Energie
le 03/02/2022

Pas de perte de chance de bénéficier de l’obligation de rachat de l’électricité découlant d’un dispositif constituant une aide d’Etat illégale

CA, Lyon, 13 janvier 2022

Cour d’appel de Lyon, 13 janvier 2022, Sté Enedis c/ SARL G. FRERES, RG n° 18/00924

Dans le prolongement de précédentes décisions, la Cour d’appel de Lyon a eu l’occasion de rappeler qu’il ne pouvait exister de préjudice indemnisable découlant de la perte de chance de bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat d’électricité dès lors que ce mécanisme a été regardé comme une aide d’Etat illégale.

Une société avait sollicité au cours de l’année 2010 le raccordement au réseau de distribution d’électricité de deux centrales de production d’électricité photovoltaïque.

La société espérait bénéficier de l’obligation d’achat par la société EDF de l’électricité produite par ces centrales, en application du dispositif résultant alors du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par des producteurs bénéficiant de l’obligation d’achat et de l’arrêté du 12 janvier 2010 portant abrogation de l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000.

La société Enedis ayant estimé que certaines pièces exigées dans le cadre des demandes de raccordement étaient manquantes, elle les a sollicitées auprès de la société. Plusieurs échanges ont eu lieu entre les deux sociétés jusqu’à ce que les dossiers soient considérés comme complets et enregistrés par la société Enedis.

Or, entre temps, un moratoire avait été adopté par décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil (dit décret-moratoire) et avait suspendu l’obligation d’achat. Puis, cette obligation d’achat avait été rétablie mais sur la base d’un tarif d’achat moins intéressant pour la société sollicitant le raccordement de ses centrales photovoltaïques (Arrêté du 4 mars 2011 portant abrogation de l’arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000).

La société avait alors sollicité l’indemnisation du préjudice résultant de la baisse du prix de rachat. La société estimait en particulier que la société Enedis avait retardé à tort l’enregistrement et la comptabilisation de leurs demandes de raccordement.

En première instance, le Tribunal de commerce de Lyon avait fait droit aux demandes de la requérante et condamné la société Enedis à indemniser la société à hauteur de 211.140 euros.

La Cour d’appel de Lyon censure cette décision et juge, au contraire, que la société G. Frères ne peut subir un préjudice dès lors que l’arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 dont elle revendiquait l’application avait été déclaré illégal car procédant d’une aide d’État illégale.

En effet, le mécanisme d’obligation d’achat par la société EDF de l’électricité d’origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 a été regardé comme une aide d’Etat illégale, faute pour l’Etat de l’avoir notifié à la Commission européenne préalablement à leur mise en œuvre (CJUE, Ordonnance n° C-515/16 du 15 mars 2017, Enedis SA c/ Axa Corporate Solutions SA et Ombrière Le Bosc SAS, Cass. Com., 23 juin 2021 n° 19-25.859).

En conséquence, la Cour d’appel estime que le préjudice constitué de la perte de chance de bénéficier d’un tarif procédant de cette aide d’État illégale n’est pas réparable, conformément à ce que la Cour de cassation avait déjà jugé (Cass. Com., 18 sept. 2019, FS-P+B+R, n° 18-12.601, Cass. Com., 18 sept. 2019, FS-P+B, n° 18-12.657)

La Cour d’appel annule le jugement et déboute donc la société de ses demandes.

On rappellera que l’Etat a, depuis lors, profondément redéfini son cadre de régulation, en créant notamment le dispositif du complément de rémunération.