Légalité de la préemption en vue de la création de places de stationnement nécessaires à un projet de logements mixtes, et prise en compte de la pression spéculative sur le foncier et du faible nombre de logements sociaux sur la Commune

Par décision en date du 23 avril 2018, le Maire de Vincennes a préempté un volume consistant en une surface de sous-sol à usage d’aire de lavage pour automobiles.

Les acquéreurs évincés ont alors saisi le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir, mais le Tribunal a rejeté leur requête. Ils ont alors interjeté appel. La Cour administrative d’appel a également rejeté leur requête.

Les acquéreurs évincés se sont alors pourvus en cassation. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État a d’abord rappelé les spécificités de cette affaire.

En effet, le Conseil d’État a indiqué que la société d’économie mixte (SEM) de Vincennes (VINCEM) avait obtenu un permis de construire, le 29 septembre 2017, afin de construire douze logements sociaux à Vincennes. Seulement, afin d’assurer le financement de son projet, VINCEM a finalement sollicité, courant mars 2018, un permis de construire modificatif afin de prévoir la vente de cinq logements sur douze, réduisant ainsi le nombre de logements sociaux à sept.

Ce faisant, cette diminution du nombre de logements sociaux dans le programme a rendu nécessaire la réalisation de places de stationnement pour les logements à vendre. En effet, si le plan local d’urbanisme de Vincennes n’exige pas de prévoir une place de stationnement par logements sociaux, cette exigence est requise pour les autres projets de logements.

C’est donc dans le seul but de permettre à VINCEM de réaliser des places de stationnement pour ses cinq futurs logements à vendre – et non sociaux -, et ainsi de concrétiser la réalisation de ce projet, notamment composé de logements sociaux, sur le territoire communal, que le Maire a décidé de préempter le bien.

Surtout, il est intéressant de relever que le volume préempté ne se situe pas sur la parcelle objet du programme de logements mixtes de VINCEM, mais sur une parcelle distincte et séparée d’elle de 230 mètres. Et ce, alors même qu’un parking public était également présent à environ 700 mètres du projet de logements.

Cela étant rappelé, le Conseil d’État a, en premier lieu, sur le fondement des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, considéré que les juges du fond n’avaient pas dénaturé les pièces du dossier, ni commis d’erreur de droit, en jugeant que la commune démontrait la réalité de son projet à la date de la préemption, projet qui devait être apprécié, « non au regard de la création de places de stationnement à l’adresse du bien préempté, mais compte tenu des caractéristiques globales de l’opération d’aménagement à laquelle la création de ces places participe ».

En deuxième lieu, d’une part, le Conseil d’État a confirmé que la Cour administrative d’appel n’avait pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant que la décision de préemption, « quand bien même elle ne porte que sur un lot de copropriété séparé du terrain d’assiette de la construction, [la préemption] participe à la réalisation d’un programme de construction de sept logements sociaux sur un programme de douze logements, avait, par nature, pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat et répondait à ce titre aux objets définis à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, alors même qu’il ne concourait pas à la mise en œuvre d’un programme local de l’habitat ou d’un programme d’orientations et d’actions d’un plan local d’urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat ».

D’autre part, le Conseil d’État a considéré que la Cour n’avait pas non plus inexactement qualifié les faits de l’espèce, ni commis d’erreur de droit en jugeant que ce projet, « par son ampleur et sa consistance, appréciées dans le contexte de la commune, marquée par une pression spéculative, une faible disponibilité de terrains et un nombre de logements sociaux insuffisants, et au regard de la taille de cette dernière, comme présentant par lui-même le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement ».

En dernier lieu, le Conseil d’État a confirmé l’arrêt d’appel en ce qu’il a jugé que la préemption répondait à un intérêt général suffisant pour la création de places de stationnement, résulte d’une obligation du plan local d’urbanisme, et est légalement nécessaire à l’opération à laquelle ces places participent. Et ce, « alors même que ces places auraient pu être créées dans un parc de stationnement public situé à 700 mètres du projet et que le caractère indispensable au montage financier de l’opération d’aménagement en cause de la construction de logements destinés à la vente ne serait pas établi ».

Par conséquent, en substance, il faut retenir que :

  • Il est possible de préempter un bien pour créer des places de stationnement, dès lors que ce projet s’inscrit dans un projet global de création de logements sociaux, nonobstant la circonstance que ce parc de stationnement n’est pas accolé au terrain d’assiette de la construction ;
  • Une opération de logements mixtes correspond à une action ou opération d’aménagement au sens des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme, car a, par nature, pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat, quand bien même cette opération n’aurait pas pour objet de mettre en œuvre un programme local de l’habitat ;
  • L’autorité préemptrice peut prendre en compte le contexte communal, en particulier la pression spéculative sur son foncier, la faible disponibilité des terrains, et le nombre insuffisant de logements sociaux, pour démontrer que le projet objet de la préemption peut être qualifié d’action ou d’opération d’aménagement au sens des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l’urbanisme ;
  • L’autorité préemptrice n’est pas absolument tenue de vérifier au préalable l’existence d’un parc de stationnement public aux alentours du projet de logements, pour préempter un bien en vue de la réalisation de places de stationnement.

La demande de l’organisme d’accueil tendant à ce que l’administration d’origine suspende de ses fonctions l’agent mis à sa disposition n’est pas susceptible de recours.

Le juge administratif est peu souvent saisi de contentieux liés à la discipline des agents publics mis à disposition. L’arrêt rendu le 5 mai 2023 par la Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi été l’occasion pour lui de se prononcer dans ce cadre, sur la possibilité ou non, pour le fonctionnaire, de contester la demande de l’organisme d’accueil tendant à qu’il soit suspendu de ses fonctions.

Logiquement, la Cour a jugé que le courrier par lequel l’organisme d’accueil saisit l’administration d’origine d’un fonctionnaire mis à sa disposition afin que celle-ci prononce une mesure de suspension à son encontre n’est qu’un acte préparatoire, insusceptible de recours.

Dans cette espèce, M. B., fonctionnaire territorial du département X., a été mis à la disposition d’un groupement d’intérêt public (GIP), pour exercer les fonctions de chef du service immunologie virologie PCR. Le 23 octobre 2019, le directeur général du GIP a sollicité du président du conseil départemental la suspension à titre conservatoire de l’agent. Par arrêté en date du 12 novembre 2019, le président du conseil départemental a suspendu M. B. de ses fonctions. Ce dernier a alors demandé au Tribunal administratif de Rennes d’annuler le courrier du directeur du GIP ainsi que l’arrêté du président du conseil départemental. Toutefois, sa requête a été rejetée.

Saisie à son tour, la Cour administrative d’appel de Nantes a d’abord rappelé que la mise à disposition « est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d’emplois ou corps d’origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir » (article 61 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) et que dans cette position, le pouvoir disciplinaire est exercé par l’administration d’origine, qui peut être saisie par l’organisme d’accueil (article 7 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008).

Puis, de ce fait, la Cour a pu rappeler que l’administration d’origine est seule compétente pour prononcer une mesure de suspension à titre conservatoire.

Ainsi, elle a estimé que le courrier du 23 octobre 2019 par lequel le directeur général du GIP a demandé au président du conseil départemental de suspendre M. B. de ses fonctions, en tant qu’il ne constitue que le premier acte de la procédure pouvant conduire le cas échéant à la suspension de l’intéressé, présente le caractère d’une mesure préparatoire et ne constitue pas par lui-même une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, son irrégularité pouvant seulement être invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre la mesure de suspension éventuellement prise.

On soulignera que cette solution n’a rien de surprenant au regard de la jurisprudence administrative, qui considère classiquement qu’un acte doit être considéré comme préparatoire lorsqu’il ne produit en lui-même aucun effet juridique et laisse à l’autorité compétente toute latitude pour prendre une décision (CE, 23 mars 1994, n° 104420). Cela est précisément le cas en la matière puisqu’il appartient à l’administration d’origine, seule investie du pouvoir disciplinaire, d’apprécier les suites à réserver à la demande de l’organisme d’accueil tendant à la suspension de l’agent.

Une procédure disciplinaire, deux conseils de discipline successifs : mode d’emploi

Par un arrêt en date du 26 juin 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les obligations qui pèsent sur l’autorité administrative qui entend reprendre une procédure disciplinaire à la suite d’une erreur dans le décompte des votes.

Dans un premier temps, cette erreur avait conduit à considérer que le conseil de discipline avait donné un avis favorable à une proposition de sanction à la révocation d’un brigadier-chef de la police nationale. Or, le décompte du nombre de voix avait été calculé de manière erronée, par rapport aux suffrages exprimés, et non par rapport au nombre de présents. Il résulte effectivement des textes règlementaires applicables en matière de procédure disciplinaire, qu’un membre qui s’abstient de voter doit nécessairement être regardé comme votant contre la proposition de sanction, et ce dans la mesure où le vote consiste à réunir sur une proposition de sanction, une majorité positive, parmi tous les membres présents[1].

En corrigeant l’erreur dans le décompte, l’administration s’est aperçue que la majorité des voix était finalement en faveur défavorable à la sanction de révocation étudiée. Cette circonstance impliquait que le conseil de discipline aurait dû mettre aux voix les sanctions moins sévères, le cas échéant, jusqu’à la proposition consistant à ne pas infliger la sanction. L’administration a donc repris la procédure et organisé la tenue d’un second conseil de discipline qui, composé différemment, a rendu un avis favorable à cette même sanction.

Le Conseil d’Etat a retenu que dans une telle situation, il appartenait effectivement à l’administration de reprendre la procédure. Il a par ailleurs précisé que si à cette fin, l’administration convoquait à nouveau le conseil de discipline, la composition du conseil pouvait être différente de celle du premier, contrairement à ce qu’avait retenu la Cour d’appel.

Il a en revanche estimé que dès lors que l’administration reprenait ainsi la procédure, elle ne pouvait soumettre au vote une proposition de sanction déjà écartée par une majorité des membres présents lors de la précédente réunion du conseil de discipline.

