Les entreprises de l’ESS, résilientes pendant la crise sanitaire, et leur rôle croissant dans les politiques publiques locales

Les structures de l’ESS, qui se sont montrées particulièrement résilientes pendant la crise sanitaire, représentent une réelle opportunité pour les politiques publiques locales

L’entrepreneuriat territorial, qui désigne la façon dont les acteurs locaux, publics et/ou privés, s’engagent dans une dynamique collective de création de valeur économique, sociale et environnementale à destination de leur territoire, repose essentiellement sur les actions locales public/privé qui peuvent prendre des formes différentes.

Cet entrepreneuriat territorial prend appui sur :

  • les infrastructures, compétences et ressources existantes localement :
    • Les structures de l’ESS, à savoir les associations, coopératives, mutuelles, fondations, entreprises à vocation sociale, etc., qui se mobilisent à leur tour en faveur du territoire,
    • Les collectivités locales,
  • les dispositifs publics favorables aux créations d’activité locales.

Parmi ces dispositifs, on peut citer notamment les programmes étatiques de l’Agence nationale de cohésion des territoires (par exemple Territoires et Ruralités) ou les programmes de la Banque des territoires (par exemple  Territoires d’innovation).

Une autre forme de dispositif, plus originale, est l’hybridation. C’est par exemple la stratégie de développement mise en place par la métropole de Grenoble avec plus de 70 acteurs du secteur privé de l’ESS ainsi que des acteurs publics, au sein du collectif territorial French Impact en vue de la mise en œuvre de divers projets d’innovation sociale et environnementale. Tirant profit des conséquences de son caractère hybride, ce collectif a notamment pour mission de faciliter l’accès des porteurs de projets aux financements tant privés que publics et de créer des passerelles entre ces porteurs de projets et les acteurs publics.

On peut également citer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui permettent d’inscrire l’ESS dans les politiques publiques dès lors que le contrat, conclu entre l’Etat et les collectivités locales, fait l’objet d’une co-construction avec l’ensemble des acteurs du territoire, publics comme privés, dans les domaines de l’action collective couverts par l’ESS (Cf. à ce sujet la circulaire du 20 novembre 2020).

Ces divers dispositifs sont l’occasion pour les collectivités de s’appuyer sur la transversalité et l’intelligence collective, faisant des structures de l’ESS les partenaires privilégiés et des ressources pour les acteurs publics grâce notamment à leurs modèles démocratiques privilégiant l’intérêt général ou collectif.

La force de ces dispositifs est de s’appuyer sur la complémentarité et les intérêts concordants des acteurs publics et privés de l’ESS pour générer des initiatives positives sur les territoires, tout en profitant de la stabilité remarquable des structures de l’ESS dans le contexte de la crise sanitaire.

Comme dans tous les secteurs, l’ESS a été fortement impacté par la crise sanitaire. C’est ce qu’il ressort de l’analyse de l’Observatoire national de l’ESS, qui détaille les chiffres de l’emploi de l’ESS en 2020. Ainsi, le nombre d’emplois a diminué de -2,5 %, pour une perte sèche de plus de 52.500 emplois au second trimestre 2020, alors que l’année 2019 avait vu gagner 84.843 emplois.

Toutefois, dès le mois de juin 2021, le secteur de l’ESS avait déjà retrouvé un niveau d’emploi qui dépassait celui d’avant la crise sanitaire avec la création de 54.000 postes. Ainsi, le secteur de l’ESS a perdu moins d’emplois que le reste de l’économie française et a rebondi plus rapidement.

Une telle stabilité peut avoir de nombreuses causes, tenant notamment à certains traits communs de l’ESS suivants:

  • Dans la plupart des structures de l’ESS, les modèles de gouvernance associent les dirigeants, les salariés et les actionnaires à la prise de décision, ce qui est bien souvent plus protecteur pour l’emploi,
  • Les bénéfices doivent être réinvestis dans le maintien ou le développement de l’activité, ce qui encourage les structures à employer les bénéfices à la création ou au maintien de l’emploi,
  • Les collaborateurs sont souvent plus engagés et plus enclins à se fédérer autour du projet porté par la structure, y compris pendant les périodes de crise.

Le soutien de l’Etat en matière d’aides aux entreprises a bien entendu également été déterminant (chômage partiel, prêts garantis par l’État (PGE), plan de relance de 100 milliards d’euros (dont 1,3 milliards pour l’ESS) ainsi que les divers mécanismes de subventions qui existent au profit de toutes structures de l’ESS (et pas uniquement les associations), à l’instar de l’Appui aux Micro-Projets Locaux Innovants, (AMPLI), dispositif régional proposé par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et qui permet de financer l’amorçage d’une nouvelle activité économique. Ce dispositif est réservé aux structures de l’ESS (associations, entreprises commerciales bénéficiant d’un agrément ESUS) dont le projet répond à certaines conditions, notamment :

  • l’ancrage territorial reconnu (mesure du lien éventuel avec des partenaires financiers et/ou techniques et les acteurs locaux publics),
  • la mise en place d’un comité de pilotage dédié à l’amorçage du projet et réunissant les partenaires techniques, sectoriels, financiers, ayant intérêt au projet
  • la réponse aux enjeux de transition environnementale
  • la création d’au moins un emploi (0.5 ETP) en CDI
  • animer un projet autour d’une gouvernance collective (comité de pilotage avec les partenaires pour valider l’opportunité du projet).

L’intégration des structures de l’ESS aux politiques publiques locales constitue finalement un cercle vertueux et contribue à la stabilité de ce secteur qui représente aujourd’hui 14 % de l’emploi salarié en France et 10 % du PIB, ce qui est très loin d’être négligeable.

L’ESS à l’épreuve du contrat d’engagement républicain : la question de la responsabilité des associations et des fondations

Le contrat d’engagement républicain a été mis en place par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi séparatisme ».

La « souscription » à ce contrat, par lequel les associations et les fondations doivent, pour pouvoir bénéficier de subventions publiques ou d’un agrément de l’Etat, s’engager à l’égard des autorités publiques (autorité administrative ou organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial) à respecter les principes de la République listés dans cette loi, est devenue obligatoire le 1er janvier 2022, non sans susciter un certain émoi parmi les organismes à but lucratif qui y voient une cause nouvelle de mise en jeu de leurs responsabilités.

Le décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 pris en application de cette loi, publié au JORF (Journal officiel de la République française) n° 0001 du 1er janvier 2022, est venu préciser (nouvel article 10-1 ajouté à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations), le contenu du contrat d’engagement républicain.

L’article 5 du décret est consacré à la question de la responsabilité des associations et des fondations en cas de non-respect du contrat d’engagement républicain, en plus des sanctions prévues dans loi susvisée à savoir le refus ou le retrait de subventions publiques ou de l’agrément sollicité.

Pourtant, la « loi séparatisme » n’abordait pas cette question laissant supposer que le régime de droit commun s’appliquerait aux associations et fondations.

Cet article prévoit désormais que « L’association ou la fondation veille à ce que le contrat mentionné à l’article 1er soit respecté par ses dirigeants, par ses salariés, par ses membres et par ses bénévoles. Sont imputables à l’association ou la fondation les manquements commis par ses dirigeants, ses salariés, ses membres ou ses bénévoles agissant en cette qualité, ainsi que tout autre manquement commis par eux et directement liés aux activités de l’association ou de la fondation, dès lors que ses organes dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient […] ».

Il en ressort que, d’une part, l’association ou la fondation a l’obligation de veiller à ce que ses dirigeants, ses salariés, ses membres et ses bénévoles respectent le contrat d’engagement républicain souscrit. D’autre part, l’association ou la fondation est responsable des manquements au contrat d’engagement républicain commis par les différentes catégories de personnes susvisées.

Certes plusieurs conditions sont indispensables afin que de tels manquements soient susceptibles d’engager la responsabilité de l’association ou de la fondation et tout manquement ne permet pas d’engager la responsabilité de l’organisme.

Le manquement au contrat d’engagement républicain doit avoir été commis par les dirigeants, salariés, membres et bénévoles ayant agi en cette qualité ou, à défaut d’avoir été commis en cette qualité, il doit être directement lié aux activités de l’association ou de la fondation.

