Environnement, eau et déchet
le 03/02/2022
Clémence DU ROSTU
Solenne DAUCÉ
Julie CAZOU

Bruit : du nouveau dans l’élaboration des instruments de planification locale

Arrêté du 23 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 4 avril 2006 relatif à l'établissement des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans l'environnement

LOI n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (1)

La fin de l’année 2021 et le début de l’année 2022 ont été marqués par plusieurs actualités ayant affecté divers instruments de la règlementation locale du bruit : les modalités d’élaboration des plans de prévention du bruit dans l’environnement et des cartes de bruit ont ainsi connu des évolutions (I). S’agissant du bruit généré par les aérodromes, les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes et la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes ont été modifiées (II). En outre, et au-delà de ces actualités en matière de planification, il est à relever qu’un décret du 3 janvier 2022 a instauré une expérimentation afin de renforcer les pouvoirs de police en matière de circulation visant à réduire les nuisances engendrées par le bruit (III).

I. Actualités et évolutions relatives aux plans de prévention du bruit dans l’environnement et aux cartes de bruit

Les plans de préventions du bruit dans l’environnement et les cartes de bruit sont établis pour certaines infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires dont les caractéristiques sont fixées par décret, ainsi que pour les agglomérations de plus de 100.000 habitants dont la liste est fixée par arrêté du 14 avril 2017, mis à jour récemment par arrêté du 10 juin 2020.

Des précisions ont été apportées s’agissant tant de la procédure d’élaboration des plans de préventions du bruit dans l’environnement (A) que des cartes de bruit (B).

 

A. Précision et évolution de la procédure d’élaboration des plans de prévention du bruit dans l’environnement

Les plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) sont régis par les articles L. 572-6 et suivants du Code de l’environnement, et « tendent à prévenir les effets du bruit, à réduire, si nécessaire, les niveaux de bruit, ainsi qu’à protéger les zones calmes » ; ils comportent ainsi des évaluations du nombre de personnes exposées à un bruit excessif, identifient les sources de bruit devant être réduites et recensent les mesures prévues par les autorités compétentes.

1°) Tout d’abord, un arrêt du Conseil d’Etat, en date du 28 octobre 2021 a apporté des précisions sur la nature et les procédures d’élaboration de ces PPBE. Une association avait en effet sollicité que ceux-ci soient soumis à évaluation environnementale sur le fondement des articles L. 122-4 et R. 122-17 du Code de l’environnement relatifs à l’évaluation environnementale de certains plans et programmes ayant une incidence notable sur l’environnement. Le juge s’est ainsi d’abord prononcé sur le point de savoir si ces instruments étaient ou non soumis à évaluation environnementale, ce qui impliquait alors de déterminer si les PPBE établissent, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets, mentionnés par la directive 2011/92/UE, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (voir notamment en ce sens les décisions suivantes de la Cour de justice de l’Union européenne ; 27 octobre 2016, D’Oultremont et autres, C 290/15 ; 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles et autres, C 671/16).

Par sa décision du 28 octobre 2021, le Conseil d’Etat a considéré que les PPBE ne constituaient pas des plans et programmes au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement, dans la mesure où ils « se bornent à recenser les actions déjà engagées ou prévues au titre de la lutte contre les nuisances sonores, avec l’accord des autorités compétentes pour leur mise en œuvre, et à définir des objectifs indicatifs de réduction du bruit dans certaines zones exposées » mais ne définissent pas le cadre de mise en œuvre de travaux ou projets. L’élaboration de ces plans n’est donc pas soumise à évaluation environnementale au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement.

2°) La procédure d’élaboration de ces plans a toutefois connu des modifications, apportées par le décret du 14 décembre 2021. En effet, une procédure de consultation du public par voie électronique est à cet égard désormais prévue à l’article R. 572-9 du Code de l’environnement. Auparavant, seule une mise à disposition « physique » du dossier du projet de plan était imposée par ce texte.

B. Les évolutions relatives à l’évaluation des nuisances dans les cartes de bruit

Les cartes de bruit, dont le régime est fixé par les articles L. 572-3 et suivants du Code de l’environnement, visent à « permettre l’évaluation globale de l’exposition au bruit dans l’environnement et à établir des prévisions générales de son évolution ». Elles comportent ainsi « un ensemble de représentations graphiques et de données numériques » (L. 572-3). 

1°) D’abord, le décret du 14 décembre 2021 précité a précisé les éléments devant être pris en compte pour l’élaboration des cartes de bruit. L’article R. 572-5 du Code de l’environnement est en effet complété et indique que ces cartes doivent comprendre, notamment, « une évaluation du nombre de personnes affectées par les effets nuisibles dus à l’exposition au bruit mentionnés à l’article R. 572-6 ». Il est ainsi précisé à l’article R. 572-6 du Code de l’environnement que doivent être prises en considération pour l’évaluation des effets nuisibles la cardiopathie ischémique, la forte gêne et les fortes perturbations du sommeil, dont les modalités de calcul ont été précisées par arrêté.

En effet, deux arrêtés du 23 décembre 2021 ont donné des précisions sur les modalités de calcul à mettre en œuvre pour l’élaboration de ces cartes visant notamment à obtenir :

  • Le nombre de personnes ayant des cardiopathies ischémiques en raison d’une exposition au bruit routier ;
  • Le nombre de personnes fortement gênées ou subissant des troubles importants du sommeil en raison d’une exposition aux bruits routiers, ferroviaires ou aériens ;
  • Les valeurs des coefficients pour les bruits de roulement et de propulsion à prendre en compte pour le calcul des émissions de bruits causés par le trafic routier.