Ainsi, tel que l’a jugé la Cour d’appel, le vote acquis dans le cadre du premier conseil (ici, en tenant compte de la rectification des voix) devait être pris en considération par le second conseil de telle sorte que, l’autorité administrative ayant repris la procédure afin de la poursuivre, ne pouvait mettre aux voix que les sanctions moins sévères que la révocation. Alors même qu’une recomposition du conseil de discipline a été admise, cette solution est pour le moins surprenante mais elle est celle retenue par le Conseil d’Etat et dont il convient de retenir en tant que de besoin le mode d’emploi.

 

[1] Pour la fonction publique d’Etat : Article 8 alinéa 2 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984

Pour la fonction publique territoriale : Article 12 alinéa 2 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989

Pour la fonction publique hospitalière : Article 9 alinéa 2 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989

Rappel des conditions restrictives du droit de priorité dans le reclassement du personnel des Chambres de commerce et d’industrie

Préalablement à un licenciement en raison d’une suppression de poste, l’article 35-1 du statut du personnel administratif des CCI prévoit, de manière somme toute classique, que les agents concernés par une telle suppression de poste bénéficient d’un droit au reclassement. Le dispositif est toutefois particulièrement précis.

Il résulte en effet également de l’article 35-1 une priorité de reclassement sur les candidatures externes et internes qui s’impose aux Présidents des Chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) qui disposent de postes à pourvoir.

Bien plus, ce même article prévoit qu’en cas de licenciement pour suppression de poste, une information de la commission paritaire régionale et des délégués syndicaux doit avoir lieu. Cela implique la transmission d’un dossier comprenant :

  • une information sur les raisons économiques, financières et techniques qui sont à l’origine de la délibération de l’assemblée générale portant sur l’autorisation à procéder à des suppressions de postes ;
  • une information sur la liste des postes susceptibles d’être supprimés et les critères retenus ;
  • les moyens que la CCI employeur entend mettre en œuvre afin de favoriser les reclassements.

Plus particulièrement, lorsque plusieurs agents sont concernés par la suppression d’au moins un poste au sein d’une même activité comportant plusieurs postes similaires, c’est celui ou ceux des agents qui ont obtenu le moins de points au regard de critères retenus par la CCI employeur fait/font l’objet d’une procédure de licenciement.

Dans cette espèce, la requérante, dont le poste avait été supprimé, invoquait en premier lieu le bénéfice du droit de priorité de reclassement sur deux des postes proposés par la CCI qui l’employait et pour lesquels deux candidatures internes avaient été retenues.

La Cour administrative d’appel de Toulouse a cependant estimé qu’elle n’était pas fondée à invoquer la méconnaissance de son droit de priorité de reclassement sur les postes envisagés dès lors que les candidats internes retenus étaient également concernés par une suppression de poste.

En deuxième lieu, la requérante soutenait qu’elle était également prioritaire sur les deux postes auxquels elle avait candidaté en application des critères d’ordre de licenciement résultant du dossier remis aux membres de la commission paritaire régionale.

A cet égard, la Cour a rappelé que « ces critères d’ordre de licenciements sont applicables à l’ensemble des agents de chaque catégorie d’emplois concernée par des suppressions de postes similaires au sein d’une même activité, ligne métier ou thématique et s’appliquent uniquement lorsque sont supprimés un ou plusieurs postes parmi un ensemble de postes similaires au sein d’une même entité ».

En l’occurrence, il ne ressortait pas des pièces du dossier que les candidats retenus sur les postes visés par la requérante auraient été concernés par des suppressions de poste similaires au sein de la même entité.

Ainsi, la Cour a jugé que l’organisme consulaire avait correctement rempli son obligation de recherche d’un reclassement, nonobstant la circonstance que la requérante n’ait pu être retenue sur les postes qui lui ont été proposés, pour lesquels elle ne pouvait se prévaloir d’aucune priorité de reclassement.

Publication du rapport d’information « État et collectivités territoriales : les bons comptes feront les bons amis »

Le Sénat a créé une mission d’information ayant pour objectif d’analyser l’impact des décisions règlementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités territoriales, et donc sur leur « pouvoir d’agir », pour reprendre les termes du rapport.

D’une manière générale, le constat est que les décisions prises par l’Etat peuvent placer les collectivités territoriales « dans une situation difficilement soutenable financièrement et qui accentue le sentiment général de découragement et de ″désenchantement″ chez les élus locaux ».

S’agissant des normes réglementaires, sont dénoncés les contraintes disproportionnées parfois imposées aux élus (exemple d’un bénitier qu’un maire a dû abaisser pour le rendre accessible aux personnes à mobilité réduite) et les impacts en matière de ressources humaines (nécessité de recruter des juristes notamment).

S’agissant des décisions budgétaires, le rapport met en lumière la complexité du financement des collectivités territoriales et la dégradation sensible de leur autonomie financière, dont il résulte un climat détérioré entre le Gouvernement et les collectivités territoriales.

Le rapport propose une liste de dix recommandations afin de mieux mesurer et limiter les impacts négatifs de ces différentes normes :

  1. Renforcer le dialogue État / collectivités au plan national par la fusion du Comité des finances locales (CFL) et du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)et un renforcement du poids des élus locaux au sein de la gouvernance de ce nouvel organe qui devrait en outre être consulté sur les projets de loi de finances et les projets de loi de finances rectificative ;
  1. Renforcer le dialogue État / collectivités dans les territoires à travers le renforcement du rôle du préfet ;
  1. Privilégier les expérimentations avant toute réforme impactant les collectivités ;
  1. Prévoir que les décisions de l’État impactant les finances locales doivent entrer en vigueur avant le vote des budgets locaux, et non en cours d’exercice, afin que les collectivités territoriales puissent en tirer les conséquences dans leur budget de l’année n + 1 ;
  1. Inscrire dans la Constitution que toute création ou extension de compétences ou toute modification des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant d’une décision de l’État et ayant pour effet d’augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation ;
  1. Mettre en place un réexamen régulier, selon une récurrence à définir mais a minima tous les 5 ans, des droits à compensation pour tenir compte du dynamisme naturel des charges liées à un transfert, création, extension ou modification des conditions d’exercice d’une compétence résultant d’une décision de l’État induisant une hausse des charges des collectivités territoriales ;
  1. Accélérer la révision des valeurs locatives cadastrales, qui permettrait de revaloriser les bases d’indemnisation ;
  1. Assouplir les règles de plafonnement et de liaison des taux des impôts locaux afin de donner plus de liberté d’action aux collectivités territoriales ;
  1. Revoir les modalités de répartition de la DGF en profondeur, préalable nécessaire à une indexation de cette dernière sur l’inflation qui permettrait de couvrir partiellement les coûts générés par les décisions règlementaires ;
  1. Mettre en place un dialogue entre l’État et les collectivités sur les modalités de compensation des exonérations fiscales et mettre fin à la pratique de minoration des variables d’ajustement.

Ces recommandations seraient, si elles étaient reprises par le Gouvernement, plus ou moins faciles à mettre en œuvre. Les recommandations n° 5 et 6 supposent une révision de l’article 72-2 de la Constitution. En effet, à ce jour, l’encadrement constitutionnel de la compensation des transferts, créations et extensions de compétences, fixé par le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, peut être qualifié de minimal.

En vertu de ces dispositions :

« Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

S’agissant des transferts de compétences, le législateur est donc tenu d’attribuer les ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert (CC, 13 janvier 2005, loi de programmation pour la cohésion sociale, n° 2004-509 DC, cons. 8 et 9), sans considération toutefois pour l’évolution ultérieure de ces dépenses.

La seule garantie dont les collectivités territoriales disposent en matière d’évolution de la compensation est que la dotation initiale ne doit pas se dégrader au cours du temps. Il appartient ainsi à l’État de maintenir le niveau des ressources transférées (CC, 18 décembre 2003, loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un RMA, n° 2003-487 DC, cons. 12 et 13 ; 29 décembre 2004, loi de finances pour 2005, n° 2004-511 DC, cons. 35 et 36).

S’agissant des créations et extensions de compétences, le juge a adopté une interprétation très stricte des dispositions précitées. En effet, le Conseil constitutionnel a une vision réduite de la notion d’extension de compétences, puisqu’une disposition qui modifie les modalités d’une compétence mais n’en transforme ni la nature ni l’objet ne donne pas lieu à une extension de compétences (CC, 18 octobre 2010, Département du Val-de-Marne, no 2010-56 QPC, cons. 6 ; v. aussi : CE, 21 mars 2016, Département du Val-d’Oise, n° 395528).

Il détermine en outre et en premier lieu s’il s’agit d’une compétence facultative ou obligatoire.

Dans le premier cas (compétence facultative), il n’exige pas la création de ressources (CC, 31 juillet 2003, loi relative à l’archéologie préventive, n° 2003-480 DC, cons. 14 à 17 ; 13 janvier 2005, loi de programmation pour la cohésion sociale, n° 2004- 509 DC, cons. 11).

Dans le second cas (compétence obligatoire), il n’est fait obligation au législateur que d’accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d’apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales (CC, 7 août 2008, loi instituant un droit d’accueil pour les élèves, n° 2008-569 DC, cons. 13).

Et, là encore, le Conseil constitutionnel n’impose pas au législateur de prévoir une corrélation entre les ressources allouées aux collectivités territoriales en contrepartie d’une création ou d’une extension de compétences et l’évolution ultérieure des dépenses engagées par ces collectivités. Cette logique a été également entérinée par le Conseil d’État (CE, 29 octobre 2010, Département de la Haute-Garonne, n° 342072).

Il résulte ainsi de la Constitution et de la jurisprudence, tant constitutionnelle qu’administrative, que l’accroissement ultérieur aux transferts, création et extension de compétences doit être assumé par les collectivités territoriales concernées. Une exception légale est néanmoins prévue par l’article L. 1614-2 du CGCT en application duquel toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l’Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l’exercice des compétences transférées est compensée intégralement.

