L’objet principal de la procédure d’expropriation est de priver le propriétaire de son bien. Ainsi, le refus d’engager une procédure d’expropriation à l’encontre d’une personne ne peut être regardé comme une atteinte au droit de propriété.
  • Si le maire dispose de la possibilité de prescrire l’exécution de mesures de sûreté dans le cadre de son pouvoir de police pour prévenir les accidents naturels, en ce compris l’érosion côtière, le Conseil constitutionnel n’est pas saisi des dispositions l’habilitant à agir sur ce fondement.

Ainsi, par sa décision, le Conseil constitutionnel énonce que les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Suivi législatif de la proposition de loi sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement » : échec de la Commission Mixte Paritaire

On rappellera que le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et communauté d’agglomération au 1er janvier 2020, prévu par la loi NOTRe du 7 août 2015, a conduit au dépôt d’une proposition de loi en cours de discussion, de nature à faire évoluer cette obligation.

Alors que l’Assemblée Nationale proposait principalement de décaler le transfert de compétences à 2026, le texte adopté par le Sénat diffère nettement de cette proposition. Pour rappel, les Sénateurs ont voté l’abrogation des dispositions de la loi NOTRe qui prévoyaient le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement, afin de pérenniser leur caractère optionnel.

La Commission Mixte Paritaire chargée de proposer un texte s’est alors réunie le 17 mai dernier. Cette dernière n’est cependant pas parvenue à un accord en raison du caractère inconciliable de la position des deux Assemblées sur le sujet.

L’Assemblée Nationale examinera donc de nouveau prochainement la proposition. Si le texte de l’Assemblée est adopté définitivement, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » pourrait n’avoir lieu qu’au 1er janvier 2026, pour les seules communautés de communes et aux conditions cumulatives suivantes :

–          d’une part, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de la communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, devraient avoir délibéré en ce sens ;

–          d’autre part, les communautés de communes dont les membres souhaitent mettre en œuvre cette faculté de report ne doivent pas exercer ces deux compétences, à titre optionnel ou facultatif, à la date de publication de la loi.

La position de l’Assemblée sur la question de la gestion des eaux pluviales, et plus précisément sur l’intégration ou non de cette activité au sein de la compétence assainissement doit être regardée avec attention également.

Affaire à suivre donc…

Suite de l’article paru le 3 mai 2018 à la Lettre d’actualités énergie et environnement

Evaluation environnementale : le Conseil d’Etat affirme que l’évaluation environnementale d’un plan ou programme peut être requise même sans texte réglementaire

Le Conseil d’Etat a tranché une question déjà soulevée à plusieurs reprises devant le juge administratif (CAA Douai, 16 juin 2016, n° 15DA00170 ) concernant l’évaluation environnementale des plans et programmes.

En effet, par une décision n°408887 en date du 16 mai 2018, la Haute juridiction administrative a jugé que l’évaluation environnementale d’un plan ou programme peut être requise sur le seul fondement de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement.

Dans cette affaire, les requérants demandaient l’annulation d’un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et du schéma régional éolien (SRCAE) au motif, notamment, que ces derniers n’ont pas fait l’objet d’une étude environnementale ni d’une étude d’impact. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à leur demande le 12 janvier 2017 puis cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi auprès du Conseil d’Etat.

L’évaluation environnementale des plans et programmes instituée par la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2011 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes pour l’environnement est transposée à l’article L.122-4 du Code de l’environnement.

Le Conseil d’Etat juge, qu’aux termes de cet article, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie ainsi que le schéma régional de l’éolien « doivent être regardés comme définissant, au sens des dispositions du I de l’article L.122-4 du code de l’environnement, le cadre de mise en œuvre de travaux et projets d’aménagement entrant dans le champ d’application de l’étude d’impact dans les domaines, notamment, de l’industrie, de l’énergie et des transports ». Ces schémas doivent, en conséquence, faire l’objet d’une évaluation environnementale.

Ainsi, cet arrêt indique que l’article L. 122-4 du Code de l’environnement imposait, par des dispositions suffisamment précises, la réalisation d’une telle évaluation, sans qu’il fût nécessaire qu’un texte réglementaire le prescrivît explicitement.

Le Conseil d’Etat confirme ainsi la décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux.

Un EPCI jugé irrecevable à se pourvoir contre un jugement rendu en matière de TEOM

Le Conseil d’Etat, par un arrêt rendu le 11 avril 2018, vient rappeler les règles relatives aux personnes ayant qualité à agir en matière de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Les faits de l’espèce portent sur une société civile immobilière qui était propriétaire de deux immeubles sur une commune et qui a demandé au Tribunal administratif de prononcer la décharge des cotisations de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2014.

Le Tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande dans un jugement du 30 novembre 2016.

