Expérimentation du recours en appréciation de légalité externe de certains actes administratifs concernant l’urbanisme et l’aménagement

L’article 54 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 « pour un Etat au service d’une société de confiance » a prévu un mécanisme expérimental permettant aux bénéficiaires ou aux auteurs de certaines décisions administratives non réglementaires de saisir le Tribunal administratif d’une appréciation de leur légalité externe, avec pour objectif d’obtenir une réponse à bref délai de la juridiction (cela permettra, in fine, aux autorités concernées d’être informées rapidement des éventuels vices de forme ou de procédure affectant ces actes et, le cas échéant, de les corriger) :

« I.-A titre expérimental, le bénéficiaire ou l’auteur d’une décision administrative non réglementaire entrant dans l’une des catégories définies au deuxième alinéa du présent I peut saisir le tribunal administratif d’une demande tendant à apprécier la légalité externe de cette décision. 

Le premier alinéa du présent I est applicable aux décisions précisées par le décret en Conseil d’Etat prévu au V, prises sur le fondement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, du code de l’urbanisme ou des articles L. 1331-25 à L. 1331-29 du code de la santé publique et dont l’éventuelle illégalité pourrait être invoquée, alors même que ces décisions seraient devenues définitives, à l’appui de conclusions dirigées contre un acte ultérieur. 

Le premier alinéa n’est pas applicable aux décisions prises par décret. 
II.-La demande en appréciation de régularité est formée dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision en cause. Elle est rendue publique dans des conditions permettant à toute personne ayant intérêt à agir contre cette décision d’intervenir à la procédure. 

La demande est présentée, instruite et jugée dans les formes prévues par le code de justice administrative, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires. Elle suspend l’examen des recours dirigés contre la décision en cause et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe, à l’exclusion des référés prévus au livre V du code de justice administrative. 

Le tribunal statue dans un délai fixé par voie réglementaire. Il se prononce sur tous les moyens de légalité externe qui lui sont soumis ainsi que sur tout motif d’illégalité externe qu’il estime devoir relever d’office, y compris s’il n’est pas d’ordre public. 

III.-La décision du tribunal n’est pas susceptible d’appel mais peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. 

Si le tribunal constate la légalité externe de la décision en cause, aucun moyen tiré de cette cause juridique ne peut plus être invoqué par voie d’action ou par voie d’exception à l’encontre de cette décision. 

Par dérogation à l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative peut retirer ou abroger la décision en cause, si elle estime qu’elle est illégale, à tout moment de la procédure et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que la décision du juge lui a été notifiée. 

IV.-L’expérimentation est menée, pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret en Conseil d’Etat prévu au V, dans le ressort des tribunaux administratifs, au nombre maximal de quatre, désignés par ce décret. Elle fait l’objet d’une évaluation dans les conditions fixées par le même décret. 

V.-Un décret en Conseil d’Etat précise les décisions entrant dans le champ du deuxième alinéa du I et pouvant faire l’objet d’une demande en appréciation de régularité, en tenant compte notamment de la multiplicité des contestations auxquelles elles sont susceptibles de donner lieu. 

Le décret prévu au premier alinéa du présent V fixe également les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées, d’une part, des demandes tendant à apprécier la régularité d’une décision et de leurs conséquences éventuelles sur les recours ultérieurs et, d’autre part, des réponses qui sont apportées à ces demandes par le tribunal ».

Il est très important de préciser qu’un tel recours en appréciation de la légalité d’un acte a pour effet de suspendre l’examen des recours introduits par des tiers, contenant des moyens de légalité externe (à l’exception des procédures de référé). Il s’agit donc d’un apport majeur de ce nouveau texte législatif de ce point de vue.

Si la légalité externe de l’acte est constatée, plus aucun moyen de légalité externe ne pourra être soulevé par quiconque.

En outre, l’auteur de l’acte concerné peut, à titre dérogatoire, le retirer ou l’abroger à tout moment de la procédure et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après l’adoption du jugement.

Le décret en Conseil d’Etat annoncé par ce texte est paru le 4 décembre 2018 (n° 2018-1082). Il spécifie que les Tribunaux administratifs de Montreuil, de Nancy, de Montpellier et de Bordeaux sont désignés pour la mise en œuvre de cette expérimentation.

Sont donc concernés par cette expérimentation les projets d’aménagement nécessitant le recours à une ZAC et/ou le recours à l’expropriation situés en Seine-Saint-Denis, en Dordogne, en Gironde, dans le Lot-et-Garonne, dans l’Hérault, dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales, dans les Vosges, en Meurthe-et-Moselle et dans la Meuse.

L’article 2 du décret du 4 décembre 2018 prévoit que les décisions concernées par le recours en appréciation de la légalité sont :

« 1° Les arrêtés déclarant l’utilité publique sur le fondement de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et les arrêtés de prorogation pris sur le fondement de l’article L. 121-5 du même code ;

2° Les arrêtés d’ouverture de l’enquête publique préalable à une déclaration d’utilité publique pris sur le fondement des articles R. 112-1 à R. 112-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

3° Les arrêtés d’ouverture d’une enquête parcellaire pris sur le fondement de l’article R. 131-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

4° Les déclarations d’utilité publique en matière d’opérations de restauration immobilière prises sur le fondement de l’article L. 313-4-1 du code de l’urbanisme ;

5° Les arrêtés préfectoraux créant une zone d’aménagement concerté sur le fondement de l’article R. 311-1 du code de l’urbanisme ;

6° Les arrêtés déclarant insalubres des locaux et installations utilisés aux fins d’habitation sur le fondement de larticle L. 1331-25 du code de la santé publique 

7° Les arrêtés déclarant un immeuble insalubre à titre irrémédiable sur le fondement du I de l’article L. 1331-28 du code de la santé publique ».

On remarquera que sont visés des actes pris par l’Etat (les décrets en sont toutefois exclus).

Le Tribunal administratif saisi dispose d’un bref délai de 6 mois pour statuer sur l’appréciation de la légalité externe de l’acte (art. 7 du décret).

Action de l’UFC-Que Choisir devant le TGI de Paris : annulation de 38 clauses abusives des règles de confidentialité et des conditions d’utilisation Google

Au terme d’une bataille judiciaire de presque cinq années, le Tribunal de grande instance de Paris (« TGI Paris »), saisi le 12 mars 2014 par l’association de défense des consommateurs UFC Que-choisir au sujet des Règles de confidentialité et des Conditions d’utilisation du réseau social Google+ de la société de droit américain Google Inc., a enfin rendu son jugement, le 12 février dernier. Par ce jugement, le Tribunal a annulé 38 clauses de ces conditions contractuelles du fait de leur caractère abusif.

En se prononçant sur ces clauses (dans leurs versions datant pour les plus récentes de 2016), le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi été amené à prendre position sur la validité de clauses qui appartiennent au socle contractuel et qui donc, au-delà du service Google+, s’appliquent à l’ensemble des autres services de la société Google.

Cette décision est tout d’abord l’occasion pour les juges de rappeler que le critère d’application des règles du droit de la consommation sur les clauses abusives de l’article L. 212-1 alinéa 1er du Code de la consommation n’est pas, contrairement à ce que soutenait la société Google Inc., le caractère onéreux du contrat mais les qualités de professionnel et de consommateur des cocontractants.

Au demeurant, le Tribunal rappelle à cet égard que l’absence de paiement monétaire n’exclut pas la qualification de contrat conclu à titre onéreux dès lors que « la fourniture de données collectées gratuitement puis exploitées et valorisées par la société Google doit s’analyser en un « avantage » au sens de l’article 1107 du Code civil, qui constitue la contrepartie de celui qu’elle procure à l’utilisateur ». En l’occurrence, il est relevé que cette valorisation de la collecte de données s’opère par la diffusion auprès des utilisateurs d’une publicité générale ou ciblée.

Les juges confirment ensuite la possibilité pour l’association de défense des consommateurs, dont l’objet est de protéger l’intérêt collectif des consommateurs, d’invoquer les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (« Loi Informatique et Libertés ») puisque les finalités générales de cette loi (qui sont la protection des libertés individuelles et de la vie privée face au développement de l’informatique) concourent parfaitement avec celles du droit de la consommation. Le Tribunal de grande instance de Paris ne s’est pas fondé sur les dispositions du Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (« RGPD »), celui-ci étant entré en vigueur postérieurement à l’action de l’UFC Que-choisir. Il ne fait pas de doute qu’au regard du RGPD, la décision du TGI Paris aurait été la même.

Préalablement à l’examen individuel de chacune des clauses visées par l’action, la décision revient sur la demande générale en nullité des deux contrats formulée par l’UFC Que-choisir. Pour fonder cette demande, l’association avait invoqué le manquement général de Google Inc. à l’obligation du professionnel de fournir une information claire et compréhensible, d’une part, au consommateur et, d’autre part, à la personne concernée par un traitement de données personnelles, en application du droit de la consommation. L’UFC Que-choisir reprochait ce manque d’information des utilisateurs du service Google + du fait de la multiplicité des documents devant être ouverts par le biais de liens hypertextes successifs.

Il est intéressant de noter ici que le Tribunal estime pour sa part que la société Google Inc. fait un usage tout à fait raisonnable « des fragmentations et des liens hypertextes qui permettent précisément d’éviter la concentration d’information des éléments du socle contractuel sur des espaces restreints » et use d’un vocabulaire adéquat, permettant ainsi à l’utilisateur d’avoir une connaissance suffisante du caractère personnel des données qu’il transmet. Pour justifier sa position, le jugement ajoute que « les dispositifs de présentation d’informations par strates (ou paliers) au moyen de liens hypertextes sont d’usage tout à fait normal en informatique » et relève en outre que les fragmentations subséquentes ne portent que sur des textes simplement explicatifs ou pédagogiques sans valeur contractuelle.

Une telle solution pourrait sembler de prime abord entrer en contradiction avec la récente délibération prise par la CNIL au sujet de ces mêmes Règles de confidentialité et Conditions d’utilisation (dans leur version plus récente puisque la Délibération de la CNIL a porté sur les versions en ligne en décembre 2018). Sur l’obligation d’information à la charge du responsable de traitement au titre du RGPD, la CNIL a retenu que l’architecture générale de l’information choisie par la société Google Inc. (information fragmentée et accessible uniquement via une succession de liens hypertextes) ne permettait pas de fournir une information transparente à l’utilisateur en raison de l’éparpillement excessif de l’information relative à la collecte des données entre les Règles de confidentialité et les Conditions d’utilisation et de l’usage excessif de renvois par liens cliquables (Délibération n° SAN – 2019-001 du 21 janvier 2019 prononçant une sanction pécuniaire à l’encontre de la société GOOGLE LLC). Toutefois, cette contradiction s’explique par le fait que la CNIL, contrairement aux juges du TGI Paris, a examiné l’ensemble de l’information faite à l’utilisateur sans se limiter aux seuls textes ayant une valeur contractuelle. Alors que le TGI Paris a dû trancher sur les clauses contractuelles au titre des clauses abusives (non applicables à des textes d’information non contractuels), la CNIL a dû quant à elle apprécier l’architecture plus générale de l’information, en application du RGPD.