La recommandation n° 6 permettrait ainsi de tenir compte de cet accroissement ultérieur. Quant à la recommandation n° 5, elle permettrait de prévoir une juste compensation financière des créations et extensions de compétences, ni la Constitution, ni la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne prévoyant, à ce stade, l’équivalence entre les nouvelles ressources et les nouvelles charges, au vu d’une estimation de ces charges. Quant à la réforme de la DGF (recommandation n° 9), cela fait des années qu’elle est évoquée sans qu’une réelle remise à plat du dispositif ait toutefois abouti.

Marchés de travaux : points de vigilance pour l’acheteur et le titulaire sur le décompte général définitif tacite

Les marchés de travaux se singularisent des marchés de fournitures et de services notamment par la procédure d’élaboration d’un décompte général définitif, dont la mise en œuvre est, depuis sa création, la source d’une jurisprudence très fournie.

Cette procédure d’élaboration du décompte général définitif n’est pas issue d’un texte à portée obligatoire mais du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG Travaux), dont trois versions se sont succédées depuis quarante-sept ans – celle du 21 janvier 1976, du 8 septembre 2009 et enfin celle du 30 mars 2021 – auquel les acheteurs peuvent choisir de déroger en tout ou partie par les clauses particulières de leurs marchés.

D’après le CCAG Travaux, le décompte général doit comprendre trois types de documents :

  • le décompte final, c’est-à-dire la demande de paiement finale du titulaire telle qu’acceptée ou rectifiée par le maître d’œuvre ;
  • l’état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel ;
  • et, la récapitulation des acomptes mensuels et du solde, étant précisé que le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation.

Et, son élaboration doit suivre plusieurs étapes très précises.

Dans un premier temps, le titulaire doit transmettre au maître d’œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur son projet de décompte final, dans un délai de 30 jours à compter de la décision de réception des travaux.

Dans un deuxième temps, le représentant du pouvoir adjudicateur doit notifier au titulaire le décompte général, dont le projet doit avoir été établi par le maître d’œuvre, dans un délai de 30 jours à compter de la réception du projet de décompte final par le maître d’œuvre et le représentant du pouvoir adjudicateur (la date à retenir étant la plus tardive des deux réceptions).

Dans un troisième temps, deux hypothèses sont à distinguer :

  • Soit le pouvoir adjudicateur a, de manière normale, effectivement notifié son décompte général dans le délai précité.

Le titulaire dispose alors d’un délai de 30 jours à compter de la réception de ce décompte général pour exprimer ses éventuelles réserves au sein d’un mémoire en réclamation.

A défaut, le décompte général notifié par le pouvoir adjudicateur est réputé accepté tacitement par le titulaire,

  • Soit le pouvoir adjudicateur n’a pas notifié son décompte général dans le délai précité.

Traditionnellement, le titulaire n’avait alors d’autre choix, pour pallier l’inertie de l’acheteur public, que de mettre en demeure celui-ci de procéder à cette notification puis, en cas d’infructuosité de cette démarche, de saisir la juridiction administrative afin que celle-ci fixe elle-même le décompte général définitif. Cette procédure retardait significativement le versement du solde dû au titulaire.

Afin de permettre au titulaire d’être payé sans avoir à passer nécessairement par le juge, l’arrêté du 3 mars 2014, entré en vigueur le 1er avril suivant, a modifié le CCAG Travaux de 2009 afin d’y introduire une procédure de décompte général définitif tacite, qui a été reprise ensuite dans le CCAG Travaux de 2021.

Depuis lors, si le pouvoir adjudicateur n’a pas notifié son décompte général dans le délai qui lui est imparti, le titulaire peut alors notifier au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre, son propre projet de décompte général signé.

Le pouvoir adjudicateur dispose ensuite d’un délai de 10 jours à compter de la réception de ce décompte pour notifier son propre décompte général au titulaire. A défaut, le décompte général élaboré par le titulaire est réputé accepté tacitement par le pouvoir adjudicateur et acquiert un caractère définitif.

A la suite de l’acceptation tacite par le pouvoir adjudicateur du projet de décompte général établi par le titulaire, ce décompte devient intangible et ne peut plus être remis en cause qu’en cas de fraude ou pour corriger une erreur purement matérielle (CE, 22 octobre 1965, Commune de Saint-Lary, req. n° 58876).

Il en résulte pour le pouvoir adjudicateur un devoir particulier de vigilance : le silence gardé sur un projet de décompte général établi par le titulaire ne vaut pas rejet mais au contraire acceptation et le délai pour s’y opposer à la suite de sa notification est très court (seulement 10 jours). Et, il n’est pas possible, pour faire obstacle à la naissance d’un décompte général définitif tacite, de se prévaloir de la carence du maître d’œuvre qui n’aurait pas rempli sa mission de préparer le décompte général.

Le pouvoir adjudicateur a d’autant plus intérêt à être vigilant qu’en cas de naissance d’un décompte général définitif tacite, le délai de paiement de 30 jours – dont le dépassement donne lieu à des intérêts moratoires – est décompté à partir du jour où le projet de décompte général du titulaire a acquis tacitement un caractère définitif, soit à l’expiration du délai de 10 jours à compter de sa notification, ainsi que l’a récemment précisé la jurisprudence (CAA Nancy, 22 décembre 2022, Société Samson¸ req. n° 21NC01617).

Pour autant, l’acheteur n’est pas le seul à devoir être vigilant vis-à-vis du décompte général définitif tacite.

En effet, le titulaire qui entend se prévaloir de la naissance d’un décompte général définitif tacite doit, pour ce faire, avoir lui-même scrupuleusement suivi les étapes préalables précitées, ainsi que l’illustre l’arrêt n° 23VE00021 rendu le 20 juin 2023 par la Cour administrative d’appel de Versailles.

Dans cette affaire, le titulaire d’un marché de plâtrerie/faux-plafonds intérieurs attribué par une commune dans le cadre de l’opération de construction d’un groupe scolaire avait saisi le juge des référés afin d’obtenir le versement d’une provision au titre du solde de ce marché. Il soutenait que sa créance n’était pas sérieusement contestable dès lors qu’était né tacitement un décompte général définitif du fait du silence gardé par la commune plus de dix jours à compter de la notification de son projet de décompte général. Toutefois, sa demande a été rejetée par une ordonnance en date du 21 décembre 2022.

Saisie par l’entreprise d’un recours contre cette ordonnance, la Cour administrative d’appel de Versailles commence par écarter les moyens contestant la régularité de la procédure de jugement (délai, absence d’audience).

Puis, statuant au fond, elle constate que le titulaire avait notifié son projet de décompte final à une entreprise qui, bien qu’assurant la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination (OPC), n’était pas membre du groupement de maîtrise d’œuvre, alors même que celui-ci était clairement identifié par les documents contractuels.

La Cour administrative d’appel en conclut qu’en l’absence de notification du projet de décompte final au pouvoir adjudicateur et au maître d’œuvre, les délais pour les étapes suivantes susceptibles d’aboutir à la naissance d’un décompte général définitif tacite n’avaient pu commencer à courir et que le titulaire ne pouvait, par la suite, se prévaloir d’une créance non sérieusement contestable pour demander le versement d’une provision.

 

CAA Versailles, 20 juin 2023, n° 23VE00021

CAA Nancy, 22 décembre 2022, Société Samson¸ n° 21NC01617

Romain MILLARD

Violences urbaines : le Gouvernement à la rescousse des collectivités ?

Circulaire relative à l’accélération des procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction suite aux dégradations intervenues dans certaines zones urbaines

 

Alors que le thermomètre des violences urbaines à la suite de la mort dramatique du jeune Nahel à Nanterre baisse doucement, la société civile mais aussi les administrations pansent leurs plaies. Les collectivités font notamment face à de très importantes dégradations de biens publics, mettant parfois en jeu la continuité et le bon fonctionnement des services publics.

 

Pour les aider, le gouvernement a proposé l’adoption en urgence d’une loi pour la « reconstruction des bâtiments à la suite des émeutes » déposée au Sénat le 3 juillet et vient de publier une circulaire du 5 juillet relative à l’accélération des procédures pour faciliter les opérations de réparation ou de reconstruction suite aux dégradations intervenues dans certaines zones urbaines.

 

La proposition de loi prévoit que les travaux nécessaires à la réfection et à la reconstruction des bâtiments et des équipements publics affectés par les actes de dégradation et de destruction liés aux évènements de voie publique survenus depuis le 27 juin 2023 bénéficient d’adaptations ou de dérogations aux règles en matière de voirie, d’environnement et d’urbanisme, en particulier en ce qui concerne la délivrance des autorisations nécessaires, les procédures et délais applicables et, le cas échéant, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en vigueur. Elle prévoit également que pour ces travaux l’acheteur puisse conclure des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable. Les marchés concernés sont limités aux prestations strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence.

 

Les dépenses engagées par les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les syndicats mixtes pourront, à titre exceptionnel, faire l’objet d’une compensation intégrale par l’État, les départements et les régions, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, au seul bénéfice des communes qui en sont membres.

 

La circulaire du 5 juillet vient préciser ces dispositifs.

 

En particulier, le gouvernement semble considérer que les articles L. 2122-1 et R. 2122-1 du Code de la commande publique pourraient permettre de recourir à l’exemption de publicité et de mise en concurrence préalables sur le fondement d’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures.

 

Mais il nous semble que ces préconisations doivent être interprétées avec précaution : le Juge administratif contrôlera toujours strictement la régularité d’une telle exonération des règles de la commande publique et il n’est évidemment pas acquis que tous les travaux soient concernés par une urgence impérieuse. La circulaire poursuit d’ailleurs en rappelant que « l’urgence impérieuse s’apprécie au cas par cas » et que « la notion doit pouvoir être mobilisée lorsque des atteintes causées aux services publics les plus essentiels à la satisfaction des besoins de la population nécessitent une action rapide de l’Etat, en particulier aux fins de mise en sécurité. Les travaux doivent être limités à l’objectif de garantir la sécurité des biens et des personnes ou de rétablir la continuité du service public en faisant les réparations nécessitées par les dégradations ».

