Droit pénal et de la presse
le 31/08/2023

Mise en danger de la vie d’autrui : l’assemblée plénière définit la notion d’ « obligation particulière de prudence ou de sécurité »

CC, Assemblée plénière, 20 janvier 2023, n° 22-82.535

Le délit de mise en danger de la vie d’autrui, prévu par l’article 223-1 du Code pénal, réprime « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » par la commission d’une faute définie comme « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».

C’est cette notion d’obligation particulière de prudence ou de sécurité que la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, est venue préciser dans un arrêt en date du 20 janvier 2023, s’agissant de la mise en examen de l’ancienne ministre de la Santé du chef du délit de mise en danger de la vie d’autrui, au titre de son action dans le cadre de la pandémie de Covid 19.

Cette décision est importante, par les faits et les parties concernées bien sûr, mais aussi par sa portée en droit qui, au-delà du seul délit de mise en danger, a vocation à s’étendre à l’ensemble des infractions d’atteinte involontaire à l’intégrité physique.

Rappelons en effet que les délits homicides et blessures involontaires, lorsqu’ils sont reprochés à une personne physique ayant indirectement contribué au dommage – i.e. qui n’ont pas causé le décès ou les blessures de manière directe et immédiate – requièrent une faute identique (article 121-3 du Code pénal) qui constitue en outre un cas d’aggravation de l’infraction (article 221-6 al. 2 du Code pénal).

Dans cette affaire, l’un des moyens à l’appui du pourvoi présenté devant la Cour de cassation était tiré du fait qu’aucuns des textes sur lesquels se fondait la mise en examen – allégués de manifestement méconnus – ne prévoyaient d’«obligation particulière de prudence ou de sécurité » au sens littéral de la notion : « les articles L.1110-1 du Code de la santé publique, L.1413-4 et L.3131-1 du même code, L.1141-1 et L.1142-8 du Code de la défense ne caractérisent aucune obligation particulière de prudence ou de sécurité, et se bornent à rappeler de façon générale des principes de protection en matière de santé et de défense, et la participation du ministère de la santé aux objectifs de défense nationale. »

Jusqu’alors, la Cour de cassation distinguait selon que l’obligation méconnue soit de moyen ou de résultat, par analogie au droit civil. Elle considérait que les obligations particulières étaient d’avantage des obligations de moyens, tout en n’exposant aucun critère pénal de distinction.

Il appartenait alors aux juges du fond « de rechercher, au besoin d’office et sans qu’il soit tenu par les mentions ou l’absence de mention de la citation pour mise en danger sur ce point, l’existence d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement dont la violation est susceptible de permettre la caractérisation du délit »[1].

Par cet arrêt en date du 20 janvier 2023 – qui tire sa force de son prononcé en formation solennelle d’Assemblée plénière – la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour de Justice de la république en considérant que « la commission d’instruction, qui s’est référée à des textes qui ne prévoient pas d’obligation de prudence ou de sécurité objective, immédiatement perceptible et clairement applicable sans faculté d’appréciation personnelle du sujet, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé, pour les motifs qui suivent. »

La Doctrine proposait de ne retenir dans la notion que les normes édictant « un modèle de conduite circonstancié précisant très exactement la conduite à avoir dans telle ou telle situation »[2].

Sans reprendre littéralement les termes de cette définition doctrinale, la Cour de cassation fixe sa jurisprudence sur une définition proche, celle d’une obligation objective, immédiatement perceptible et clairement applicable sans faculté d’appréciation personnelle du sujet.

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[1] Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2019, n° 18-82.718

[2] M. Puech, « De la mise en danger d’autrui », Dalloz, 1994, p 153