2°) Puis, le décret crée également un nouvel article R. 572-6-2 du Code de l’environnement, aux termes duquel l’exposition de la population est évaluée indépendamment pour chaque source de bruit générée par les transports et, en cas d’exposition simultanée à diverses sources de bruit, « les effets nuisibles ne doivent pas être cumulés ».  

II. Actualités sur les émissions de bruit liées à l’exploitation des aérodromes

S’agissant du bruit généré par les aérodromes, la loi de finances pour 2022 a modifié les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (B) et le Conseil d’Etat s’est également prononcé sur la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes (A).

A. Les précisions apportées à la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit des aérodromes

La décision du Conseil d’Etat précitée du 28 octobre 2021 s’est non seulement prononcée sur la soumission des PPBE à évaluation environnementale (voir supra), mais également sur la procédure d’évaluation des plans d’exposition au bruit des aérodromes, régis par les articles L. 112-3 et suivants du Code de l’urbanisme et élaborés par le préfet après consultation des communes concernées. 

Le juge relève que ceux-ci délimitent des zones en fonction de leur exposition au bruit des aéronefs et déterminent les conditions d’utilisation des sols s’imposant aux projets de construction et d’aménagement. Le Conseil d’Etat considère ainsi qu’ils constituent des plans et programmes au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement car ils définissent le cadre d’autorisation et de mise en œuvre de projets, et doivent donc être soumis à évaluation environnementale.

Le Conseil d’Etat estime alors que la procédure prévue pour l’élaboration des plans d’exposition au bruit des plus grands aérodromes, à savoir ceux pour lesquels la taxe sur les nuisances sonores aériennes est perçue et qui sont mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du Code général des impôts (CGI), est conforme aux exigences de l’évaluation environnementale. En effet, cette procédure prévoit notamment la consultation de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui est une autorité administrative indépendante, ainsi que la participation du public.

Tel n’est toutefois pas le cas pour les aérodromes autres que ceux mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du CGI, pour lesquels particulièrement la consultation de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires n’est pas prévue. L’Etat dispose ainsi d’un délai de quatre mois pour prendre les mesures règlementaires nécessaires pour que ces instruments soient soumis à une procédure conforme à celle qui est prévue pour les plans soumis à évaluation environnementale.

B. Evolutions de la taxe sur les nuisances sonores aériennes

Les articles 48 et 226 de la loi de finances pour 2022 portent sur la taxe sur les nuisances sonores aériennes, régie par l’article 1609 quatervicies A du CGI et perçue par les personnes publiques ou privées exploitant les aérodromes les plus importants.

L’article 48 fait évoluer les modalités de calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui a pour objet le financement de l’aide à l’insonorisation des riverains des aérodromes. L’objectif de cet article est notamment de faire payer davantage les avions les moins vertueux en termes de nuisances sonores, l’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cet article indiquant viser à « affiner la fixation du tarif de la taxe au niveau de nuisance généré par chaque vol, en maintenant un rendement raisonnable de la taxe et l’acceptabilité de la charge fiscale pour les redevables, et en conservant les pondérations selon les périodes de journée (et en particulier, la plus forte taxation des vols réalisés la nuit) » (Amendement n° 881, déposé le jeudi 9 décembre 2021). En outre, le tarif maximal de la TNSA passe de 40 à 75 euros pour les aérodromes de Nantes Atlantique, Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Le Bourget, Paris-Orly. La date d’entrée en vigueur de cette disposition est fixée au 1er avril 2022.

L’article 211 de cette loi précise en outre le sort du solde de la TNSA au terme de l’exploitation d’un aérodrome.

III. Le renforcement des pouvoirs de police en matière de circulation visant à réduire les nuisances engendrées par le bruit

Au-delà des évolutions identifiées en matière de planification du bruit, on retiendra que le décret du 3 janvier 2022, relatif à la procédure d’expérimentation de la constatation des niveaux d’émissions sonores des véhicules en mouvement par des appareils de contrôle automatique fixes et mobiles, a défini les conditions dans lesquelles, sur certains territoires expressément identifiés en son article 1er, des appareils de contrôle automatique du niveau d’émissions sonores des véhicules en circulation sont installés (il s’agit des communes de Bron, Paris, Rueil-Malmaison, Villeneuve-Le-Roi, ainsi que de celles appartenant à la communauté de communes de la Haute Vallée de Chevreuse, de la métropole de Nice et de la métropole de Toulouse).

Cette expérimentation, motivée par la circonstance que « si les niveaux de bruit des véhicules sont réglementés à la mise sur le marché, il est plus difficile de s’assurer du respect de la réglementation au cours de la vie du véhicule »[1], était prévue par l’article 92 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite loi LOM.

Il sera désormais possible pour l’autorité titulaire des pouvoirs de police de la circulation d’adopter un arrêté pour définir les sections de voies et les plages horaires quotidiennes durant lesquelles les appareils de contrôle automatique seront activés.

 

Julie CAZOUX et Clémence DU ROSTU et Solenne DAUCE

 

 

[1]Rapport n° 2206 de Mmes Bérangère ABBA, Bérangère COUILLARD, MM. Jean-Luc FUGIT, Bruno MILLIENNE et Mme Zivka PARK, fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, déposé le 4 septembre 2019.