 

Par conséquent, si ces dispositions sont naturellement facilitatrices et ouvrent la voie à une prise en charge financière de l’Etat de certains travaux pour les communes, elles semblent plutôt résulter d’une opération à visée politique pour rassurer les acheteurs, mais ne constituent, à ce stade en tout cas, aucunement une véritable évolution du droit de la commande publique.

Soumission à la concertation publique de deux projets de décrets modifiant les décrets du 29 avril 2022 consécutifs à la loi Climat et Résilience en matière de ZAN

Pour rappel, la Loi n° 2021-1104 en date du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a posé le principe selon lequel, afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols d’ici 2050, la consommation d’espaces sur la période 2021-2031 devra être réduite de moitié par rapport à la consommation d’espaces effective sur la période précédente 2011-2021 (article 191).

A la suite de cette loi, deux décrets n° 2022-762 et n° 2022-763 du 29 avril 2022 ont vu le jour afin, pour le premier, de préciser comment concrètement traduire l’objectif ZAN au sein des documents de planification et d’urbanisme ; le second, pour poser une nomenclature permettant de distinguer les surfaces artificialisées des surfaces non artificialisées.

Cependant, un peu plus d’un an plus tard, le Gouvernement a ouvert une consultation publique (du 13 juin au 4 juillet 2023) concernant deux projets de décrets modificatifs de ces deux décrets du 29 avril 2022.

C’est ainsi que, d’une part, pour ce qui concerne le projet de modification du décret n° 2022-762, ce projet de décret souhaite :

  • Préciser explicitement qu’il faudra, dans le rapport d’objectifs du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), pendant la première tranche de dix ans, prendre en compte «les efforts de réduction déjà réalisés » à partir des données observées sur les dix ans précédant la promulgation de la loi Climat et résilience ou le cas échéant sur une période de vingt ans lorsque les données sont disponibles.

En effet, la notion d’« efforts de réduction du rythme d’artificialisation des sols déjà réalisés » n’est évoquée qu’en préambule du décret de 2022, mais non au sein de l’un de ses articles.

  • Préciser qu’il conviendra également de tenir compte « de certaines spécificités locales telles que les enjeux de communes littorales ou de montage et plus particulièrement de ceux relevant des risques naturels prévisibles ou du recul du trait de côte».

A l’inverse, le décret de 2022 n’évoque pas la question des spécificités locales.

  • Permettre aux régions, en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, de définir des règles différenciées afin d’assurer la déclinaison des objectifs entre les différentes parties du territoire régional qu’elle a identifiées, le cas échéant en tenant compte du périmètre d’un ou de plusieurs schémas de cohérence territoriale.

L’on rappelle ici que le décret de 2022 évoque des « règles territorialisées ».

  • Entend supprimer la fixation obligatoire d’une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionales dans les règles générales du SRADDETafin d’ « adopter une approche plus proportionnée et qualitative du rôle de la région et ne pas conduire à contraindre de façon excessive les documents infrarégionaux ».
  • S’agissant des territoires démographiquement peu denses à très peu denses, prévoir une surface minimale de développement, tant au niveau du SRADDET que du SCoT, et couverte par un plan local d’urbanisme intercommunal, un plan local d’urbanisme, un document en tenant lieu, ou une carte communale, d’une capacité de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers en-deçà d’une surface minimale de développement communal.

Toutefois, l’on relève que ce projet de décret ne semble pas évoquer les territoires soumis au règlement national d’urbanisme (RNU). De même, le projet ne précise pas la surface minimale de développement.

D’autre part, s’agissant du projet de modification du décret n° 2022-763, ce projet de décret modificatif du décret n° 2022-763, souhaite :

  • Préciser que la qualification des surfaces est seulement attendue pour l’évaluation du solde d’artificialisation nette des sols (flux) dans le cadre de la fixation et du suivi des objectifs des documents de planification et d’urbanisme. Pour traduire ces objectifs dans le document d’urbanisme, il appartient à l’autorité compétente de construire un projet de territoire (dans le schéma de cohérence territoriale, dans le plan local d’urbanisme, ou dans la carte communale), en conciliant les enjeux de sobriété foncière, de qualité urbaine et la réponse aux besoins de développement local.
  • Confirmer que la nomenclature ne s’applique pas pour les objectifs de la première tranche de dix ans prévue à l’article 194 de la même loi : pendant cette période transitoire de 2021 à 2031, les objectifs porteront uniquement sur la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (entendue comme la création ou l’extension effective d’espace urbanisé). Cette nomenclature n’a pas non plus vocation à s’appliquer au niveau d’un projet, pour lequel l’artificialisation induite est appréciée directement au regard de l’altération durable des fonctions écologiques ainsi que du potentiel agronomique du sol.
  • Préciser le rapport local de suivi de l’artificialisation des sols, défini à l’article L. 2231-1 du CGCT. Pour mémoire, selon cet article :
  • Le maire d’une commune/le président de l’EPCI doté d’un PLU ou tout autre document d’urbanisme en tenant lieu, doit présenter à son assemblée délibérante, au moins une fois tous les 3 ans, émettre un rapport relatif à l’artificialisation des sols sur son territoire au cours des 3 années civiles précédentes ;
  • Ce rapport devra rendre compte de la mesure dans laquelle les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols sont atteints ;
  • Le rapport donne lieu à une débat suivi d’un vote ;
  • Le rapport sera transmis aux représentants de l’Etat dans la région et dans le département, ainsi qu’au président du conseil régional, etc.

Le projet de décret entend donc préciser que le premier rapport doit être réalisé trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, cette mesure étant d’application immédiate une fois les dispositions réglementaires adoptées.

Ainsi, il est prévu que l’élaboration du rapport s’appuie sur des données mesurables et accessibles, que possèdent l’ensemble des communes ou leurs groupements, ou qui leur seront en particulier mises à disposition par l’Etat à travers un observatoire national de l’artificialisation des sols.

Le rapport pourra comprendre toutes les informations que la commune ou l’intercommunalité souhaite apporter quant à l’évolution et au suivi de la consommation des espaces et l’artificialisation des sols. Dès lors qu’elle dispose d’un observatoire local, elle peut le mobiliser en ce sens.

Le projet de décret considère que ces suivis réguliers permettront d’apprécier l’artificialisation des sols à une échelle plus fine et seront utiles pour alimenter les bilans de consommation des documents d’urbanisme.

En conclusion, à ce jour, le Ministère recense une quarantaine de contribution. Il est probable que le Ministère communique, à l’issue de la consultation, sur les contributions reçues, et sur les conséquences qu’il entend en tirer.

Publication de deux délibérations de la CRE sur les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseau

En parallèle de leur mission première (en monopole légal sur leurs zones de dessertes exclusives) d’acheminement d’électricité et de gaz naturel sur le réseau de distribution jusqu’au consommateur final, les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité et de gaz naturel réalisent à titre exclusif des prestations annexes.

Et la CRE reçoit des dispositions du Code de l’énergie le pouvoir de fixer les méthodes utilisées pour établir leur tarification, délibérer sur leurs évolutions tarifaires (articles L. 341-3 en matière d’électricité et L. 452-2 et L. 452-3 en matière de gaz naturel) ainsi que de préciser les missions des gestionnaires de réseau réalisées à titre exclusif (articles L. 134-1 et L. 134-2 du Code de l’énergie).

Dans ce cadre, les tarifs des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD de gaz naturel sont actuellement fixés par la délibération de la CRE en date du 22 juin 2022. Et ceux des prestations annexes réalisées à titre exclusif en matière d’électricité ont été définis par une délibération du 1er juillet 2021 modifiée par délibération du 15 décembre 2022.

C’est dans ce contexte que les délibérations des 31 mai et 7 juin 2023 commentées apportent aux prestations annexes les évolutions suivantes.

Concernant les prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires du réseau de distribution d’électricité, la délibération en date du 31 mai 2023 notamment :

 – fait évoluer le tarif de plusieurs prestations à destination des clients résidentiels : « mise en service sur raccordement existant » ; « mise en service à la suite d’un raccordement nouveau » ; « relevé spécial » et « activation de la TIC [Télé-Information Client] du compteur », afin de prendre en compte la baisse des coûts induite par le déploiement des compteurs évolués ;

  • fait évoluer le tarif de plusieurs prestations à destination des petits producteurs : « mise en service sur raccordement existant » ; « résiliation » ; « changement de responsable d’équilibre ou d’acheteur » ; « intervention pour impayé » et « rétablissement », afin également de prendre en compte la baisse des coûts induite par le déploiement des compteurs évolués ;
  • mais aussi supprime les prestations suivantes « remplacement du compteur par un compteur électronique avec activation TIC » et « mise en place d’un système de téléreport des index », devenues obsolètes du fait du déploiement des compteurs évolués.

S’agissant des prestations annexes réalisées à titre exclusifs par le gestionnaire du réseau de distribution de gaz, la délibération en date du 7 juin 2023 a quant à elle notamment pour objet de :

  • supprimer pour GRDF la prestation « fréquence de relevé supérieure à la fréquence standard » par suite de la fin du déploiement massif du compteur évolué Gazpar; mais de la conserver pour les entreprises locales de distribution (ELD) « compte tenu de l’hétérogénéité des calendriers et des niveaux de déploiement des compteurs évolués » ;
  • modifier le tarif de la prestation « passage au pas horaire » pour une période de deux ans, en parallèle d’une concertation des acteurs de marché sur le potentiel de cette prestation et sa souscription par les consommateurs, la CRE devant ensuite étudier l’opportunité de faire évoluer de façon pérenne le tarif de la prestation ;
  • ou encore fixer un tarif unique de la prestation « service d’injection biométhane » pour l’ensemble des GRD à la suite des travaux de mutualisation réalisés par les ELD de gaz.

Ces évolutions entreront en vigueur les 1er juillet et 1er août prochain.

Un arrêt mystérieux en matière d’implantation irrégulière d’un ouvrage électrique

Le juge administratif est souvent saisi par des propriétaires sollicitant le déplacement ou la suppression d’ouvrages de distribution d’électricité implantés sur leur parcelle en raison des troubles de jouissances qu’entraînent leur présence.