A la suite de cette décision, la Communauté d’agglomération bénéficiaire de la TEOM a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

A cette occasion, le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les règles régissant les taxes d’enlèvement des ordures ménagères qui se trouvent à l’article 1520 du Code général des impôts (CGI) et au II de l’article 316 de l’annexe II de ce code.

Il indique notamment que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, qui revêt le caractère d’un impôt local, est établie, liquidée et recouvrée par les services de l’Etat pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Et la commune ou l’établissement public de coopération intercommunal sont les bénéficiaires légaux de cette taxe au motif que cette taxe est instaurée pour pourvoir aux dépenses des services de collecte et de traitement des déchets.

Le Conseil d’Etat se penche ensuite plus précisément sur la disposition II de l’article 316 de l’annexe II du code général des impôts, qui énonce que :

« II. Les rôles de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sont établis et recouvrés et les réclamations présentées, instruites et jugées comme en matière de contributions directes ».

Par conséquent, selon cette disposition, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères se voit appliquer le même régime que les impôts directs locaux.

Le Conseil d’Etat en conclut que les services de l’Etat constituent l’entité compétente en matière de recouvrement de ces taxes et que ces derniers sont donc les seuls à avoir la qualité à agir dans un litige portant sur l’assiette et le recouvrement de la TEOM, la communauté d’agglomération, auteur du pourvoi et absente du contentieux en première instance est alors jugée irrecevable à former un tel recours.

Vers une prolongation de l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau

Lors des discutions sur le projet de loi ‎portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), les députés ont pris la décision de proposer la prolongation de l’expérimentation sur la tarification sociale de l’eau.
L’expérimentation de la tarification sociale de l’eau trouve son origine à l’article 28 de la loi n°2013-312 du 15 avril 2013, dite « loi Bottres ». Les collectivités territoriales ou leurs groupements pouvaient définir des tarifs sociaux tenant compte des revenus et de la composition du foyer, ou attribuer une aide financière au paiement des factures d’eau. Cette expérimentation devait prendre fin le 15 avril 2018.
Cette démarche avait pour but de réduire le poids de la facturation en eau pour les plus démunis et prévoyait que les opérateurs en charge des services publics d’eau potable et d’assainissement aient la possibilité de verser volontairement une subvention au Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) d’un montant qui ne pouvait excéder 2 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues, contre 0.5% dans le cas des collectivités non engagées dans cette expérimentation.
Cette tarification sociale de l’eau s’inscrit dans un objectif plus large qui est celui de disposer d’un logement décent. Le conseil constitutionnel a rappelé dans une décision n° 2015-470 QPC du 29 mai 2015 que le législateur, pour la poursuite du respect d’un objectif à valeur constitutionnelle qu’est le logement décent, devait garantir l’accès à l’eau.

C’est ce qui explique que les discussions sur cette prolongation de l’expérimentation sur la tarification sociale de l’eau ont lieu à l’occasion des débats parlementaires de la loi sur le logement (ELAN), qui comporte à ce stade un article 55 quinquies prévoyant une prorogation du dispositif d’expérimentation jusqu’au 15 avril 2021.
Le dispositif de la loi Brottes a été concrètement mis en place à compter du décret n° 2015-416 du 14 avril 2015 qui fixait la liste des 50 territoires retenus pour participer à l’expérimentation.
Il semble que le rapport publié par le Comité national de l’eau en avril 2017 et le premier bilan fin 2017 aient abouti au constat de l’impossibilité de dégager des résultats concluants, ce qui a poussé les parlementaires à vouloir proroger ces expérimentations pour trois ans en vue d’aboutir à une meilleure visibilité sur l’efficacité de ces expérimentations.
Il conviendra donc de patienter jusqu’au vote définitif de ce projet de loi ELAN pour s’assurer du maintien effectif de cette prorogation.

Evaluation environnementale : un décret modifie les catégories de projets relevant de l’évaluation environnementale

Un décret publié le 5 juin au Journal officiel modifie certaines catégories de projets, plans et programmes relevant de l’évaluation environnementale, fixés par la nomenclature figurant à l’annexe de l’article R. 122-2 du Code de l’environnement.

La publication de ce texte répond à la volonté du ministère de la Transition écologique de tenir compte du retour d’expérience des services déconcentrés et des maîtres d’ouvrage depuis la réforme de l’évaluation environnementale d’août 2016 (ordonnance n° 2016-1058 et son décret d’application n° 2016-1110). Il fait suite à une consultation publique menée sur le site internet du ministère de la Transition écologique et solidaire du 1er au 21 mars 2018.

Tout d’abord, le décret modifie la rubrique 1 dédiée aux installations classées (ICPE) en limitant l’obligation d’évaluation environnementale aux seules créations d’établissements ou aux modifications faisant entrer un établissement dans cette catégorie.

Le décret exclut désormais du régime d’examen au cas par cas les projets d’activités de géothermie de minime importance (rubrique 27).