Après la question de l’architecture générale de l’information, c’est ensuite le contenu des clauses des Règles de confidentialité et des Conditions d’utilisation et leur caractère abusif qui a été tour à tour examiné par le Tribunal au regard de leur conformité à diverses dispositions légales applicables (à savoir le Code de la consommation, la Loi Informatique et Libertés et le Code de la propriété intellectuelle).

> Les clauses des Règles de confidentialité ont été examinées au regard de la Loi Informatique et Libertés et du Code de la consommation.

La plupart des clauses invalidées ont été jugées abusives en raison du non-respect de l’exigence d’une information claire, complète et détaillée (exigence résultant de la combinaison de l’article 32 de la Loi Informatique et Libertés et des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 221-5 du Code de la consommation). Le tribunal a considéré que ce contrat n’exposait pas clairement que la finalité réelle et première de la collecte était l’organisation d’envois de publicités ciblées à l’utilisateur, en exploitant commercialement ses données personnelles.

Ce sont aussi plusieurs clauses présumant du consentement de l’utilisateur qui sont censurées, notamment pour le recoupement général de l’ensemble des données collectées dans le cadre de l’ensemble des services de la société Google Inc.

> Les clauses des Conditions d’utilisation ont quant à elles été principalement examinées au regard du droit de la consommation et du Code de la propriété intellectuelle.

Au visa du droit de la consommation :

  • Les juges ont, sans surprise, invalidé les clauses prévoyant que la seule utilisation des services valait acceptation du contrat. En effet, de telles clauses ne permettent pas de garantir que le consommateur dispose d’une l’information préalable concernant les caractéristiques essentielles du service ;
  • La clause consistant à présenter la pratique des publicités ciblées comme une « fonctionnalité pertinente» proposée à l’utilisateur alors qu’une telle pratique est par définition réservée au seul avantage du professionnel et n’est donc « pertinente » que pour ce dernier (en ce qu’elle permet la valorisation des données des utilisateurs) a été annulée car contraire à l’article L. 133-2 du Code de la consommation qui prévoyait (dans son ancienne rédaction) l’exigence d’une rédaction claire et compréhensible des contrats de consommation ;
  • La clause limitative de garantie de Google Inc. a été annulée car elle conduisait la société à ne contracter en réalité aucune promesse, aucun engagement concernant le contenu des services ou la disponibilité des fonctionnalités ce qui constitue une clause illicite par laquelle « le professionnel pourrait fournir une prestation imparfaite sans engager sa responsabilité» (contraire à l’article L. 221-15 du Code de la consommation).

> En matière de propriété intellectuelle, trois clauses ont été censurées :

  • La clause de licence de l’utilisateur sur ses contenus postés et partagés a été jugée non conforme au formalisme exigé en matière de cession ou concession de droit d’auteur (articles L. 131-1, L. 131-2 et L. 131-3), le Tribunal considérant qu’elle constituait une licence globale et imprécise sur l’ensemble des contenus publiés par les utilisateurs sans préciser de manière suffisante les contenus visés, la nature des droits conférés et les exploitations autorisées ;
  • La clause par laquelle la société Google Inc. affirmait que l’utilisateur conservait « tous [ses] droits de propriété intellectuelle sur [ses] contenus» a été annulée car elle entrait en contradiction avec la clause susmentionnée qui prévoyait une licence d’exploitation sur ces mêmes contenus ;
  • La clause prévoyant la notification de contenus portant atteinte aux droits d’auteur et plus spécialement l’application exclusive de la loi américaine à de telles notifications (ce qui revenait à exclure les règles issues du Code de la propriété intellectuelle et de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique), une telle exclusion de la loi française constituant selon le tribunal une clause abusive.

La société Google Inc. a été condamnée à la publication de la décision sur la page d’accueil de son site internet dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, pour une durée de trois mois. La décision ne précise pas si par « publication de la décision sur la page d’accueil de son site internet », il faut entendre une publication sur la page d’accueil du service Google + ou sur celle du moteur de recherche (ce qui aurait un écho beaucoup plus large). Sans doute Google Inc. entend-elle revendiquer que cette obligation concerne la page d’accueil du service Google +. En décidant la fermeture de ce service à compter du 2 avril 2019 (ce qui est actuellement annoncé sur la page d’accueil du service), elle pourrait ainsi n’avoir à publier cette décision que quelques jours. Google Inc. a été par ailleurs condamnée à verser à l’association UFC Que-choisir la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Bien que la présente décision ait un intérêt pédagogique certain quant à l’appréciation du caractère illicite ou abusif de clauses figurant dans des contrats de consommation, et en particulier des contrats conclus avec des plateformes proposant des services en ligne gratuits, sa portée reste toutefois limitée dans la mesure où la totalité des clauses jugées abusives en l’espèce avaient été retirées depuis plusieurs années des documents contractuels de la société Google Inc. (du fait du contentieux alors en cours). La longueur de la procédure montre les limites du traitement judiciaire de ce type de contentieux. Le contraste de cette durée avec la rapidité de la procédure mise en œuvre par la CNIL à l’égard des mêmes conditions contractuelles (dans une version plus récente) de Google Inc. en septembre dernier (8 mois) souligne d’autant plus le constat de ces limites, de même que le montant de la sanction pécuniaire de 50 millions d’euros prononcée à l’encontre de la société Google Inc.

 

Par Audrey Lefèvre et Sara Ben Abdeladhim
Cabinet LEFEVRE AVOCATS

Détermination du redevable de la taxe locale d’équipement dans le cadre d’un transfert de permis de construire

Par une décision du 11 janvier 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de détermination du redevable de la taxe locale d’équipement dans le cadre d’un transfert de permis de construire. Dans cette affaire, le 29 juin 2011, la SARL IMEO s’est vu délivrer un permis de construire portant sur un programme de quatre-vingts logements sociaux. Par suite, le 22 décembre 2011, la SARL IMEO a obtenu un permis de construire modificatif par arrêté du maire de Bras-Panon. Par titres de recettes émis les 5 septembre 2011 et 28 février 2012, la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion a entendu les assujettir la SARL à la taxe locale d’équipement.

Or, dans cette affaire, les deux permis avaient été, par arrêté du maire en date du 22 février 2012, transférés à la SCCV SOLANGA.

Après avoir rappelé les termes de l’article 1723 quater du Code général des impôts (CGI), le Conseil d’Etat revient sur les dispositions combinées des articles 406 ter de l’annexe III du CGI et du 4 de l’article 1929 du CGI, et considère qu’il en résulte que « lorsque l’administration autorise le transfert d’un permis de construire à une personne autre que le titulaire initial, celle-ci devient le bénéficiaire, au nom duquel les titres de perception de la taxe locale d’équipement doivent être émis, de l’autorisation de construire » conformément à sa jurisprudence antérieure (voir en ce sens : CE, 15 juillet 2004, n° 215998). Ce à quoi, la Haute juridiction ajoute que :

« Dans le cas où un titre de recette avait été émis avant le transfert de l’autorisation, le redevable initial perd, dans la mesure où une fraction au moins de la taxe reste exigible à la date du transfert, sa qualité de débiteur légal pour acquérir celle de personne tenue solidairement au paiement de la taxe en vertu des dispositions précitées du 4 de l’article 1929 du code général des impôts, le redevable de la taxe étant désormais, à cette hauteur, le bénéficiaire du transfert. »

Il en ressort qu’en l’espèce, la taxe locale d’équipement n’était pas encore exigible à la date où le permis de construire initial, tout comme le permis de construire modificatif, avaient été transférés à la SCCV SOLANGA. Aucun titre de recette n’avait encore été émis, ni pour le permis initial, ni pour le permis modificatif.

Le Conseil d’Etat, considère dès lors qu’il résulte de ce qui précède qu’en « jugeant, motif pris de la solidarité au paiement entre titulaires successifs de l’autorisation de construire, que les sociétés IMEO et SOLANGA ne pouvaient utilement se prévaloir du transfert à la seconde des permis de construire initialement délivrés à la première pour demander la décharge des cotisations établies au nom de celle-ci, le tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit ».

Par conséquent, dès le moment où la SCCV SOLANGA est devenue bénéficiaire des permis de construire transférés, soit le 22 février 2012, elle est devenue redevable des cotisations de taxe locale d’équipement, y compris celle établie postérieurement par l’administration au nom de la société IMEO.

Recensement de la commande publique : publication des statistiques de 2017

L’Observatoire d’orientation de la commande publique (OECP) a publié en décembre 2018 son rapport sur le recensement des marchés publics supérieurs à 90.000 euros HT effectué sur l’année 2017.

En 2017, la commande publique a connu un regain de vigueur, après trois années (2014, 2015 et 2016) marquées par une forte diminution du nombre et du volume de marchés publics conclus sur une année. Ainsi, alors qu’en 2016 avaient été conclus 144.796 marchés publics supérieurs à 90.000 euros HT, pour un montant de près de 84 milliards d’euros, ce sont 163.519 contrats qui ont été conclus en 2017 (+ 12,9 %), pour un montant de plus de 89 milliards d’euros (+ 6,5 %). Dans le détail, le nombre et le volume de contrats augmentent pour l’Etat (+ 7,8 % en nombre et + 3,7 % en valeur) et surtout les collectivités territoriales (+ 17,4 % en nombre et +  8,3 % en valeur) ; quant aux autres acheteurs, le nombre de contrats conclus diminue légèrement (-3,3 %) mais leur valeur globale a significativement augmenté (+ 9,1 %).

La répartition entre marchés publics de travaux, de fournitures et de services reste stable. Ainsi, pour l’Etat, ce sont les marchés publics de services qui représentent la part la plus importante de l’ensemble des marchés conclus en 2017, en nombre comme en valeur, tandis que pour les collectivités territoriales et les autres acheteurs, ce sont les marchés publics de travaux qui représentent la part la plus importante des marchés publics conclus.

La participation des PME aux marchés publics est également en hausse par rapport à 2016, bien que son importance diffère selon le type d’acheteur : les marchés attribués à des PME représente 50,5 % en nombre et 25,8 % en valeur des marchés publics de l’Etat, 69,1 % en nombre et 48,2 % en valeur pour les collectivités territoriales ; 42,4 % en nombre et 22,4 % en valeur pour les autres acheteurs.

Sur la présence de clauses sociales et environnementales, seules les collectivités territoriales semblent pouvoir être qualifiées de « bons élèves », dans la mesure où la part de marchés publics comportant ce type de clauses augmente significativement par rapport à 2016, en nombre comme en valeur ; à l’inverse, ces statistiques sont en très forte baisse pour l’Etat et plus encore pour les autres acheteurs. Au total, les résultats obtenus en 2017 sont très insuffisants pour espérer atteindre les objectifs prévus par le plan national d’action pour les achats publics durables, à savoir 25 % des marchés contenant au moins une clause sociale et 30 % contenant au moins une clause environnementale en 2020.