Deux cas de figure sont alors à distinguer :

  • L’ouvrage est régulièrement implanté sur la parcelle en vertu d’une convention de servitude régulièrement conclue ou d’une déclaration d’utilité publique des ouvrages (il devra alors être déplacé si sa présence porte atteinte aux droits de propriété du propriétaire dans les conditions prévues par le cahier des charges de la concession de distribution d’électricité conclue par le gestionnaire du réseau);
  • L’ouvrage est irrégulièrement implanté sur la parcelle.

C’est dans ce deuxième cas de figure qu’estime se trouver le requérant dans l’affaire commentée, celui-ci étant propriétaire d’une parcelle surplombée par une ligne électrique et en bordure de laquelle se trouve un pylône électrique.

Dans une telle situation, le juge administratif peut ordonner la démolition ou le déplacement de l’ouvrage prétendument implanté de façon irrégulière sous réserve que, conformément à une jurisprudence bien établie, soient réunies les conditions suivantes :

  • le caractère irrégulier de l’implantation de l’ouvrage est établi ;
  • il n’y a pas, le cas échéant, de possibilité de régularisation de cette-dernière ;
  • enfin, il ne résulte pas du déplacement ou de la suppression sollicitée de l’ouvrage une atteinte excessive à l’intérêt général au regard des inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour le propriétaire du terrain d’assiette (selon la théorie du bilan « avantages/inconvénients ») (Voir notamment en ce sens CE, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l’électricité́ et du gaz des Alpes Maritimes, N° 245239 ou encore CAA de Nancy, 16 mars 2021, C c/ société Enedis, N° 20NC00531).

Après avoir rappelé ces conditions, la Cour administrative d’appel vient toutefois ici considérer que le pylône électrique litigieux ne se trouve pas en réalité sur la propriété du requérant et que la ligne électrique surplombant sa parcelle a quant à elle régulièrement été établie. En l’occurrence, une autorisation avait été signée par une indivisaire au nom de l’indivision propriétaire de la parcelle.

Une solution quelque peu surprenante au regard des droits des propriétaires indivisaires. La Cour administrative de Lyon avait d’ailleurs il y a quelques années estimé, dans un précédent arrêt, qu’une convention prévoyant en elle-même la nécessité de recueillir l’assentiment de l’unanimité des indivisaires ne peut être régulièrement conclue si seuls certains indivisaires l’ont signé. Or, rien sur le contenu de la convention ici conclue n’est précisé.

Par ailleurs, la Cour administrative d’appel de Lyon rejette les conclusions indemnitaires présentées par le requérant en ce qu’elles doivent pour partie (concernant les conséquences inhérentes à la servitude de passage) être présentées devant le juge judiciaire. La Cour estime d’autre part que les dommages accidentels qui auraient été causés en raison d’opérations d’entretien des ouvrages (dont l’indemnisation relève quant à elle de son champ de compétence) ne sont pas établis.

Boucliers tarifaires et amortisseur électricité : publication par la Commission de régulation de l’énergie des formulaires de déclaration pour le guichet du 26 juin 2023 et clarifications

Par une communication en date du 5 juin 2023, la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a apporté des précisions sur le guichet de déclaration des pertes de recettes prévisionnelles pour les fournisseurs d’électricité et de gaz, s’agissant des déclarations qui devaient être déposées le 26 juin 2023.

Pour mémoire, les fournisseurs d’électricité et de gaz peuvent bénéficier de compensations financières pour les pertes de recette relatives aux charges imputables aux missions de service public de l’énergie qu’ils assurent. Ces charges sont déterminées par les articles R. 121-25 à R. 121-29 du Code de l’énergie. Elles recouvrent également les pertes de recettes supportées par les fournisseurs au titre des boucliers tarifaires et de l’amortisseur électricité.

Les déclarations des pertes de recette des fournisseurs sont organisées sous la forme de guichet par la CRE. Par sa communication du 5 juin 2023, la CRE a mis en ligne les formulaires à utiliser par les fournisseurs d’électricité et de gaz pour les déclarations du guichet du 26 juin 2023. Ces formulaires concernent respectivement le bouclier tarifaire électricité, l’amortisseur électricité et le bouclier tarifaire gaz.

La CRE a précisé dans sa communication que les déclarations en date du 26 juin 2023 « ne donneront pas lieu à une délibération de réévaluation des pertes et des compensations. Il s’agit d’un exercice optionnel, destiné à donner de la visibilité aux fournisseurs et à la CRE sur la prise en compte de la limite des montants de compensations par la couverture des coûts d’approvisionnement, et sur les contrôles de répercussions sur les clients ». En effet, les déclarations obligatoires et les délibérations d’évaluation des pertes intégrant l’ensemble des contraintes seront réalisées ultérieurement.

Enfin, la CRE apporte, dans une note de clarification, des précisions sur certains éléments contenus dans sa délibération n° 2023-91 du 23 mars 2023. Par cette délibération, la CRE avait notamment précisé les modalités de déclarations concernant les boucliers tarifaire et l’amortisseur électricité et décrit les éléments complémentaires pouvant faire l’objet d’une remise lors du guichet ultérieur du 26 juin 2023.

Ces clarifications portent notamment sur le calcul du foisonnement, la nature du guichet du 26 juin 2023, l’étalement au-delà du 31 janvier 2024 de compensations générées par le dispositif de bouclier tarifaire 2023 électricité ou encore sur la déclaration des volumes éligibles aux TRV 2023 en électricité.

Le cadre juridique applicable aux infrastructures collectives de recharge de véhicules électriques dans les immeubles collectifs d’habitation se précise

Arrêté du 2 juin 2023 relatif à l’encadrement de la contribution au titre du déploiement d’infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation

Délibération de la CRE du 21 juin 2023 portant décision sur la mise en place d’indemnités versées par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité en cas de retard pour le raccordement des infrastructures de recharge de véhicule électrique dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation non concernées par l’article L. 353-12 du Code de l’énergie

Deux arrêtés et une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) sont venus préciser les conditions, notamment financières, de la réalisation des infrastructures collectives de recharge de véhicules électriques dans les immeubles collectifs d’habitation.

Pour mémoire, la réalisation de l’infrastructure peut être confiée au gestionnaire de réseau public de distribution (article L. 352-12 du Code de l’énergie) ou à un opérateur d’infrastructures de recharge (article L. 352-13 du Code de l’énergie). Les deux arrêtés et la délibération concernent respectivement ces deux cas de figure.

En synthèse, les deux arrêtés sont pris en application du décret n° 2022-1249 du 21 septembre 2022 ayant porté codification des articles D. 353-12-1 et D. 353-12-2 du Code de l’énergie. Les arrêtés viennent préciser les modalités de dimensionnement des infrastructures collectives de recharge lorsqu’elles relèvent du réseau public de distribution d’électricité et les valeurs plancher et plafond de détermination de la contribution au titre de l’infrastructure collective.

La délibération de la CRE étend le bénéfice des indemnités de retard imposées au gestionnaire de réseau en cas de dépassement du délai de raccordement aux cas où la réalisation de l’infrastructure a été confiée à un opérateur.

Sur l’arrêté en date du 2 juin 2023 relatif à la définition du taux d’équipement à long terme et de la puissance de référence par point de recharge pour le déploiement d’infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution

Dans le cas où la réalisation de l’infrastructure serait confiée au gestionnaire de réseau de distribution, la convention de raccordement prévue à l’article L. 342-9 du Code de l’énergie doit comprendre plusieurs informations.

Ces informations sont notamment précisées par l’article D. 353-12-1 du Code de l’énergie. Ainsi, la convention doit indiquer le nombre d’emplacements inclus dans le périmètre de desserte de l’infrastructure ainsi que la puissance totale de l’infrastructure. Ces deux données sont calculées selon des facteurs déterminés par l’arrêté commenté.

  • Concernant le nombre d’emplacement inclus dans le périmètre de desserte ; l’article D. 353-12-1 indique que ce nombre est déterminé à partir du taux d’équipement à long terme. Ce taux est fixé par l’arrêté à 70 % ;
  • Concernant la puissance totale de l’infrastructure ; l’article D. 353-12-1 prévoit qu’elle est déterminée en fonction de la puissance de référence par point de recharge. Cette puissance de référence est fixée à 6 kVA.

La détermination de ces informations est essentielle pour le calcul de la contribution au titre de l’infrastructure collective de recharge due par le demandeur de la création d’un ouvrage de branchement individuel alimenté par cette infrastructure.

Sur l’arrêté du 2 juin 2023 relatif à l’encadrement de la contribution au titre du déploiement d’infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation

Aux termes de l’article L. 353-12 du Code de l’énergie, relatif au cas dans lequel le syndicat de copropriété ou les copropriétaires font appel au gestionnaire de réseau de distribution pour l’installation de l’infrastructure collective de recharge, « chaque utilisateur qui demande la création d’un ouvrage de branchement individuel alimenté par cette infrastructure collective est redevable d’une contribution au titre de l’infrastructure collective ».

Et aux termes de l’article D. 353-12-2 du Code de l’énergie, le montant de la contribution due par le demandeur de la création d’un ouvrage de branchement individuel alimenté par l’infrastructure est enfermé dans des seuils plafond et plancher. L’arrêté commenté précise la valeur de ces seuils.

Ainsi, le montant minimum de la contribution est fixé à 410 € hors taxe (article 1er de l’arrêté).

Le montant maximum est fixé à 2.038 € hors taxe. Il convient de préciser que ce montant maximum vaut pour une puissance de raccordement au titre du branchement individuel inférieure ou égale à 9 kilovoltampères et qu’il peut être augmenté de 2.000 € lorsque les travaux sont réalisés en présence d’amiante et sous maitrise d’ouvrage du gestionnaire de réseau (article 2 de l’arrêté).

Sur la délibération de la CRE en date du 21 juin 2023 portant décision sur la mise en place d’indemnités versées par les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité en cas de retard pour le raccordement des infrastructures de recharge de véhicule électrique dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation non concernées par l’article L. 353-12 du Code de l’énergie.