Les rubriques 35 et 36 concernant les canalisations pour le transport d’eau chaude et de vapeur d’eau ont également été modifiées. Le texte bascule ces projets ayant « un faible impact potentiel sur l’environnement » de la catégorie des projets soumis à évaluation environnementale systématique vers celle de l’évaluation au cas par cas.

D’autres types de canalisations ont aussi été modifiés par ce décret. Il s’agit des rubriques 37 et 38 portant sur les installations de transport de matières dangereuses. Ces deux rubriques ont désormais des seuils identiques pour distinguer l’évaluation systématique des examens au cas par cas.

Ensuite, la rubrique 39 qui vise les travaux, constructions et opérations d’aménagement revient sur la rédaction initiale en écartant le critère du « terrain d’assiette » pour les constructions. Ce critère posait problème « dans certains territoires, notamment dans les zones rurales » selon le ministère. Dès lors, le décret distingue d’une part les travaux et constructions qui sont soumis à une évaluation systématique dès lors qu’ils créent une surface de plancher ou ont une emprise au sol supérieure à 40 000 m2, et à un examen au cas par cas à partir de 10 000 m2. D’autre part, le critère du « terrain d’assiette » est conservé pour les opérations d’aménagement. Le texte supprime également de la rubrique l’indication selon laquelle les composantes d’un projet sont dispensées d’évaluation environnementale si le projet fait l’objet d’une étude d’impact ou en a été dispensé après examen au cas par cas.

Enfin, la décision du Conseil d’Etat du 8 décembre 2017 qui a supprimé le seuil de 5 000 personnes pour soumettre les équipements sportifs, culturels ou de loisirs à un examen au cas par cas, pour violation du principe de non-régression a entrainé une modification de la rubrique 44. En effet, le seuil est désormais abaissé à 1 000 personnes.

Le décret ajoute par ailleurs les plans de protection de l’atmosphère à la liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas (article R.122-17 du Code de l’environnement).

La publication de ce décret a été critiquée par les associations environnementales telle que France Nature Environnement qui déplore une vague d’assouplissements qui conduira à une « fragilité juridique, régression environnementale et risque de contentieux ».

Création de Seban Atlantique

Seban & Associés est heureux d’annoncer la création de Seban Atlantique, animé par Jérôme Maudet, spécialiste en droit public, membre du Conseil de l’Ordre des Avocats au Barreau de Nantes et composé de trois avocats. Le Cabinet développe ainsi une assistance de proximité auprès de l’ensemble des acteurs publics et parapublics et de l’économie sociale et solidaire présents dans l’Ouest en leur offrant toutes les compétences de son réseau.

Communiqué de Presse Seban Atlantique

 

 

 

Le CHSCT n’est pas un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance relative aux marchés publics

Par un arrêt en date du 28 mars 2018 (n° 16-29.106), la Cour de Cassation a, pour la première fois, tranché le point de savoir si le CHSCT doit être considéré comme un pouvoir adjudicateur au regard de l’article 10- 2° de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 qui prévoit que sont pouvoirs adjudicateurs « les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :
a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».

La question jusqu’alors était en suspens : le CHSCT, personne morale de droit privé peut en effet désigner dans le cadre de sa mission de prévention et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs un expert, dont les honoraires sont à la charge de l’employeur qui peut être soumis à l’ordonnance du 23 juillet 2015.

Ces honoraires d’expertise sont-ils soumis à l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015?

La Cour de cassation répond par la négative en considérant que le CHSCT, dont la mission est de contribuer à la prévention et la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, n’est pas une personne morale de droit privé créé pour satisfaire spécifiquement aux besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899, quand bien même le CHSCT exerce sa mission au sein d’une personne morale visée par ce texte.

La Cour de Cassation s’attache ainsi à la mission du CHSCT qui n’est pas de satisfaire aux besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance susvisée.

Ainsi, les règles de publicité et de mise en concurrence issues du droit de la commande publique ne sont pas applicables à une expertise CHSCT.

Réflexions sur le statut des dirigeants d’un EPIC

Dans les entreprises privées, les membres du directoire ne sont pas des salariés mais des mandataires sociaux (article 80 ter CGI): ils sont cependant affiliés au régime général de Sécurité sociale (Lettre CNAMTS 8 nov. 1972 : Bull. jur. UCANSS n° 46/72).

Si la situation est claire pour les dirigeants d’entreprises du secteur privé, aucun texte ne fixe le statut général des administrateurs des établissements publics industriels et commerciaux de l’Etat. Or, de ce statut découlent de nombreuses conséquences.

Si quelques textes épars permettent d’ouvrir des pistes de réflexion (loi 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, art. 10 ; décret 94-582 du 12 juillet 1994, art.1 ; décret 2010-1035 du 1er septembre 2010) aucun cependant ne donne de réponse concrète sur ce point.

