Economie sociale et solidaire
le 20/01/2022
Audrey LEFEVRE
Sara BEN ABDELADHIM

Les entreprises de l’ESS, résilientes pendant la crise sanitaire, et leur rôle croissant dans les politiques publiques locales

Les programmes Territoires et Ruralités de l’Agence nationale de cohésion des territoires

Les structures de l’ESS, qui se sont montrées particulièrement résilientes pendant la crise sanitaire, représentent une réelle opportunité pour les politiques publiques locales

L’entrepreneuriat territorial, qui désigne la façon dont les acteurs locaux, publics et/ou privés, s’engagent dans une dynamique collective de création de valeur économique, sociale et environnementale à destination de leur territoire, repose essentiellement sur les actions locales public/privé qui peuvent prendre des formes différentes.

Cet entrepreneuriat territorial prend appui sur :

  • les infrastructures, compétences et ressources existantes localement :
    • Les structures de l’ESS, à savoir les associations, coopératives, mutuelles, fondations, entreprises à vocation sociale, etc., qui se mobilisent à leur tour en faveur du territoire,
    • Les collectivités locales,
  • les dispositifs publics favorables aux créations d’activité locales.

Parmi ces dispositifs, on peut citer notamment les programmes étatiques de l’Agence nationale de cohésion des territoires (par exemple Territoires et Ruralités) ou les programmes de la Banque des territoires (par exemple  Territoires d’innovation).

Une autre forme de dispositif, plus originale, est l’hybridation. C’est par exemple la stratégie de développement mise en place par la métropole de Grenoble avec plus de 70 acteurs du secteur privé de l’ESS ainsi que des acteurs publics, au sein du collectif territorial French Impact en vue de la mise en œuvre de divers projets d’innovation sociale et environnementale. Tirant profit des conséquences de son caractère hybride, ce collectif a notamment pour mission de faciliter l’accès des porteurs de projets aux financements tant privés que publics et de créer des passerelles entre ces porteurs de projets et les acteurs publics.

On peut également citer les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui permettent d’inscrire l’ESS dans les politiques publiques dès lors que le contrat, conclu entre l’Etat et les collectivités locales, fait l’objet d’une co-construction avec l’ensemble des acteurs du territoire, publics comme privés, dans les domaines de l’action collective couverts par l’ESS (Cf. à ce sujet la circulaire du 20 novembre 2020).

Ces divers dispositifs sont l’occasion pour les collectivités de s’appuyer sur la transversalité et l’intelligence collective, faisant des structures de l’ESS les partenaires privilégiés et des ressources pour les acteurs publics grâce notamment à leurs modèles démocratiques privilégiant l’intérêt général ou collectif.

La force de ces dispositifs est de s’appuyer sur la complémentarité et les intérêts concordants des acteurs publics et privés de l’ESS pour générer des initiatives positives sur les territoires, tout en profitant de la stabilité remarquable des structures de l’ESS dans le contexte de la crise sanitaire.

Comme dans tous les secteurs, l’ESS a été fortement impacté par la crise sanitaire. C’est ce qu’il ressort de l’analyse de l’Observatoire national de l’ESS, qui détaille les chiffres de l’emploi de l’ESS en 2020. Ainsi, le nombre d’emplois a diminué de -2,5 %, pour une perte sèche de plus de 52.500 emplois au second trimestre 2020, alors que l’année 2019 avait vu gagner 84.843 emplois.

Toutefois, dès le mois de juin 2021, le secteur de l’ESS avait déjà retrouvé un niveau d’emploi qui dépassait celui d’avant la crise sanitaire avec la création de 54.000 postes. Ainsi, le secteur de l’ESS a perdu moins d’emplois que le reste de l’économie française et a rebondi plus rapidement.

Une telle stabilité peut avoir de nombreuses causes, tenant notamment à certains traits communs de l’ESS suivants:

  • Dans la plupart des structures de l’ESS, les modèles de gouvernance associent les dirigeants, les salariés et les actionnaires à la prise de décision, ce qui est bien souvent plus protecteur pour l’emploi,
  • Les bénéfices doivent être réinvestis dans le maintien ou le développement de l’activité, ce qui encourage les structures à employer les bénéfices à la création ou au maintien de l’emploi,
  • Les collaborateurs sont souvent plus engagés et plus enclins à se fédérer autour du projet porté par la structure, y compris pendant les périodes de crise.

Le soutien de l’Etat en matière d’aides aux entreprises a bien entendu également été déterminant (chômage partiel, prêts garantis par l’État (PGE), plan de relance de 100 milliards d’euros (dont 1,3 milliards pour l’ESS) ainsi que les divers mécanismes de subventions qui existent au profit de toutes structures de l’ESS (et pas uniquement les associations), à l’instar de l’Appui aux Micro-Projets Locaux Innovants, (AMPLI), dispositif régional proposé par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et qui permet de financer l’amorçage d’une nouvelle activité économique. Ce dispositif est réservé aux structures de l’ESS (associations, entreprises commerciales bénéficiant d’un agrément ESUS) dont le projet répond à certaines conditions, notamment :

  • l’ancrage territorial reconnu (mesure du lien éventuel avec des partenaires financiers et/ou techniques et les acteurs locaux publics),
  • la mise en place d’un comité de pilotage dédié à l’amorçage du projet et réunissant les partenaires techniques, sectoriels, financiers, ayant intérêt au projet
  • la réponse aux enjeux de transition environnementale
  • la création d’au moins un emploi (0.5 ETP) en CDI
  • animer un projet autour d’une gouvernance collective (comité de pilotage avec les partenaires pour valider l’opportunité du projet).

L’intégration des structures de l’ESS aux politiques publiques locales constitue finalement un cercle vertueux et contribue à la stabilité de ce secteur qui représente aujourd’hui 14 % de l’emploi salarié en France et 10 % du PIB, ce qui est très loin d’être négligeable.