En outre, les « organes dirigeants », bien qu’informés de ces agissements, doivent s’être abstenus de prendre les mesures nécessaires pour le faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient. A contrario, leur responsabilité ne semble pas pouvoir être recherchée.

Il reste que cette rédaction soulève plusieurs questions, notamment, la notion d’« organes dirigeants ». Si l’on peut logiquement penser que sont ici visées les instances de gouvernance des organismes à but non-lucratif (conseil d’administration ou au bureau), la question se pose de savoir si est visé ici uniquement l’organe en tant que tel ou, plus largement, toutes les personnes le composant, prises à titre individuel. Lorsqu’un seul administrateur, informé d’un manquement au contrat d’engagement républicain commis par un des membres de l’association ou de la fondation, n’a pas pris les mesures nécessaires pour le faire cesser, compte tenu des moyens étant à sa disposition, pourra-t-il engager la responsabilité de l’association ? Quid enfin des fédérations structurées sous une forme associative à l’égard de leurs membres associations ? Il ressort de l’article 5 du décret qu’elles devraient veiller au respect du contrat d’engagement républicain par ses membres y compris donc les associations ce qui apparaît très compliqué en pratique, voire impossible car antinomique.

Plus généralement, ces dispositions interrogent sur le régime de responsabilité qui s’appliquera en cas de non-respect d’un des « engagements » du contrat d’engagement républicain.

S’agit-il d’un nouveau régime de responsabilité ? Ou s’agit-il seulement de préciser le régime existant ? Dans les deux cas, la question de la compétence du pouvoir règlementaire pour édicter de telles règles en matière de responsabilité interroge. Ce régime est-il plus exigeant ou moins exigeant que celui qui existe déjà ? Quelle articulation entre le régime existant et ces nouvelles dispositions ?

Si les dispositions susvisées ne semblent pas modifier le régime de responsabilité de droit commun s’appliquant aux associations et fondations, mais seulement préciser la manière dont le juge l’appréciera, la précision selon laquelle les organes dirigeants doivent avoir eu connaissance du manquement commis pour que ce dernier puisse être imputé à l’association ou la fondation semble en tout état de cause atténuer ce régime de responsabilité à leur encontre.

Il n’en demeure pas moins que ce décret vient faire peser sur les organes dirigeants constitués de bénévoles la charge de vérifier que toutes les mesures ont été prises afin qu’aucun manquement aux principes de la République prévus au contrat d’engagement républicain ne puisse intervenir. C’est une lourde charge pour les dirigeants bénévoles déjà inquiets, avant ces textes, de la mise en jeu de leur responsabilité.

Sur ce point, le décret apporte un éclairage intéressant et semble prendre en compte les spécificités du monde associatif à savoir les faibles moyens dont les organes dirigeants bénéficient puisqu’il est précisé que les moyens à la disposition de ces derniers sont pris en compte afin d’apprécier la responsabilité de l’association ou de la fondation.

Rappelons à ce sujet que le législateur dans le cadre de la loi du 1er juillet 2021 en faveur de l’engagement associatif a récemment prévu un régime de responsabilité atténué pour les dirigeants bénévoles en matière civile et financière dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire (Loi n° 2021-874 du 1er juillet 2021, JO n° 152 du 2 juillet 2021).

Pour l’heure, les dispositions prises au sujet du contrat d’engagement républicain aux termes du décret d’application du 31 décembre 2021 soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent d’éclairage sur la mise en jeu de la responsabilité des associations et fondations et de leurs dirigeants. C’est à l’épreuve du terrain qu’il sera possible d’apprécier concrètement la mise en œuvre de ces conventions par les autorités publiques.

Pollution de l’AIR : Procédure de renforcement et de mise à jour du plan d’action de réduction des polluants atmosphériques

L’article 121 la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a modifié l’article L. 229-26 du Code de l’environnement qui renvoie désormais au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de mise à jour du plan d’action de réduction des polluants atmosphériques.

Le décret n° 2021-1783 du 24 décembre 2021 vise ainsi à préciser les modalités de mise à jour du plan d’action de réduction des émissions de polluants atmosphériques des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).

D’une part, ce décret insère à l’article R. 229-54 du Code de l’environnement les conditions d’adoption du plan d’action de réduction des émissions de polluants atmosphériques qui étaient auparavant prévues à l’article R. 229-55. Pour rappel, le projet de plan d’action, modifié le cas échéant pour tenir compte des avis du préfet de région et du président du conseil régional, doit être soumis pour adoption à l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’EPCI, puis mis à disposition du public dans des conditions qui sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’environnement.

D’autre part, le décret précise les conditions de mise à jour ou de renforcement du plan :

  • La mise à jour obligatoire prévue au 3° de l’article L. 229-26 du Code de l’environnement d’un plan d’action adopté avant le 26 décembre 2019 doit être réalisée et adoptée suivant la procédure prévue à l’article R. 229-54 pour l’adoption d’un plan d’action. Toutefois, cette procédure n’est pas nécessaire si la mise à jour n’emporte aucune modification des actions contenues dans le plan. Dans ce cas, le plan est réputé mis à jour après que le préfet de région et le président du conseil régional ont été informés de l’absence de modifications (article R. 229-55-1 du Code de l’environnement).
  • Lorsque les objectifs territoriaux biennaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques qui sont prévus dans le plan d’action ne sont pas atteints, le renforcement de ce dernier est rendu obligatoire dans un délai de dix-huit mois en application du troisième alinéa du 3° du II de l’article L. 229-16 du Code de l’environnement. Dans ce cas, le projet de renforcement doit être élaboré et adopté suivant la procédure prévue à l’article R. 229-54 pour l’adoption d’un plan d’action (article R. 229-55-2 du Code de l’environnement).

 

Le décret prévoit néanmoins qu’il peut être dérogé à l’obligation de renforcement lorsque les objectifs territoriaux biennaux ne sont pas atteints pour des raisons imputables à des phénomènes naturels. Dans ce cas, la collectivité ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre réunit des informations sur les phénomènes en cause ainsi que les éléments prouvant que la non-réalisation des objectifs est imputable à ces phénomènes et met à la disposition du public un document d’information et d’explication qu’elle élabore.

Il convient de rappeler en outre qu’en application de l’article R. 229-55 du Code de l’environnement, le PCAET doit être mis à jour tous les six ans en s’appuyant sur le dispositif de suivi et d’évaluation, dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues par les articles R. 229-51 à R. 229-54 du même ordre pour l’adoption du PCAET.

Pollution de l’AIR : liste des communes concernées par l’obligation d’instaurer au 31 décembre 2024 une zone à faibles émissions mobilité (agglomération de plus de 150 000 habitants)

L’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit la possibilité pour l’autorité de police de créer une zone à faible émission mobilité (ZFE) dans les agglomérations et dans les zones concernées par un plan de protection de l’atmosphère (PPA). L’autorité de police, qui peut être le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), peut ainsi édicter dans ces zones des mesures de restriction de circulation, le cas échéant sur des plages horaires et jours déterminés, pour les véhicules les plus polluants.

L’instauration d’une ZFE est d’ores et déjà obligatoire depuis le 1er janvier 2021 dans les communes dans lesquelles les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L. 221-1 du Code de l’environnement ne sont régulièrement pas respectées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2213-4-1 du CGCT et aux articles D. 2213-1-0-2 et D. 2213-1-0-3 du même Code.

L’article 119 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi Climat et résilience ») rend également obligatoire la création d’une ZFE pour toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants au 31 décembre 2024.

L’arrêté du 22 décembre 2021 fixe ainsi la liste des communes incluses dans ces agglomérations et donc soumises à cette nouvelle obligation. Cette liste devra être actualisée au moins tous les cinq ans.

L’obligation d’instaurer une ZFE sur le territoire des agglomérations de plus de 150 000 habitants est toutefois réputée satisfaite pour l’ensemble des collectivités incluses dans le périmètre dès lors que le président de l’EPCI dont la population est la plus importante au sein de l’agglomération aura créé une ZFE couvrant la majeure partie de la population de l’établissement public (cinquième alinéa du I de l’article L. 2213-4-1 du CGCT).