La jurisprudence du Conseil d’Etat a apporté des précisions sur le statut de certains dirigeants des EPIC de l’Etat en considérant que tant la fonction de président du conseil d’administration que les emplois de direction pouvaient constituer des emplois purement discrétionnaires, dont la nomination comme la révocation sont des prérogatives appartenant « normalement » au Gouvernement (CE, 13 novembre 1952, Jugeau).

Dans ces conditions, ils entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, dont le décret d’application n° 85-779 du 24 juillet 1985 fixe la liste des emplois laissés à la décision du Gouvernement.

Si ce dernier texte ne vise pas, au titre de tels emplois, ceux de direction dans les établissements publics de l’État, le juge administratif considère que cette liste n’est pas exhaustive et se réserve ainsi le pouvoir de la compléter au cas par cas (cf. CE 14 mai 1986,  Rochaix)

Lorsqu’un emploi ne figure pas dans la liste réglementaire des emplois supérieurs à la décision du gouvernement, le Conseil d’État se fonde de manière constante sur deux critères (CE 14 mai 1986, n° 60852) : celui des conditions de la nomination, discrétionnaire ; celui de la nature des fonctions, emportant de « vastes responsabilités administratives, dans le cadre notamment d’un établissement public » (CE 27 janvier 2016, n° 3844873).

Deux indices sont ainsi assez défavorables à la reconnaissance d’un emploi purement discrétionnaire : l’existence dans les statuts de l’exigence d’un décret motivé pour mettre fin aux fonctions (CE, ass., 27 oct. 1961, Bréart de Boisanger) et la fixation d’une durée déterminée du mandat (CE, 13 nov. 1952, Jugeau, préc.).

Toutefois, s’agissant de ce dernier critère, il a été jugé que l’autorité de nomination étant libre de mettre fin aux fonctions de dirigeants avant l’expiration de la durée du mandat et pour des motifs tirés de l’intérêt du service, le caractère révocable permettait la qualification d’emploi supérieur à la discrétion du gouvernement (CE, ass., 22 décembre 1989, Morin).

Or, dès lors que tant la nomination que la révocation des dirigeants d’un EPIC de l’Etat sont laissées à la décision du Gouvernement, leurs emplois entrent dans le champ d’application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ce qui leur confère la qualité d’agent public.

A cet égard, l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 prévoit que « l’accès de non-fonctionnaires [aux] emplois [laissés à la discrétion du Gouvernement] n’entraîne pas leur titularisation dans un corps de l’administration ou du service ».

On rappellera en effet que selon une jurisprudence constante, la qualité d’agent public est attribuée au comptable public mais également à l’agent chargé de la direction de l’établissement au sein de l’EPIC (CE, 26 janvier 1923, De Robert-Lafrégeyre ; CE, Sect., 25 janvier 1952, Boglione ; CE, Sect., 8 mars 1957, Jalenques de Labeau).

La question qui se pose est donc celle d’identifier, au sein des EPIC de l’Etat, qui a la qualité d’agent public.

Dans l’hypothèse où il existerait une répartition statutaires des pouvoirs entre un Président et un Directeur général de l’établissement au sein d’un EPIC de l’Etat, deux formes peuvent être envisagées, à savoir :

–       soit les statuts démontrent une volonté de confier le pouvoir au Président de l’établissement, auquel cas ses pouvoirs sont importants (exemple : préparation et exécution des délibérations du conseil d’administration ou de surveillance, autorité sur l’ensemble des services de l’établissement, recrutement et gestion des personnels,  ordonnancement des recettes et des dépenses, signature des contrats, représentation de l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile, etc.) ;

–       soit les statuts confèrent ces fonctions et donc un rôle plus important au directeur en cantonnant le président dans sa tâche de présidence du conseil d’administration ou de surveillance (exemple : convocation du conseil d’administration, présidence avec voix prépondérante en cas de partage de voix).

En toute hypothèse, cette distinction est particulièrement importante puisqu’elle permet de distinguer les agents exerçant les fonctions de direction au sein des EPIC et ayant ainsi la qualité d’agents publics :

–     dans le premier cas, le président de l’organe délibérant aura la qualité d’agent public mais pas le président du directoire, bien qu’il ait la qualité de directeur ;

–       dans le second cas, le président de l’organe délibérant n’aura pas la qualité d’agent public contrairement au directeur, président du directoire.

Il est observé que selon une pratique récente, l’organisation du pouvoir au sein de certains EPIC récents de l’Etat s’inspire du modèle sociétal « classique » : aux côtés du conseil d’administration (dit conseil de surveillance), est institué un directeur assisté d’un directoire, organe exécutif collégial qui peut, soit simplement assister le directeur dans sa tâche de direction, soit même être titulaire de compétences devant ainsi être exercées collégialement.

Dans ce dernier cas, l’exercice collégial des fonctions de direction au sein d’un EPIC conduit à s’interroger sur la possibilité de reconnaître la qualité d’agents publics à l’ensemble des membres de l’organe concerné et non au seul directeur ou président personne physique.