 

Elections professionnelles : absence d’atteinte à la liberté syndicale par les règles de parité imposées pour la composition des listes électorales

La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 dite « Loi Rebsamen » a prévu dans le cadre des élections professionnelles organisées à compter du 1er  janvier 2017 :

  • d’une part, une « représentation équilibrée » au sein de chaque collège électoral en imposant que les listes de candidats soient composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ;
  • et d’autre part, l’obligation de composer les listes en présentant alternativement un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

A défaut, les élections des salariés « mal élus » encourent l’annulation.

La Cour de cassation a notamment été saisie d’une question sur la validité de ce dispositif dans une affaire concernant l’annulation de l’élection de plusieurs femmes aux élections professionnelles à la suite du non-respect de ces règles de parité.

A ce titre, invoquant notamment une atteinte disproportionnée et sans motif légitime au sens de l’article 11§ 2 de la CEDH, au principe de liberté syndicale et de libre choix par les syndicats de leurs représentants, les syndicats concernés contestaient la légitimité de ces règles en soutenant que :

  • elles ne leur permettent pas de choisir librement leurs représentants ;
  • elles sont contraires à l’esprit de la loi dont l’objet était d’opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Toutefois, la Cour de cassation n’a pas accueilli cette argumentation et partant, a rejeté le pourvoi des organisations syndicales en considérant que les règles de parité assurent une conciliation entre les deux principes d’égale importance de liberté syndicale et de non-discrimination (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 18-12.042).

Dans sa note explicative adossée à cet arrêt, la Haute juridiction développe le raisonnement didactique motivant cette solution, en retenant que :

  • « la liberté syndicale et le libre choix par un syndicat de ses représentants sont des principes qui sont affirmés de manière forte par les textes internationaux et européens » ;
  • « cependant, ce principe n’est pas absolu : il peut, pour sa bonne application, être soumis à des conditions dans sa mise en œuvre, telles les conditions traditionnellement requises pour être désigné délégué syndical (âge, appartenance à l’entreprise, ancienneté…) » ;
  • « ce principe doit également se concilier si nécessaire avec d’autres droits fondamentaux d’égale importance : le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes est une règle tout autant fondamentale (résultant notamment de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe) ».

Compte tenu de ces principes, la Cour de cassation affirme ainsi que « le fait pour le législateur français d’avoir recherché un équilibre entre ces deux principes pour en permettre une application effective que l’incitation n’avait pas permis de constater jusqu’à présent, en exigeant des organisations syndicales qu’elles mettent en œuvre, lors du choix de leurs candidats, non une parité abstraite des listes présentées aux élections professionnelles, mais une représentation proportionnelle au nombre de femmes et d’hommes présents dans le collège électoral que ces candidats ont vocation à représenter, ne constitue pas dans ces conditions une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale ».

Par ailleurs, la Cour de cassation fait application de la solution retenue par le Conseil constitutionnel le 13 juillet 2018, autorisant l’organisation d’élections partielles pour pourvoir aux sièges vacants suite à l’annulation de l’élection d’un nombre important de représentants du personnel du fait du non-respect de cette règle de parité, et conciliant ainsi « de façon proportionnée entre la liberté syndicale et le principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes » (Cons. const., déc., 13 juillet 2018, n° 2018-720 /721/722/723/724/725/726 QPC).

Ces décisions concernant les élections professionnelles de Comité d’entreprise sont transposables aux élections du CSE.

Gestion des situations de crise du système ferroviaire et ouverture à la concurrence : l’avis de l’ARAFER sur le document de référence de la SNCF

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) s’est récemment prononcée sur la nouvelle version du document de référence de la SNCF relatif à la coordination de la gestion des situations de crise du système ferroviaire (la consultation du régulateur préalablement à l’adoption de ce document et de ses actualisations par le conseil de surveillance de la SNCF étant prévue par le décret n° 2015-137 du 10 février 2015).

Au titre de ses missions transversales, la SNCF (l’EPIC de tête) est en effet en charge d’assurer la coordination de la gestion des situations de crise et doit notamment à cet égard, d’une part, conclure des contrats de coordination avec les opérateurs et, d’autre part, à édicter un document de référence.

Dans cet avis, l’ARAFER émet à nouveau un certain nombre des critiques s’agissant des prestations assurées par la SNCF en matière de gestion de crise, de nature à pénaliser les acteurs du secteur, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyageurs.

Elle relève :

  • s’agissant des contrats de coordination, que les trois quarts des entreprises ferroviaires n’ont pas conclu de contrat de coordination avec la SNCF pour la gestion des situations de crise. Si la conclusion de ces contrats n’est pas obligatoire, elle apparaît néanmoins essentielle pour prévenir les « risques de dysfonctionnement et de paralysie en cas de crise», ces risques ayant vocation à s’accroître avec l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché. L’ARAFER demande ainsi à la SNCF d’informer l’ensemble des acteurs du système ferroviaire sur la possibilité de conclure un tel contrat et sur « l’importance des enjeux qui s’y rattachent » ;
  • s’agissant du document de référence, que moins d’un quart des entreprises ferroviaires ont été consultées par la SNCF préalablement à son édiction (alors que l’ensemble des acteurs du système de transport ferroviaire national devrait l’être) et, par ailleurs, que les modalités de concertation ne sont pas décrites dans le document de référence lui-même. Le régulateur demande à la SNCF de remédier à ces deux difficultés ;
  • le défaut de publication du document de référence dans sa version à jour sur le site internet de SNCF Réseau. Bien qu’une telle publication ne soit pas imposée par les textes (prévoyant une publication au Bulletin officiel de la SNCF), elle apparaît nécessaire à la bonne information des acteurs du secteur ;
  • l’accès des documents déclinant et précisant le document de référence aux seules entités du Groupe public ferroviaire. L’ARAFER considère que ces documents devraient être accessibles à tous les acteurs du secteur, de manière égale et non-discriminatoire.

Il faut noter qu’à ce jour, il existe un « éclatement » de la compétence de gestion des situations de crise au sein du Groupe public ferroviaire, puisque la gestion opérationnelle des crises est assurée par SNCF Réseau et que la coordination de gestion des situations de crise incombe à l’EPIC de tête SNCF : ces deux missions seront réunies dans les mains de SNCF Réseau à compter du 1er janvier 2020 (par l’effet de l’entrée en vigueur de dispositions de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire), ce qui pourrait être salutaire afin d’assurer une meilleure intégration de l’ensemble des acteurs du secteur sur cette thématique.

Nouvelle circulaire sur l’application des règles en matière d’aide d’Etat

Par une circulaire datée du 5 février 2019 et mise en ligne le 11 février 2019, le Premier ministre rappelle aux préfets et ministres, le cadre de la réglementation européenne sur l’octroi des aides d’Etat.

Se substituant à la précédente circulaire du 26 avril 2017, l’objectif de cette nouvelle circulaire se traduit par une volonté de préserver la sécurité juridique, et la conformité des dispositifs existants avec la réglementation européenne pour la période 2014-2022.

A ce titre, le Premier ministre souligne la nécessité d’harmoniser les pratiques au sein des services ministériels et ceux des collectivités territoriales ainsi que de renforcer l’expertise de ces services afin d’assurer une conjonction entre l’efficacité de la dépense publique et la sécurité des financements publics aux projets.

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs moyens sont préconisés tels que :

  • La sensibilisation des agents publics dans le cadre de leur formation initiale.
  • La désignation de référents « aide d’Etat » au sein de chaque organisme ou direction susceptible de connaitre des dossiers d’aide d’Etat, lesquels devront se rapprocher également du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) pour rejoindre les réseaux et groupes de travail ad hoc.
  • La consultation des six fiches thématiques (notion, principe, règles procédurales de déclaration, contrôle juridictionnel…) annexées à la circulaire, lesquelles seront régulièrement actualisées au gré des évolutions réglementaires. Ces fiches constituent une sorte de guide permettant aux services intéressés de vérifier si les financements envisagés constituent des aides d’Etat, ou encore si les projets d’aides relèvent des règlements de minimis, des règlements d’exemption par catégories d’aides ou encore de la décision d’exemption concernant les services d’intérêt économique général (SIEG).

Par ailleurs, la circulaire encourage les services intéressés à utiliser prioritairement les possibilités d’exemption de notification prévues par les règlements d’exemption afin d’être épargné de la lourde procédure administrative de notification à la Commission européenne, laquelle peut durer en moyenne entre six et dix-huit mois, notamment dans l’hypothèse d’ouverture d’une procédure formelle d’examen.  

En cas d’impossibilité, les services instructeurs sont invités à recourir à la procédure de « pré-notification » permettant ainsi d’échanger en amont avec la Commission européenne et de limiter les risques éventuels d’incompatibilité de la mesure d’aide projetée.

Enfin, la circulaire souligne le fait que les collectivités publiques doivent également prendre en compte les règles nationales régissant les interventions économiques telles que prévues notamment dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) ou encore par les textes relatifs au droit de la commande publique.

Une association foncière urbaine libre (AFUL), créée pour mener une opération de défiscalisation, peut être valablement constituée par des propriétaires qui ne contribueront pas au financement des travaux  

La Cour de cassation devait se prononcer le 17 janvier 2019, à l’occasion d’une action en responsabilité à l’encontre d’un notaire dans le cadre d’une opération de défiscalisation, sur le point de savoir si une association foncière urbaine libre peut être constituée par des propriétaires qui ne contribueront pas au financement des travaux.

En l’espèce, une société a acquis deux immeubles, qu’elle a entrepris de vendre par lots après division et placement sous le régime de la copropriété.  Afin de pouvoir bénéficier du dispositif de défiscalisation « Malraux », elle a constitué pour chaque immeuble une AFUL.

Une telle AFUL peut régulièrement être constituée entre la société à l’initiative de l’opération, qui à l’époque était encore propriétaire de logements ultérieurement cédés, et le propriétaire d’un local à usage commercial dispensé, au regard de la destination de son lot, à l’obligation de contribuer aux travaux du fait des conditions de défiscalisation.

Les requérants ont reproché à la Cour d’appel d’avoir écarté la responsabilité du notaire alors que l’AFUL n’avait pu être constituée régulièrement puisque l’acquéreur du local commercial participait aux assemblées générales de l’AFUL alors même qu’il était dispensé de l’obligation de contribuer aux travaux.

 A titre de rappel, les AFUL ne constituent qu’une déclinaison particulière des associations syndicales de propriétaires.  Elles sont régies par les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et constituées entre les propriétaires intéressés pour l’exécution des travaux et opérations énumérés à l’article L. 322-2 du Code de l’urbanisme (opérations urbaines de restructuration, d’aménagement ou de restauration légalement énumérées).