Lorsque la réalisation de l’infrastructure collective de recharge est confiée au gestionnaire du réseau public de distribution en application de l’article L. 352-12 du Code de l’énergie, le syndicat de copropriétaire ou les copropriétaires peuvent bénéficier d’un préfinancement par le tarif d’utilisation des réseaux public de distribution d’électricité (ci-après, TURPE) et d’indemnités de retard versées par le gestionnaire de réseau dans le cas où le délai de réalisation de l’infrastructure ne serait pas respecté.

Le montant de ces indemnités est fixé par le décret du 21 septembre 2022 précité, dit « décret préfinancement », à 0,55 % du coût de l’installation hors taxe par semaine de retard.

Lorsque la réalisation de l’infrastructure collective de recharge est confiée à un opérateur d’infrastructure de recharge, les copropriétaires ne peuvent pas bénéficier de ces indemnités de retard.

La CRE avait relevé cette inégalité de traitement dans sa délibération n° 2022-147 du 19 mai 2022 relative au projet de décret préfinancement (délibération que nous avions déjà commentée). La Commission soulignait ainsi : « la CRE considère toutefois que ces indemnités ne doivent pas être limitées au raccordement d’infrastructures de recharge bénéficiant du dispositif de préfinancement par le TURPE, mais doivent être élargies à l’ensemble des schémas de raccordement d’IRVE. La CRE a l’intention d’introduire des indemnités ou incitations similaires dans la régulation incitative du TURPE ».

Cette intention d’introduire des indemnités dans la régulation incitative du TURPE est concrétisée dans la délibération ici commentée.

La CRE vient ainsi modifier sa délibération n° 2021-13 du 21 janvier 2021 sur le TURPE 6 HTA-BT en y introduisant un nouveau point 2.6 afin d’étendre le mécanisme des indemnités de retard pesant sur le gestionnaire de réseau de distribution aux infrastructures réalisées dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation non concernées par l’article L. 353-12 du Code de l’énergie.

La CRE justifie sa décision comme suit : « il est nécessaire que les GRD aient les mêmes incitations financières au respect des délais de raccordement, quelles que soient les solutions retenues pour l’infrastructure intérieure à l’immeuble collectif, ce qui est l’objectif du mécanisme d’indemnités proposé par la CRE ».

Le dispositifs mis en place est calqué sur celui existant pour les installations concernées par l’article L. 353-12 :

  • Même montant : 0.55 % du cout HT ;
  • Même temporalité : montant dû pour chaque semaine calendaire ;
  • Même cas d’exception (cf. D. 342-4-14 du Code de l’énergie).

Les modifications opérées par la CRE entreront en vigueur le 1er août 2023.

Nucléaire : promulgation de la loi permettant l’accélération de la construction de nouvelles centrales

Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes

Après la décision du Conseil Constitutionnel rendue le 21 juin 2023 (Décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes a été promulguée au Journal Officiel du 23 juin dernier.

Le texte a pour objet de faciliter le développement de l’énergie nucléaire, conformément aux annonces du Président de la République. Parmi les principales mesures prévues par le texte, on peut mentionner les dispositions suivantes.

L’article L. 100-4 du Code de l’énergie relatif aux objectifs de la politique énergétique nationale est modifié de manière à supprimer de la liste desdits objectifs celui consistant à « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 » (art. 1er de la loi). La programmation pluriannuelle de l’énergie devra être modifiée avant le 23 juin 2024 pour tenir compte de cette suppression de l’objectif de réduction du nucléaire (art. 1er).

Les procédures d’autorisation sont simplifiées à plusieurs égards. Par exemple, est supprimée l’obligation pour une unité de production d’obtenir une autorisation administrative d’exploitation lorsqu’elle regroupe plusieurs unités de production dont la puissance unitaire dépasse 800 mégawatts (art. 2).

La construction de nouvelles installations à proximité d’installations existantes est par ailleurs facilitée au regard des procédures prévues par le Code de l’environnement et de l’urbanisme (art. 7 à 18). Par exemple :

  • l’autorité administrative compétente de l’Etat est autorisée à engager la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire ;
  • la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme est vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur, dans des conditions qui seront fixées par décret, et dispense de toute formalité au titre du Code de l’urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation ;
  • la réalisation d’un réacteur électronucléaire satisfaisant à certaines conditions est constitutive d’une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats ;
  • la réalisation d’un réacteur électronucléaire n’est pas soumise aux dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral prévues par le Code de l’urbanisme ;
  • la loi autorise le recours à une procédure spéciale d’expropriation avec prise de possession immédiate des biens dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire ;
  • Ces mesures s’appliqueront à la réalisation des réacteurs électronucléaires pour lesquels une demande d’autorisation de création aura été déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la loi.

On relèvera que ces différentes dispositions étaient contestées devant le Conseil Constitutionnel qui, au terme de son examen, les a considérées comme étant conformes à la Constitution.

Par ailleurs, avant la promulgation de la première loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) attendue en 2023 en application de l’article L. 100-1-A du Code de l’énergie, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport visant à évaluer les conséquences de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires sur, notamment, « la situation des industriels de la filière nucléaire française, dont le groupe Électricité de France, du marché de l’électricité et des finances publiques », « la sûreté et la sécurité nucléaires » ou encore « l’amont et l’aval du cycle du combustible » (art. 5).

Ce rapport devra également déterminer « les capacités de construction de réacteurs électronucléaires supplémentaires, notamment en cas de développement accéléré de l’activité industrielle française » et faire état « des tendances mondiales, notamment européennes, s’agissant de la production d’électricité d’origine nucléaire et de la concurrence internationale dans ce secteur » (art. 5).

Dans sa décision en date du 21 juin 2023, le Conseil Constitutionnel a déclaré le texte qui lui avait été soumis partiellement conforme à la Constitution. Les censures prononcées portaient sur des dispositions issues d’amendements et considérées comme des « cavaliers législatifs » dépourvus de lien avec le texte initial. Tel est notamment le cas des articles 3 relatif à l’hydrogène bas carbone ou encore 24 relatif au recrutement d’agents par l’Agence de Sureté Nucléaire et 25 relatif à la composition du collège de ladite Agence.

Seule une censure reposait sur un autre motif, il s’agit de la censure de l’article 17, considéré comme contraire à la séparation des pouvoirs, puisqu’il subordonnait le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement.

Actualité réglementaire en matière de Biogaz

Arrêté du 10 juin 2023 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel

Arrêté du 10 juin 2023 fixant le tarif d’achat du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel livré au cocontractant en dépassement de la production annuelle prévisionnelle

Trois textes réglementaires ont été récemment adoptés en matière de bio-gaz.

D’abord, un décret n° 2023-456 du 10 juin 2023 relatif à la modification de la production annuelle prévisionnelle ou de la capacité maximale de production des installations de production de biométhane comporte deux dispositions de nature à conférer davantage de souplesse aux producteurs de bio méthane.

D’une part, jusqu’au 13 juin 2025, les producteurs de biométhane ayant signé un contrat d’achat sont autorisés à modifier leur production prévisionnelle ou la capacité maximale de production de leur installation une fois tous les 12 mois (contre une fois tous les 24 mois avant l’intervention du décret), afin de donner plus de flexibilité aux producteurs de biométhane, dans un contexte d’approvisionnement tendu.

D’autre part, le décret modifie l’article D. 446-10 du Code de l’énergie en supprimant la limitation des périodes de suspension du contrat d’achat faisant suite à l’introduction de recours contentieux à l’encontre des actes nécessaires à la réalisation ou au fonctionnement de l’installation de production qui ont pour effet de retarder son achèvement.

Ensuite, un arrêté du 10 juin 2023 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel vient se substituer, pour l’avenir, au précédent arrêté en date du 13 décembre 2021 qui fixait précédemment lesdites conditions d’achat (ledit arrêté du 13 décembre 2021 demeurant applicable aux contrats en cours).

Au nombre des modifications apportées par ce nouvel arrêté, on peut notamment mentionner :

  • Une meilleure prise en compte de l’inflation par les formules de calcul des tarifs d’achat (voir annexe de l’arrêté) ;
  • La création d’une prime bénéficiant aux producteurs de biogaz autoconsommant une partie de leur production « pour satisfaire les besoins en énergie de l’activité de pasteurisation, d’hygiénisation et/ ou de prétraitement des intrants et dans la mesure où cette autoconsommation correspond à celle d’un opérateur efficace» (voir annexe de l’arrêté IV) ;
  • La modulation plus aisée de la production avec l’annualisation de la capacité maximale de production (art. 22), qui était jusqu’alors analysée mensuellement ce qui pouvait créer des difficultés notamment pendant les périodes au cours desquelles la capacité d’injection était moindre ;
  • La création d’un dispositif incitant les producteurs de biométhane à limiter leur consommation électrique à 0,15 MWh par MWh de gaz produit. Ce dispositif s’appliquera aux futurs contrats ;
  • La création d’un cadre incitatif pour les producteurs de biométhane issu de boue de stations d’épuration.

Enfin, un autre arrêté du 10 juin 2023 fixant le tarif d’achat du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel livré au cocontractant en dépassement de la production annuelle prévisionnelle vient compléter l’ensemble.

Aux termes de l’article 1er de l’arrêté, le tarif d’achat du biométhane livré au cocontractant en dépassement de la production annuelle prévisionnelle « correspond au prix moyen constaté sur le marché de gros du gaz naturel de la zone d’équilibrage concernée ».

Plus précisément « ce tarif correspond à la cotation journalière du prix pour livraison pour le jour ouvré suivant (indice « Powernext End-Of-Day Day-Ahead et Weekend »), pour le biométhane livré les jours visés par l’indice de prix » (art. 1er de l’arrêté). Ce tarif permet ainsi de mieux valoriser la production de biométhane.

Ces différents textes sont accueillis favorablement par les professionnels du secteur qui estiment qu’ils introduisent de la souplesse dans les textes et permettent une meilleure valorisation financière de l’activité.