On notera ici que les présidents d’EPCI à fiscalité propre peuvent se voir transférer le pouvoir de police leur permettant de prendre les mesures en matière de ZFE soit à l’occasion du transfert du pouvoir de police en matière de circulation et stationnement (article L. 5211-9-2, I, A al. 4), soit au titre du transfert spécialement créé pour ce faire (article L. 5211-9-2, I, C créé par l’art 119 de la loi Climat et résilience précitée).

Cette mesure vise à mieux respecter les obligations découlant de la réglementation européenne en matière de normes de qualité de l’air, notamment à la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat ordonnant au Gouvernement d’agir pour améliorer la qualité de l’air dans plusieurs zones en France (Conseil d’Etat, Assemblée, 10 juillet 2020, Association Les amis de la Terre France et autres, n° 428409 ). Elle permet également d’anticiper le durcissement à venir des normes de qualité de l’air, suite à l’évolution des connaissances scientifiques et aux travaux les plus récents de l’Organisation Mondiale de la Santé (Etude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, page 237 ).

Enfin, l’arrêté du 22 décembre 2021 actualise la liste des communes incluses dans une agglomération de plus de 100 000 habitants pour l’application de l’article L. 221-2 du Code de l’environnement sur les dispositifs de surveillance de la qualité de l’air, et celle des communes incluses dans une agglomération de plus de 250 000 habitants pour lesquelles un PPA doit être élaboré par le préfet (L. 222-4 du Code de l’environnement).

Espèces protégées : pas de dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées pour un projet d’extension d’une carrière de sable qui ne répond pas à un besoin spécifique

Le Conseil d’Etat a rendu le 30 décembre 2021 une décision relative aux conditions dans lesquelles le préfet peut accorder, pour une raison impérative d’intérêt public, une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées.

Dans cette affaire, une société sablière exploitant une carrière de sable a obtenu par arrêté préfectoral en 2016, d’une part, la prolongation de l’autorisation d’exploiter cette carrière pour trente ans et, d’autre part, l’autorisation d’extension du périmètre de l’exploitation sur 56,5 hectares supplémentaires. En février 2017, le préfet a, dans ce cadre, accordé à ladite société une dérogation à l’interdiction de procéder à la perturbation intentionnelle d’espèces animales protégées et à la destruction, l’altération et la dégradation de leurs milieux particuliers. Cette dérogation portant sur pas moins de trente-neuf espèces protégées, l’Association Manche Nature a saisi la juridiction administrative.

L’enjeu était alors pour le juge de déterminer si le projet d’extension de la carrière de sable répondait à une raison impérative d’intérêt public justifiant ainsi l’obtention par le pétitionnaire d’une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées.

En droit, lorsque les nécessités de préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’article L. 411-1 du Code de l’environnement interdit la destruction, la perturbation intentionnelle, la dégradation ou l’altération des espèces de flore et de faune sauvages protégées ou leur habitat. L’article L. 411-2 du Code de l’environnement prévoit néanmoins que l’autorité administrative compétente peut délivrer des dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, pour des « raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ». Cette dérogation ne peut toutefois être octroyée que s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Il convient de rappeler que ces dispositions transposent en droit interne les articles 12 à 16 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

En l’occurrence, la Haute juridiction rappelle dans un considérant de principe « qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Le Conseil d’Etat constate qu’en l’espèce, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits de l’espèce en considérant que le projet ne répondait pas à un besoin spécifique et que l’existence d’autres carrières dans un environnement proche suffisait aux besoins de la filière locale de transformation de granulats. En effet, il n’est pas établi qu’il n’existerait pas dans cette région d’autres gisements de sable de nature et de qualité comparables et en quantité suffisante pour répondre à la demande. Par ailleurs, il n’est pas non plus démontré que l’existence et la vitalité de la filière locale d’extraction et de transformation de granulats serait mise en péril du seul fait d’être contrainte de s’approvisionner en dehors du département, ni encore que l’acheminement du sable jusqu’aux centrales à béton du département entraînerait nécessairement un accroissement de la pollution de l’air.

Ainsi, pour la Haute juridiction, ce projet ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement et l’annulation de l’arrêté était justifiée.

Actualité des certificats d’économies d’énergie

Plusieurs textes réglementaires relatifs aux certificats d’économie d’énergie ont été publiés en décembre 2021.

  1. Conformément au décret n° 2021-1662 du 16 décembre 2021 modifiant les articles R. 221-2 et R. 221-22 du Code de l’énergie, l’article R. 221-2 du Code de l’énergie précise que les ventes d’énergie utilisée pour la production de chaleur ou de froid, réalisées en exécution de contrats d’exploitation comportant une prestation d’approvisionnement en énergie et une prestation de gestion de l’énergie, sont regardées comme des ventes d’énergie à des consommateurs finals.

Ce décret modifie également, pour les bénéficiaires personnes physiques et les syndicats de copropriétaires, les modalités calendaires de la contribution constituant le rôle actif et incitatif du demandeur de certificats d’économies d’énergie.

  1. L’arrêté du 10 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie simplifie pour sa part les montants et critères de bonification et de primes minimales liés au Coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle ».

Sont ainsi supprimés les critères liés au taux de chaleur renouvelable de la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire et au remplacement des chaudières fonctionnant au fioul ou au gaz hors condensation.

Le critère d’une consommation annuelle d’énergie primaire après travaux inférieure ou égale à 110 kWh/m2 est ajouté pour déterminer le niveau de la bonification.

En outre, l’exclusion du bénéfice du Coup de pouce des chaudières consommant du charbon ou du fioul et des chaudières consommant du gaz autres qu’à condensation est remplacée par l’exclusion des équipements de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire consommant majoritairement du charbon, du fioul ou du gaz.

Enfin, les niveaux de bonification des chartes Coup de pouce « Chauffage », « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » et « Rénovation performante d’une maison individuelle » sont modifiés.

  1. L’arrêté du 17 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014 modifié fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur et l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie modifie les modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie en ce qui concerne les plafonds de ressources définissant les ménages en situation de précarité énergétique et les ménages modestes.

Cet arrêté précise également la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur.

  1. L’Arrêté du 17 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie et l’arrêté du 28 septembre 2021 relatif aux contrôles dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie modifie certaines fiches d’opérations et notamment
  • la liste des éléments à contrôler ;
  • les échéances d’obligation de contrôle ;
  • la liste des documents justificatifs.

Par ailleurs, plusieurs fiches d’opérations standardisées ont été révisées et/ou abrogées (arrêté du 10 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie ; Arrêté du 17 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 22 décembre 2014 définissant les opérations standardisées d’économies d’énergie).

  1. Enfin, plusieurs programmes d’accompagnement en faveur des économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie ont été créés :
  • Le Programme d’innovation ADVENIR PLUS (Aide au Développement des Véhicules Electriques grâce à de Nouvelles Infrastructures de Recharge) vise à faciliter l’installation et le financement partiel d’infrastructures et des points de recharge pilotables pour véhicules légers électriques ou hybrides rechargeables, ainsi que le déploiement des points de recharge pilotables de véhicules lourds (Arrêté du 10 décembre 2021 portant création de programme dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie);
  • Le Programme d’information « SLIME + » (Services Locaux d’Intervention pour la Maitrise de l’Energie) vise à organiser, outiller et cofinancer les actions de lutte contre la précarité énergétique dans les territoires, afin de massifier le repérage des ménages concernés, de les orienter vers des solutions adaptées et, si nécessaire, de les accompagner jusqu’à la mise en œuvre de ces solutions (Arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie);
  • Le Programme Profeel 2 prend la suite du programme PRO-INNO-11 qui a vocation à favoriser la rénovation énergétique des bâtiments existants (Arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie).

Les programmes suivants ont quant à eux été prolongés :

  • Le Programme « Fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE) » est prolongé jusqu’ au 31 décembre 2024 (Arrêté du 17 décembre 2021 relatif aux programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie);
  • Le Programme ETEHC (Engager la Transition Energétique dans l’Habitat Collectif Privé) porté par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui vise à former les acteurs de la gestion immobilière, dont les syndics bénévoles et conseils syndicaux à la rénovation énergétique dans le contexte des actions « cœur de ville » avec l’appui des collectivités, est prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 (Arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie).