Pour un ensemble immobilier nouvellement créée, une association foncière urbaine libre peut ainsi prendre naissance à partir de la première vente de lot pour être valablement formée entre le lotisseur et le premier acquéreur.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’exact application, par la Cour d’appel, de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et de l’article L. 322-1 du code de l’urbanisme en retenant la qualité de propriétaire intéressé par l’exécution des travaux, laquelle n’implique pas leur paiement.

En conséquence, une telle qualité peut donc être reconnue à des personnes qui n’ont pas vocation à participer au financement des travaux.

En conséquence, une association libre, créée pour mener une opération de défiscalisation, peut être valablement constituée par des propriétaires qui ne contribueront pas au financement des travaux.

La qualité de propriétaire intéressé par l’exécution des travaux n’implique pas leur paiement. 

La loi ELAN renforce – un peu – la lutte contre l’occupation illicite de domiciles et de locaux à usage d’habitation

Une réforme des règles applicables en matière d’occupation illicite de la propriété d’autrui était attendue par les propriétaires. Ces derniers regrettaient parfois d’avoir à souffrir d’importants délais procéduraux pour recouvrer la jouissance de leurs biens, notamment une fois que la décision d’expulsion avait été prononcée par le juge.

En effet, lorsque que le propriétaire avait réussi à obtenir d’un juge une décision constatant l’occupation sans droit ni titre de son bien et ordonnant l’expulsion des lieux, la mise en œuvre de cette expulsion demeurait subordonnée au respect de délais légaux prévus par les articles L. 412-1 et L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution.

Seule une décision spéciale relevant de l’appréciation souveraine du juge pouvait écarter le bénéfice de ces délais en cas de voies de fait.

Dès lors, aucune action ne pouvait être entreprise à l’encontre des occupants avant l’expiration d’un délai de deux mois qui suivait la signification du commandement de quitter les lieux (L. 412-1) ni pendant la période dite de la trêve hivernale (L. 412-6), et ce y compris lorsque les occupants s’étaient introduits sans aucun titre dans les lieux (squat).

Le législateur a donc entendu aménager ces délais en dissociant désormais les occupations illicites qui résultent de la déchéance d’un titre (résiliation du bail d’habitation par exemple) des occupations illicites entreprises sans aucun titre (squat).

Dorénavant, s’agissant des délais de l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution et si l’expulsion porte sur un lieu habité, le délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre de l’expulsion ne s’appliquera pas lorsque le juge aura constaté que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrée dans les locaux par voies de fait – c’est-à-dire sans aucun titre valable.

S’agissant ensuite des délais de l’article L. 412-6 du Code susvisé, le bénéfice du sursis à exécution pendant la période hivernale ne sera plus de droit et sera désormais fonction de la qualité du lieu occupé, à savoir s’il s’agit d’un domicile ou d’un autre lieu.

Le sursis à exécution en période hivernale ne s’appliquera pas lorsque la mesure d’expulsion aura été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans un lieu qui constitue le domicile (personnel ou professionnel) et que cette introduction résultera de voies de fait.

En revanche, concernant l’occupation illicite de tout autre lieu, le juge conservera la faculté de conserver, supprimer ou réduire le bénéfice du sursis à exécution.

 

En conclusion, la loi ELAN permet aux propriétaires d’accélérer la mise en œuvre des mesures d’expulsion en supprimant, dans toutes les hypothèses, le bénéfice du délai de deux mois prévus par l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution lorsque l’introduction des occupants s’est effectuée par voies de fait.

S’agissant plus spécifiquement de la période hivernale, la loi ELAN accélère également la mise en œuvre des mesures d’expulsion dans les hypothèses où les lieux occupés constituent le domicile personnel ou professionnel d’autrui.

Les autres types d’occupation demeurent quant à elles soumises à l’appréciation souveraine du juge qui peut décider de maintenir, réduire ou supprimer le bénéfice du sursis à exécution au regard des circonstances de chaque litige.

Enfin, il convient de souligner que l’introduction de ces nouvelles dispositions ne privent pas les occupants de leur droit de bénéficier de délais de grâce. Ces derniers peuvent en effet toujours être sollicités par-devant le juge de l’exécution une fois la décision d’expulsion prononcée.

Ressources humaines : les mesures à retenir de la loi « Avenir »

Si la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 dite loi « Avenir » est largement consacrée à la réforme de la formation professionnelle et de l’alternance, d’autres domaines sont impactés. Voici une présentation des mesures à retenir.

Une refonte en profondeur de la formation professionnelle et de l’alternance 

L’objectif de la loi « Avenir » concernant la formation professionnelle et l’alternance est double. Il est à la fois de renforcer et d’accompagner les individus dans le choix de leur formation mais aussi de réformer l’organisation institutionnelle. De nombreuses nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019.

Parmi les mesures phares, le compte personnel de formation (CPF) est revisité, le législateur ayant pour objectif de faire du CPF le seul outil de mobilisation à l’initiative du salarié. Les droits inscrits sur le CPF seront comptabilisés en euros et non plus en heures de droit à formation, les personnes susceptibles d’étoffer le CPF seront plus nombreuses ce qui permettra en principe aux salariés de décider de leur avenir professionnel et d’acquérir des compétences quel que soit leur situation de départ. Concernant les modalités d’utilisation du CPF, elles sont considérablement simplifiées pour le salarié. Ce dernier n’a plus à demander l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation mais doit simplement lui demander une autorisation d’absence. Le droit de refus de l’employeur est maintenu mais doit être notifié dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la réception de la demande, son absence de réponse valant acceptation.

Par ailleurs, le congé individuel de formation (CIF) disparaît au profit du CPF de transition professionnelle prévoyant un accompagnement du salarié dans sa reconversion professionnelle. Les entreprises pourront seulement reporter la demande de leurs salariés de manière motivée mais non la refuser comme cela était auparavant le cas. 

Aussi, les entreprises doivent veiller à remplacer le plan de formation par le plan de développement des compétences qui devient le seul outil « formation » à l’initiative de l’employeur.

Enfin, les entreprises devront être très attentives à leur obligation d’information en matière de formation lors des entretiens professionnels, celle-ci étant renforcée.

Autre sujet largement modifié : l’alternance que ce soit par le biais du contrat de professionnalisation dont la durée maximale est portée à 36 mois (à la place de 24 mois) ou par le biais du contrat d’apprentissage (l’âge maximal pour en bénéficier est porté à 29 ans révolus). De nouvelles règles permettent une rupture du contrat d’apprentissage plus aisée que ce soit du côté du salarié ou de l’employeur.

De surcroît, la loi simplifie le système institutionnel en confiant la gouvernance de la formation à un seul organisme : France compétences, et en mettant en place un collecteur unique : l’URSSAF.

Enfin, une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance est mise en place : la contribution à la formation professionnelle est peu modifiée mais la taxe d’apprentissage est réaménagée selon deux fractions au lieu de trois.

Ouverture d’un nouveau cas de recours au CDD

A titre expérimental, il sera possible, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, de conclure un seul contrat à durée déterminée ou un seul contrat de travail temporaire, pour remplacer plusieurs salariés. Ce CDD pourra être mis en place dans les secteurs déterminés par un décret à paraître. Attention, une condition tout de même : ce contrat ne devra pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

De nouvelles mesures ont été adoptées afin d’inciter les entreprises à ouvrir des emplois aux personnes en situation de handicap 

La loi renforce l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap en modifiant l’appréciation de son périmètre (entreprise et plus établissement) et en renforçant les obligations d’emploi direct des employeurs soumis à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Le télétravail est facilité lorsque la demande émane d’un travailleur handicapé ou d’un proche aidant. Enfin, un référent handicap devra être obligatoirement désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés. Concrètement, ce référent aura pour mission d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap, s’agissant notamment de leurs droits et des interlocuteurs privilégiés et sera sans doute un membre du service des ressources humaines.

Chômage 

La loi étend quelque peu le principe de l’indemnisation chômage. Pour les travailleurs indépendants, une allocation forfaitaire est créée (800 € par mois pendant 6 mois) dans l’hypothèse où l’entreprise est en liquidation ou redressement judiciaire. De leur côté, les salariés démissionnaires deviennent éligibles à l’indemnisation chômage s’ils poursuivent un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’entreprise. Le projet devra néanmoins présenter un caractère réel et sérieux attesté par une commission paritaire interprofessionnelle régionale et le salarié démissionnaire devra avoir demandé, préalablement à sa démission, un conseil en évolution professionnelle afin d’établir ce projet. La loi prévoit également des mesures concernant la gestion et le financement de l’indemnisation chômage et des mesures d’accompagnement et de contrôle des demandeurs d’emploi. Les organismes en auto assurance pouvaient être amenés à financer la reconversion professionnelle de leurs salariés démissionnaires. 

Lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes 

A compter du 1er janvier 2019, les obligations de l’employeur, en matière de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes, sont renforcées.

Dans les entreprises employant au moins 250 salariés, un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné. Cette mesure permettra à l’avenir aux salariés victimes de tels agissements d’identifier facilement leur interlocuteur et de pouvoir dénoncer les faits. Si la loi ne précise ni la personne qui peut être nommée « référent » ni la manière dont il est désigné, on peut supposer qu’il pourra être le responsable des ressources humaines, un membre de ce service ou encore un salarié chargé de la prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise.

Par ailleurs, la loi prévoit que chaque comité social et économique (CSE) devra désigner parmi ses membres un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Cette désignation se fera sous la forme d’une résolution adoptée à la majorité des membres présents pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. Ce référent bénéficiera d’une formation en matière de santé, sécurité et conditions de travail comme tous les membres du CSE. Il faut relever néanmoins que la loi ne prévoit pas d’obligation de désigner un tel référent parmi les membres des délégués du personnel, des comités d’entreprise ou des CHSCT encore en place qui doivent être remplacés par un CSE avant la fin de l’année 2019 même si en pratique ces institutions représentatives du personnel ont déjà un rôle en la matière.

Enfin, l’obligation d’information des salariés par l’employeur est renforcée. Les entreprises doivent informer les salariés, en application de la loi Avenir, des voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et fournir les coordonnées des autorités et des services compétents (décret du 8 janvier 2019).

Cette information doit être délivrée aux salariés, aux personnes en formation ou en stage et aux candidats à l’embauche, à une formation ou à un stage, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux où se fait l’embauche. L’information peut se faire par tous moyens (affichage mural, site internet/intranet, courriel ou remise d’un document papier), l’essentiel étant de garantie une information effective pour tous.