Evolution de la grille tarifaire du tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution à compter du 1er août 2023

Délibération de la CRE du 31 mai 2023 portant décision sur l’évolution au 1er août 2023 de la grille tarifaire des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans le domaine de tension HTB et sur le montant de la compensation à verser à Strasbourg Electricité Réseaux en application de l’article D. 341-11-1 du Code de l’énergie

Par une délibération en date du 21 janvier 2021 applicable depuis le 1er août 2021, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a adopté les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité dans les domaines de tension HTA et BT (TURPE 6 HTA-BT) et HTB (TURPE 6 HTB), pour une durée de quatre années, soit jusqu’au 31 juillet 2025.

Ainsi que le prévoient les délibérations fixant les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité, ces tarifs sont réévalués chaque année au 1er août en fonction des indicateurs suivants :

  • L’inflation prévisionnelle de l’année en cours fixée dans la loi de finances ;
  • Un coefficient X d’évolution annuelle défini dans les délibérations tarifaires ;
  • Un coefficient d’apurement du compte de régularisation des charges et des produits (CRCP) d’Enedis pour le TURPE HTA-BT et de RTE pour le TURPE HTB.

Par deux délibérations publiées le 31 mai 2023, la CRE a ainsi précisé l’évolution de la grille tarifaire du TURPE HTA-BT et du TURPE HTB à compter du 1er août 2023.

Suivant cette méthodologie, le TURPE HTA-BT évolue au 1er août 2023 de + 6,51 %, soit une augmentation bien supérieure à celle de 2022, qui s’élevait à + 2,26 %.

La CRE précise que cette évolution tarifaire résulte de la prise en compte de l’inflation prévisionnelle de + 4,2 %, d’un coefficient d’évolution annuelle de + 0,31 % et d’un coefficient d’apurement du CRCP de + 2,0 %.

Outre ces éléments, et de la même façon qu’en 2022, cette évolution s’explique notamment selon la CRE par :

  • L’existence « des recettes tarifaires inférieures aux prévisions, s’expliquant par un volume acheminé (334 TWh) inférieur aux prévisions (344 TWh), du fait d’un hiver 2022 doux et des efforts de sobriété réalisés par les consommateurs d’électricité en fin d’année» ; l’occasion pour nous de rappeler la pleine couverture des risques pour le concessionnaire Enedis ;
  • Avec le même effet de couverture de risques, l’existence « de charges liées aux achats au titre des pertes d’électricité, supérieures aux prévisions, du fait de la forte hausse des prix de gros de l’électricité en 2022 » ;
  • Mais aussi toutefois par la circonstance que « les performances d’Enedis en matière de qualité de service en 2022, pour laquelle Enedis est incité financièrement dans le cadre du TURPE 6, sont très contrastées».

Ces résultats contrastés sont notamment dus aux délais de raccordement pratiqués par Enedis qui n’atteignent pas les objectifs fixés par la CRE. Sur ce point, la Commission souligne qu’Enedis ne se rapproche des objectifs fixés que sur une seule catégorie de client, ceux en soutirage en basse tension de moins de 36 kVa.

En outre, le TURPE HTB perçu par RTE augmente de + 6,69 % au 1er août 2023 du fait de la prise en compte de l’inflation pour + 4,20 %, l’augmentation du coefficient d’indexation annuelle automatique de 0,49 % et la prise en compte du coefficient d’apurement du CRCP de + 2,00 %.

Par ailleurs, conformément à l’article L. 341-4-2 du Code de l’énergie qui prévoit une réduction du TURPE HTB pour les sites fortement consommateurs d’électricité et qui présentent un profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique, la CRE a également fixé le montant de compensation qui couvre les charges supportées par Strasbourg Electricité Réseaux pour l’année 2022 à 1.629.000 euros.

Actualités sur l’hydroélectricité

CAA Lyon, 14 juin 2023, M.C et autres, n° 22LY01972

L’hydroélectricité est au cœur de récentes actualités.

En premier lieu, pour rappel, l’article L. 521-16-1 du Code de l’énergie permet à un même concessionnaire de plusieurs concessions hydrauliques, lorsqu’elles forment une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés, de bénéficier du regroupement de ses différentes concessions au sein d’un même contrat afin d’optimiser l’exploitation de cette chaîne pour atteindre les objectifs de la politique énergétique précisés par les articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du Code de l’énergie et L. 211-1 du Code l’environnement.

Une nouvelle date commune d’échéance de la nouvelle concession issue de ce regroupement doit alors être calculée comme le prévoit l’article L. 521-16-2 du Code de l’énergie et selon les modalités précisées par les articles R. 521-61 et R. 521-62 de ce même Code.

Le décret n° 2023-496 du 21 juin 2023 relatif aux modalités de calcul de la date d’échéance commune des concessions hydrauliques regroupées est venu modifier les règles applicables au calcul de cette date d’échéance et, plus précisément, les conditions de calcul qui s’appliquent lorsqu’un contrat de concession qui a fait l’objet d’une prorogation en application du troisième alinéa de l’article L. 521-16 du Code de l’énergie est concernée par une opération de regroupement.

En second lieu, le 14 juin 2023, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après, QPC) présentée par des associations de préservation de la faune et de la flore, par une commune et par des particuliers, QPC qui interrogeait la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 511-4 et L. 511-9 du Code de l’énergie et du décret du 17 juillet 1793 ayant aboli les privilèges féodaux sans contrepartie.

En l’espèce, les requérants avaient demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l’annulation d’un arrêté du 15 novembre 2018 pris par le Préfet de la Haute-Loire qui a autorisé la communauté de communes des rives du Haut-Allier à disposer de l’énergie d’une rivière pour une centrale hydroélectrique située sur le territoire d’une commune. Il s’agissait plus précisément d’un « moulin d’en haut » d’une puissance maximale de 181 kW. Le Tribunal administratif a rejeté leur requête.

Les requérants ont fait appel de ce jugement et demandé à la Cour administrative d’appel de Lyon de transmettre au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Se prononçant sur cette demande, la Cour considère tout d’abord que l’article L. 511-9 du Code de l’énergie, qui dispose que « les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent autorisées conformément à leur titre et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions fixées au titre Ier du livre II du Code de l’environnement » et le décret du 17 juillet 1793 ne sont pas applicables au litige.

Ensuite, les requérant prétendaient que l’article L. 511-4 du Code de l’énergie était contraire au principe d’égalité et au droit de propriété garantis par le bloc constitutionnel.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 511-1 du Code de l’énergie « sous réserve des dispositions de l’article L. 511-4, nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’Etat » et l’article L. 511-4 de ce même Code vise notamment « les usines ayant une existence légale ». C’est sur la base de cet article que le Préfet de la Haute-Loire a pris son arrêté, considérant que le « moulin d’en haut » avait une existence légale.

Sur le principe d’égalité, la Cour administrative d’appel rappelle que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raison d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». Elle précise ensuite que l’article L. 511-4 du Code de l’énergie permet aux propriétaires d’installations et d’ouvrages fondés en titre de conserver leur droits d’antériorité et qu’ainsi, eu égard aux droits légalement acquis par ces installations, qui sont placés dans une situation différente de celles qui ont été par la suite autorisées ou concédées, la différence de traitement qu’instaure l’article susvisé est en rapport direct avec l’objet de la loi et n’est pas contraire au principe d’égalité. Il rejette donc ce moyen comme étant dépourvu de caractère sérieux.

Sur le droit de propriété garanti par la Déclaration de l’homme et du citoyen de 1789, la Cour considère notamment que la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne fait pas l’objet d’un droit de propriété mais d’un droit d’usage. La Cour juge en conséquence que les requérants ne peuvent prétendre qu’une différence de traitement existe entre eux, qui disposent d’un simple droit de jouir de l’eau, et la communauté de communes des rives du Haut-Allier qui ne dispose de même d’aucun droit de propriété.

La Cour a donc également rejeté ce moyen comme étant dépourvu de caractère sérieux.

Projet de loi relatif à l’industrie verte : raison impérative d’intérêt public majeur appréciée au stade de la déclaration d’utilité publique

L’actuel article L. 122-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose que :

« La déclaration d’utilité publique des opérations susceptibles d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du Code de l’environnement est soumise à l’obligation d’effectuer la déclaration de projet prévue à l’article L. 126-1 du Code de l’environnement.

Si l’expropriation est poursuivie au profit d’une collectivité territoriale, d’un de ses établissements publics ou de tout autre établissement public, l’autorité compétente de l’Etat demande, au terme de l’enquête publique, à la collectivité ou à l’établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l’intérêt général du projet dans les conditions prévues à l’article L. 126-1 du Code de l’environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l’expiration du délai imparti à la collectivité ou à l’établissement intéressé pour se prononcer, l’autorité compétente de l’Etat décide de la déclaration d’utilité publique.

Lorsque l’opération est déclarée d’utilité publique, la légalité de la déclaration de projet ne peut être contestée que par voie d’exception à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique. Les vices qui affecteraient la légalité externe de cette déclaration sont sans incidence sur la légalité de la déclaration d’utilité publique.

Si l’expropriation est poursuivie au profit de l’Etat ou de l’un de ses établissements publics, la déclaration d’utilité publique tient lieu de déclaration de projet.

L’acte déclarant d’utilité publique l’opération est accompagné d’un document qui expose les motifs et considérations justifiant son utilité publique ».

Il s’en évince que, s’agissant des déclarations d’utilité publique (DUP) des opérations susceptibles d’affecter l’environnement, la DUP doit faire l’objet au préalable d’une déclaration de projet. Ensuite, lorsque l’opération est déclarée d’utilité publique, l’acte de DUP est accompagné d’un document exposant les motifs et considérations justifiant son utilité publique.

Concrètement, différentes phases doivent être mises en œuvre avant de pouvoir réaliser le projet objet de la DUP. Pour rappel, en substance, le porteur du projet devra effectuer toutes les études nécessaires à la réalisation de son dossier soumis à enquête publique, puis effectuer les diverses consultations sur ce dossier, afin que l’enquête publique conduise à la reconnaissance de l’utilité publique de son projet.