La procédure de référé provision pour solliciter l’exécution des conclusions indemnitaires d’un rapport d’expertise judiciaire

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Poitiers admet la possibilité de solliciter, dans le cadre d’un référé provision, les indemnisations retenues par le rapport d’expertise judiciaire.

La requérante, la Société FRANCE TURBOT ICHTUS, a saisi la Cour d’appel d’un référé provision afin d’obtenir la condamnation de la Société Enedis à lui verser la somme de 900.000 euros à titre provisionnel. 

La requérante, qui exerce une activité d’aquaculture de turbots, avait subi en février 2019, deux ruptures d’approvisionnement électrique ayant entraîné la perte de plus de 70 tonnes de turbots pour défaut d’alimentation en oxygène.

En l’absence d’accord amiable sur l’indemnisation, le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a désigné un expert judiciaire, qui a remis son rapport final le 28 mars 2021.

La Cour rappelle que « s’agissant d’une procédure de référé, il n’y a pas lieu en l’espèce de statuer au fond sur l’établissement ou la répartition des responsabilités mais sur la possibilité d’accorder une provision lorsque l’existence même de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ».

La Cour relève ainsi que les obligations d’Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, rappelées à l’article L. 322-12 du Code de l’énergie, relatif à la qualité de l’électricité, ne sont pas sérieusement contestables.

Après avoir rappelé les conclusions de l’Expert, la Cour relève que le rapport d’expertise établit d’une façon non sérieusement contestable la mise en circulation de la part d’Enedis d’un produit défectueux, en dehors de toute cause extérieure susceptible de limiter sa responsabilité (cas de force majeure, contrainte insurmontable liées à des phénomènes atmosphériques ou aux limites des techniques existantes, ou faute de la victime).

De même, s’agissant des préjudices subis, leur réalité même n’est pas sérieusement contestable.

Ce faisant, la Cour d’appel confirme l’ordonnance de première instance en ce qu’elle a condamné la Société ENEDIS à verser à la Société FRANCE TURBOT ICHTUS la somme de 900.000 euros à titre provisionnel correspondant à la part non sérieusement contestable du préjudice qu’elle subit, ainsi que la somme de 6.000 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire.

La responsabilité de l’Etat en cas de non-renouvellement d’une concession hydroélectrique

La commune de Loudenvielle a introduit, auprès du Tribunal administratif de Pau, un recours en responsabilité à l’encontre de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice que lui cause le non-renouvellement par l’Etat de la concession hydroélectrique de la vallée du Louron.

La concession en question a pris fin le 31 décembre 2007 et l’Etat n’a pas mis en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence permettant son renouvellement.

Or, l’article 33 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a créé et mis à la charge du concessionnaire, à l’occasion du renouvellement des concessions hydroélectriques, une redevance proportionnelle aux recettes procurées par les ventes d’électricité produite par les ouvrages hydroélectriques. Cette redevance doit profiter pour partie à l’Etat et pour partie aux départements et aux communes dont le territoire est traversé par les cours d’eau exploités.

Estimant que la carence de l’Etat à renouveler les concessions hydroélectriques du Louron la prive de cette redevance[1], la commune de Loudenvielle sollicite l’indemnisation du manque à gagner qu’elle estime subir.

S’agissant de la responsabilité de l’Etat, la Cour administrative d’appel infirme le jugement et retient la responsabilité de l’Etat en raison de la carence de celui-ci à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi.

La Cour précise également que l’Etat ne peut se prévaloir de changement du cadre législatif et réglementaire, au demeurant postérieur à l’expiration du contrat de concession, pour s’exonérer de sa responsabilité.

De même, l’Etat ne saurait se prévaloir de l’abstention du concessionnaire sortant de fournir le dossier de fin de concession, en dépit de ses relances régulières. La Cour relève en effet que cette difficulté aurait pu être surmontée par l’Etat « en faisant usage des pouvoirs de contrainte et de sanction dont il dispose en tant qu’autorité de police, ce qu’il s’est abstenu de faire sur la période considérée ». En l’espèce, l’Etat s’est seulement contenté d’adresser un projet de mise en demeure de déposer un dossier de fin de concession, qui n’a pas été suivi d’une mise en demeure en bonne et due forme.

S’agissant ensuite du préjudice de la commune, la Cour administrative d’appel rejette les demandes d’indemnisation en considérant que le préjudice n’est pas certain. 

La Cour rappelle d’un part, que compte tenu des aléas inhérents à une procédure de mise en concurrence et à la faculté pour la personne publique de renoncer à conclure le contrat, « l’organisation d’une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’une concession hydroélectrique, quand bien même elle constitue une obligation légale pour l’Etat, n’est pas de nature permettre la mise en œuvre des dispositions précitées de l’article L. 523-2 du Code de l’énergie. Dans ces conditions, la commune de Loudenvielle ne disposait d’aucune certitude quant au renouvellement effectif de la concession ni, en conséquence, de la garantie de percevoir la redevance instituée par l’article L. 523-2 précité du Code de l’énergie ».

D’autre part, la Cour relève que la redevance mise à la charge du concessionnaire est proportionnelle aux recettes de la concession, lesquelles résultent de la vente d’électricité dans un contexte renouvelé de mise en concurrence des candidats.

Le montant de la redevance est donc pour la Cour administrative d’appel incertain dès lors qu’il dépend des bénéfices retirés par le concessionnaire des installations hydroélectriques.

Ce faisant, la Cour confirme le rejet de la demande indemnitaire mais on retiendra que si le préjudice est ici regardé comme incertain, il n’est pas inexistant, laissant penser que le problème élevé par la commune n’est pas définitivement clos.

 

[1] On précisera toutefois que pour pallier le préjudice financier subi par les collectivités et leurs groupements du fait de l’absence de renouvellement des concessions, le législateur a fini par introduire dans le Code de l’énergie un article L. 523-3 (issu de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), instituant à compter du 1er janvier 2019 le versement, par le concessionnaire titulaire d’un contrat de concession soumis au régime des délais glissants, d’une redevance proportionnelle aux recettes ou aux bénéfices de la concession. Si la redevance est versée à l’Etat, une partie doit revenir aux départements, aux communes et aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés (Voir note brève dans la Lettre d’Actualités Energie et Environnement de juillet 2019).

Ressource en eau : report dans le temps de l’annulation d’une autorisation de prélèvement d’eau pour non-conformité au SDAGE

La Cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée le 21 décembre 2021 sur le recours de plusieurs associations de protection de l’environnement formé contre un arrêté interpréfectoral ayant délivré au syndicat mixte Irrigadour, désigné en qualité d’organisme unique de gestion collective de l’eau, une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d’eau à usage agricole.

Les requérantes invoquaient la contrariété de l’autorisation avec le SDAGE, étant précisé que la première doit être compatible avec le second. La CAA endosse à cet égard la position du Conseil d’Etat, découlant de l’arrêt CE, 11 mars 2020, société Valhydrau, n° 422704, et énonce qu’« il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier ».

Dans ce contexte, la Cour considère que l’autorisation délivrée est incompatible avec les objectifs définis par le SDAGE Adour-Garonne dès lors que ses prescriptions « ne permettent de considérer que l’autorisation délivrée permettrait d’atteindre, à une proche échéance, les objectifs de non détérioration des masses d’eau et de bon état des eaux ou, à tout le moins de s’en approcher » et que « malgré les efforts engagés en vue d’adopter des projets de territoire de gestion de l’eau pour certains périmètres, et bien que les volumes autorisés ne correspondent pas nécessairement aux volumes réellement consommés, l’autorisation litigieuse ne peut être regardée comme permettant de restaurer un équilibre entre les prélèvements et les ressources disponibles ». Les effets de l’annulation sont toutefois différés dans le temps au regard des conséquences importantes de celle-ci, qui est de nature à remettre immédiatement en cause les conditions dans lesquelles les irrigants ont engagé la campagne culturale.

On indiquera au demeurant que cette décision revêt un intérêt particulier s’agissant de la procédure contentieuse, celle-ci annulant le jugement rendu en première instance aux motifs que les parties n’ont pas été mises en mesure de connaître l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer au tribunal administratif d’adopter.