L’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes 

La loi prévoit des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise afin de rendre l’arsenal juridique existant plus effectif et d’atteindre une égalité réelle (cf. notre LAJ NOVEMBRE 2018). L’égalité salariale devient une obligation de résultat et les entreprises de plus de 50 salariés doivent, à cet effet, publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Les indicateurs sont au nombre quatre ou de cinq selon la taille de l’entreprise. A ces indicateurs sont attachés des résultats exprimés en pourcentage et traduits selon un système de points. Quel que soit la taille de l’entreprise, un minimum de 75 points devra être atteint pour ne pas être considérée comme défaillante.

Les entreprises doivent mettre à disposition du CSE les indicateurs et le niveau de résultat via la base de données économique et sociale (art. D 1142-5 du Code du travail). Concrètement, une nouvelle rubrique peut être créée dans la BDES ou les indicateurs peuvent intégrer la rubrique « égalité professionnelle » déjà existante. Attention, l’entrée en vigueur de cette nouvelle contrainte légale varie selon la taille de l’entreprise entre le 1er mars 2019 et le 1er mars 2020.

Désormais, si les résultats sont inférieurs à 75 points, l’entreprise aura 3 ans pour se mettre en conformité au risque d’une pénalité financière qui ne pourra excéder 1 % de la masse salariale. Aussi, l’employeur devra veiller à ce que la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle, qui doit en principe être organisée tous les 4 ans minimum, porte sur les mesures de correction et le cas échéant sur la programmation de mesures financières de rattrapage salarial. Si, au terme de la négociation, aucun accord n’est intervenu, un plan pour l’égalité professionnelle pourra être mis en œuvre par l’employeur, sous réserve d’avoir préalablement consulté et recueilli l’avis du comité social et économique.

Détachement 

La loi modifie la définition du travailleur détaché, assoupli certaines règles relatives au détachement (zones transfrontalières, obligations de déclarations) mais renforce les sanctions pour renforcer la lutte contre la fraude.

Par Clara Bellest.

Prochain « mouvement tarifaire » de la CRE : la facture des abonnés aux tarifs réglementés de vente d’électricité va encore augmenter en 2019

La Commission de Régulation de l’Energie (ci-après la « CRE ») a publié le 30 janvier dernier un document de préparation relatif à la future délibération portant proposition de Tarifs Réglementés de Vente d’Electricité (ci-après les « TRVE ») en vue d’une audition qui s’est tenue le 31 janvier 2019.

Cette audition a précédé la future proposition de tarification des prix réglementés de l’électricité de la CRE, prévue pour le 7 février prochain (jour de la publication de la présente lettre d’actualités), qui sera adressée aux ministres de l’énergie et de l’économie en vertu de l’article L. 337-4 du Code de l’énergie.

Pour rappel, les TRVE peuvent bénéficier aux abonnés résidentiels et professionnels souscrivant à une puissance électrique inférieure ou égale à 36 kilovoltampères, soit à destination des foyers résidentiels français et des petites entreprises.

Pour en fixer le montant, la CRE fait application d’une méthode de tarification « par empilement en niveau et en structure » des TRVE depuis 2016. L’objectif de la méthode est d’atteindre la « contestabilité » des TRVE par des offres de marché des concurrents d’EDF à un niveau inférieur ou égal au TRVE (voir CE, juge des référés, 7 janvier 2015, ANODE, n° 386076).

Partant, cette tarification « empile », en vertu de l’article L. 337-6 du Code de l’énergie, les coûts de la société EDF, relatifs à l’approvisionnement en énergie et en capacité, à l’acheminement de l’électricité, ainsi que ses coûts de commercialisation et la rémunération normale de l’activité de fourniture (cf. article R. 337-19 Code de l’énergie).

Dans le document commenté, la CRE envisage, pour le prochain « mouvement tarifaire », une augmentation importante des TRVE résidentiel et non résidentiel, à hauteur de de 7,7 % HT soit 5,9 % TTC. Début 2018, la CRE avait également proposé une augmentation des TRVE pour l’année 2018, mais d’une ampleur bien moindre (notre Brève du 8 février 2018).

La CRE explique cette nouvelle hausse par l’influence déterminante sur les prix de l’électricité de l’augmentation des prix de l’énergie sur les marchés de gros et des prix moyens des garanties de capacité, constatée à l’échelle européenne, elle-même due à une hausse conjoncturelle des prix des matières premières au niveau mondial depuis janvier 2018.

En outre, la CRE souligne que la hausse des prix de l’électricité sur les marchés de gros est également à l’origine du dépassement du plafond de l’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ci-après l’« ARENH ») pour l’année 2019, objet de la réforme du dispositif de l’ARENH analysée par l’Autorité de la concurrence le mois dernier (voir notre brève de la présente lettre à ce sujet).

Malgré tout, la CRE se veut rassurante en soulignant, dans le document commenté, que « le prix de l’électricité en France pour les consommateurs résidentiels demeure compétitif malgré les hausses envisagées », en particulier du fait « des conditions économiques de production d’un parc nucléaire partiellement amorti ».

Cette hausse des TRVE pourrait être applicable dès le 1er mars 2019.

Mais, outre la question de son niveau, c’est surtout le débat sur le maintien des TRVE qui  se poursuit avec l’approbation récente en commission du Parlement européen de la proposition de directive sur le marché intérieur de l’électricité du Paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » (cf. communiqué de presse de la CRE du 23 janvier 2019 et nos Brèves du 4 octobre 2016 et du 10 janvier 2019).

Et les parlementaires français discutent déjà de la question à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit « PACTE »), actuellement en 1ère lecture au Sénat, afin de mettre en conformité les TRV d’électricité et de gaz avec le droit européen à la suite de la décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2018 (voir notre Focus du 7 juin 2018 à ce sujet).

Position de l’Autorité de la concurrence sur les propositions du Gouvernement pour aménager le dispositif de l’ARENH

Par un avis du 21 janvier dernier, l’Autorité de la concurrence a émis un avis partagé sur le futur dispositif de Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique (ci-après l’« ARENH ») proposé par le Gouvernement par la voie d’un projet de décret en Conseil d’Etat.

Ce projet de décret a déjà fait l’objet d’une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la « CRE ») du 25 octobre 2018 portant avis sur le projet de décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 336-10 du Code de l’énergie relatif à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (voir notre brève du 8 novembre 2018 sur le sujet).

C’est donc au tour de l’Autorité de la concurrence d’être saisie de la question par le Gouvernement, question cruciale puisque les demandes d’ARENH des fournisseurs alternatifs (hors filiales EDF) pour l’année 2019 ont dépassé, pour la première fois, le plafond législatif de l’ARENH fixé à 100 TWh.

L’objet du projet de décret est donc d’adapter le dispositif de l’ARENH à cette situation inédite par deux séries de mesures : (i) la suppression du guichet intermédiaire à mi-année et le séquencement des demandes par trois guichets par an, et (ii) une nouvelle méthode tarifaire pour prendre en compte le dépassement du plafond de l’ARENH, réduisant de facto le caractère « asymétrique » de l’ARENH (selon les mots de l’Autorité) entre EDF et les fournisseurs alternatifs.

Dans son avis commenté, l’Autorité de la concurrence émet un avis favorable à la modification de la structure des guichets de l’ARENH à la double condition que la CRE poursuive sa surveillance étroite du fonctionnement des guichets, et que le Gouvernement étudie une solution alternative, que lui propose l’Autorité.

En revanche, elle émet un avis défavorable sur la réduction du caractère « asymétrique » de l’ARENH susvisé. Selon l’Autorité, le projet de décret aura pour conséquence de faire supporter la charge financière du dépassement du plafond de l’ARENH sur les consommateurs au travers des tarifs réglementés de vente d’électricité, et ce en application de l’article R. 337-19 du Code de l’énergie[1].

En cela, l’avis de l’Autorité de la concurrence rejoint déjà la future proposition de tarifs réglementés de vente de la CRE prévue pour le 7 février 2019 (voir notre brève de la présente lettre à ce sujet).

Pour conclure, l’Autorité de la concurrence propose au Gouvernement de renoncer à traiter le dépassement du plafond de l’ARENH par décret et d’en profiter pour envisager une réforme plus globale du dispositif de l’ARENH par l’adoption d’une loi.

 

[1] L’article R. 337-9 du Code de l’énergie prévoit que le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité est déterminé, en outre, par « le coût de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (…) déterminé (…), compte tenu, le cas échéant, de l’atteinte du volume global maximal d’électricité nucléaire historique (…) ».

Publication du projet de Programmation Pluriannuelle de l’Energie pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028

Le 25 janvier 2019, le Ministre en charge de l’Energie a publié le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028.

Pour mémoire, la PPE est l’outil de pilotage de la politique énergétique créé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte  (loi TECV). Elle fixe les priorités d’action des pouvoirs publics dans le domaine de l’énergie afin d’atteindre les objectifs de politique énergétique définis par la loi.

Le projet de PPE rendu public le 25 janvier dernier a pour objet d’actualiser la programmation prévue pour la période 2019-2023 qui avait déjà fait l’objet d’un débat public et d’une consultation au cours de l’année 2016 et, de formuler des propositions pour la période suivante correspondant aux années 2024 à 2028.

Un débat public sur la révision de la PPE avait été organisé de mars à juin 2018 et avait abouti à une décision du ministre de la transition écologique et solidaire du 30 novembre 2018 ayant pour objet de retranscrire les observations du public recueillis par la Commission nationale du débat public (voir notre Lettre d’actualités juridiques énergie et environnement du mois de janvier 2019).

Conformément à ce que prévoyait cette décision du 30 novembre 2018, le public est désormais invité à réagir sur le projet de PPE élaboré par le Ministre, à la fois en ce qui concerne l’actualisation de la période 2019-2023 et la nouvelle période 2024-2028.

Parmi les objectifs chiffrés figurant dans cette PPE, on peut notamment relever les données suivantes :

  • Consommation finale d’énergie : Baisse de 7% en 2023 et de 14% en 2028 par rapport à 2012 ;
  • Consommation primaire des énergies fossiles : baisse de 20% de la consommation primaire d’énergies fossiles en 2023 et de 35 % en 2028 par rapport à 2012 ;
  • Émissions de gaz à effet de serre issues de la combustion d’énergie : 277 MtCO2 en 2023 227 MtCO2 en 2028, Soit une réduction de 14 % en 2023 et de 30 % en 2028 par rapport à 2016 (322 MtCO2) ;
  • Consommation de chaleur renouvelable : consommation de 196 TWh en 2023 Entre 218 et 247 TWh en 2028 Soit une augmentation de 25 % en 2023 et entre 40 et 60 % en 2028 de la consommation de chaleur renouvelable de 2016 (155 TWh) ;
  • Production de gaz renouvelables : production de biogaz injecté à hauteur de 14 à 22 TWh en 2028 sous l’hypothèse d’une forte baisse des coûts (35 à 55 fois la production de 2017) ;
  • Capacités de production d’électricité renouvelables installées : 74 GW en 2023, soit + 50 % par rapport à 2017, et 102 à 113 GW en 2028, soit un doublement par rapport à 2017 ;
  • Capacités de production d’électricité nucléaire : 4 à 6 réacteurs nucléaires fermés d’ici 2028 dont ceux de Fessenheim et 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, date d’atteinte d’une part de 50% d’électricité nucléaire dans le mix électrique ;
  • Croissance économique : hausse de 1,3 point de PIB en 2023 par rapport au scénario tendanciel, et de 1,9 point en 2028 ;
  • Emplois Création d’environ 246 000 emplois en 2023 par rapport au scénario tendanciel et de 413 000 emplois en 2028 ;
  • Revenu disponible brut des ménages : hausse du pouvoir d’achat des ménages de 1,1 point en 2023, par rapport au scénario tendanciel et de 2,2 points en 2028.

