Energie
le 07/07/2022
Alexandra OUZAR
Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE

Paquet européen énergie-climat 2030 : état d’avancement de la renégociation des textes en matière d’énergie

Règlement (UE) n° 2021/1119 du 30 juillet 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »)

Le Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, dit « loi européenne sur le climat », publié le 9 juillet 2021, a fixé un nouvel objectif ambitieux de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990.

Cette ambition s’intègre plus globalement dans l’adoption du Pacte vert pour l’Europe, appelé également le « Green Deal », présenté en 2019 et qui prévoit l’atteinte de la neutralité climatique en Europe d’ici 2050.

A ces fins, la Commission européenne a présenté au Conseil de l’Union européenne (ci-après « le Conseil »), le 14 juillet 2021, la feuille de route de la loi européenne sur le climat au sein d’un nouveau paquet énergie-climat, aussi intitulé « Fit for 55 », présentant 14 propositions de textes ou de révisions législatives concrètes qui concernent tous les secteurs de l’économie dont le bâtiment, l’automobile ou l’aviation.

Parmi les propositions formulées par la Commission dès juillet 2021 figuraient  la refonte de la Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables[1] (ci-après « la Directive RED II ») (I.) et la révision de la Directive (UE) 2018/844 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la Directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique (II.), toutes deux adoptées dans le cadre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens ».

A cette même occasion, la Commission proposait déjà une refonte de la Directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (ci-après « Directive DTE ») sur la taxation de l’énergie qui fixe les taux minimums pour la taxation des produits énergétiques et de l’électricité (IV.).

En outre, un peu plus tard, le 15 décembre 2021, la Commission européenne a proposé une nouvelle refonte des dispositions de la Directive (UE) 2018/844 susvisée[2] relatives la performance énergétique des bâtiments (ci-après « la Directive EPBD ») (III.).

Ces quatre textes et leur révision dans le cadre du paquet climat-énergie, qui est actuellement au cœur de vives discussions au Conseil et au Parlement européen, font l’objet du présent focus tant la multiplicité des textes rend leur suivi et leur compréhension globale complexes.

 

I. La refonte de la Directive RED II 

Depuis la dernière révision de la Directive RED II en 2018, la Commission a revu sa lettre et souhaite une rédaction plus ambitieuse de ce texte tournée vers la décarbonation et l’indépendance énergétique de l’Union Européenne.

A cet égard, la Commission propose notamment un objectif de 40 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union européenne d’ici 2030. Jusqu’ici, l’objectif était de 32 % au minimum. Aussi, la Commission propose dans le secteur de l’industrie une augmentation annuelle d’utilisation des énergies renouvelables de 1,1 %.

Elle souhaite en outre que soient fixés de nouveaux objectifs d’intégration de biocarburants et des sous-objectifs d’intégration de l’hydrogène vert qui est un carburant renouvelable d’origine biologique.

Le 27 juin 2021, un compromis a été trouvé par le Conseil.

Du côté du Parlement, les discussions sont en cours et le 13 juillet prochain devrait intervenir un vote en commission de l’Energie. Les discussions portent notamment sur le choix entre un objectif de 40 ou 45 % d’énergie produite à partie de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union Européenne d’ici 2030. Si la Commission propose un objectif de 40 %, le plan « REPowerEU »[3] pour mettre fin à la dépendance de l’Union Européenne à l’égard des combustibles russes a quant à lui penché pour un objectif plus ambitieux de 45 %, tel que nous l’indiquions dans une précédente lettre d’actualité juridique[4]. Cette décision devrait être prise lors des trilogues, les négociations interinstitutionnelles devant se tenir entre le Parlement, le Conseil et la Commission européenne.

Toutefois, en l’état, ces objectifs ne sont contraignants qu’à l’échelle de l’Union européenne, il ne s’agit pas d’objectifs nationaux et ces derniers devront ensuite se traduire dans les textes de transposition dans chaque Etat.

 

II. La refonte de la Directive EED

Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a proposé une révision de la Directive EED ayant pour but de diminuer la consommation d’énergies et d’accélérer la décarbonation des secteurs les plus émetteurs tels que les bâtiments publics, les transports ou l’industrie.