Assainissement : actualités jurisprudentielles sur la portée juridique du zonage d’assainissement

CAA Nantes, 17 décembre 2021, Mme A., n° 21NT00502 

 

En décembre 2021, les Cours administratives d’appel de Bordeaux et Nantes se sont prononcées sur la portée du zonage d’assainissement, qui est élaboré par « les communes ou leurs établissements publics de coopération » en application de l’article L. 2224-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), et plus particulièrement sur les conséquences de la délimitation des zones d’assainissement collectif.

Il importe de souligner qu’une décision du Conseil d’Etat de 2017 avait considéré à cet égard que la délimitation d’une telle zone entrainait l’obligation de procéder dans un délai raisonnable à des travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif si une demande en ce sens était formulée par les propriétaires de la zone (CE, 24 novembre 2017, M. B., n° 396046), la personne publique compétente disposant d’une marge d’appréciation pour délimiter ces zones.

1°) La CAA de Bordeaux a rendu, le 16 décembre 2021, un arrêt sur la portée de la délimitation des zones d’assainissement collectif du zonage d’assainissement lorsqu’il n’existe aucun réseau public sur le territoire d’une commune. La Cour a jugé, à la différence de l’arrêt du Conseil d’Etat précité, que « la délibération prise en application des dispositions de l’article L. 2224-10 précité se borne à classer en zone d’assainissement collectif les secteurs concernés sans autoriser de dispositif d’assainissement particulier et se limite à fixer des secteurs géographiques où l’assainissement sera collectif. Par suite, la délimitation d’une zone d’assainissement collectif conduit simplement à faire peser sur la commune une obligation de financement de la collecte et du traitement des eaux usées domestiques, à condition qu’existe un réseau d’assainissement. En l’absence de réseau collectif, les immeubles doivent disposer d’un système d’assainissement autonome aux normes, le zonage de l’assainissement étant à cet égard sans incidence ». La Cour juge ici que la circonstance que le territoire de la Commune de Ginouillac, commune de moins de 2.000 habitants qui ne dispose d’aucun système d’assainissement collectif, soit classé en zone AC ne lui impose pas de créer un tel réseau collectif. Il apparaît toutefois vraisemblable que cette décision de la CAA constitue une décision d’espèce, justifiée par la situation particulière dans laquelle se trouvait la commune.

2°) La CAA de Nantes s’est également prononcée le 17 décembre 2021 sur la délimitation du zonage d’assainissement, une communauté de communes ayant refusé de procéder au raccordement d’un particulier dont la propriété se situe en zone d’assainissement non-collectif. Cette décision s’inscrit dans la continuité de l’arrêt précité du Conseil d’Etat, la Cour jugeant que la personne publique « n’était pas tenue d’exécuter les travaux d’extension du réseau d’assainissement pour y raccorder la propriété de Mme A… qui n’est pas située dans la zone d’assainissement collectif ». La CAA rappelle également que les structures compétentes ont un large pouvoir d’appréciation pour délimiter les zones d’assainissement, et indique par ailleurs qu’une personne disposant d’une installation d’assainissement non-collectif non-conforme ne peut s’en prévaloir pour soutenir que le zonage d’assainissement ne garantirait pas le respect de la salubrité publique et exiger sur ce motif le classement de sa parcelle en zone d’assainissement collectif et son raccordement au réseau public, la mise en conformité de son installation lui incombant.

ICPE : le cumul des sanctions administratives et pénales ne méconnaît pas le principe de nécessité et de proportionnalité des peines

Le Conseil constitutionnel, saisi par la chambre criminelle de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), s’est prononcé sur le caractère constitutionnel de l’article L. 171-8 et du paragraphe II de l’article L. 173-1 du Code de l’environnement (C. env.). Ces articles prévoient respectivement des sanctions administratives et pénales en cas d’inobservation des prescriptions applicables, en vertu de ce Code, aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Ils retiennent en effet que, lorsque l’exploitant d’une ICPE méconnaît les règles prescrites par le Code de l’environnement, alors l’autorité administrative compétente met en demeure ledit exploitant d’y satisfaire dans un délai qu’elle détermine. Si l’exploitant ne s’est pas conformé à cette mise en demeure dans le délai qui lui a été imparti, alors il pourra se voir infliger une amende administrative de 15 000 euros maximum (article L. 171-8, C. env.). Par ailleurs, il est également prévu que la personne physique qui s’est rendue coupable du délit d’exploitation d’une ICPE en violation de cette mise en demeure encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 100. 000 euros d’amende. Lorsque l’exploitant est une personne morale, elle encourt une peine de 500. 000 euros d’amende et/ou de dissolution, de placement sous surveillance judiciaire, de fermeture temporaire ou définitive et d’exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif (article L. 173-1, C. env.).

La société Spécitubes, requérante, dénonçait alors ce cumul possible de sanctions en vertu du principe non bis in idem, qui interdit de poursuivre ou de punir pénalement deux fois une personne à raison des mêmes faits.

Le Conseil constitutionnel retient à cet égard que le principe des délits et des peines implique « qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux ».

Or, en l’espèce, le Conseil constitutionnel retient que les peines encourues au titre des articles en cause sont de natures différentes, l’une étant de uniquement nature pécuniaire, et l’autre prévoyant « une peine d’amende et une peine d’emprisonnement pour les personnes physiques ou, pour les personnes morales, une peine de dissolution, ainsi que les autres peines précédemment mentionnées ».

Le Conseil constitutionnel, en retenant que les sanctions dont il est question sont de natures différentes, estime ainsi que les articles en cause ne méconnaissent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines et que le cumul des sanctions litigieuses est bien constitutionnellement possible.

Classement des substances composant les produits phytopharmaceutiques pour l’établissement de la redevance pour pollutions diffuses

L’article L. 213-10-8 du Code de l’environnement prévoit que les personnes qui acquièrent un produit phytopharmaceutique ou une semence traitée au moyen d’un tel produit, ou qui commandent une prestation de traitement de semence au moyen d’un tel produit, sont assujetties à une redevance pour pollution diffuse.

Le taux de la redevance dépend des produits en cause, lesquels sont classés selon leur dangerosité et leur toxicité.

L’arrêté du 19 novembre 2021, publié le 26 décembre 2021, pris conjointement par les ministres de la transition écologique et de l’agriculture et de l’alimentation, établit dans ce cadre la liste des substances contenues dans les produits pharmaceutiques et les classes afin de connaître le taux de redevance applicable à chaque produit. Il convient dès lors de s’y référer pour connaître le taux applicable.

Sortie du statut de déchet pour les déblais de terres excavées et réemployées dans le cadre de grands projets d’aménagement

Après la publication de l’arrêté du 4 juin 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement (voir notre article), la Ministre de la transition écologique a publié, le 5 janvier 2022, un arrêté daté du 21 décembre 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les aménagements constitués de déblais de terres naturelles excavées et gérées au sein d’un grand projet d’aménagement ou d’infrastructure.

Cet arrêté fixe les critères dont le respect permet de faire sortir du statut de déchet des déblais de terres naturelles excavées et gérées au sein d’un grand projet d’aménagement ou d’infrastructure, en s’appuyant sur des opérations de contrôle. Il permet ainsi aux maîtres d’ouvrage de tels projets de réemployer les terres excavées directement sur le site en cause.

L’arrêté définit les « grands projets d’aménagement ou d’infrastructure » comme étant ceux présentant les caractéristiques cumulatives suivantes : ils sont déclarés d’utilité publique, soumis à autorisation environnementale et à évaluation environnementale systématique. Les terres excédentaires excavées lors de ces chantiers peuvent alors sortir du statut de déchet si elles répondent à six critères définis par l’arrêté :

  1. Le maître d’ouvrage décrit, dans son dossier de demande d’autorisation environnementale, les conditions de gestion des terres permettant de justifier qu’elles ne soient plus considérées comme des déchets :
  2. Les terres satisfont aux critères définis à l’annexe I, section 1 de l’arrêté : consistance, absence de dangerosité, etc. ;
  3. Le dépôt des terres satisfait aux critères définis à l’annexe I, section 2 de l’arrêté : dépôt réalisé sur le site du projet, préservation de la ressource en eau et des écosystèmes, maintien de la qualité des sols ;
  4. Les terres sont gérées sur le site du projet ;
  5. Le maître d’ouvrage applique un système de gestion règlementaire de la qualité (voir l’arrêté du 19 juin 2015 relatif au système de gestion de la qualité mentionné à l’article D. 541-12-14 du code de l’environnement) ;
  6. L’aménagement constitué des déblais de terre sont, une fois réalisés, inspectés par les services de la Préfecture.