Parmi les actions identifiées pour atteindre ces différents objectifs, le projet de PPE décrit notamment les actions transversales qui seront mises en œuvre pour réduire les consommations finales d’énergie notamment dans l’industrie, les actions liées aux consommations énergétiques des bâtiments, les mesures destinées à réduire les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre dans le transport, les mesures transversales pour développer la chaleur renouvelable ou encore les mesures pour développer les biocarburants.

Ce projet de PPE va désormais donner lieu à des avis des instances suivantes :

  • l’Autorité environnementale sur l’Évaluation Environnementale Stratégique ;
  • le Conseil national de la transition écologique ;
  • le Conseil supérieur de l’énergie ;
  • le Comité d’experts pour la transition énergétique ;
  • le Comité de gestion de la CSPE ;
  • le Comité du système de distribution publique d’électricité.

Et, lorsque ces consultations seront réalisées, le public sera invité à réagir sur le projet, éclairé notamment de l’avis de l’Autorité environnementale.

Certificat de projet : l’absence d’intérêt à agir des associations de défense de l’environnement et des voisins du projet (implantation d’éoliennes)

Le 27 décembre 2018, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté pour défaut d’intérêt à agir, le recours contre deux arrêtés préfectoraux délivrant à la Société Abowind deux certificats de projet relatifs à la construction d’un parc éolien, formé par une association de défense de l’environnement ainsi que par des riverains situés à proximité de la zone sur laquelle devait être implantée les éoliennes.

A cet égard, on rappellera que les certificats de projets peuvent être délivrés, à titre expérimental dans certaines régions, pour des projets nécessitant la délivrance par celui-ci d’au moins une autorisation régie par le code de l’environnement, le code forestier ou le code de l’urbanisme (article 1er de l’ordonnance du n° 2014-356 du 20 mars 2014). En substance, ces certificats permettent de donner les informations nécessaires au porteur sur le régime, les procédures, les décisions qui s’appliquent au projet en cause. Le certificat de projet comporte également, pour chacune des étapes des procédures relevant de la compétence du préfet de département, un engagement sur un délai maximal d’instruction, sous réserve de prorogations ou d’interruptions de délai.

Au regard du contenu de ce certificat, le juge a alors considéré que  « la qualité des informations mentionnées par le certificat au titre du I de l’article 2 précité ne peut affecter que le porteur du projet, de même que les engagements sur les délais maximaux d’instruction pris au titre du II du même article, et la circonstance que les dispositions législatives et réglementaires régissant les procédures et décisions administratives nécessaires à la mise en œuvre du projet à la date de notification du certificat restent en principe applicables à ce projet dès lors que la demande est adressée à l’administration dans le délai mentionné à l’article 3 précité ». Pour ces raisons, le juge a estimé que les requérants ne justifiaient d’aucun intérêt à agir contre les arrêtés préfectoraux délivrés au profit de la Société Abowind.

Economie circulaire – Le projet de loi reporté ?

Un projet de loi sur l’économie circulaire est en cours de rédaction par le gouvernement. Sans avoir pris connaissance du texte, on relèvera que, selon les services de l’Etat, ce projet de loi viserait à renforcer les obligations en matière de tri à la source « en imposant la production de certificats par [les] entreprises et en encourageant la valorisation vertueuse des biodéchets » (Communiqué de presse du Ministère de la Transition écologique et solidaire, 31 janvier 2019), dans le cadre d’une grande stratégie pour l’économie circulaire initiée en avril 2018. La consultation publique qui a eu lieu à partir de décembre 2017 avait déjà permis de proposer 50 mesures regroupées dans la Feuille de route Economie Circulaire (FREC) du 23 avril 2018, afin de passer d’un modèle économique linéaire « fabriquer, consommer, jeter » à un modèle circulaire qui intègrera l’ensemble du cycle de vie des produits de leur écoconception à leur consommation en passant par leur gestion (Feuille de route économie circulaire (FREC), Ministère de la Transition écologique et solidaire, avril 2018).

D’après les informations recueillies par la lettre d’information Déchets Info, le projet comporterait six articles dont certains prévoiraient d’autoriser le gouvernement à recourir à des ordonnances pour légiférer sur un certain nombre de sujets tels que « la consigne de tri, la valorisation énergétique, le tri mécano-biologique (TMB), les biodéchets, la gouvernance des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), les sanctions des éco-organismes, etc. » (Le projet de loi « économie circulaire » du Gouvernement, Déchets infos, 23 janvier 2019).

La secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, justifie ce choix par une volonté de contourner l’influence des lobbies sur les débats parlementaires (Projet de loi sur l’économie circulaire : des ordonnances pour contrecarrer les lobbies ?, Banque des territoires, 24 janvier 2019). Le Sénat a immédiatement fait part de son mécontentement dans un communiqué de presse du 24 janvier 2019 et deux sénateurs, Hervé Maurey et Didier Mandelli ont adressé un courrier à la secrétaire afin de lui signifier leur opposition totale au recours aux ordonnances (Sénat, Communiqué de presse du 24 janvier 2019).

La secrétaire d’Etat à l’Ecologie a finalement annoncé le 5 février dernier que la question des déchets et de l’économie circulaire serait intégrée au « grand débat national » (Twitter de Brune Poirson). Le projet de loi sur l’économie circulaire devrait donc être retardé.

Loi de finances pour 2019 : les mesures à portée environnementale

La loi de finances (LFI) pour 2019 (loi n° 2018-1317) a été adoptée le 28 décembre 2018 et publiée le 30 décembre suivant. Elle comporte plusieurs dispositions à portée environnementale parmi lesquelles on distinguera en particulier celles relatives à la qualité de l’air (I), celles concernant la collecte et le traitement des déchets (II), celles portant sur la biodiversité (III), ainsi que des mesures en matière d’écologie et de biodiversité (IV). Sans développer l’ensemble des mesures adoptées, il convient de présenter celles qui nous paraissent les plus impactantes pour les collectivités publiques.

I/ Les mesures fiscales relatives à la qualité de l’air

Un certain nombre de dispositions vise à réduire la pollution atmosphérique.  

1/ En premier lieu, dans le but de réduire l’impact du transport routier, la loi adopte des mesures visant à développer le covoiturage ainsi que les aides à certains salariés pour le paiement de leur carburant et la recharge de leurs véhicules électriques.

En effet, en application de l’article L. 3261-2 du Code du travail, les frais de transport des salariés qui utilisent leur véhicule personnel pour se rendre au travail peuvent être en partie pris en charge par l’employeur. De telles aides sont également versées par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Or l’article 81 du Code général des impôts (CGI), qui liste les dépenses non fiscalisées, modifié par l’article 3 de la LFI, prévoit désormais qu’en l’absence de prise en charge des frais précités par l’employeur, les aides versées par les collectivités sont défiscalisées. Plus précisément, cette défiscalisation concerne, d’une part, des aides prenant en charge une partie des frais de carburant ou d’alimentation de véhicules électriques engagés par les salariés situés à une distance d’au moins 30 kilomètres de leur lieu de travail. D’autre part, sont également défiscalisées les aides visant à couvrir une partie des frais d’un conducteur en covoiturage quelle que soit la distance, mais dans la limite de 240 € par an.

2/ En deuxième lieu, mesure très médiatisée et contestée, le gel de la hausse de la taxe carbone au sein de la taxe intérieure de consommation (TICPE) est finalement avancé au 1er janvier 2019 au lieu du 1er janvier 2020 (article 64 LFI modifiant l’article 265 du Code des douanes).

3/ En troisième lieu, une nouvelle taxe sur les hydrofluorocarbones est créée. Cette taxe, définie par le nouvel article 302 bis F du CGI concerne plus précisément les substances, ou des mélanges contenant l’une de ces substances, énumérées dans la section 1 de l’annexe I du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés. Elle sera applicable à compter du 1er janvier 2021 et sera due par les personnes qui réalisent la première livraison des substances selon un tarif fixé par tonne équivalent CO2.

II/ Les mesures fiscales relatives à la collecte et au traitement des déchets

Plusieurs mesures de la LFI pour 2019 s’inscrivent dans la perspective d’une meilleure gestion de la collecte et du traitement des déchets.

1/ D’abord, plusieurs dispositions légales relatives à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) sont modifiées afin de favoriser l’instauration par les collectivités territoriales de la tarification incitative de TEOM, dénommée TEOMi.

En effet, sur ce point, on rappellera que les collectivités territoriales et leurs groupements qui assurent, conformément à l’article L. 2224-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), la collecte et le traitement des déchets ménagers, peuvent instituer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères prévue à l’article 1520 du CGI. Cette taxe doit couvrir une partie de leurs dépenses liées à ce service public. La collectivité peut, par ailleurs, ajouter à cette TEOM une part incitative qui est alors « assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre d’enlèvements » (article 1522 bis du CGI).

Pour encourager l’application de cette part incitative, l’article 23 de la LFI modifie l’article 1636 B undecies du CGI qui prévoit désormais que pour la première année d’application de TEOMi, le produit de celle-ci peut excéder celui de la TEOM appliquée l’année précédente, dans une limite de 10%. De plus, les dépenses directement liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention de déchets ménagers sont désormais expressément incluses dans le champ des dépenses financées par la TEOM (article 1520 du CGI tel que modifié par l’article 23 de la LFI). La baisse temporaire à 2% (au lieu de 3,6%) des frais de gestion perçus par l’Etat pour le recouvrement de la TEOMi devrait, enfin, également permettre aux collectivités d’absorber l’éventuel surcoût engendré par la mise en place du dispositif (article 1641 I A h du CGI tel que modifié par l’article 23 I 3° de la LFI), ainsi que l’indique le Ministère de la Transition écologique et solidaire (Dossier de presse, Projet de loi de finances 2019, Présentation du budget du MTES, sept. 2018).

2/ En deuxième lieu, la composante « déchet » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est renforcée. En effet, l’article 24 de la LFI modifie le régime de la TGAP « déchets » afin de favoriser le recyclage de ces derniers par les collectivités territoriales.

