Les SISA : des structures juridiques souples et adaptables méconnues

Décret n° 2021-747 du 9 juin 2021 relatif aux conditions de constitution d’un groupement d’employeurs au sein d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires

 

C’est une structure encore peu connue, sans doute appelée à un bel avenir et qui, au cœur de la crise sanitaire, a profondément changé de statut. Elle mérite ici pour ces raisons notre éclairage.

Née de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011, la SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires) a, depuis son origine, pour vocation de favoriser l’exercice coordonné entre différents professionnels de santé au sein d’une même structure.

Le manque patent de professionnels médicaux, sur de nombreux territoires, rend plus prégnante encore cette volonté des pouvoirs publics de faire travailler dans un cadre juridique commun, des professionnels de santé, dont les actions et interventions peuvent être complémentaires.

L’ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé a été prise en application de l’habilitation prévue par l’article 64 de la loi n° 2019 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé, et a pour but de favoriser le développement de l’exercice coordonné en adaptant les objets, les statuts et les régimes fiscaux des structures existantes et en créant, pour certaines d’entre elles, de nouveaux cadres juridiques.

L’ordonnance précitée et le décret n° 2021-747 du 9 juin 2021, pris pour son application, se sont attachés à réviser de manière importante le régime des SISA en l’assouplissant, dans l’objectif de mieux l’adapter aux besoins des acteurs de santé des territoires. En effet, à ce jour, la majeure partie des Maison Pluridisciplinaires de Santé (MSP) fonctionne sous le statut de SISA.

Désormais, ces structures vont pouvoir fonctionner, y compris sous la forme de groupements d’employeurs, avec des professionnels de santé ou non, internes ou externes à la structure, salariés ou intervenants libéraux, exerçant au bénéfice de tous les associés ou de certains d’entre eux. Cette ouverture des SISA à des statuts professionnels divers va permettre qu’elles s’adaptent à des réalités territoriales souvent complexes et variées.

L’ordonnance aborde également les questions financières et tarifaires telles qu’elles se posent dans ce nouvel environnement professionnel : utilisation des rémunérations perçues par la SISA au titre des prestations participant à la mise en œuvre du projet de santé de la MSP, définition des tarifs applicables aux actes des professionnels salariés de la SISA, extension aux médecins salariés de la SISA du statut de médecin traitant.

Enfin, l’ordonnance s’est encore attachée à durcir les conditions de dissolution des SISA, notamment en cas de recours au salariat, afin d’en favoriser la pérennité.

Les SISA constituent donc désormais un outil juridique d’une grande souplesse et adaptable aux nombreuses pratiques des professionnels de santé, avec pour objectif final de maintenir partout où cela reste possible une présence médicale et paramédicale à la disposition des citoyens.

Possibilité pour le conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat

La Cour de cassation a récemment admis la possibilité pour le Conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat.

Rappelons à cet égard que l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, qu’ils prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité », et qu’ils revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, le Conseil de l’ordre du barreau de Lille avait modifié son règlement intérieur afin de prévoir que « l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ».

Cette délibération avait fait l’objet d’un recours devant le Bâtonnier puis la Cour d’appel de Douai par une élève-avocate et son maître de stage.

Déboutés de leur recours, la première pour irrecevabilité dès lors qu’elle n’était pas avocate, le second pour des motifs de fond, les demandeurs s’étaient pourvus en cassation.

La Cour de cassation a validé en tout point le raisonnement des juges du fond.

D’une part, elle a en effet rappelé que, selon l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971, le Conseil de l’ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB), lequel unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession (article 21-1 de la même loi).

Or, en l’absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, la Cour de cassation a jugé qu’il entrait dans les attributions d’un Conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession.

D’autre part, elle a estimé que la restriction apportée aux libertés religieuse et d’expression par le règlement intérieur du barreau de Lille était proportionnée.

A cet égard, elle a rappelé que « les avocats sont des auxiliaires de justice qui, en assurant la défense des justiciables, concourent au service public de la justice », et retenu que « la volonté d’un barreau d’imposer à ses membres, lorsqu’ils se présentent devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme contribue à assurer l’égalité des avocats et, à travers celle-ci, l’égalité des justiciables, élément constitutif du droit à un procès équitable », et que, « afin de protéger leurs droits et libertés, chaque avocat, dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d’effacer ce qui lui est personnel et que le port du costume de sa profession sans aucun signe distinctif est nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable ».

Elle a conclu que l’interdiction ainsi édictée était « suffisamment précise en ce qu’elle s’appliquait au port, avec la robe, de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, […] nécessaire afin de parvenir au but légitime poursuivi, à savoir protéger l’indépendance de l’avocat et assurer le droit à un procès équitable, mais était aussi, hors toute discrimination, adéquate et proportionnée à l’objectif recherché ».

Il convient de relever que la Cour de cassation a écarté le moyen du demandeur tendant à contester l’impossibilité de porter une décoration sur la robe d’avocat dès lors qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’intéressé avait soutenu être titulaire d’une telle décoration, de sorte qu’il n’était pas recevable, faute d’intérêt personnel et direct, à critiquer la délibération litigieuse sur ce point.

Néanmoins, il fait peu de doute que la juridiction aurait validé de telles dispositions, son raisonnement aux termes duquel il convient d’assurer l’égalité entre avocats et, ce faisant, entre justiciables, qui suppose que chaque avocat efface ce qui lui est personnel, semblant tout à fait transposable au cas d’une décoration.

Les regroupements des organismes de logements sociaux, un premier bilan « mitigé »

La Commission des Affaires économiques a déposé le 23 février 2022 un rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 20018-1021 du 23 novembre 2018, dite « loi ELAN ». Concernant la restructuration des organismes de logement social, elle dresse un « bilan mitigé ».

Pour mémoire, la loi ELAN visait à favoriser et accélérer le regroupement des organismes de logements sociaux (OLS), partant du constat que, d’une part, la taille moyenne desdits organismes était relativement faible, et d’autre part, le modèle économique des bailleurs sociaux se révélait « fragile et soumis à de fortes tensions ». La Commission rappelle qu’en 2017, 37 % d’organismes géraient moins de 1.500 logements.

Ainsi, l’article 69 de la loi ELAN dispose que :

  • Les organismes détenant ou gérant moins de 12.000 logements locatifs sociaux doivent, depuis le 1er janvier 2021, justifier de leur appartenance à un groupe d’OLS, soit vertical (contrôle par une autre société), soit horizontal (au sein d’une société de coordination, ou « SAC »),
  • Les organismes gérant moins de 1.500 logements et ayant construit moins de 500 logements en 10 ans peuvent être dissous, sauf appartenance à un groupe de logement social.

3 ans après la promulgation de la loi, la commission des Affaires Economiques dresse un bilan « en demi-teinte » : seuls 49 % des organismes concernés respectaient leurs obligations à la date d’échéance, au 31 décembre 2020, cette proportion ayant atteint 73 % après l’échéance, au 22 septembre 2021.