En tout état de cause, il revient aux EPIC d’identifier en leur sein, les membres des organes d’administration ayant ou non la qualité d’agent public, afin de déterminer notamment, la situation des intéressés au regard des modalités de fin de fonction, du régime applicable d’assurance chômage ou encore des cotisations sociales devant être versées.

 

Le Conseil d’Etat étend sa jurisprudence « Czabaj » relative au délai raisonnable d’introduction d’une requête au domaine indemnitaire

Par une décision du 9 mars 2018, le Conseil d’Etat a étendu l’application de sa décision de principe « Czabaj » rendue en Assemblée le 13 juillet 2016, au contentieux indemnitaire.

Il faut rappeler que, par sa décision « Czabaj », la Haute juridiction a posé, à l’aune du principe de sécurité juridique, la règle selon laquelle une décision administrative individuelle notifiée à son destinataire ou dont il a eu connaissance mais ne mentionnant pas les voies et délais de recours ne peut être contestée « indéfiniment », et doit l’être dans un « délai raisonnable ».

Elle a plus précisément indiqué qu’en règle générale, sauf circonstances ou recours administratifs particuliers, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle l’intéressé s’est vu notifier la décision ou en avait une connaissance établie.

En l’espèce, le Conseil d’Etat rappelle cette solution et le considérant de principe afférent et en fait une application combinée avec la jurisprudence de principe « Lafon » (Conseil d’Etat section, 2 mai 1959, Min. Finances c/ Lafon : Lebon 1959, p. 282), aux termes de laquelle un requérant n’est pas recevable à solliciter l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’illégalité d’une décision dont l’objet est purement pécuniaire devenue définitive.

En l’occurrence, la Communauté de communes avait eu connaissance, à la fin de l’année 2012, de la décision préfectorale portant minoration, pour cette année-là, de la compensation au titre du produit de la taxe sur les surfaces commerciales.

Cette décision, dont l’objet est purement pécuniaire, n’ayant pas été contestée dans le délai raisonnable d’un an, elle était ainsi devenue définitive à la date d’introduction de la requête de la Communauté de communes devant le tribunal administratif de Grenoble le    26 décembre 2014.

En conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par la Communauté de communes au titre de l’illégalité de cette décision étaient irrecevables. Le Conseil d’Etat rejette ainsi son pourvoi.

Il faut par ailleurs noter que la jurisprudence « Czabaj » a été étendue, par une décision du même jour (Conseil d’Etat, 9 mars 2018, Communauté d’agglomération du pays ajaccien, n° 401386), au contentieux des titres exécutoires. Le Conseil d’Etat a formulé des précautions supplémentaires en prévoyant une modulation du point de départ du délai d’un an et en prenant en compte l’erreur du débiteur quant à l’ordre de juridiction saisi.

Le Préfet est tenu de déclarer la démission d’office d’un conseiller municipal, aussitôt ce dernier condamné, par le juge pénal, à une peine complémentaire d’inéligibilité, déclarée exécutoire par provision

Le Président du Tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé, le 17 mai 2018, que le Préfet de la Guadeloupe était légalement tenu de déclarer, par arrêté du 1er mars 2018, démissionnaire d’office de son mandat de conseiller municipal et de conseiller communautaire, un élu que le Tribunal correctionnel de Basse-Terre avait condamné à deux ans d’emprisonnement et à une peine complémentaire de 10 ans d’inéligibilité, en déclarant cette peine exécutoire par provision.
Le Président du Tribunal administratif, considérant que le caractère inopérant des moyens soulevés dans la requête dont il avait été saisi, s’est contenté de rendre, après expiration du délai de recours, une ordonnance de rejet.
Néanmoins, au requérant qui soutenait que la décision méconnaissait le droit à la présomption d’innocence et qu’il avait interjeté appel du jugement du Tribunal correctionnel, le juge a répondu que si un conseiller municipal se trouve, pour une cause survenue postérieurement à son élection, privé du droit électoral en vertu d’une condamnation devenue définitive ou d’une condamnation dont le juge pénal a décidé l’exécution provisoire, le Préfet est tenu de le déclarer démissionnaire d’office de tous ses mandats, quand bien même il aurait formé appel du jugement correctionnel provisoire, le Préfet est tenu de le déclarer démissionnaire d’office.
Cette Ordonnance du Tribunal administratif de Basse Terre, est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, n° 356865, 20 juin 2012).
Il convient de signaler, à cet égard, que l’élu démissionnaire d’office, avait soulevé, dans cette dernière affaire, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la faculté laissée ainsi au juge pénal de déclarer exécutoire par provision une peine d’inéligibilité.
Mais le Conseil d’Etat n’a pas transmis la question, les dispositions contestées ne pouvant être regardées comme applicables. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’Etat à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux
Il faudra donc attendre une éventuelle transmission d’une QPC présentée devant les juridictions répressives pour connaître la position du Conseil constitutionnel sur ce point.