Il est également prévu que les différentes analyses rendues nécessaires par l’étude et le suivi et le contrôle des terres soit réalisé par un « personnel compétent », c’est-à-dire justifiant d’une formation en matière de gestion des déchets et des sites et sols pollués.

Enfin, chaque lot de déblai doit être identifié par un numéro unique et la zone d’excavation doit être référencée. Le maître d’ouvrage est par ailleurs tenu de conserver pendant dix ans toutes les pièces permettant de justifier du respect de l’ensemble des conditions énoncées par l’arrêté.

Précisions du CoRDiS sur le traitement d’une demande de raccordement déposée par un mandataire et la portée de la norme NF C 14-100

Dans une décision du 14 octobre 2021 (publiée récemment), le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a tranché un différend opposant la société « Elec’Chantier 44 » à Enedis au sujet du raccordement au réseau de distribution d’électricité d’une habitation appartenant à des particuliers ayant mandaté la société Elec’Chantier 44 pour présenter sa demande de raccordement.

Enedis avait, au cours de l’instruction de la demande de raccordement, méconnu le mandat confié par les propriétaires à la société Elec’Chantier44 en adressant directement aux particuliers le devis de raccordement et en s’abstenant de communiquer à la société un certain nombre de documents qu’elle avait sollicités. La société Elec’Chantier44  soutenait dès lors que la société Enedis avait « fait preuve d’un défaut d’information, d’objectivité et de transparence dans le cadre du traitement de la demande de raccordement de l’habitation », qu’elle avait « agi de manière manifestement discriminatoire et failli à ses obligations de communication, de transparence et d’information » et, enfin, qu’elle n’avait « pas assuré le droit d’accès de M. M. et de Mme F. au réseau public de distribution d’électricité ».

Le CoRDiS écarte cet argumentaire en précisant « qu’une proposition de raccordement formulée dans des conditions dans lesquelles le gestionnaire de réseau a manqué à ses obligations de transparence, d’information, de non-discrimination et d’objectivité ne peut être assimilée à un refus d’accès au réseau que si la gravité des manquements est telle que l’accès en a été compromis, ce qui n’est pas établi en l’espèce ».

Le CoRDiS relève en effet « que pour regrettable qu’ait pu être la prise en compte imparfaite par la société Enedis du mandat dont dispose la société Elec’Chantier 44, les actes qui ont pu être formalisés en conséquence ont été retirés par la société Enedis et n’ont produit aucun effet sur la situation juridique des demandeurs, dont l’accès au réseau n’a pas été refusé. Que dès lors, s’il n’est pas de bonne administration pour la société Enedis de ne respecter que partiellement la portée d’un mandat de représentation, il n’y a pas lieu pour autant de relever qu’elle a méconnu ses obligations d’information, d’objectivité et de transparence, de manière à constituer un refus d’accès au réseau ».

Ainsi, la méconnaissance du mandat confié par les propriétaires à la société ne peut en l’espèce être regardée comme un refus d’accès au réseau dès lors, surtout, qu’Enedis a régularisé la situation.

Ensuite, sans entrer dans le détail du désaccord relatif à la solution technique de raccordement proposée (qui donne lieu à d’assez longs développements) et de l’appréciation qu’en fait le CoRDiS, on relèvera la réaffirmation par le comité du caractère non obligatoire de la norme NF C 14-100 relative aux branchements.

A ce titre, le CoRDiS relève que « si la norme NF C 14-100 demeure une norme de référence, elle ne peut faire obstacle à ce qu’une solution qui ne répond pas en tous points aux prévisions de cette norme ne puisse, par principe, constituer l’opération de raccordement de référence » (points 20 et 27).

Au global, le CoRDiS, estimant que les éléments produits par Enedis ne permettent pas de justifier les coûts la solution de raccordement proposée, enjoint au gestionnaire de réseau d’étudier l’opération de raccordement présentée par la société Elec’ Chantier 44 et de réaliser une étude permettant de déterminer l’opération de raccordement de référence, en transmettant tous les éléments nécessaires à la bonne information de la société Elec’ Chantier 44, dûment mandatée par le demandeur du raccordement, et de produire une proposition de raccordement dans un délai de 30 jours.

Censure de la position de la CRE sur la notion de force majeure au sens de l’accord-cadre ARENH

Par un arrêt en date du 10 décembre 2021, le Conseil d’Etat a partiellement annulé une délibération de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) se prononçant sur l’applicabilité de la théorie de la force majeure aux accords-cadres pour l’Accès Régulé au Nucléaire Historique (ARENH) conclus par les fournisseurs d’électricité avec EDF en vue d’acquérir de l’électricité d’origine nucléaire.

On rappellera que depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les fournisseurs alternatifs (Engie, Total, Eni…) peuvent acheter à l’avance et à prix fixe une certaine quantité d’électricité nucléaire produite par EDF, dans le cadre du mécanisme de l’ARENH.

En vertu de ce mécanisme, la société EDF est tenue de céder jusqu’à 100 TWh/an de sa production nucléaire à ses concurrents fournisseurs qui le lui demandent à un prix fixe de 42 euros/MWh. Dans le cadre de ce dispositif, chaque fournisseur est lié à EDF par un accord-cadre dont le modèle est fixé par arrêté ministériel.

Ceci rappelé, la crise sanitaire survenue en 2020 a entraîné une importante baisse de la consommation d’électricité en France et une diminution du prix de l’électricité sur les marchés de gros, lequel a atteint un niveau bien inférieur à 42 euros/ MWh.

En conséquence, certains fournisseurs d’électricité, estimant que cette situation était constitutive d’un « évènement de force majeure » au sens de l’article 10 du modèle d’accord-cadre pour l’ARENH, ont demandé à mettre en œuvre les stipulations de l’article 13 de l’accord-cadre afin d’obtenir (i) la suspension du contrat pour force majeure, (ii) mettre fin ensuite aux livraisons des volumes d’ARENH pendant la durée de la force majeure et (iii) enfin, s’approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas pour la totalité de leurs volumes.

Toutefois, EDF s’est opposé au déclenchement de cette clause, considérant que les conditions prévues dans le contrat ARENH n’étaient pas réunies. 

Par une délibération n° 2020-071 du 26 mars 2020 portant communication sur les mesures en faveur des fournisseurs prenant en compte des effets de la crise sanitaire sur les marchés d’électricité et de gaz naturel, la CRE a constaté le désaccord entre les fournisseurs alternatifs d’électricité et la société EDF, donné son interprétation des dispositions précitées de l’article 10 du modèle d’accord-cadre et son analyse des conséquences sur le marché de l’électricité d’une suspension des accords-cadres sur l’ARENH.

Aux termes de cette délibération la CRE a ainsi relevé que « la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH » et que « les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH en raison de l’activation des clauses de force majeure seraient disproportionnées. Enfin, une telle situation créerait un effet d’aubaine pour les fournisseurs au détriment d’EDF qui irait à l’encontre des principes de fonctionnement du dispositif qui reposent sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an ».

En conséquence de ses analyses, la CRE a refusé de transmettre à RTE une évolution des volumes d’ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d’activation de la clause de force majeure, ce refus de reconnaître la situation de force majeure faisant obstacle pour les fournisseurs à la suspension effective de leurs achats d’électricité auprès d’EDF.

La société Hydroption a introduit un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la délibération de la CRE du 26 mars 2020 en tant qu’elle refuse de reconnaître l’existence d’une situation de force majeure.

Statuant sur ce recours, le Conseil d’Etat a tout d’abord confirmé la recevabilité de la requête de la société Hydroption en notant que « l’interprétation que la CRE a donné des dispositions précitées de l’article 10 du modèle d’accord-cadre pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, alors même qu’elle ne saurait avoir pour effet de lier l’appréciation des juridictions qui ont été saisies des différends entre les fournisseurs d’électricité et la société EDF, a eu pour objet d’influer de manière significative sur le comportement des intéressés » et que, dès lors, « eu égard à sa qualité de fournisseur d’électricité, la société requérante justifie d’un intérêt direct et certain à l’annulation de cette prise de position, qui a été adoptée par la CRE dans le cadre de sa mission de régulation ».

