Energie
le 07/09/2023

Veille hydroélectricité : arrêt remarqué de la Cour de cassation et arrêté relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques

Arrêté du 3 août 2023 modifiant l'arrêté du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l'article L. 523-2 du Code de l'énergie

Cass. Civ., 3ème, 15 juin 2023, n° 21-22.816

Quelle est la nature juridique d’un bail emphytéotique organisant l’occupation d’un barrage hydroélectrique conclu entre une commune et un opérateur privé ? Par un arrêt remarqué en date du 15 juin 2023, la Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel d’Orléans en considérant que le bail emphytéotique en cause était un bail emphytéotique administratif.

Une centrale hydroélectrique a fait l’objet d’un bail emphytéotique entre une commune et une société. Cette société a été mise en demeure par le préfet de département de réaliser des travaux afin de respecter les dispositions du Code de l’environnement relatives aux débits minimaux des cours d’eau. Cette mise en demeure a été suivie d’un refus d’accorder une autorisation d’exploiter la centrale.

La société a alors assigné la commune en condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité et en indemnisation devant la juridiction judiciaire. Mais la commune a opposé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative. C’est de cette question de compétence qu’a été saisie la Cour de cassation.

Aux termes de l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales : « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ».

L’article L. 1311-2 du CGCT a ouvert la faculté aux collectivité territoriale de conclure des baux emphytéotiques, prenant alors la qualification de bail emphytéotique administratif. La conclusion de ce type de contrat par les collectivités territoriales est, aux termes de l’article précité, conditionnée à la réunion de deux conditions : que l’opération à réaliser soit une opération d’intérêt général et que l’opération relève de la compétence de la collectivité.

La Cour de cassation a fait application de cet article pour déterminer si le contrat en cause était un bail emphytéotique administratif. Elle a répondu par l’affirmative en considérant que la mise à disposition, par l’effet d’un bail emphytéotique, d’une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d’électricité à un fournisseur d’énergie, constitue une opération d’intérêt général au motif que l’opération :

  • favorise la diversification des sources d’énergie et participe au développement des énergies renouvelables ;
  • participe au développement des énergies renouvelables.

Le bail emphytéotique organisant la mise à disposition d’une centrale hydroélectrique par une commune à une société est donc un bail emphytéotique administratif. Sa contestation relève des juridictions de l’ordre administratif.

Arrêté du 3 août 2023 modifiant l’arrêté du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l’article L. 523-2 du Code de l’énergie

Pour rappel, l’article L. 523-2 du Code de l’énergie met à la charge des concessionnaires de concession hydroélectrique une redevance proportionnelle aux recettes de la concession au profit de l’Etat[1].

Le calcul de cette redevance est organisé par l’article L. 523-2 précité, par les articles R. 523-1 et suivants du Code de l’énergie ainsi que par l’arrêté commenté. Le calcul repose sur plusieurs facteurs et notamment sur :

  • Les recettes de la concession résultant de la vente d’électricité, établies par la valorisation de la production aux prix constatés sur le marché ;
  • Le résultat normatif défini comme le total des recettes de la concession, diminuées de l’ensemble des charges et amortissements correspondant à l’exploitation de la concession.

L’arrêté en du 3 août 2023 ici commenté apporte des précisions sur ces facteurs en modifiant l’arrêté du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l’article L. 523-2 du Code de l’énergie.

En premier lieu, l’arrêté commenté insère un nouvel article 1er dans l’arrêté du 27 novembre 2015 définissant les prix constatés sur le marché utilisés pour le calcul de la redevance proportionnelle. Ainsi, ces prix constatés sur le marché sont définis comme « les prix résultant des ventes d’électricité issues de l’exploitation de la concession ».

Le nouvel article 1er impose la production d’une attestation de conformité par un expert-comptable pour certifier les prix annoncés. Dans le cas où une attestation ne pourrait être produite, le calcul des prix sur le marché utilisés pour la valorisation de la production sont : « égaux aux moyennes pour la zone France des cotations à terme des années N-1 et N-2 par rapport à l’année sur laquelle est calculée la redevance et des prix spots horaires pour livraison le lendemain, constatés sur la bourse de l’électricité EPEX Spot SE de l’année sur laquelle est calculée la redevance » et pondérés en fonction du type de production utilisé selon un tableau inséré dans l’arrêté du 27 novembre 2015.

En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 523-5 précité : « l’assiette de la redevance mentionnée à l’article L. 523-3 est le résultat normatif de la concession diminué de l’impôt sur les sociétés calculé sur ce résultat. Le résultat normatif est défini comme le total des recettes de la concession déterminées conformément au premier alinéa de l’article L. 523-2, diminuées de l’ensemble des charges et amortissements correspondant à l’exploitation de la concession ».

L’article 5 de l’arrêté commenté apporte des précisions sur les charges et amortissements mentionnées à l’article R. 523-5 du Code de l’énergie en fixant une liste d’éléments. Sont ainsi compris dans les charges et amortissements :

  • les achats et les charges d’entretien et de maintenance ;
  • les impôts, redevances, taxes et versements assimilés ;
  • les charges de personnels ;
  • les autres charges d’exploitation dont les coûts d’accès aux réseaux et les charges de structure et frais de siège ;
  • les dotations aux amortissements ;
  • la participation des salariés.

 

[1] L’article L. 523-2 du Code de l’énergie dispose : « Pour toute nouvelle concession hydroélectrique, y compris lors d’un renouvellement, il est institué, à la charge du concessionnaire, au profit de l’Etat, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession. Les recettes résultant de la vente d’électricité sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés sur le marché, diminuée, le cas échéant, des achats d’électricité liés aux pompages. Les autres recettes sont déterminées selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de l’énergie ».