L’enclavement causé par l’expropriation doit donner lieu à indemnisation et n’est pas couvert par l’indemnité de remploi

Lorsque l’expropriation conduit à enclaver une partie du reliquat, les expropriés peuvent solliciter une indemnité pour perte de jouissance et d’usage de ce reliquat.

Au cas présent, des expropriés ont sollicité une indemnité au titre de la perte de jouissance et d’usage d’un garage dont la desserte était rendue impossible par l’expropriation d’une partie de leur parcelle.

La Cour d’appel de Toulouse a refusé de leur octroyer cette indemnité en retenant que le garage demeurait leur propriété, que le procès-verbal de transport sur les lieux ne comportait aucun engagement de création d’une servitude, que la détermination d’une servitude ne relevait pas de la compétence du juge de l’expropriation et que l’indemnité de remploi comprenait déjà les frais de tous ordres normalement exposés pour acquérir des biens de même nature.

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa des articles L. 321-1 [principe de réparation intégrale du préjudice] et R. 322-5  [indemnité de remploi] du Code de l’expropriation en soulignant que l’enclavement résultant directement de l’acquisition de parcelles par voie d’expropriation n’est pas couvert par l’indemnité de remploi.

En effet, si l’indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de bien de même nature, cela ne prive pas l’exproprié de solliciter toutes indemnités accessoires permettant la réparation intégrale de son préjudice.

Inutilité d’une délibération pour proroger la déclaration d’utilité publique

Par un arrêt du 11 avril 2018, le Conseil d’Etat énonce, au visa de l’article L. 11-5 du Code de l’expropriation [désormais codifié à l’article L. 121-5 du même Code] que la seule exigence du texte tient à ce que l’acte prononçant la prorogation de la déclaration d’utilité publique émane de l’autorité qui était compétente pour déclarer l’utilité publique.

Ainsi, en l’espèce, la prorogation de la déclaration d’utilité publique a pu être demandée par le président du conseil général du département sans qu’il soit nécessaire qu’une délibération soit prise par l’organe délibérant du conseil général.

Sur l’obligation de tenir compte de la situation urbanistique des terrains nus pour l’application de la méthode d’évaluation par comparaison

Par un arrêt en date du 14 décembre 2017, pris au visa de l’article L. 322-4 du Code de l’expropriation [relatif aux possibilités légales et effectives de construction à la date de référence], la Cour de cassation énonce que les éléments de comparaison retenus pour l’évaluation des parcelles expropriées doivent tenir compte du zonage des parcelles et rechercher si celui-ci ne soumet pas lesdites parcelles à des règles d’urbanisme plus contraignantes.

Au cas présent, la Cour d’appel de Pau n’avait pas distingué entre le zonage UAd et UAg du plan local d’urbanisme, alors qu’une différence de hauteur de construction existait entre les deux zonages. Elle est censurée pour n’avoir pas pris en considération cette circonstance, alors même que les termes de comparaison se situait dans le même périmètre.

Renouveau du droit locatif et loi ELAN

Comme évoqué dans le sujet du mois, le projet de loi ELAN a pour ambition de transformer différents aspects du droit et notamment du droit locatif.

A ce titre différentes mesures sont envisagées afin d’adapter le cadre législatif pour que le logement réponde aux besoins de tous.

L’article 21 du projet prévoit une individualisation des frais de chauffage dans les immeubles collectifs d’habitation ou mixte. Cette modification permettra une transposition plus fidèle et plus efficace de la directive « efficacité énergétique » 2012/27/UE (DEE) ayant mis en place ce dispositif.

Afin d’optimiser les attributions de logements sociaux et l’occupation du parc social, l’article 34 du projet prévoit d’améliorer l’accès au logement en créant un « bail mobilité » d’une durée réduite (1 à 10 mois) et souple (absence de versement d’un dépôt de garantie, dispositif de garantie VISALE, non reconduction, etc.).

Les articles 35 à 37 du projet de loi tendent à favoriser la mobilité dans le parc social (en introduisant un examen périodique des conditions d’occupation du logement) et améliorer la transparence des attributions de logements sociaux.

L’article 38 du projet de loi prévoit de renouveler la gestion des attributions de logement social en mettant fin au cloisonnement induit par le système de réservation.

L’article 39 du projet de loi a pour objectif de favoriser la mixité intergénérationnelle en permettant, tant aux locataires qui sous-louent une partie de leur logement à une personne de moins de 30 ans, qu’aux sous-locataires d’une partie de logement de moins de 30 ans, de bénéficier d’une aide personnalisée au logement.

Il est envisagé, par les articles 40 à 42 du projet de loi, d’améliorer la prévention des expulsions locatives (y compris dans le parc social) en permettant le maintien dans le logement des locataires de bonne foi ayant repris le paiement de leur loyer et s’acquittant du remboursement de leur dette locative. La prévention des expulsions est aussi améliorée par des précisions sur les informations relatives au commandement de payer en cas d’impayé de loyer ou de charges.