A cette fin, la loi prévoit une hausse générale des tarifs de la taxe plus importante que ce qui était jusqu’alors prévu par l’article 266 nonies du Code des douanes, à partir de 2021 et jusqu’en 2025 dans le but « d’assurer que le coût du recyclage soit inférieur à celui des autres modalités de traitement des déchets » (Rapport n°1302 fait au nom de la Commission des finances, Tome II, Assemblée Nationale, 11 octobre 2018. A compter du 1er janvier 2026, « les tarifs seront relevés, chaque année, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année » (article 266 nonies 1 bis du Code des douanes).

Les collectivités d’outre-mer se voient, quant à elles, appliquer des tarifs différents de ceux en vigueur en métropole (article 266 nonies 1 A i alinéa 1 du Code des douanes). Elles bénéficient également d’une nouvelle exonération pour « les réceptions des déchets utilisés pour produire de l’électricité distribuée par le réseau dans ces territoires lorsqu’elles sont réalisées dans les conditions prévues au IV de l’article 266 sexies » (article 266 nonies 1 A i alinéa 2 du Code des douanes).

Enfin, le régime des exonérations et exemptions est modifié. La taxe est ainsi de nouveau applicable à la réception de matériaux ou de déchets inertes, ainsi qu’aux quantités de déchets de produits hydrocarbures prévus à l’article 265 3° alinéa 2 du Code des douanes (article 24 LFI abrogeant le III de l’article 266 sexies du Code des douanes).

Plusieurs catégories de réception de déchets bénéficient par ailleurs d’une nouvelle exonération. Ainsi, on peut citer, à titre d’exemple, l’application d’exonérations :

  • « Aux réceptions de déchets qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et ne produisent aucune autre réaction physique ou chimique, ne sont pas biodégradables et ne détériorent pas d’autres matières avec lesquelles ils entrent en contact, d’une manière susceptible d’entraîner une pollution de l’environnement ou de nuire à la santé humaine » (article 266 sexies 1 undecies) ;
  • « Aux réceptions de déchet dont la valorisation matière est interdite ou dont l’élimination est prescrite » (article 266 sexies 1 duodecies) ;
  • « Aux réceptions de déchets en provenance d’un dépôt non autorisé de déchets abandonnés dont les producteurs ne peuvent être identifiés et que la collectivité territoriale chargée de la collecte et du traitement des déchets des ménages n’a pas la capacité technique de prendre en charge. L’impossibilité d’identifier les producteurs et l’incapacité technique de prise en charge des déchets sont constatées, dans des conditions précisées par décret, par arrêté préfectoral, pour une durée ne pouvant excéder trois mois, le cas échéant, renouvelable une fois » (article 266 sexies 1 terdecies) ;
  • « Aux installations exclusivement utilisées pour les déchets que l’exploitant produit » (article 266 sexies 1 quaterdecies).

L’arrêté du 31 décembre 2018 pris pour l’application des articles 266 sexies et 266 nonies du Code des douanes, apporte par ailleurs une précision essentielle s’agissant de l’exonération fixée à l’article 266 sexies point II 1 duodecies, puisqu’elle n’est applicable qu’aux déchets listés à l’article 2 dudit arrêté qui remplissent par ailleurs les deux conditions suivantes : 

  • « les déchets sont réceptionnés dans une installation de stockage de déchets autorisée en application du titre Ier du livre V du Code de l’environnement pour ladite réception, ou sont transférés vers une telle installation située dans un autre Etat ;
  • les déchets sont issus d’une collecte séparée ou d’un tri et n’ont pas été intentionnellement mélangés avec d’autres déchets ne relevant pas de la liste de l’article 2 du présent arrêté ».

Enfin, l’exemption en matière de déchets contenant de l’amiante est élargie puisque qu’elle s’applique désormais  « aux réceptions de déchets de matériaux de construction et d’isolation contenant de l’amiante et aux déchets d’équipement de protection individuelle et de moyens de protection collective pollués par des fibres d’amiante » (article 266 sexies 1 ter), alors qu’elle était auparavant restreinte « aux déchets d’amiante liés à des matériaux de construction inertes ayant conservé leur intégrité (amiante-ciment) ».

3/ On notera également qu’à compter du 1er janvier 2021, un taux réduit de TVA de 5,5% sera applicable aux prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets des ménages et des autres déchets que les collectivités mentionnées à l’article L. 2224-13 du CGCT peuvent collecter et traiter. Les prestations qui ne seront pas mentionnées à l’article 278-0 bis du CGI, relatif aux produits et opération soumis au taux de 5,5% de TVA, tel que modifié par l’article 190 de LFI, resteront quant à elles soumises au taux réduit de 10% (article 279 h du CGI).

4/ Enfin, les communes et intercommunalités peuvent, sur délibération du conseil municipal, instaurer une taxe de balayage. La LFI transforme cette taxe dans un objectif d’amélioration de sa gestion. Ainsi, pour les communes ayant institué à la fois la taxe de balayage et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), ces deux taxes sont fusionnées. Il en est de même pour les dépenses directes et indirectes financées par ces deux taxes (article 191 de la LFI modifiant l’article L. 2333-97 et L. 2313-1 du CGCT).

III/ les mesures relatives aux risques naturels et à l’eau

1/ Il faut relever en premier lieu un changement dans le fonctionnement du Fonds de prévention des risques naturels, dit « Fonds Barnier ». En effet, face à l’accroissement des risques liés au changement climatique, le fonds devrait être particulièrement mobilisé en 2019. Ainsi, dans les zones exposées au risque sismique, le taux maximal d’intervention est augmenté de 50 à 60% pour les études et travaux de prévention du risque sismique relatifs aux établissements d’enseignement scolaire. En cas de travaux de réduction de la vulnérabilité aux inondations, les exploitants et utilisateurs sont désormais éligibles au fonds, en plus des propriétaires qui bénéficiaient déjà de ce soutien (article L. 561-3 I 6° a du Code de l’environnement).

Selon le même article la contribution du fonds aux études et travaux s’élève désormais à 80% des dépenses éligibles réalisées sur des biens à usage d’habitation ou à usage mixte, au lieu de 40% précédemment, et à 50% pour les études de diagnostic de la vulnérabilité des biens.

Enfin, les différents plafonds d’indemnisation sont révisés. En particulier, grâce à un plafond pluriannuel de 75 millions d’euros à partir du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2023, le fonds pourra soutenir davantage le renforcement des digues domaniales avant leur transfert aux collectivités locales dans le cadre de la réforme de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi). Néanmoins, on relèvera que le financement global des actions par le fonds sera limité à 105 millions d’euros par an, au lieu de 125 auparavant.

2/ Parmi les taxes supprimées par la LFI car considérées comme présentant un faible rendement, on relèvera plus particulièrement celles perçues par Voies navigables de France (VNF). Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2018, VNF percevait une taxe sur les titulaires d’ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou à évacuer des volumes d’eau sur le domaine public fluvial qui lui est confié (article L. 4316-3 du Code des transports). L’article 26 de la LFI supprime cette taxe qui est remplacée par une redevance de prise et de rejet d’eau.

3/ Enfin, l’article 195 de la LFI supprime la redevance pour obstacle sur les cours d’eau à compter du 1er janvier 2020. Elle était « due par toute personne possédant un ouvrage constituant un obstacle continu joignant les deux rives d’un cours d’eau » (article L. 213-10-11 du Code de l’environnement).

IV/ Les mesures pour l’écologique et la biodiversité

1/ On notera d’abord que l’article 234 de la loi de finances modifie l’article L. 213-10-8 du Code de l’environnement relatif à la redevance pour pollutions diffuses, perçue par les agences de l’eau, afin de la rendre plus dissuasive. Cette redevance est due par les personnes qui acquièrent des produits phytopharmaceutiques ou des semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques ou encore celles qui commandent une prestation de traitement de semence au moyen de ces produits. Son assiette, modifiée par la LFI, repose sur la masse de substances contenues dans les produits. En application des nouvelles dispositions légales, les substances concernées sont des substances cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), toxiques pour certains organes cibles, toxiques pour le milieu aquatique ou dont la substitution est envisagée.

La liste de ces substances devra être actualisée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture.

Le taux de redevance est également modifié par la LFI : le taux retenu varie désormais, selon les substances concernées, entre 0,90 et 9€ par kilogramme conformément à l’article L. 213-10-8 du Code de l’environnement.

2/ Il faut finalement relever plusieurs mesures qui œuvrent en faveur de la biodiversité.

D’abord, le financement du programme national visant à la réduction de l’usage des pesticides (plan Ecophyto) dans l’agriculture et à la maîtrise des risques y afférents est pérennisé. En effet, le financement de ce programme par une partie de la redevance pour pollutions diffuses, initialement prévu pour une période transitoire de 2012 à 2018, est confirmé. La partie de la redevance sera ainsi versée à l’Agence française pour la biodiversité (AFB) pour lui permettre de financer ce programme dans la limite d’un plafond de 41 millions d’euros (article L. 213-10-8 C. env. tel que modifié par l’article 233 de la LFI).

De plus, les modalités de contributions des agences de l’eau à l’AFB et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), instaurée par l’article 135 de la LFI pour 2018 (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017), sont précisées. Cette contribution sera fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et du budget qui « fixe le montant de cette contribution, en précisant les parts allouées à l’Agence française pour la biodiversité et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, et la répartit entre les agences de l’eau, au prorata de leur part respective dans le produit total prévisionnel pour l’année concernée des redevances mentionnées à l’article L. 213-10 du Code de l’environnement ». 

Enfin, on relèvera qu’est instituée, à compter de 2019, « une dotation budgétaire destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en site Natura 2000 » (article 256 de la LFI). Cette dotation est destinée aux communes de moins de 10 000 habitants dont le territoire est couvert à plus de 75% par un site Natura 2000.

3/ Par ailleurs, un rapport du gouvernement intitulé « Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l’environnement et du climat » devra être annexé chaque année au projet de la de finance (PLF) (article 206 LFI). Il devra présenter :

  • un état de l’ensemble des financements publics en faveur de l’écologie, de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique inscrits dans la loi de finances de l’année en cours et dans le PLF ;
  • un état évaluatif des moyens financiers publics et privés mis en œuvre pour financer la transition écologique et énergétique ainsi que leur adéquation avec les volumes financiers nécessaires au respect des engagements européens, de l’accord de Paris et de l’agenda 2030 du développement durable ;
  • un état détaillant la stratégie en matière de fiscalité écologique et énergétique, permettant d’évaluer la part de cette fiscalité dans les prélèvements obligatoires, le produit des recettes perçues, les acteurs économiques concernés, les mesures d’accompagnement mises en œuvre et l’efficacité des dépenses fiscales en faveur de l’environnement.

 

Par Clémence Du Rostu et Victoria Hautcoeur.

Irrégularité d’une décision de rejet d’une offre tenant à « un manque de loyauté » dans la procédure de mise en concurrence et de publicité

Par une ordonnance en date du 21 novembre 2018, le Tribunal administratif de Caen a jugé qu’une offre irrégulière ne pouvait pas être éliminée sans qu’une invitation de régularisation ne soit adressée au candidat, et ce en vertu d’un principe de loyauté de la procédure de passation.

