le 06/07/2018

L’appréciation stricte par le Conseil d’Etat des conditions justifiant la dérogation au principe d’interdiction de l’intervention de l’homme prévu à l’article L411-1 du code de l’environnement en matière de protection des espèces animales et végétales

CE, 25 mai 2018, n° 413267

Par un arrêt n° 413267 rendu le 25 mai 2018, le Conseil d’Etat est venu apporter quelques précisions relatives à l’application des dérogations accordées sur les interdictions d’intervention énoncées à l’article L. 411-1 du Code de l’environnement visant à protéger les espèces animales et végétales.

Dans cette affaire, il était question pour les requérants de demander au juge l’annulation de l’ordonnance de référé venant suspendre l’arrêté, dont bénéficiait les requérants, portant dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1.

Sur la question du doute sérieux quant à la légalité de la décision, le Conseil d’Etat précise tout d’abord que les interdictions posées par l’article L.411-1 « lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats » visent à assurer la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats.

Ces interdictions portent par exemple sur « la destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ; » par l’action de l’Homme.

Il rappelle ensuite qu’il est possible de déroger aux interdictions de l’article L. 411-1 en se référant à l’article L. 411-2, à condition qu’il n’existe pas de solution alternative satisfaisante, que cela ne nuise au « maintien dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » et que soit justifié cette dérogation par un des cinq motifs que le texte énumère.

Le Conseil d’Etat s’intéresse principalement au motif énoncé au 4° c) de l’article L. 411-2, qui justifiait l’arrêté autorisant le projet de construction initial.

« C) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; »

Le motif d’intérêt public majeur n’est pas immédiatement rejeté par le Conseil d’Etat qui rappelle expressément dans un considérant qu’un tel motif ne suffit pas à justifier la dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1, les conditions susvisées devant en outre être vérifiées :

« Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée […], que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, […] que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »

La Haute juridiction affirme ainsi que les 3 conditions, à savoir le motif de dérogation (en l’occurrence l’intérêt public majeur), l’absence d’alternative et l’assurance d’un maintien de conservation des espèces, sont cumulatives et doivent toutes être remplies pour que la dérogation aux interdictions de l’article L. 411-1 soit justifiée.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement initial qui consistait à considérer que le projet était d’intérêt général mais pas d’un intérêt public majeur, en se fondant sur l’analyse réalisée à l’occasion d’un précédent arrêté de dérogation.

Sur la question de l’urgence, qui s’apprécie par le juge au cas par cas, cet arrêt permet d’apporter quelques indices quant aux modalités de son appréciation :

« le juge des référés a pu […] tenir compte, en complément des risques induits pour des espèces protégées et de l’imminence de la réalisation de travaux, de la circonstance que les sociétés bénéficiaires de l’arrêté en cause avaient fait l’objet d’une procédure de manquement et d’une mise en demeure du fait des condition d’exécution d’une précédente dérogation prise en application des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement et que les mesures d’évitement, de réduction et de compensation prévues par la dérogation litigieuse pourraient également ne pas être respectées par les sociétés requérantes. »

Le Conseil d’Etat confirme qu’il est possible de retenir l’urgence au regard du caractère imminent de la réalisation des travaux mais il ajoute aussi que cette urgence peut s’apprécier au regard de la situation particulière du bénéficiaire de l’arrêté.

En l’espèce, les bénéficiaires de l’arrêté dérogeant aux interdictions de l’article L. 411-1 avaient fait l’objet d’une procédure de manquement et d’une mise en demeure dans les conditions d’exécution d’un projet qui avait bénéficié des mêmes dérogations de l’article L. 411-2.

Par conséquent, le juge retient l’urgence en anticipant le non-respect par le requérant des mesures d’évitement, réduction et compensation prévues par la dérogation.

Brève d’actualité-Environnement- Edition d’un guide sur l’élaboration des études de danger

L’article R. 214-115 du Code de l’environnement impose, dans sa formulation postérieure eu décret « digues » de 2015 adopté postérieurement à la mise en place d’une compétence GEMAPI, l’élaboration d’une étude de dangers, notamment, pour les systèmes d’endiguement.

Ces systèmes d’endiguement doivent être mis en place par les autorités compétentes en matière de GEMAPI, soit, depuis le 1er janvier 2018, les EPCI à fiscalité propre, sauf à ce que ces derniers transfèrent leur compétence. Le sujet est cependant sensible et complexe, car le degré de technicité exigé pour mettre en place ce système est élevé, dans un domaine à les structures compétentes sont parfois profanes.

L’étude de dangers doit être réalisé par un organisme agréé (article R. 211-115 du Code de l’environnement), ses modalités de réalisation sont notamment précisées par un arrêté du 7 avril 2017 précisant le plan de l’étude de dangers des digues organisées en systèmes d’endiguement et des autres ouvrages conçus ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions. 

Avec l’objectif affiché « d’aider les maîtres d’ouvrages à élaborer les études de dangers, imposées par la réglementation », le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) vient de publier un guide, visant à prsenter :

  • Le cadre conceptuel, réglementaire et technique de réalisation d’une étude de danger ;
  • ses principes et modalités de réalisation ;
  • les outils disponibles et mobilisables pour son élaboration ;
  • les produits générés par sa réalisation
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Bibliographie :

Cerema Etude de dangers de système d’endiguement-Concept et principe de réalisation des études-Juin 2018