Si moins d’une trentaine d’organismes restent sans aucun projet de regroupement identifié ou viable, et si le nombre d’OLS a diminué de 12.9 % entre fin 2018 et fin 2021, la Commission relève que l’impact de la loi ELAN n’est pas significatif, ce mouvement ayant déjà été engagé avant la loi ELAN, avec une baisse comparable du nombre d’OLS entre 2015 et 2018.

Au surplus, alors que l’étude d’impact relevait que les organismes les plus petits étaient les SEM (2.215 logements en moyenne), et les coopératives (164 logements en moyenne), leur nombre reste stable : – 5.5 % de SEM en trois ans, +5 % de coopératives.

Le regroupement horizontal, via une SAC, est le choix majoritairement opéré, par 50 % des organismes regroupés, 11 % seulement ayant choisi un regroupement vertical.

La CGLLS a reçu pour mission, depuis 2022, l’observation des regroupements et des groupes HLM constitués. A cet effet, un observatoire durable a été mis en place, et un premier comité de pilotage s’est tenu fin janvier 2022. Si la priorité est pour l’heure l’observation des « regroupements ELAN », l’observatoire souhaite étudier « l’ambition et la dynamique réelle de fonctionnement de ces regroupements, voire, à terme, questionner leur efficacité ». Autrement dit contrôler ces groupes.

Que prévoit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 pour les services à domicile ?

L’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 vient réformer les services à domicile. Cette réforme à des impacts majeurs pour les agences régionales de santé et les conseils départementaux chargés des dispositifs de soins et d’accompagnement à domicile des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ainsi que pour les gestionnaires des structures intervenant auprès de ces publics.

La loi restructure le secteur des services à domicile et modifie son financement.

Du point de vue de la restructuration du secteur, la loi tire les enseignements de l’expérimentation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) introduite par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite « Loi ASV ») qui visait à permettre un modèle d’intervention de ces services plus « intégré ». La loi prévoit la création d’une catégorie unique de services, dénommée « services autonomie à domicile » qui rassemblera et remplacera les services existants à savoir les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD).

Cette fusion des structures existantes en une catégorie unique doit permettre d’apporter plus de lisibilité et de fluidité dans l’offre de services à domicile et moins de complexité pour l’usager ou ses proches dans les démarches afin de bénéficier des différents services proposés par ces trois structures.

Les services autonomie à domicile seront divisés en deux catégories : les services dispensant de l’aide et du soins (autorisés conjointement par le directeur général de l’ARS et par le président du Conseil départemental) et les services ne dispensant que de l’aide, qui seront quant à eux seulement autorisés par le président du conseil départemental. Pour cette seconde catégorie de services, n’assurant pas d’activité de soins à domicile, il est toutefois prévu qu’ils devront organiser une réponse aux besoins de soins des personnes qu’ils accompagnent avec d’autres services ou professionnels assurant une activité de soins à domicile.

Du point de vue du financement du secteur, la loi modifie le financement des activités d’aide et d’accompagnement des services à domicile.

A compter du 1er janvier 2022, un tarif plancher – ou minimum – national de 22 euros par heure est instauré pour les services à domicile, qu’ils soient ou non habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. Cette mesure a notamment pour objet de pallier les fortes disparités de tarifs horaires entre les départements. L’arrêté du 30 décembre 2021 a précisé que ce montant était fixé annuellement. Il est donc susceptible d’évoluer (arrêté du 30 décembre 2021 relatif au tarif minimal mentionné au I de l’article L. 314-2-1 du code de l’action sociale et des familles et fixant son montant pour 2022, JORF n° 0304 du 31 décembre 2021).

Par ailleurs, une dotation complémentaire « qualité » pourra être versée dès le 1er septembre 2022 aux services, habilités ou non à l’aide sociale ayant signé un contrat d’objectifs et de moyens (CPOM) avec le département afin de soutenir certaines actions des services à domicile (par exemple la prise en charge de profil présentant des spécificités ou les interventions sur une grande amplitude horaire, notamment le soir et le week-end). Les modalités de versement de cette dotation seront fixées par décret au cours du premier semestre de l’année.

Ces deux mesures vont entrainer des coûts pour les départements qui seront compensés par la branche autonomie.

Concernant les modalités de la mise en œuvre de cette réforme, la transformation des SAAD, SSIAD et SPASAD en services autonomie à domicile interviendra à compter de la publication du décret qui définira le cahier des charges de ces nouveaux services (au plus tard le 30 juin 2023). Un régime transitoire afin d’accompagner cette transformation est prévu notamment concernant l’obtention de l’autorisation de service autonomie à domicile et la mise en conformité des services avec le nouveau cahier des charges qui sera défini.

Une autorisation implicite de cumul d’activité ne peut exister qu’à condition que le fonctionnaire ait adressé une demande écrite et suffisamment précise à son employeur

Rendue à l’égard d’un enseignant chercheur, dont le régime de sanctions relève, contrairement aux fonctionnaires, du plein contentieux, une décision récente du Conseil d’Etat vient rappeler les conditions dans lesquelles l’existence d’une décision d’autorisation implicite de cumul d’activité peut être utilement invoquée, en l’espèce dans le cadre d’un contentieux disciplinaire.

La section disciplinaire de l’université avait prononcé à l’encontre d’un maître de conférence de l’université d’Aix Marseille une sanction d’interdiction d’exercice des fonctions de recherche dans tout établissement d’enseignement supérieur pendant deux ans avec privation de la moitié de son traitement, au motif que cet enseignant chercheur avait travaillé auprès de plusieurs employeurs privés sans avoir présenté de demande de cumul à l’Université, et a fortiori sans avoir obtenu l’autorisation de cette dernière.

En appel, le CNESER ( Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) avait relaxé l’enseignant au motif que l’Université ne pouvait ignorer l’étendue de ses activités accessoires, mais cette décision avait été annulée pour dénaturation par le Conseil d’Etat par un arrêt du 12 septembre 2018, et l’affaire devait être renvoyée devant le CNESER.

Le 20 mai 2019, le CNESER a alors de nouveau prononcé la relaxe de l’enseignant chercheur, cette fois au motif que l’Université avait tacitement autorisé l’enseignant à cumuler ses activités d’enseignement auprès de l’école de management Audencia de Nantes et de l’école supérieure de commerce (ESC) de Rennes avec son activité principale de maître de conférences à l’université.

A nouveau saisi d’un pourvoi en cassation de l’Université, le Conseil d’Etat a à cette occasion dégagé les conditions de naissance d’une décision tacite de cumul d’activité, en jugeant que : « Si une autorisation implicite de cumul d’activités peut naître du silence gardé par cette autorité, c’est à la condition qu’une demande écrite, comprenant au moins l’identité de l’employeur ou la nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité et toute autre information de nature à éclairer l’autorité, lui ait été transmise ».