L’article 45 du projet de loi ouvre la possibilité de colocation aux personnes handicapées dans le parc social afin de leur offrir une certaine autonomie tout en vivant avec des tiers.

L’article 47 prévoit un assouplissement du formalisme du cautionnement en supprimant l’obligation pour la caution de mentionner de manière manuscrite son engagement.

Les articles 48 et 49 du projet de loi prévoient une réforme de la fixation des loyers afin de les adapter aux capacités de chacun tout en favorisant la mixité sociale.

L’article 50 du projet de loi met en place des règles de décence à respecter en cas de colocation à baux multiples.

L’article 51 du projet de loi renforce les contrôles et sanctions civiles en matière de location à courte durée à des fins touristiques (Airbnb), à l’encontre des loueurs et plateformes ne respectant pas les obligations existantes.

Les articles 56, 57 et 58 du projet de loi prévoient des dispositifs pour lutter contre les marchands de sommeil et l’habitat indigne.

Enfin, l’article 61 du projet de loi crée un régime d’agrément qui permettra de sécuriser, de promouvoir et accompagner le recours au numérique dans l’établissement des contrats de location.

Prélèvement à la source et dispositif transitoire pour 2018 en matière de revenus fonciers : y aura-t-il une année blanche ?

A partir de janvier 2019 l’impôt sera prélevé à la source directement sur le revenu perçu.

Pour éviter que ce prélèvement soit doublé par un impôt à payer en 2019 sur les revenus de l’année 2018, un crédit d’impôt appelé crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) sera appliqué sur les revenus entrant dans le champ du prélèvement à la source (revenus non exceptionnels perçus en 2018).

Resteront imposés les revenus exceptionnels de 2018, ainsi que certains revenus non concernés par le prélèvement à la source (par exemple les plus-values mobilières et immobilières).

S’agissant plus particulièrement des revenus fonciers, il faut distinguer revenus réguliers et revenus exceptionnels :

–       Les revenus réguliers touchés en 2018 seront compensés par le CIMR ;

–       Les revenus exceptionnels 2018 (par exemple des loyers couvrant une période supérieure à 12 mois) seront imposés en 2019 au moment de la déclaration récapitulative des revenus de 2018.

Pour les déductions des charges foncières, il faut distinguer les charges courantes (assurances, charges de copropriété, intérêts d’emprunt…) et les charges exceptionnelles dites également charges « pilotables » (en particulier travaux d’entretien, de réparation ou d’amélioration).

L’intérêt de déduire des charges foncières au titre de l’année 2018 est toutefois limité en l’absence de revenus exceptionnels, dès lors que les revenus fonciers réguliers seront annulés par le CIMR.

Afin d’éviter que les propriétaires ne reportent systématiquement la réalisation des travaux sur l’année 2019 et au-delà, le législateur a introduit un mécanisme particulier d’imputation de ces charges : en 2019, 50% des charges pilotables supportées en 2018 et seulement 50% de celles supportées en 2019 seront déductibles du résultat foncier 2019.

Nombre de propriétaires se posent donc la question de l’opportunité de réaliser des travaux en 2018 et/ou 2019 ou de les reporter ultérieurement.

Une étude de chaque cas est indispensable, la réponse à cette question dépendant en effet de la nature et du montant des revenus réalisés en 2018.

Mais il est possible de retenir la règle générale suivante : dans la majorité des cas, en l’absence de revenus exceptionnels, il reste intéressant d’envisager la réalisation des travaux en 2018 si ces travaux sont d’un montant supérieur à deux fois les loyers réguliers + 21 400 €. A défaut, il pourra être pertinent de reporter les travaux à 2020.

Le dispositif transitoire prévoit cependant un traitement particulier des travaux d’urgence ou des travaux à réaliser sur un bien acquis en 2019, qui pourront être déduits à 100% sous conditions, tout comme un dispositif pour les travaux non compris dans le budget prévisionnel des copropriétés.

La société peut poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés

L’article 1844-7 du Code civil énumère huit hypothèses dans lesquelles la société prend fin. Parmi ces cas de cessation figure au 5° « la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas […] de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

Dans l’affaire ayant donné lieu à la présente décision, une SCI a été constituée entre trois associés, membre d’une même famille, avec 50 % des parts attribués au gérant et l’autre moitié répartie entre les deux autres associés à proportion de 25 % pour chacun d’entre eux. Les statuts prévoyaient par ailleurs que les assemblées seraient présidées par le gérant avec voix prépondérante pour les besoins du partage des voix.

Mais à la suite d’un sérieux désaccord avec le gérant sur la gestion de l’entreprise, les deux associés se sont adressés au juge afin d’obtenir la dissolution de la société en invoquant, sur le fondement du texte précité, une mésentente entre les associés qui paralyserait le fonctionnement de la société.