Ce n’est qu’après la reconnaissance de l’utilité publique qu’il devra mettre en œuvre d’autres procédures législatives ou réglementaires, pour obtenir diverses autorisations : autorisation environnementale, dérogation espèces protégées, autorisation de défrichement, autorisation d’urbanisme, etc.

Le projet de loi propose donc d’ajouter au dernier alinéa de cet article : « ainsi que, dans le cas prévu à l’article L. 122-1-1, ceux qui justifient sa qualification d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur ».

En effet, l’on rappelle que l’article L. 411-1 du Code de l’environnement dispose :

« I. – Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits :

1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ;

2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ;

3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces ;

4° La destruction, l’altération ou la dégradation des sites d’intérêt géologique, notamment les cavités souterraines naturelles ou artificielles, ainsi que le prélèvement, la destruction ou la dégradation de fossiles, minéraux et concrétions présents sur ces sites ;

5° La pose de poteaux téléphoniques et de poteaux de filets paravalanches et anti-éboulement creux et non bouchés.

II- Les interdictions de détention édictées en application du 1°, du 2° ou du 4° du I ne portent pas sur les spécimens détenus régulièrement lors de l’entrée en vigueur de l’interdiction relative à l’espèce à laquelle ils appartiennent ».

Seulement, l’article L. 411-2 – 4° prévoit une dérogation aux interdictions de l’article précité :

« 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;

b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;

c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;

d) A des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;

e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens ».

Et le Conseil d’Etat juge constamment que :

« Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » (CE, 24 juillet 2019, N° 414353, aux Tables ; pour un exemple plus récent, voir : CE, 17 octobre 2022, N° 459219, aux Tables).

Les trois conditions sont donc les suivantes :

  • Le projet doit correspondre à une raison impérative d’intérêt public majeur ; et si un tel intérêt est démontré, et out en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues :
    • Il ne doit pas exister d’autres solutions satisfaisantes ;
    • Il ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Enfin, le projet de loi prévoit la création d’un article L. 122-1-1 du Code de l’expropriation disposant que :

« La déclaration d’utilité publique d’une opération en application de l’article L. 121-1 du présent code ou de travaux en application de l’article L. 323-3 du Code de l’énergie, dont la réalisation nécessite ou est susceptible de nécessiter une dérogation au titre du c du 4° du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement, peut, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, leur reconnaître, en outre, le caractère d’opération ou de travaux répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens de ces dispositions, pour la durée de validité initiale de la déclaration d’utilité publique et, le cas échéant, pour la durée de prorogation de cette déclaration, dans la limite de dix ans.

Cette reconnaissance ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique, dont elle est divisible. Elle ne peut être contestée à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation prévue par le c du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement ».

Cet article prévoit donc que la DUP puisse reconnaître, pour l’opération concernée, le caractère d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) au sens et pour l’application de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.

C’est ici bien comprendre que ce projet prévoit d’interroger le caractère de RIIPM du projet dès la phase de déclaration d’utilité publique, ce qui permettrait d’éviter que les requérants reviennent sur la RIIPM au stade de la dérogation espèces protégées, soit après reconnaissance de l’utilité publique du projet.

Aussi, le fait de se projeter sur la dérogation espèces protégés dès la DUP permettra une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité et de protection des espèces et des habitats dès l’examen de la DUP.

Cette nouveauté découlant du projet de loi apparait d’autant plus nécessaire que ce sont souvent plusieurs années qui s’écoulent entre la réalisation du dossier soumis à enquête publique – conduisant à la DUP – et la réalisation des dossiers de demandes des diverses autorisations environnementales post DUP.

Et le projet précise que cette reconnaissance ne pourra être contestée qu’à l’occasion d’un recours contre l’acte déclarant d’utilité publique le projet, puisqu’il lui est indivisible, et non contre l’acte accordant ladite dérogation.

A ce titre, l’exposé des motifs du gouvernement indique que : « cette mesure vise à sécuriser les porteurs de projets dans leurs démarches, apporter de meilleures garanties au respect du droit de propriété, purger en amont les contentieux éventuels liés à la RIIPM et permettre au porteur de projet de se projeter sur la procédure de dérogation espèces protégées dès la DUP, tout en maintenant un haut niveau de garantie de protection des espèces et de leurs habitats ».

En conclusion, il est indéniable que cet article 10 du projet de loi relatif à l’industrie verte a pour volonté d’accélérer la procédure de DUP des projets en faveur de la réindustrialisation décarbonée de la France et, consécutivement, d’en accélérer la mise en œuvre.

La convention judiciaire d’intérêt public environnementale : l’outil d’une justice négociée

Par ordonnance du 1er juin dernier, le Tribunal judiciaire de Besançon a validé une convention judiciaire d’intérêt public conclue entre une société du Groupe LACTALIS et le Parquet de la République, le 30 mars 2023, pour des faits de pollution des eaux superficielles et souterraines ainsi que de manquements à la règlementation en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Dans le cadre d’un contrôle par les agents de la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP), des rejets aqueux d’une fromagerie relevant de la réglementation en matière d’ICPE – appartenant au Groupe LACTALIS, plusieurs irrégularités sur les émissions industrielles et sur l’entretien des canalisations étaient constatées, avec un impact relevé sur le milieu naturel constitutif d’une pollution chronique, notamment du ruisseau situé en aval de l’établissement au sein duquel était observé une absence de toute vie aquatique.

A l’issue de l’enquête, le Parquet de la République orientait le dossier vers une justice négociée, en proposant la mise en place d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) aux termes de laquelle une peine d’amende était prononcée, étant précisé que dans le cadre de cette procédure celle-ci est fixée de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat des manquements, mais également du préjudice écologique généré par les déversements ; en l’espèce, une amende de 100.000 € était prononcée pour l’infraction de déversement par personne morale, par imprudence ou négligence, de substance nuisible dans les eaux.

Outre l’amende et les indemnisations prononcées en faveur de fédérations et commissions de protection de l’environnement, la société condamnée s’est engagée au respect d’un programme de mise en conformité d’une durée de trois ans sous contrôle de la DDETSPP et des services de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Cette justice permet de répondre, avec davantage de célérité, aux enjeux environnementaux en prenant en compte le comportement diligent des sociétés poursuivies et les éventuelles actions mises en place pour remédier aux faits de pollution et s’assurer de la conformité de la société aux règles environnementales.

La pollution du sol par la présence d’hydrocarbures rendant l’immeuble impropre à sa destination et ignorée par l’acquéreur constitue un vice caché : Application d’une jurisprudence constante

En application de l’article 1641 du Code civil :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Ainsi, lorsque la chose vendue est affectée d’un défaut rédhibitoire, l’acquéreur peut agir contre son vendeur, sur le fondement de la garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la date de connaissance du vice, et obtenir notamment, l’allocation de dommages et intérêts.

S’agissant plus particulièrement de la pollution du sol affectant l’immeuble et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions sur l’application de la garantie des vices cachés.

En effet, la Cour de cassation a considéré que la présence d’hydrocarbures ayant pour effet de rendre un terrain inconstructible constitue un vice caché. (Cass. Civ.,3ème, 30 septembre 2021, n° 20-15.354, 20-16.156).

Dès lors, les juges du fond œuvrent afin d’appliquer cette jurisprudence. Tel est notamment le cas de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar le 12 avril 2023, s’agissant d’une pollution par présence d’hydrocarbure au sein de l’immeuble vendu.

En l’espèce, une société a vendu à une autre un terrain de construction de 2,46 hares, avec le bénéfice d’un permis de construire, en vue de la construction de logement collectifs. Aux termes de l’acte authentique de vente et s’agissant de la clause relative à la protection de l’environnement, le vendeur déclarait, qu’à sa connaissance, le bien n’était frappé d’aucune pollution susceptible de résulter notamment de l’exploitation passée d’une installation soumise à autorisation.

Pour autant et lors de la réalisation des travaux de construction, l’acquéreur a découvert la présence d’une pollution aux hydrocarbures, provenant vraisemblablement d’un ancien garage et station-service bâtie sur le fond voisin, et s’est vu contraint d’évacuer les terres polluées afin de ne pas retarder le chantier.

C’est dans ces conditions que l’acquéreur a assigné son vendeur devant le tribunal afin d’obtenir réparation de son préjudice. Le tribunal ayant débouté l’acquéreur de sa demande, il a interjeté appel devant la Cour d’appel de Colmar.

L’acquéreur maintien sa demande tendant à l’indemnisation de son préjudice résultant des vices affectant le terrain et fonde son action, à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés et à titre subsidiaire, sur le fondement de la délivrance conforme et à titre infiniment subsidiaire sur la responsabilité contractuelle.

Aux termes de son arrêt, la Cour d’appel de Colmar infirme le jugement rendu et condamne le vendeur à l’allocation de dommages et intérêts, sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Les juges du fond retiennent que le bien vendu comportait des hydrocarbures et que cette pollution rend le terrain acquis impropre à l’usage auquel il est destiné, au sens de la garantie des vices cachés de l’article 1641 du Code civil. Au surplus, le vendeur qui avait envisagé de réaliser un projet de promotion immobilière doit être considéré comme un professionnel de l’immobilier ne pouvant échapper à sa responsabilité.

Ainsi et dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée par la Cour de cassation, la présence d’hydrocarbure constituant une pollution du bien vendu et ignorée par l’acquéreur lors de la vente, de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination constitue un vice caché, ouvrant droit à l’indemnisation du préjudice subi par l’acquéreur.

Autorisation environnementale : le nouveau modèle CERFA est en ligne

Par arrêté en date du 16 juin 2023 le Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a fixé le nouveau modèle national de la demande d’autorisation environnementale. Le CERFA n° 15964*03 est mis à disposition sur le site internet https://www.entreprendre.service-public.fr/.

Ce modèle a vocation à s’appliquer aux demandes formulées en application de l’article L. 181-1 du Code de l’environnement.