Ainsi, pour régulièrement se prévaloir d’une autorisation tacite de cumul d’activité, les agents soumis aux dispositions du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique devront néanmoins veiller à adresser une demande écrite conforme aux prescriptions de l’article 12 de ce décret (identité de l’employeur, nature de l’activité, durée, périodicité, rémunération etc…). Pour être complet, on précisera que la présente décision a été rendue au regard des dispositions du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, mais qu’elle nous paraît transposable aux nouvelles dispositions, en ce que celles de 2007 sont intégralement reprises par l’article 12 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique

On notera également que dans cette affaire le Conseil d’Etat a pris en considération les éléments relevés par le CNESER pour relaxer par deux fois l’enseignant chercheur, non pas sur le terrain de la qualification juridique des faits mais sur l’appréciation du niveau de sanction, et, faisant usage de son pouvoir de réformation des sanctions relevant du plein contentieux, a ramené la sanction d’interdiction d’exercer toute fonction de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur à une période d’un an assortie de la privation de la moitié du traitement. En effet, le Conseil d’Etat a relevé que l’université d’Aix-Marseille a bénéficié des liens entretenus par l’enseignant avec ces deux écoles, qu’elle ne pouvait, par suite, totalement ignorer.

Instruction d’une demande de protection fonctionnelle : attention à l’impartialité

La Cour administrative d’appel de Douai a jugé, dans un arrêt du 3 février 2022, que le maire mis en cause par un de ses agents pour des faits de harcèlement, ne peut se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle de ce dernier sans porter atteinte au principe d’impartialité. 

Dans cette espèce, un technicien territorial employé par une commune s’estimait victime de faits de harcèlement moral, notamment de la part du maire. Engageant une procédure contentieuse, il sollicitait auprès de ce dernier, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Sans surprise, l’exécutif territorial, autorité compétente pour statuer sur sa demande, n’y donnait pas une suite favorable.

Cette décision, particulièrement didactique, rappelle à la fois certains principes abordés en jurisprudence en matière de protection fonctionnelle, mais apporte aussi certaines précisions opportunes sur la procédure à mettre en place lorsque pèse un risque de partialité.

Le juge a tout d’abord rappelé, qu’un agent, ne peut en principe, invoquer le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre d’un différend susceptible de survenir dans le cadre du service, entre lui et l’un de ses supérieurs hiérarchiques. Ce principe, déjà posé en jurisprudence[1], connait néanmoins une nuance.

En effet, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il a d’ailleurs déjà été jugé que les agissements de harcèlement moral étaient de ceux insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique[2].

La Cour administrative de Douai retient ensuite qu’ : « Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire, qui n’aurait pas délégué cette fonction, est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. Toutefois, face à une telle demande qui viserait des faits de harcèlement moral le concernant personnellement et qui comporterait les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement, tels que mentionnés au point 3, il se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d’impartialité ». 

Par cette décision, elle fait application de la jurisprudence Ledoux du Conseil d’Etat qui fondait cette solution sur le principe d’impartialité[3] qui s’impose toujours aux agents publics, et notamment dans l’exercice du pouvoir hiérarchique (CE, 29 juin 2020, Centre hospitalier Louis Constant Fleming de Saint-Martin, n° 423996).

Cet arrêt permet ainsi de rappeler que l’agent doit produire tous les éléments permettant d’établir la matérialité des faits à l’origine de la demande de protection fonctionnelle. Comme en l’espèce, lorsqu’un agent s’estime victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, Il lui appartient de soumettre, à l’appui de sa demande de protection fonctionnelle, les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement

Au cas présent, la demande de l’agent visait des faits de harcèlement moral qui concernaient personnellement le maire et comportait des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence du harcèlement. Il établissait que lors d’une réunion publique, le maire avait fait des remarques véhémentes à son encontre ; qu’en quelques années il avait connu plusieurs changements d’affectation notamment sur des postes ne comportant pas de fonctions d’encadrement ; et que le maire l’avait suspendu le jour où il avait été victime d’une agression et qu’il s’était vu reconnaître victime d’un accident de service pour une tentative de suicide sur son lieu de travail.

La Cour a donc reconnu que l’agent apportait suffisamment d’éléments mettant en cause le maire, qui ne peuvent se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, et qui sont donc susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Dans cette occurrence, le maire ne pouvait se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle sans porter atteinte au principe d’impartialité.

La Cour administrative de Douai offre dans cette décision une solution, en soulignant que le maire aurait dû transmettre la demande de l’agent à l’un de ses adjoints ou conseillers municipaux, en vertu de l’article L. 2122-17 du Code général des collectivités territoriales.

Les juges insistent d’ailleurs sur le fait que l’initiative de la transmission doit venir de l’autorité compétente, étant donc entendu que ce n’est pas à l’agent de demander à ce que sa demande soit examinée par quelqu’un d’autre que le maire.

 

[1] Voir par exemple CE, 26 novembre 1975, n° 94124 ; ou plus récemment CE, 29 juin 2020, n° 423996

[2] CAA Nantes, 3e ch., 12 mars 2021, n° 19NT02937

[3] Article L. 121-1 du Code général de la fonction publique

La méconnaissance du délai de préavis en cas de licenciement d’un agent contractuel n’entraîne plus l’illégalité totale de la décision

Saisi pour avis sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative par la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 30 septembre 2021, n° 18VE02933), le Conseil d’Etat est revenu sur sa jurisprudence sur les conséquences qui résultent de la méconnaissance du délai de préavis lors du licenciement d’un agent contractuel.

Depuis l’arrêt « Caussade » (CE, 14 mai 2007, n° 273244), le Conseil d’Etat considérait que le non-respect de la période de préavis prévue par l’article 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale entraînait l’annulation totale de la décision de licenciement.

Dans le cadre de la présente espèce, la Cour administrative d’appel de Versailles a sollicité l’avis du Conseil d’Etat sur l’applicabilité de sa jurisprudence « Caussade » sur les dispositions de l’article 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2015, au sujet d’une contractuelle licenciée pour insuffisance professionnelle avant le terme du préavis de deux mois auquel elle avait droit.

Par son avis rendu le 9 février 2022, le Conseil d’Etat considère cependant que « la circonstance que le préavis auquel l’agent non titulaire avait droit n’a pas été respecté par la décision de licenciement n’est pas de nature à entraîner l’annulation totale de cette décision, mais la rend seulement illégale en tant qu’elle prend effet avant l’expiration du délai de préavis applicable ».

Il s’agit là d’une décision d’importance, qui rejoint la jurisprudence selon laquelle le non-respect du délai de prévenance en cas de non-renouvellement d’un contrat n’entache pas cette décision d’illégalité (cf. par exemple : AA de Bordeaux, 26 novembre 2002, Monsieur S. c/ Commune d’Arcachon, req. n° 00BX00211).

L’avis ne vide cependant pas l’obligation d’un préavis de son sens, en précisant que, dans le cas où il est saisi de conclusions en ce sens, il revient au Juge administratif de déterminer le montant de l’indemnité à laquelle l’agent peut prétendre en réparation du préjudice résultant du non-respect de son préavis. 