Si cette situation conflictuelle avait paru suffisante au juge d’appel pour constituer un juste motif au prononcé d’un arrêt de dissolution anticipée de la société, la Cour de cassation qui a remis en cause cette décision a estimé que les motifs de la décision d’appel étaient « impropres à établir que la mésentente entre les associés paralysait le fonctionnement de la société ».

Ainsi donc, pour obtenir la dissolution anticipée d’une société sur le fondement de l’article 1844-7, 5 du Code Civil, il ne suffit pas d’invoquer des circonstances faisant état de mésententes entre les associés, quelle qu’en soit la gravité, encore faudrait-il établir que cette mésentente est de nature à « paralyser » le fonctionnement de la société.  

Cet arrêt qui traduit une fidélité de la Cour de cassation à la fois à la lettre et à l’esprit de l’article précité vient clairement fixer la jurisprudence en donnant corps à la fiction de la personnalité morale constituée par la société commerciale. Celle-ci doit pouvoir poursuivre son existence en dépit de la mésentente de ses associés, sans « craindre » d’être dissoute, dès lors que la situation conflictuelle qui les oppose n’est pas de nature à en paralyser le fonctionnement.   

Restitution des charges : point de départ du délai de prescription et caractère récupérable

Les locataires d’un immeuble appartement à un office HLM avaient, le 20 janvier 2016, assigné leur bailleur en remboursement d’un trop-perçu de charges locatives relatives au salaire du gardien portant sur l’année 2011. Le défendeur soulevait la prescription de cette action.

Par un jugement du 13 septembre 2016, le Tribunal d’Instance d’Aix-en-Provence rejetait la fin de non-recevoir au motif que le point de départ du délai de prescription de l’action en répétition (désormais « restitution ») de l’indu est la date de paiement de chacune des sommes indues et qu’en l’espèce le bailleur ne précisait pas la date à laquelle le paiement de la régularisation avait été fait.

En outre, le Tribunal d’Instance avait accueilli la demande de remboursement des locataires relatives à la rémunération du gardien, en considérant qu’elle ne pouvait être mise à leur charge au motif que le bailleur avait fait appel à un prestataire extérieur et que le gardien n’avait donc pas assuré seul l’élimination des déchets et l’entretien des parties communes.

Dans un arrêt de principe du 8 mars 2018, la Cour de Cassation, casse le jugement entrepris à ces deux égards.

En premier lieu, combinant les articles 68 de la loi du 1er septembre 1948, L. 442-6 du Code de la construction et de l’habitation et 2224 du Code civil, la juridiction suprême rappelle que l’action en restitution des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, ce jour est celui de la régularisation des charges qui seule permet de déterminer s’il existe un indu et non celui du versement de la provision.

Cette solution est justifiée puisque, en effet, ce n’est que lors de la régularisation annuelle que le locataire peut être en mesure de savoir si les sommes versées étaient justifiées ou s’il y a au contraire lieu à restitution.

En second lieu, la Cour de Cassation rappelle la règle introduite par le décret du 19 décembre 2008 en son article 2 c qui prévoit que, dès lors que le gardien assure seul l’élimination des déchets ou l’entretien des parties commune, sa rémunération est exigible à hauteur de 40% au titre des charges récupérables.

Avant ce décret, et en application de celui n° 87-713 du 26 août 1987 fixant la liste des charges récupérables, le gardien devait exercer ces tâches de manière cumulative pour que le bailleur puisse mettre sa rémunération à la charge de ses locataires.

Le présent arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler deux principes désormais établis en matière de charges locatives relatives aux baux d’habitation.

Responsabilité d’Airbnb à l’égard du propriétaire d’un logement sous-loué à son insu

Un bailleur dont le locataire a mis à son insu le logement donné à bail en location sur le site Airbnb 369 fois entre le 31 mars 2016 et le 24 septembre 2017 a assigné la plateforme en responsabilité sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil.

Le bailleur reprochait à Airbnb de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 342-2-1 du Code de tourisme l’obligeant en son I° à informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalable à toute mise en location et en son II° à veiller à ce que le logement mis en location ne le soit pas plus de 120 jours par an.

Or, en l’espèce, non seulement Airbnb ne rapportait pas la preuve d’avoir respecté son obligation d’information auprès du bailleur, ni auprès du locataire, mais l’historique des locations faisant apparaître un dépassement bien supérieur à la limite de 120 jours/an autorisée.

Dans ces conditions, le Tribunal d’instance saisi du litige a fait droit à la demande du bailleur, en condamnant la société Airbnb à lui verser la somme de 3.000 € en réparation de son préjudice moral, la somme de 1.664,86 € en remboursement des frais d’huissier et enfin la somme de 1.869,07 € correspondant aux fruits perçus par Airbnb pour les locations illicites.

Ainsi, outre la possibilité d’engager la responsabilité du locataire ayant sous-loué le logement sans obtenir au préalable son autorisation, le bailleur peut également mettre en cause directement la plateforme de location.