Les objectifs sont à la fois européens et nationaux. D’abord, s’agissant des objectifs européens contraignants, la Commission a proposé d’inscrire dans la Directive EED une diminution de 39 % de consommation en énergie primaire et de 36 % de consommation en énergie finale (dont -1,7 % au sein des bâtiments publics) et, s’agissant des objectifs nationaux, la Commission souhaite que soit fixé à -1,5 % le taux minimal obligation d’économies d’énergie finale annuelle que devra réaliser chaque Etat membre à pour la période 2024-2030.

Le 27 juin dernier, une majorité a été trouvée au Conseil de l’Union européenne qui a proposé, quant à lui, que seul l’objectif relatif à la consommation en énergie finale soit contraignant. Du côté du Parlement européen, les eurodéputés discutent sur cette proposition de texte qui doit également faire l’objet d’un vote le 13 juillet 2022 en commission de l’Energie.

 

III. La refonte de la Directive EPBD

Par la révision de la Directive EPBD, la Commission européenne entend parvenir à un parc immobilier neutre d’ici 2050 et lutter plus efficacement contre la précarité énergétique.

Pour ce faire, elle a notamment proposé d’introduire des normes minimales de performances énergétiques à l’échelle de l’Union européenne pour les 15 % des bâtiments les moins performants au sein de chaque État membre, l’atteinte d’un objectif de 100% de consommation d’énergie sur site couvert par des énergies de sources renouvelables à partir de 2030 pour les bâtiments neufs, voire 2027 pour les bâtiments publics neufs, ou encore l’introduction d’ici 2025 d’un modèle de certificat de performance énergétique avec indicateurs européens communs.

Le 6 juin 2022, l’eurodéputé rapporteur de la Directive a remis au Parlement son rapport et proposait un texte un peu plus ambitieux en phase avec le plan « REPowerEU ». Depuis cette même période, le travail du Conseil sur ce texte se poursuit après un premier compromis proposé par la présidence Française en mai dernier.

 

IV. La refonte de la Directive DTE

Enfin, la Commission voit la refonte de la Directive sur la taxation d’énergie comme une opportunité pour parvenir aux objectifs de la loi européenne sur le climat.

Pour ce faire, elle proposait notamment, en juillet 2021, d’aligner la taxation des produits énergétiques et de l’électricité sur les politiques européenne en matière d’énergie, d’environnement et de climat et de taxer davantage les carburants les plus polluants, utilisés notamment dans l’aviation, pour favoriser le recours aux énergies propres.

Le Comité économique et social et le Comité des régions ont successivement adopté leur avis sur ce projet de révision le 20 janvier 2022 et le 27 avril 2022. Toutefois, le 8 juin 2022, dressant un rapport sur l’état des travaux sur l’examen de la proposition de révision de la directive DTE, la présidence française constatait qu’à ce stade, le Conseil ne pouvait pas encore parvenir à un accord de compromis en vue d’une orientation générale et l’invitait à réaliser de nouveaux progrès sur la refonte de cette directive.

Pour résumer, le paquet européen énergie-climat en cours de révision se veut ambitieux et entend présenter des mesures concrètes et opportunes dont l’Union européenne a besoin pour mettre en œuvre les engagements de l’Accord de Paris de 2015 et les ambitions de la loi européenne sur le climat. L’adoption finale de ce paquet européen énergie-climat est à suivre, de même qu’ensuite ses transpositions en droit français. Le contexte énergétique actuellement en crise pourrait inviter de nouveaux sujets à débattre.

Les thématiques énergétiques ne sont par ailleurs pas les seules qui intéressent la Commission européenne et les autres institutions de l’Union en matière de climat. D’autres textes et propositions sont ainsi en discussion à Bruxelles et à Strasbourg, telle que la mise en place d’un fonds social pour le climat.

 

Marie-Hélène PACHEN-LEFEVRE et Alexandra OUZAR

 

[1] Cette directive à abrogé la Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables qui avait, elle-même, abrogé les Directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

[2] Qui a elle-même modifié la Directive 2010/31/UE du 19 mai 2010 relative à la performance énergétique des bâtiments.

[3] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, présenté le 18 mai 2022.

[4] https://www.seban-associes.avocat.fr/independance-a-legard-du-gaz-russe-securite-dapprovisionnement-presentation-du-plan-redpowereu-par-la-commission-europeenne-et-publication-de-larrete-relati/