Là encore, on peut rapprocher ceci du cas du non-respect du délai de prévenance d’un non-renouvellement, en rappelant qu’à ce jour, en la matière à tout le moins, le Juge attend la démonstration d’un préjudice en lien direct avec la faute alléguée (CAA de Lyon, 7 juillet 2015, Monsieur A. c/ Commune de Frangy, req. n° 13LY01925).

Faculté de l’autorité concédante d’imposer aux candidats à l’attribution d’une concession l’identification de leurs futurs cocontractants et irrégularité de l’offre ne respectant pas cette exigence

Par un arrêt en date du 2 mars 2022, le Conseil d’État confirme la faculté des autorités délégantes d’imposer aux soumissionnaires à une concession de services de produire des éléments précis sur les contrats qu’ils entendent conclure dans le cadre l’exécution de la concession et notamment d’indiquer à cet effet l’identité de leurs futurs cocontractants. La Haute juridiction juge également que le non-respect de cette exigence des documents de la consultation constitue une irrégularité justifiant le rejet de l’offre litigieuse.

En l’espèce, le ministère chargé des transports a lancé une consultation en vue de la passation d’une concession de service portant sur l’exploitation de l’aéroport de Tahiti Faa’a.  La Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers de Polynésie française (ci-après « CCISM »), la société Meridiam SAS, la société Aéroport Marseille Provence et la société Boyer ont participé à cette procédure, dans le cadre d’un groupement momentané d’entreprises. Les membres du groupement ont été informés par courrier du 15 septembre 2021 du rejet de leur offre.

La CCSIM a alors saisi le Juge du référé précontractuel sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-24 du Code de justice administrative (disposition applicable en matière de référé précontractuel à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna). Le Juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de la Polynésie française a, par une ordonnance du 28 octobre 2021, annulé la décision attribuant cette concession au groupement composé de la société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations au motif que leur offre était irrégulière faute d’avoir indiqué l’identité de leurs futurs cocontractants dans les contrats qu’elles entendaient conclure pour assurer l’exécution de la concession.

La société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations ont introduit un pourvoi en cassation contre l’ordonnance précitée.

Le Conseil d’État commence par procéder à une analyse des documents de la consultation et constate notamment que le « point « 7.2 Présentation de la structure contractuelle » du guide de constitution des offres [prévoit que] « Le Candidat produira une note détaillée explicitant le montage juridique et financier envisagé pour l’exécution de la Convention de Concession et décrira de manière précise (à l’aide d’un schéma commenté) la structure contractuelle adoptée, les principaux contrats mis en place ainsi que l’identité des différents intervenants (actionnaires de la société concessionnaire, constructeurs, prêteurs, autres cocontractants) et leurs rôles dans la conception et la réalisation des Travaux Initiaux, le financement, l’exploitation de l’aérodrome, l’entretien, la maintenance et le gros-entretien et renouvellement des biens de l’aérodrome » ».

Le Conseil d’État en déduit ensuite que le Juge du référé précontractuel a pu relever, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu’il résultait « des termes de ce guide que les candidats devaient, à l’appui de leur offre, transmettre des éléments précis sur les contrats à conclure, comportant notamment, pour les constructeurs en charge de la conception et de la réalisation des travaux initiaux, l’indication de l’identité des futurs cocontractants ». Or, il n’était pas contesté que « l’offre présentée par le groupement retenu à l’issue de la phase de sélection ne fournissait pas l’identité des cocontractants « constructeurs » pressentis [si bien que] le juge des référés […] a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que cette offre ne respectait pas ces conditions indiquées dans les documents de la consultation », qu’elle était, par conséquent, irrégulière et devait par suite être éliminée.

Appréciant cette irrégularité au prisme de la jurisprudence « Smirgeomes » (CE Sect., 3 octobre 2008, Smirgeomes, n° 305420), le Conseil d’État rappelle que le fait d’attribuer un contrat de la commande publique à un candidat ayant présenté une offre irrégulière constitue un manquement susceptible de léser un candidat évincé y compris lorsque le candidat évincé a lui-même présenté une offre irrégulière (CE, 27 mai 2020, Société Clean Building, n° 435982) aussi ce dernier est susceptible d’invoquer un tel moyen dans le cadre d’un référé précontractuel ou contractuel. En l’espèce et en application des principes précités, « le fait de retenir une offre irrégulière était susceptible de léser le groupement auquel appartenait la CCISM ». Le Juge du référé précontractuel n’a donc pas commis d’erreur de droit ni exactement qualifié les faits en prononçant l’annulation de la décision d’attribution de la concession. Il est intéressant de relever que le Conseil d’État souligne que si le Juge du référé précontractuel avait tiré toutes les conséquences du manquement, il aurait dû prononcer l’annulation de la procédure et non simplement de la décision d’attribution. Cependant, cette erreur est sans incidence sur l’appréciation de la lésion de la CCISM et les requérantes n’étaient pas fondées à demander l’annulation de l’ordonnance querellée pour ce motif.

Télétravail occasionnel ou régulier : les salariés ont droit à la même indemnité

A travers un jugement du 29 septembre 2021[1], le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que le fait de réserver une allocation forfaitaire journalière de 5 € aux seuls télétravailleurs réguliers constitue une atteinte au principe d’égalité de traitement. Les télétravailleurs occasionnels placés en situation de télétravail permanent du fait de l’épidémie Covid-19 ne pouvaient être privés de cette indemnité.

Faits de l’espèce – En janvier 2020, l’employeur et les quatre organisations syndicales représentatives, requérantes dans la présente instance, ont signé un accord relatif au télétravail prévoyant :

  • D’une part le recours au télétravail régulier des salariés de deux jours maximum par semaine, soumis à la signature d’un avenant au contrat de travail et indemnisé à hauteur de 5 euros bruts par jour télétravaillé ;
  • D’autre part le télétravail occasionnel non soumis à avenant ni à indemnisation de 40 jours maximum par an.

À compter du 16 mars 2020, conformément aux prescriptions gouvernementales, tous les salariés du siège ont été placés en télétravail à 100 % en raison de la situation sanitaire, sauf exceptions.

A la suite du refus de l’employeur de verser l’indemnisation de 5 € à tous les salariés, le CSE du siège et les quatre organisations syndicales ont saisi le Tribunal judiciaire de Paris.

Les syndicats ont soutenu que la différence de traitement opérée entre les salariés de l’entreprise ayant signé un avenant télétravail à leur contrat de travail et percevant une indemnisation de 10 euros par semaine maximum en application de cet avenant et les autres salariés non-signataires d’avenant n’en percevant aucune, n’était pas justifiée, car tous se trouvaient dans une situation identique au regard de la situation sanitaire.

En conséquence, ils demandent le versement d’une indemnité de 5 euros par jour à tous les salariés de l’entreprise en situation de télétravail depuis le 16 mars 2020.

