Energie
le 13/01/2022
Sharmila JOSEPH Sharmila JOSEPH

La responsabilité de l’Etat en cas de non-renouvellement d’une concession hydroélectrique

CAA Bordeaux, 6 décembre 2021, n° 19BX01204

La commune de Loudenvielle a introduit, auprès du Tribunal administratif de Pau, un recours en responsabilité à l’encontre de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice que lui cause le non-renouvellement par l’Etat de la concession hydroélectrique de la vallée du Louron.

La concession en question a pris fin le 31 décembre 2007 et l’Etat n’a pas mis en œuvre les procédures de publicité et de mise en concurrence permettant son renouvellement.

Or, l’article 33 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 a créé et mis à la charge du concessionnaire, à l’occasion du renouvellement des concessions hydroélectriques, une redevance proportionnelle aux recettes procurées par les ventes d’électricité produite par les ouvrages hydroélectriques. Cette redevance doit profiter pour partie à l’Etat et pour partie aux départements et aux communes dont le territoire est traversé par les cours d’eau exploités.

Estimant que la carence de l’Etat à renouveler les concessions hydroélectriques du Louron la prive de cette redevance[1], la commune de Loudenvielle sollicite l’indemnisation du manque à gagner qu’elle estime subir.

S’agissant de la responsabilité de l’Etat, la Cour administrative d’appel infirme le jugement et retient la responsabilité de l’Etat en raison de la carence de celui-ci à faire procéder au renouvellement des concessions en litige dans le délai imparti par la loi.

La Cour précise également que l’Etat ne peut se prévaloir de changement du cadre législatif et réglementaire, au demeurant postérieur à l’expiration du contrat de concession, pour s’exonérer de sa responsabilité.

De même, l’Etat ne saurait se prévaloir de l’abstention du concessionnaire sortant de fournir le dossier de fin de concession, en dépit de ses relances régulières. La Cour relève en effet que cette difficulté aurait pu être surmontée par l’Etat « en faisant usage des pouvoirs de contrainte et de sanction dont il dispose en tant qu’autorité de police, ce qu’il s’est abstenu de faire sur la période considérée ». En l’espèce, l’Etat s’est seulement contenté d’adresser un projet de mise en demeure de déposer un dossier de fin de concession, qui n’a pas été suivi d’une mise en demeure en bonne et due forme.

S’agissant ensuite du préjudice de la commune, la Cour administrative d’appel rejette les demandes d’indemnisation en considérant que le préjudice n’est pas certain. 

La Cour rappelle d’un part, que compte tenu des aléas inhérents à une procédure de mise en concurrence et à la faculté pour la personne publique de renoncer à conclure le contrat, « l’organisation d’une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’une concession hydroélectrique, quand bien même elle constitue une obligation légale pour l’Etat, n’est pas de nature permettre la mise en œuvre des dispositions précitées de l’article L. 523-2 du Code de l’énergie. Dans ces conditions, la commune de Loudenvielle ne disposait d’aucune certitude quant au renouvellement effectif de la concession ni, en conséquence, de la garantie de percevoir la redevance instituée par l’article L. 523-2 précité du Code de l’énergie ».

D’autre part, la Cour relève que la redevance mise à la charge du concessionnaire est proportionnelle aux recettes de la concession, lesquelles résultent de la vente d’électricité dans un contexte renouvelé de mise en concurrence des candidats.

Le montant de la redevance est donc pour la Cour administrative d’appel incertain dès lors qu’il dépend des bénéfices retirés par le concessionnaire des installations hydroélectriques.

Ce faisant, la Cour confirme le rejet de la demande indemnitaire mais on retiendra que si le préjudice est ici regardé comme incertain, il n’est pas inexistant, laissant penser que le problème élevé par la commune n’est pas définitivement clos.

 

[1] On précisera toutefois que pour pallier le préjudice financier subi par les collectivités et leurs groupements du fait de l’absence de renouvellement des concessions, le législateur a fini par introduire dans le Code de l’énergie un article L. 523-3 (issu de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019), instituant à compter du 1er janvier 2019 le versement, par le concessionnaire titulaire d’un contrat de concession soumis au régime des délais glissants, d’une redevance proportionnelle aux recettes ou aux bénéfices de la concession. Si la redevance est versée à l’Etat, une partie doit revenir aux départements, aux communes et aux groupements de communes sur le territoire desquels coulent les cours d’eau utilisés (Voir note brève dans la Lettre d’Actualités Energie et Environnement de juillet 2019).