Puis, statuant au fond sur la licéité de la délibération de la CRE, le Conseil d’Etat considère qu’elle est entachée d’une erreur de droit puisqu’« en réservant l’application de la force majeure à l’hypothèse d’une impossibilité totale pour l’acheteur d’exécuter l’obligation de paiement de l’ARENH alors que les stipulations de l’article 10 de l’accord-cadre subordonnaient uniquement le bénéfice de cette clause à la condition qu’un événement extérieur, irrésistible et imprévisible rende impossible l’exécution des obligations des parties dans des conditions économiques raisonnables, la Commission de régulation de l’énergie a entaché la délibération attaquée d’une erreur de droit ».

Le Conseil d’Etat annule donc la délibération attaquée en tant qu’elle énonce que « la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rendait totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH ».

Pour autant, si la décision a le mérite de rappeler la nécessité de s’en tenir à une lecture stricte des stipulations contractuelles, la portée de cette décision du 10 décembre 2021 s’avère, en tant que telle, relativement limitée.

D’abord, le Conseil d’Etat refuse d’enjoindre à la CRE de prendre une nouvelle délibération.

Ensuite, les litiges opposant les parties à l’accord-cadre ARENH relèvent du Juge judiciaire (Tribunal de commerce de Paris et Cour d’appel de Paris), et la Cour d’appel de Paris avait, par plusieurs arrêts du 28 juillet 2020, statué en faveur des fournisseurs et reconnu l’existence de cas de force majeure (CA Paris, 28 juillet 2020, n° 20/06676, n° 20/06675 et n° 20/06689).

Enfin, la rédaction des clauses relatives à la force majeure contenues dans le modèle d’accord-cadre ARENH qui avaient donné lieu à ces différends a, depuis la délibération de la CRE du 26 mars 2020, été modifiée (Arrêté du 12 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 28 avril 2011 pris en application du II de l’article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité).

Rejet d’un recours d’Enedis dirigé contre le TURPE 5 BIS HTA BT

Par une décision du 9 décembre 2021, le Conseil d’Etat a rejeté le recours introduit par la société Enedis à l’encontre du Tarif d’Utilisation des Réseaux publics d’Electricité (TURPE) haute tension A (HTA) et basse tension (BT) dits « TURPE 5 bis HTA-BT » applicable à compter du 1er août 2018 tel qu’il avait été modifié par une délibération n° 2019-138 du 25 juin 2019 de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

Par cette délibération du 25 juin 2019, la CRE avait fait évoluer le tarif à compter du 1er août 2019 en retenant une évolution moyenne à la hausse de 3,04 % et en ajustant le montant moyen par client de la contrepartie versée aux fournisseurs par le gestionnaire de réseau au titre des prestations de gestion de clientèle que ces fournisseurs assurent pour le compte dudit gestionnaire au profit des utilisateurs titulaires d’un contrat unique.

On rappellera en effet que l’article L. 224-8 du Code de la consommation et l’article L. 332-3 du Code de l’énergie prévoient la faculté de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d’électricité. La souscription d’un tel contrat dispense les consommateurs de conclure directement un contrat d’accès au réseau avec le gestionnaire du réseau de distribution, parallèlement au contrat de fourniture conclu avec leur fournisseur.

La société Enedis demandait l’annulation de cette délibération en tant qu’elle ne prévoyait pas la couverture intégrale des sommes exposées par elle au titre des contrats de prestations de services conclus avec différents fournisseurs d’électricité, en méconnaissance (selon le gestionnaire de réseau) du principe de couverture intégrale des coûts.

Le Conseil d’Etat écarte toutefois les différents arguments du distributeur :

  • D’abord, il considère que les sommes versées avant le 1erjanvier 2017 par la société Enedis aux sociétés Enercoop et Total Spring en application des contrats de prestations de services qu’elle avait conclus avec ces fournisseurs, ont été totalement couvertes par les revenus que le gestionnaire du réseau public d’électricité a perçus durant la période au titre de laquelle se sont appliqués les tarifs dits « TURPE 4 », de sorte que la société Enedis n’est pas fondée à soutenir que ces sommes auraient également dû être prises en compte pour déterminer l’évolution de la grille tarifaire des tarifs « TURPE 5 bis HTA-BT » à compter du 1er août 2019 ;
  • Ensuite, le Conseil d’Etat écarte l’argument de la société Enedis selon lequel certaines sommes versées par elle à la société ENI auraient été écartées à tort du Compte de Régulation des Produits et Charges (CRPC) par la CRE ;
  • Enfin, le Conseil d’Etat juge que la CRE a valablement pu considérer que ni les éléments présentés par Enedis, ni les informations détenues par ailleurs par le régulateur ne permettaient de constater, à la date de la décision à laquelle la CRE a rejeté le recours gracieux formé par Enedis à l’encontre de la délibération du 25 juin 2019, qu’un écart significatif s’était produit ou serait susceptible de se produire entre le revenu autorisé et les coûts de la société.

En définitive le Conseil d’Etat estime que la délibération de la CRE ne peut être regardée comme ne prévoyant pas la couverture intégrale des sommes exposées par Enedis en contrepartie des prestations de gestion de clientèle en contrat unique réalisées par les fournisseurs d’électricité et rejette le recours de la société Enedis.

Modification des règles relatives à la sécurité des canalisations de distribution de gaz combustible

Un arrêté du 6 décembre 2021 a apporté des modifications aux règles relatives à la sécurité des canalisations de distribution de gaz combustible contenues posées par l’arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations.

Parmi les diverses modifications apportées par ce texte, on relèvera qu’il intègre dans la définition des réseaux les postes d’injection qui en étaient jusqu’alors absents (art. 2), et crée en outre les définitions de « conduite de distribution » et de « branchement » (art. 2).

L’arrêté du 6 décembre 2021 précise également que les prescriptions techniques posées par l’arrêté du 13 juillet 2000 s’appliquent « à tous les réseaux quelle que soit leur date de mise en service, y compris lors des opérations de renouvellement ou de remplacement » (art. 3). Par dérogation toutefois, les parties de réseaux en service avant le 20 août 2000 ne sont pas concernées par un certain nombre de règles relatives à la construction et à l’assemblage des réseaux.

En matière de renouvellement des réseaux, l’arrêté prévoit que « les réseaux ou tronçons de réseaux sont renouvelés autant que nécessaire ». Il impose la réalisation d’un programme de traitement par le gestionnaire « pour l’ensemble des réseaux ou tronçons de réseaux constitués de tuyauteries en tôle bitumée, fonte à graphite sphéroïdal et cuivre » et prévoit en tout état de cause la mise hors service, le remplacement ou le retrait de ces ouvrages selon le calendrier suivant :

  • le 1er janvier 2026 pour les conduites et les branchements en tôle bitumée ;
  • le 1er janvier 2026 pour les conduites et les branchements en fonte à graphite sphéroïdal et dont la pression est supérieure ou égale à 50 millibars ;
  • le 1er janvier 2050 pour les conduites et les branchements en fonte à graphite sphéroïdal et dont la pression est inférieure à 50 millibars ;
  • le 1er janvier 2050 pour les conduites en cuivre sur le domaine public.

L’arrêté fixe des exigences supplémentaires concernant les plans de surveillance et de maintenance (PSM) et ouvre la possibilité de construire des canalisations en matériaux autres qu’en acier ou en polyéthylène pour lesquels un guide professionnel précisera les dispositions applicables (art.8).

L’arrêté fixe par ailleurs des délais d’intervention maximums sur les réseaux en délégation de service public s’élevant :

  • à 1 heure dans 96 % des interventions de sécurité gaz calculé annuellement sur l’ensemble de son périmètre, pour un opérateur qui réalise plus de 200 interventions de sécurité au niveau national sur des réseaux exploités en délégation de service public ;
  • à 1 heure dans 80 % des interventions de sécurité gaz calculé annuellement sur l’ensemble de son périmètre, pour un opérateur qui réalise moins de 200 interventions de sécurité au niveau national sur des réseaux exploités en délégation de service public.