Pour sa part, l’employeur fait valoir que tous les salariés ont été placés en situation de télétravail depuis le 16 mars 2020 en application de l’article L. 1222-11 du Code du travail[2] prévoyant l’aménagement du poste de travail sous la forme du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles liées en l’espèce à la crise sanitaire du COVID-19, et non dans le cadre de l’accord collectif télétravail du 3 janvier 2020 régissant les situations de recours au télétravail volontaire soumis à la signature d’un avenant au contrat de travail s’agissant du télétravail régulier, en application de l’article L. 1222-9 du Code du travail.

Elle ajoute qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’impose le remboursement d’un montant spécifique de frais engagés par les salariés en situation de télétravail sans validation préalable de l’employeur.

Décision du Tribunal judiciaire – La Juridiction n’a pas retenu l’argumentation de l’employeur et prend en compte plusieurs faits pour considérer que tous les salariés placés en situation de télétravail doivent recevoir l’indemnité forfaitaire de 5 € bruts par jour réellement effectué en télétravail en raison de la prise en charge obligatoire des frais liés au télétravail et du principe d’égalité de traitement.

Le Tribunal relève que les syndicats ne fondent pas leur demande principale sur l’inexécution de la convention collective mais sollicitent l’indemnisation des salariés sur le principe de l’égalité de traitement.

Pour les juges, il convient dès lors de déterminer si la Société pouvait opérer une différence de traitement entre les salariés du siège en situation de télétravail à temps complet, en octroyant une indemnité journalière de 5 euros sur deux jours maximums par semaine aux salariés signataires d’un avenant télétravail et en refusant de la verser aux collaborateurs non-signataires.

Les juges rappellent que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la règle qui l’établit.

Ils précisent que seules des raisons objectives et pertinentes matériellement vérifiables et en rapport avec l’objet de l’avantage octroyé peuvent justifier que l’employeur opère une distinction entre les salariés en télétravail régulier et les autres.

L’employeur avait indiqué avoir placé tous les salariés en télétravail au visa de l’article L. 1222-11 du Code du travail, par une décision unilatérale, et non sur des critères d’éligibilité.

Les juges considèrent que l’ensemble des salariés se trouvent dès lors sous le même régime juridique de mise en œuvre du télétravail pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés résultant en l’espèce de l’épidémie de COVID-19.

Le Tribunal relève que dans le cadre du dialogue social, il a été déterminé que l’employeur prend en charge une quote-part des frais de fonctionnement réellement supportés par le télétravailleur dans le cadre de son activité professionnelle correspondant à 5 euros bruts par jour réellement effectué en télétravail.

Il convient d’appliquer cette indemnisation forfaitaire conventionnellement déterminée au sein de l’entreprise et appliquée par l’employeur dans le cadre de l’article L. 1222-11 du Code du travail, à tous les salariés placés en situation de travail sur le fondement du principe de l’égalité de traitement, et correspondant à 5 euros bruts par jour réellement effectué en télétravail.

L’employeur est notamment condamné à verser à tous les salariés en télétravail du fait de la crise sanitaire une indemnité de 5 euros par jour effectivement télétravaillé à compter de l’assignation en justice.

Portée pratique de la décision – Cette décision devrait donc inciter l’employeur à ne pas différencier les travailleurs quant à la prise en charge des frais exposés qu’ils soient télétravailleurs occasionnels ou réguliers et/ou selon la cause du télétravail.

Il est à noter que si l’accord collectif prévoyait une indemnisation de 10 € maximum par semaine à raison de 2 jours de télétravail en cas de télétravail régulier, le Tribunal judiciaire condamne l’employeur à verser aux salariés 5 € par jour de télétravail occasionnel sans plafond d’indemnisation.

Une confirmation de cette décision est attendue (dont on ne sait pas si un appel est en cours) car de nombreux accords collectifs ou de décisions unilatérales mettent en place le télétravail en prévoyant une indemnité forfaitaire pour les seuls cas d’un télétravail régulier et non pour des situations exceptionnelles qui se sont multipliées sur ces deux dernières années.

 

[1] TJ Paris, 28 septembre 2021 n° 21/06097, Syndicat autonome Force ouvrière des agents du groupe de l’Agence française de développement et des instituts d’émission c/ Agence française de développement

[2] Article L.1222-11 du Code du travail : « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un ménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».

Extension de la présomption d’urgence en matière de référés des pétitionnaires opérateurs de téléphonie mobile aux TowerCo

Par une décision en date du 24 février 2022, le Conseil d’Etat a étendu la présomption d’urgence en matière de référés des opérateurs de téléphonie mobile aux opérateurs d’infrastructures (dits TowerCo), ces derniers mettant à disposition des premiers, contre rémunération, des infrastructures destinées à héberger les équipements de téléphonie stricto sensu.

Pour mémoire, le Conseil d’Etat a depuis longtemps jugé que l’urgence était présumée pour les opérateurs de téléphonie mobile. Il ne s’était en revanche jamais prononcé sur le cas des pétitionnaires TowerCo.

Dans cette affaire, une société spécialisée dans la réalisation d’infrastructures de télécommunication avait déposé un dossier de déclaration préalable en vue d’implanter une antenne relai de radiotéléphonie 2G, et haut débit 3G et 4G sur le territoire de la commune d’Arifat.

A la suite de la naissance d’une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable, la société a sollicité de la Commune un certificat de non-opposition à déclaration préalable. Faute de toute réponse expresse, une décision implicite de rejet est née.

La société a alors saisi le Juge du référé suspension du Tribunal administratif de Toulouse afin qu’il prononce la suspension de l’exécution de cette décision implicite. Le Juge des référés a rejeté la demande de la société après avoir estimé que la condition d’urgence de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative n’était pas remplie.

La société a donc interjeté appel devant le Conseil d’Etat, qui a considéré que le Juge des référés du Tribunal avait commis une erreur de droit.

En effet, selon le Conseil d’Etat, le premier Juge des référés aurait dû « prendre en compte l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l’infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l’Etat et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune ».

Le rapporteur public, Madame Sophie Roussel, a précisément fait référence dans ses conclusions à la « fracture numérique » et a indiqué que « compte tenu de l’enjeu majeur que constitue la couverture numérique de l’intégralité du territoire, nous ne trouverions pas choquant que soit consacrée […] une véritable présomption d’urgence, détachée des intérêts propres des pétitionnaires qui peuvent être soit des opérateurs de téléphonie, soit des TowerCo ».

Par ailleurs, le Conseil d’Etat a estimé que la condition tenant au doute sur la légalité de l’acte était remplie car le maire ne pouvait refuser la délivrance du certificat de non-opposition.

La responsabilité du syndicat n’est pas exclusive de celle encourue par un copropriétaire

Selon l’article 15, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, « tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d’en informer le syndic ».

Sur le fondement de l’article 14 de la même loi, selon lequel « le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes », un copropriétaire peut agir contre le syndicat des copropriétaires. Mais il peut aussi agir contre un tiers ou contre un autre copropriétaire, lorsqu’il subit un préjudice personnel dans la jouissance de ses parties privatives ou des parties communes (Cass. Civ., 3e, 30 juin 1992, n° 90-17.640).