Dans les faits, la communauté de communes des Hauts du Perche a lancé une procédure de passation d’un marché public de services portant sur la création d’un site internet. Par une décision verbale du 23 octobre 2018, la communauté de communes a rejeté l’offre de la société SARL Egami Création au motif de son irrégularité résultant du non-respect de l’article 8 du cahier des charges de la procédure.

La communauté de communes avait exigé des candidats, aux termes de l’article 8 du cahier des charges, que les offres contiennent un acte d’engagement « complété et signé ». A cet effet, elle a ensuite précisé, verbalement, que les candidats devaient utiliser le formulaire « DC3 ».

Estimant que la signature d’une offre n’est pas obligatoire et que le nouveau formulaire « ATTRI1 », remplaçant le « DC3 », ne concerne que l’attributaire du marché, la société SARL Egami Création a contesté l’éviction de son offre par l’introduction d’un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Caen.

Dans l’ordonnance commentée, le Tribunal a tout d’abord rappelé que, conformément aux articles 55 et 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, l’irrégularité d’une offre entraîne « en principe » son élimination, et l’invitation à régulariser une telle offre n’est qu’une faculté pour le pouvoir adjudicateur.

Puis, réglant l’affaire au fond, le juge des référés a estimé, de manière surprenante, que la communauté de communes, en s’abstenant d’inviter la société requérante à régulariser son offre, a commis « une irrégularité tenant à un manque de loyauté dans la mise en œuvre de ses obligations de mise en concurrence ».

Sur ce fondement inédit le Tribunal a annulé la décision d’éviction et a enjoint la communauté de communes à reprendre la procédure de passation du marché public au stade de l’examen des offres.

Si, au cas précis, c’est surtout le silence du règlement de consultation sur le formulaire à utiliser qui semble avoir « prêter à confusion du fait de l’édiction et des modalités d’utilisation du nouveau formulaire « ATTRI1 », le respect d’un principe de loyauté entre le pouvoir adjudicateur et les candidats reste à confirmer par les juridictions supérieures.

Nouvelle mise en demeure de l’ARCEP à l’encontre de la société Orange !

Par une décision en date du 18 décembre 2018, publiée que le 16 janvier 2019, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après l’« ARCEP ») a mis en demeure la société Orange d’avoir à faciliter l’accès aux réseaux de cuivre dont elle est propriétaire ou gestionnaire.

Conformément aux articles L. 37-1 et suivants du Code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP peut imposer des obligations particulières de qualité de service aux opérateurs dont elle estime qu’ils exercent une influence significative sur un marché, et ce dans l’objectif de développer une concurrence effective et loyale sur le marché des communications électroniques.

Dans ce cadre, l’ARCEP a pris, le 14 décembre 2017, trois décisions par lesquelles la société Orange doit respecter des obligations en matière de qualité de service sur :

  • les « marchés de gros des accès de haute qualité », ce qui concerne tant l’accès dégroupé au réseau en support cuivre que l’accès dégroupé au réseau en support optique[1];
  • les « prestations de gros de fourniture en gros d’accès local en position déterminée »[2]sur les réseaux cuivres dont la société Orange est propriétaire ou gestionnaire (offres de dégroupage de la boucle locale et sous-boucle locale de cuivre) ;
  • la « fourniture en gros d’accès central en position déterminée à destination du marché de masse » sur les réseaux cuivres dont la société Orange est propriétaire ou gestionnaire (offres d’accès haut et très haut débit activées sur DSL)[3].

En application de ces trois décisions, la société Orange est soumise à une obligation générale de faire droit aux demandes d’accès de haute qualité sur les marchés de gros, comme à celles d’accès à la boucle locale de cuivre à la sous-boucle de cuivre, avec une qualité de service permettant d’en garantir l’effectivité. Cette effectivité est contrôlée au travers d’indicateurs portant, par exemple, sur le taux de respect des dates de livraison des services, de délai de réparation en cas de pannes ou de fourniture d’informations, ou encore sur la qualité du service après-vente.

Face à l’inquiétude d’opérateurs alternatifs, l’application de ces trois décisions ont fait l’objet d’une enquête et d’une instruction, ouvertes respectivement en décembre 2017 et en septembre 2018, par la formation du collège de l’ARCEP, spécialisée dans le règlement des différends, de poursuite et d’instruction (RDPI).

Or, les résultats de l’instruction de l’ARCEP ont démontré que la qualité de service délivrée par la société Orange, sur les offres de gros activées et des offres de gros d’accès généraliste à la boucle locale, s’est dégradée à partir de 2017.

Rejetant les explications de la société Orange, cette dégradation de la qualité de service a atteint, selon l’ARCEP, un point tel que les offres d’Orange « ne permettent plus de garantir la capacité des opérateurs tiers à livrer leurs propres offres haut débit sur les marchés aval dans des conditions appropriées » (cf. page 44 de la décision commentée).

En conséquence, l’ARCEP a mis demeure la société Orange de respecter les obligations visées par les trois décisions du 14 décembre 2017, et ce dès le 1er janvier 2019, pour atteindre progressivement les objectifs de qualité auxquels elle est soumise, et selon un calendrier précisé par la décision commentée.

Il appartiendra désormais à la société Orange de justifier du respect des obligations qui lui incombent, et ce dès la fin du mois suivant le premier trimestre 2019.

Et l’ARCEP a également précisé que la décision commentée a été prise sans préjudice d’une autre instruction ouverte à l’encontre de la société Orange sur le respect d’autres aspects des trois décisions du 14 décembre 2017.

Par ailleurs, si le montant d’une sanction pécuniaire pourrait s’établir jusqu’à 5% du chiffre d’affaires de la société Orange en cas de violation répétée d’une même obligation en vertu de l’article L. 36-11-III du Code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP n’a pas indiqué à ce jour souhaiter engager une procédure en vue d’une telle sanction.

 

[1] Décision n° 2017-1349 du 14 décembre 2017 portant sur la définition des marchés pertinents de gros des accès de haute qualité.

[2] Décision n° 2017-1347 du 14 décembre 2017 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d’accès local en position déterminée.

[3] Décision n° 2017-1348 du 14 décembre 2017 portant sur la définition du marché pertinent de fourniture en gros d’accès central en position déterminée à destination du marché de masse.

Provocation à commettre un délit suivie d’effet – Conflit de lois entre l’article 23 de la loi de 1881 et l’article 121-7 du Code pénal

Le 15 juillet 2013, à l’appel d’organisations syndicales agricoles, des producteurs de lait se réunissaient devant la Maison des agriculteurs de la Mayenne. Par la suite, ils se rendaient aux abords du siège du groupe Lactalis, pour y exprimer leur mécontentement. Ils plaçaient des pneumatiques devant le portail d’accès du groupe, qu’ils incendiaient alors à la nuit tombée, et les équipements permettant la fermeture du site étaient détériorés.

Le groupe Lactalis assignait la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de la Mayenne sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.

La Cour d’appel d’Angers, par sa décision du 17 janvier 2017, faisait droit à cette demande, sur ce fondement ; elle condamnait ainsi le syndicat en retenant que celui-ci avait donné des consignes aux agriculteurs qui devaient être qualifiées de provocation directe à la commission, d’actes illicites dommageables commis à l’aide des pneus, et qu’il y avait en conséquence un lien direct entre les directives données par le représentant du syndicat au nom de ce dernier et le préjudice subi.

Un pourvoi en cassation était formé par le syndicat, arguant que la provocation reprochée était celle prévue par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, de sorte que le seul régime juridique de responsabilité applicable n’étant pas la responsabilité civile de droit commun mais le régime de la loi spéciale sur la presse (loi du 29 juillet 1881).

La Cour de cassation n’a pas fait pas droit au moyen soulevé par le syndicat et a rejeté son pourvoi, considérant que la provocation effective dont il a fait part relève d’un acte de complicité au sens de l’article 121-7 du Code pénal et par suite du régime de l’article 1240 du Code civil.

Rappelons qu’aux termes de l’article 23 de la loi sur la presse « seront punis comme complices d’une action qualifiée de crime ou délit ceux qui […], par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics […] auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet ».

Ce texte incrimine la provocation directe suivie d’effets à commettre des crimes (ou leurs tentatives) et des délits ; il constitue le support d’une infraction autonome (soumise au régime de presse) qui est apparentée à la complicité du Code pénal (article 121-7 – régime pénal de droit commun).

Des actes matériels peuvent donc relever, en conflit, de la qualification de l’article 23 de la loi de 1881 et de celle de l’article 121-7 du Code pénal ; le comportement du représentant du syndicat pouvait ainsi relever d’un acte de provocation au sens de l’article 23 comme d’un acte de complicité par instigation au sens de l’article 121-7 du Code pénal.

Ce conflit de qualifications peut ou doit, en premier lieu, se régler par le critère de publicité, lequel est expressément requis par l’article 23 précité.

Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a sans doute constaté l’inapplication de l’article 23 à défaut de publicité, car l’auteur des propos et les manifestants étaient liés par une communauté d’intérêts ; dès lors, l’article 121-7 du Code pénal devait trouver application.

Responsabilité décennale et désordres sur équipement dissociable de l’ouvrage

Si la responsabilité décennale des constructeurs peut être recherchée pour des désordres survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, à la condition de le rendre, dans son ensemble, impropre à sa destination, le Conseil d’Etat a ici retenu une absence d’impropriété à destination pour des désordres affectant les modalités de fonctionnement d’un système de chauffage.

Si les premiers juges avaient retenu l’impropriété de l’ouvrage dans son ensemble à savoir la salle polyvalente, la Cour d’appel avait quant à elle jugé que les désordres affectant la chaudière n’empêchaient pas l’usage de la salle elle-même et avait donc écarté l’application de la garantie décennale.

Le Conseil d’Etat rappelle quant à lui, conformément à sa jurisprudence, que « la circonstance que les désordres affectant un élément d’équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n’est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l’ouvrage lui-même impropre à sa destination ».

Le pourvoi de la commune est donc rejeté, la juridiction considérant « qu’en jugeant que les dysfonctionnements mentionnés ci-dessus compromettaient seulement le fonctionnement du système de chauffage tel qu’il avait été prévu par les stipulations contractuelles mais n’affectaient pas le chauffage de la nouvelle salle communale dans des conditions qui devraient conduire à les regarder comme rendant l’ouvrage impropre à sa destination, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ».

Ainsi, pour les éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, seuls des désordres rendant l’ouvrage entier impropre à sa destination sont susceptibles d’engager la responsabilité décennale des constructeurs, et cela n’est pas le cas lorsque, même si le fonctionnement de l’élément d’équipement est rendu plus compliqué, l’ouvrage dans sa globalité demeure utilisable dans des conditions normales.