L’arrêté entre en vigueur le 1er juillet 2022 à l’exception de certaines dispositions dont l’entrée en vigueur est différée au 1er janvier 2023 et au 1er juillet 2025 (celles relatives aux délais d’intervention prévus dans les délégations de service public).

Calendrier prévisionnel de la publication à venir des décrets d’application de la loi Climat et résilience en matière d’urbanisme

Un calendrier prévisionnel de la publication à venir de l’ensemble des décrets d’application de la loi Climat et résilience (n° 2021-1104 du 22 août 2021 parue au journal officiel n° 196 du 24 août 2021) est désormais disponible.

En matière d’urbanisme, les principaux décrets d’application ont vocation à intervenir entre le mois de janvier et juillet 2022.

L’une des premières échéances prévues par la loi Climat, fixée au 22 février 2022, vise à établir, dans les conférences régionales des SCoT, la déclinaison de l’objectif de réduction par deux de la consommation effective d’espaces naturels agricoles et forestiers dans les dix prochaines années.

Comptes-tenus du caractère restreint des délais prévus par les textes, l’Association des Maires de France (AMR) et de l’Association des Régions de France (ARF) se sont associés pour solliciter un report des délais fixés par la loi Climat et résilience.

Des débats sont en cours dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Ce projet, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale le 4 janvier 2022, fait l’objet de discussions en commission mixte paritaire depuis le 6 janvier dernier.

L’adoption définitive du projet de loi pourrait impacter l’entrée en vigueur effective des décrets d’application en matière d’urbanisme, tels que prévus par le calendrier prévisionnel actuellement disponible.

Evolution de la prime de transition énergétique

Arrêté du 30 décembre 2021 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique et l’arrêté du 17 novembre 2020 modifié relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique

 

La prime de transition énergétique, également appelée « MaPrimeRenov’ », a été créée par l’article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2020 de finances pour 2020. Ce dispositif d’aide permet de soutenir la rénovation des logements occupés à titre de résidence principale par leur(s) propriétaire(s).

Deux textes publiés au Journal officiel de la République française du 31 décembre 2021 modifient le dispositif de la prime, à compter du 1er janvier 2022.

En premier lieu, le décret n° 2021-1938 du 30 décembre 2021 prévoit, s’agissant des demandes de primes, les principales évolutions suivantes :

  • L’ancienneté du logement est d’au moins 15 ans (l’ancien dispositif prévoyait une ancienneté de 2 ans) à compter de la notification de la décision d’octroi, à l’exception des demandes de prime réalisées dans le cadre d’un changement de chaudière fonctionnant au fioul, qui peuvent concerner des logements de plus de 2 ans et doivent alors faire l’objet d’une demande accompagnée de prime au titre d’une dépose de cuve à fioul ;
  • La durée minimale d’occupation du logement est fixée à 8 mois par an (au lieu de 6 mois auparavant) ;
  • Le propriétaire s’engage à occuper son logement à titre de résidence principale dans un délai d’un an (au lieu de 6 mois auparavant) à compter de la demande de solde ;
  • Le délai de réalisation des travaux est augmenté à 2 ans (au lieu d’un an auparavant) ;
  • Corrélativement, le délai de réalisation des travaux est augmenté à 1 an (au lieu de 6 mois précédemment) en cas de versement d’une avance sur la prime ;
  • Seuls les ménages peuvent demander et percevoir une avance ;
  • Des précisions sont apportées quant aux modalités de calcul du reversement partiel de la prime pour les propriétaires bailleurs.

En second lieu, l’arrêté du 30 décembre 2021 modifie les arrêtés du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique et du 17 novembre 2020 relatif aux caractéristiques techniques et modalités de réalisation des travaux et prestations dont les dépenses sont éligibles à la prime de transition énergétique.

En substance, ce texte précise les modalités de calcul du reversement partiel de l’aide pour les propriétaires bailleurs n’ayant pas respecté les conditions d’attribution de la prime, revalorise les forfaits pour l’installation des foyers fermés et inserts et supprime la demande de l’extrait K bis des entreprises mandataires.

On précisera que la prime de rénovation énergétique est cumulable avec d’autres aides à la rénovation énergétique telles que les certificats d’économies d’énergie (CEE), lesquels ont également fait l’objet d’évolutions réglementaires récentes[1].

 

[1] Retrouvez notre analyse des dernières évolutions réglementaires relatives au CEE 

Précisions des modalités de fixation du critère de sécurité d’approvisionnement

Délibération n °2021-370 du 16 décembre 2021 portant avis sur le projet de règles du mécanisme de capacité

Délibération n° 2021-371 du 16 décembre 2021 portant approbation du plafond utilisé dans le cadre du règlement financier des écarts du mécanisme de capacité pour les années 2023 et 2024

Délibération n° 2021-372 du 16 décembre 2021 portant approbation de la proposition de convention RTE – GRD relative aux échanges de données pour le calcul de l’obligation de capacité

 

Conformément à l’article L. 100-1 du Code de l’énergie, la politique énergétique doit notamment assurer la sécurité d’approvisionnement et réduire la dépendance aux importations.

Pour mémoire, la sécurité d’approvisionnement énergétique recouvre la capacité des systèmes électriques (et gaziers) à satisfaire de façon continue la demande prévisible du marché et implique ainsi que soit évitée la défaillance du système électrique. A cette fin, l’objectif de sécurité d’alimentation électrique, également appelé « critère de défaillance », a été mis en place et codifié à l’article D. 141-12-6 du Code de l’énergie.

L’article 1er du décret n° 2021-1781 du 23 décembre 2021, ici commenté, remplace les dispositions de l’article D. 141-12-6 susvisé, en prévoyant désormais que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité effectue une estimation du coût de l’énergie non distribuée et du critère d’approvisionnement au moins une fois par période de programmation pluriannuelle de l’énergie (soit 5 ans) ou sur demande du Ministre chargé de l’énergie.

Ces estimations sont ensuite notifiées au Ministre ainsi qu’à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) au plus tard six mois avant l’échéance de la période en cours de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

En tenant compte de ces estimations et dans un délai de deux mois après leur notification, la CRE propose une valeur du critère d’approvisionnement pour la France métropolitaine continentale.

Enfin, à compter du 1er juillet 2022, le Ministre chargé de l’énergie fixera le coût de l’énergie non distribuée et le critère de sécurité d’approvisionnement en prenant en considération la proposition de la CRE.

L’article 2 du décret du 23 décembre 2021 prévoit pour sa part que jusqu’au 1er juillet 2022, le critère de sécurité d’approvisionnement est déterminé comme suit :

« – la durée moyenne de défaillance annuelle est inférieure à trois heures ;

– la durée moyenne de recours au délestage pour des raisons d’équilibre offre-demande est inférieure à deux heures ; et

– la défaillance se définit comme la nécessité de recourir aux moyens exceptionnels, contractualisés et non contractualisés, pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité. Les moyens exceptionnels incluent le recours aux capacités interruptibles mentionnées à l’article L. 321-19 du Code de l’énergie, l’appel aux gestes citoyens, la sollicitation des gestionnaires de réseaux de transport frontaliers hors mécanismes de marché, la dégradation des marges d’exploitation, la baisse de tension sur les réseaux, et en dernier recours le délestage de consommateurs ».

On relèvera également que le critère de sécurité d’approvisionnement se fonde sur deux outils complémentaires, que sont le bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande et le mécanisme de capacité. Ce dernier mécanisme repose sur l’obligation pour les fournisseurs d’électricité de couvrir, par des garanties de capacité, la consommation de ses clients lors de périodes de forte consommation électrique.

A cet égard, la CRE a édicté, le 16 décembre 2021, trois délibérations portant respectivement sur le projet de règles du mécanisme de capacité, sur l’approbation du plafond utilisé dans le cadre du règlement financier des écarts dudit mécanisme pour les années 2023 et 2024 ainsi que sur l’approbation de la proposition de convention RTE – GRD (le gestionnaire du réseau de distribution) relative aux échanges de données pour le calcul de l’obligation de capacité.