En l’espèce, un copropriétaire subit des infiltrations en provenance de la terrasse de l’appartement situé au-dessus du sien, qui constitue une partie commune à jouissance privative.

Alors qu’il a assigné son voisin et copropriétaire en réparation du préjudice, la Cour d’appel de Bastia, dans un arrêt du 4 novembre 2020, déclare son action irrecevable au motif qu’elle devait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 26 janvier 2022, casse l’arrêt d’appel, et retient que « la responsabilité du syndicat au titre de l’article 14 précité n’est pas exclusive de la responsabilité délictuelle encourue par un copropriétaire ».

ASL : formalités de la mise en conformité des statuts

L’article 3 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires prévoit que doivent être annexés aux statuts de l’association le plan parcellaire prévu à l’article 4 de l’ordonnance de 2004, ainsi qu’une « déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage ».

La Cour de cassation, en 2018 (Cass. Civ., 3eme, 6 sept. 2018, n° 17-22.815), avait appliqué ce texte à une association créée avant 2006, dont les statuts avaient été mis en conformité avec l’ordonnance de 2004 et le décret de 2006 : « les associations syndicales libres ne sont pas dispensées, lorsqu’elles mettent leurs statuts en conformité avec ces textes, de respecter les formalités qu’ils imposent ».

Cette solution avait été vivement critiquée, notamment en raison des difficultés pratiques qui en découlent pour les associations. En effet, elles pouvaient se retrouver dans l’incapacité de satisfaire à des exigences qui dépendent du bon vouloir de leurs adhérents, et donc faire face à des situations de blocage difficilement surmontables.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 février 2022, vient donc de revenir sur sa position : « lorsque les associations syndicales mettent leurs statuts en conformité avec les dispositions de l’ordonnance et du décret précités, elles doivent respecter les formalités que ces textes imposent. Elles ne sont toutefois pas tenues d’annexer aux statuts mis en conformité la déclaration prévue par l’article 3 dudit décret, requise au moment des adhésions et qui doit être annexée aux statuts de l’association syndicale nouvellement formée ».

Rétractation d’une promesse unilatérale de vente immobilière : la dématérialisation se poursuit

Selon l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, « pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation […], l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte ».

Selon l’alinéa 2 du même article, cette faculté de rétractation est exercée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, « ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ».

En l’espèce, une promesse unilatérale de vente prévoyant une indemnité d’immobilisation en cas de non-réalisation de la vente, est signée devant notaire, et notifiée aux bénéficiaires par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Dans le délai de dix jours prévu à l’article L. 271-1, les bénéficiaires font savoir, par l’envoi d’un courriel au notaire, qu’ils se rétractent.

Le vendeur les assigne en paiement de l’indemnité d’immobilisation et la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 octobre 2020, les condamne, au motif que la rétractation n’était pas valide, le courriel ne présentant pas les garanties équivalentes à celles de la LRAR pour déterminer la date de réception ou de remise.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 février 2022, casse l’arrêt de la Cour d’appel : « En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’envoi d’un tel document au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l’éventuelle notification de la rétractation, lequel a attesté en justice avoir reçu le courriel litigieux le 9 mai 2017 à 18 heures 25, n’avait pas présenté des garanties équivalentes à celles d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Le droit d’auteur appliqué aux agents publics

La problématique du droit d’auteur applicable aux agents publics se pose régulièrement.

Dans quel cas l’agent public bénéficie-t-il des droits d’auteur sur son œuvre de l’esprit ? L’Etat ou collectivité publique peuvent-ils bénéficier de ces droits d’auteur et sous quelles conditions ?

L’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose expressément que même « lorsque l’auteur de l’œuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale, de la Banque de France, de l’Institut de France, de l’Académie française, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, de l’Académie des sciences, de l’Académie des beaux-arts ou de l’Académie des sciences morales et politique », celui-là bénéficie d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous.

Il convient en principe, qu’ait lieu une cession de droits d’auteur à travers un contrat pour que la personne publique puisse bénéficier de ces droits d’auteur.

Dans certains cas cependant, l’Etat ou collectivité publique bénéficie d’une cession de ces droits d’auteur.

  • Dans le cadre d’une création d’œuvre par un agent dans l’exercice de ses fonctions et répondant à l’accomplissement d’une mission de service public, l’Etat bénéficie de façon automatique d’un droit d’exploitation sur l’œuvre.

L’exploitation commerciale n’est cependant pas cédée, l’autorité publique ne bénéficiant dans ce cas que d’un simple droit de préférence (article L. 131-3-1 du Code de propriété intellectuelle). L’agent-auteur reste donc titulaire des droits patrimoniaux de l’œuvre qu’il a créé. Il sera donc nécessaire dans cette situation de conclure un contrat de cession détaillant l’ensemble des droits cédés.

Exception : les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation appartiennent, sauf stipulations contraires, à l’autorité publique/ employeur (article L. 113-9 du Code de propriété intellectuelle).

  • Les droits moraux de l’auteur font également l’objet d’aménagements spécifiques, excepté le droit de paternité. L’auteur peut décider ou non de voir associée son identité à l’œuvre (article L. 121-7-1 du Code de propriété intellectuelle) ;
  • Le droit de divulgation de l’agent-auteur est maintenu mais doit s’exercer sous réserve du respect des règles qui régissent l’organisation, le fonctionnement et l’activité de l’autorité publique ;
  • L’agent-auteur ne peut s’opposer à la modification de son œuvre par l’autorité publique en l’absence d’atteinte à son honneur ou à sa réputation, si cette modification est décidée dans l’intérêt du service public ;
  • L’agent-auteur ne peut ni exercer son droit de repentir ou de retrait de son œuvre sans accord de l’autorité publique.

L’ensemble de ces limitations du droit d’auteur ne s’applique pas aux agents-auteurs qui disposent d’une large autonomie intellectuelle dans leurs fonctions (professeurs d’université, enseignants-chercheurs, etc…).

Expropriation : précisions sur la nécessité ou non d’annexer le document d’arpentage à l’arrêté de cessibilité

Par une décision en date du 28 octobre 2021, le Conseil d’Etat a précisé les exigences en matière d’arpentage préalables à un arrêté de cessibilité. 

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé son considérant de principe de sa décision du 9 juillet 2018 (CE, 9 juillet 2018, n° 406696), selon lequel : « Lorsqu’un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d’arpentage doit être préalablement réalisé afin que l’arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document ; que le défaut d’accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d’expropriation, entache d’irrégularité l’arrêté de cessibilité ».

Selon ce dernier état de la jurisprudence, le Conseil d’Etat a considéré que lorsque sont déclarées cessibles des parties de parcelles – impliquant de modifier les limites des terrains en litige -, un document d’arpentage doit être réalisé antérieurement à l’arrêté de cessibilité, et ce, afin que l’arrêté désigne les parcelles concernées conformément à leur nouvelle désignation, telle qu’elle résulte de ce document.

Toutefois, le Conseil d’Etat est venu ici préciser, après avoir rappelé le considérant de principe précité, qu’il n’en résulte pas pour autant que « le procès-verbal d’arpentage doive être joint à l’arrêté de cessibilité dès lors que les annexes de cet arrêté, établies d’après un document d’arpentage, délimitent avec précision la fraction expropriée de la parcelle dans sa superficie et indiquent les désignations cadastrales de cette parcelle, ainsi que sa nature, sa contenance et sa situation ».

Cette dernière décision ne remet donc pas en cause le principe selon lequel le document d’arpentage doit bien être réalisé avant l’arrêté de cessibilité.

Mais, en l’espèce, la problématique résidait dans le fait que seul l’état parcellaire avait été joint à l’arrêté de cessibilité et non le procès-verbal d’arpentage. Autrement posé, la question était de savoir si le document d’arpentage doit obligatoirement être annexé à l’arrêté de cessibilité.

Le Conseil d’Etat a jugé que la Cour n’avait commis aucune erreur de droit en relevant que la différence de surface mentionnée dans le cadre de l’enquête parcellaire et celle mentionnée dans le tableau joint à l’arrêté de cessibilité (différence de 8 m²) n’était pas de nature à induire les propriétaires de la parcelle en litige en erreur quant à la nature et aux conséquences de l’opération, compte tenu de la faible différence de métrage et de l’indication exacte des références cadastrales.

En effet, le Conseil d’Etat a considéré que l’état parcellaire annexé mentionnait bien la situation, la contenance et la désignation cadastrale du terrain initial, ainsi que l’emprise à acquérir, le surplus restant, et précisait aussi la superficie de la surface à acquérir et celle du surplus restant. Ces annexes à l’arrêté de cessibilité avaient donc été établies en considération du document d’arpentage, lequel n’avait, lui, pas obligatoirement à être joint à l’arrêté de cessibilité.

Motivation d’une décision de préemption : éviter les listes à la Prévert

Par un arrêt en date du 9 février 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a censuré une décision de préemption dont la multiplicité des objets invoqués ne caractérisait pas un projet réel à la date à laquelle elle a été prise. 

En l’espèce, le Maire de Roquecourbe-Minervois a décidé de préempter un ensemble immobilier à usage de cave viticole appartenant à une société coopérative agricole.

Les acquéreurs évincés ont saisi le Tribunal administratif de Montpellier, lequel a, par un jugement en date du 31 décembre 2019, annulé la décision de préemption du Maire.

La Commune a donc interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille, laquelle a rejeté la requête de la Commune.

Selon la Cour, la Commune ne justifiait pas, à la date de la décision de préemption, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement au sens des dispositions de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme.

Plus précisément ici, la Cour a reproché à la Commune la « multiplicité des objets invoqués » dans sa décision de préemption, cette dernière ayant pour objet : « la mise en place et la sauvegarde du patrimoine historique de la commune[…], la mise en œuvre du développement touristique par la création d’espaces culturels, musée de la vigne et du vin et de manufacture textile[…], le maintien et l’extension des activités économiques liées au produit du terroir par location de la cuverie existante, l’aménagement urbain de cœur du village afin de développer les activités de loisir (salles des fêtes pouvant recevoir des manifestations culturelles à vocation intercommunales aux normes d’accessibilité exigées par la loi – parking désengorgeant les rues du village – salles réservées aux associations culturelles et sportives du village[…], l’aménagement de locaux municipaux adaptés et fonctionnels, notamment pour les services techniques. La superficie préemptée permet d’envisager la réalisation des projets urbains ci-dessus sur plusieurs années[…].La priorité sera donnée dès 2019 à l’aménagement d’une salle des fêtes aux normes[…].de locaux municipaux fonctionnels pour les services techniques et d’un parking avec matérialisation de places adaptées[…] ».

La Cour a donc étudié, pour apprécier la réalité d’un projet à la date de la décision querellée, et en particulier l’existence d’un projet suffisamment précis et identifié, la cohérence d’ensemble de la motivation de la décision de préemption.

Le préfet n’est pas tenu de recueillir l’avis de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture pour rejeter une demande de radiation de l’inventaire des monuments historiques

Par une décision en date du 7 mars dernier, sur le fondement du principe du parallélisme des formes, le Conseil d’État a rappelé que le préfet de région n’était pas tenu de recueillir l’avis de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture pour refuser de faire droit à une demande de radiation, dès lors d’un monument de l’inventaire des monuments historiques.

Dans cette affaire, par un premier jugement en date du 14 mars 2017, le Tribunal administratif d’Amiens avait annulé la décision par laquelle le Préfet de la région Picardie avait refusé de faire droit à la demande de la société requérante de radier un monticule de terre se trouvant sur la commune de Moulin-sous-Touvent (Oise), inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

Suite à un nouvel examen de la demande, sur injonction du Tribunal, le Préfet de la région Picardie a, de nouveau, rejeté la demande de radiation. Cette nouvelle décision de refus a fait l’objet d’une annulation par un jugement du Tribunal administratif d’Amiens du 31 décembre 2019, confirmé par la Cour administrative d’appel de Douai par un arrêt en date du 1er décembre 2020.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État, saisi par la Ministre de la Culture, a été amené à se prononcer sur la nécessité, pour le préfet, de recueillir l’avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture lorsqu’il entend refuser de faire droit à une demande de radiation d’un immeuble inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

A ce titre, il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article R. 621-54 du Code du patrimoine :

« L’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques est prononcée par arrêté du préfet de région après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture réunie en formation plénière […] ».

Aux termes des dispositions de l’article R. 621-59 du même Code :

« La radiation de l’inscription d’un immeuble est prononcée et notifiée selon la même procédure et dans les mêmes formes que l’inscription ».

Ainsi, après avoir rappelé que si la décision d’inscrire ou de radier un immeuble au titre des monuments historiques suppose l’intervention de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture, le Conseil d’État a indiqué que tel n’était pas le cas de la décision refusant de faire droit à une demande de radiation. A ce titre, il a indiqué l’article R. 621-59 du Code du patrimoine prévoit uniquement la consultation de cette commission en cas de décision de radiation et non en cas de rejet de la demande.

Le Conseil d’État a donc considéré qu’en jugeant que le préfet de région devait recueillir l’avis de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture même en cas de rejet de la demande de radiation, la Cour administrative d’appel de Douai avait commis une erreur de droit.

Confirmation de l’annulation du contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux conclu entre la Région PACA et SNCF Mobilités en raison de l’illégalité de ses clauses financières

En 2006, la Région PACA et SNCF Mobilités (ancien nom de SNCF Voyageurs) ont conclu un contrat d’exploitation des services ferroviaires régionaux pour 10 ans. Dans le cadre de leurs relations financières, SNCF Mobilités a adressé à la Région son devis pour l’exercice 2016 ainsi que le montant de la contribution financière régionale. Estimant le niveau de charges identifié par SNCF Mobilités trop élevé et insuffisamment justifié, le conseil régional a arrêté une contribution prévisionnelle inférieure à celle retenue par l’exploitant.

SNCF Mobilités a donc saisi le Tribunal administratif de Marseille, qui avait alors annulé le contrat au motif que ses clauses financières, qui instituent un mécanisme d’évaluation forfaitaire des charges, ne permettaient pas à la Région de s’assurer de la juste évaluation de la compensation de service public et seraient donc susceptibles d’entraîner le versement d’une aide d’État (TA Marseille, 15 octobre 2019, n° 1705056).

C’est dans ces conditions que la Cour administrative d’appel de Marseille a été saisie du litige par SNCF Mobilités.

Appelée à se prononcer à son tour sur la conformité des clauses financières du contrat, celle-ci rappelle dans un premier temps le principe posé par le règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 (dit OSP), aux termes duquel toute compensation liée à un contrat de service public ne peut excéder ce qui est nécessaire afin de couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations du service, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable.

Une surcompensation doit alors être assimilée à une aide d’État et faire, à ce titre, l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne. Dès lors, la Cour précise que pour assurer la conformité des clauses financières du contrat au droit de l’Union européenne, le montant de la compensation financière versée à l’exploitant doit être établi de façon objective et transparente.

Or, au cas présent, la Cour juge que le mécanisme de forfait de charges pratiqué par SNCF Mobilités ne permet pas une identification objective et transparente des charges liées aux obligations de service public. En effet, sans condamner de manière générale la détermination forfaitaire des charges, elle considère qu’en l’espèce, le mécanisme utilisé par SNCF Mobilités comporte un risque induit de surcompensation en raison de l’absence de séparation comptable des différentes activités de l’exploitant, et plus largement, du défaut de transparence financière. 

De fait, la Région n’avait pas d’autre choix que d’écarter les stipulations financières du contrat, sauf à engager sa responsabilité en cas de condamnation de l’État par la Cour de justice de l’Union européenne pour aide publique illégale.

Ainsi, à l’instar des premiers juges, la Cour administrative d’appel considère que la contribution régionale constitue une aide publique non notifiée. Partant, cette surcompensation est une cause d’illicéité du contrat, justifiant son annulation. Il s’agirait d’une décision très importante pour l’ensemble des conventions TER monopolistiques, si elle devenait définitive.

Les projets passant en dessous des seuils de la nomenclature de l’évaluation environnementale pourront tout de même faire l’objet d’une telle procédure

Pour rappel, par une décision du 15 avril 2021, n° 425424, le Conseil d’Etat avait censuré une partie du décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 « en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions permettant qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement pour d’autres caractérise que sa dimension puisse être soumis à une évaluation environnementale ».

Ce faisant, le Conseil d’Etat avait enjoint au Premier ministre de réviser toute la nomenclature des projets soumis à évaluation environnementale pour qu’aucun « projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine » ne soit automatiquement dispensé d’évaluation environnementale.

Il était ainsi demandé la rédaction d’un décret instaurant une « clause filet », tel que cela est imposé par la directive du 13 décembre 2021. Plus concrètement, cette clause filet doit permettre d’éviter que, du seul fait de sa dimension, un projet puisse être dispensé automatiquement de toute évaluation environnementale, alors que, même en-dessous des seuils, des projets peuvent tout de même avoir une incidence notable sur l’environnement et la santé humaine.

Pour répondre à cette injonction, a été publié un projet de décret qui a été soumis à la consultation du public du 20 janvier 2022 au 10 février 2022. Celui-ci nous a permis d’en savoir un peu plus sur la forme que prendra concrètement cette « clause filet ».

Le projet de décret créé un article R. 122-2-1 prévoyant que l’autorité compétente pour autoriser ou recevoir la déclaration d’un projet soumet à examen au cas par cas tout projet situé en-deçà des seuils de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2, mais qui lui apparaît toutefois susceptible d’avoir des incidences sur l’environnements.

La décision de soumettre le projet au cas par cas revient à l’autorité compétente en charge de la première procédure d’autorisation du projet, dans les 15 jours à compter du dépôt du dossier d’autorisation ou de déclaration. Mais il faut noter en outre que le projet de décret prévoit également la faculté pour le porteur de projet de saisir, de sa propre initiative, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Il conviendra donc de surveiller de près la date de publication de ce décret, et d’être très vigilant, aussi bien pour les autorités compétentes en matière d’autorisation (loi sur l’eau / ICPE / autorisation d’urbanisme / etc.), que pour les porteurs de projet, dans la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions qui ne manqueront pas de créer de nouvelles problématiques contentieuses.

Arrêté relatif à l’indemnisation des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques

Pris en application de l’article R. 1613-12 du Code général des collectivités territoriales qui précise les modalités de calcul du montant total maximum de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement pouvant être alloué aux collectivités territoriales et à leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSEC) lorsque le montant des dégâts éligibles est inférieur à six millions d’euros hors taxes, l’arrêté du 7 février 2022 fixe le taux à appliquer au produit du montant total des dégâts éligibles à indemnisation pour déterminer le montant total maximum de la DSEC. Cette dotation, instaurée par l’article 160 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 et prévue à l’article L. 1613-6 du Code général des collectivités territoriales, est issue de la fusion des deux fonds de soutien aux collectivités territoriales touchées par des intempéries de grande ampleur : le fonds catastrophes naturelles et le fonds calamités publiques.

Il convient de souligner d’une part qu’au sens des articles L. 1613-6 et R. 1613-6 du CGCT, est considéré comme un événement climatique ou géologique tout événement localisé survenu en métropole qui cause des dégâts d’un montant total supérieur à 150.000 euros hors taxes aux biens qui sont énumérés à l’article R. 1613-4 du CGCT (infrastructures routières et ouvrages d’art, digues, réseaux de distribution et d’assainissement de l’eau, stations d’épuration, parcs, jardins, …) et qui appartiennent aux collectivités territoriales ou groupements.

D’autre part, seuls les travaux de réparation des dégâts causés à ces biens et les travaux urgents de restauration des capacités d’écoulement des cours d’eau, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par la collectivité ou le groupement intéressé, peuvent donner lieu à l’attribution de subvention par la DSEC (article R. 1613-5 du CGCT).

Ainsi, en application de l’arrêté du 7 février 2022, pour déterminer le montant total maximum de la DSEC lorsque le montant des dégâts éligibles est inférieur à six millions d’euros hors taxe, le taux de référence est de 40 % dudit montant.

L’arrêté du 16 septembre 2008 relatif au Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles est par ailleurs abrogé. Cet arrêté était pris sur le fondement de l’article R. 1613-7 du CGCT dans sa rédaction antérieure à la réforme des procédures d’indemnisation opérée par le décret n° 2015-693 du 18 juin 2015.