Expropriation : la notification tardive de l’ordonnance d’expropriation est sans incidence sur sa légalité

Dans son arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation réitère sa jurisprudence selon laquelle la notification de l’ordonnance d’expropriation au-delà d’un délai raisonnable est sans effet sur la légalité de cette décision (voir : 3ème Civ., 5 décembre 2007, n° 06-70003).

Ainsi, l’éventuel préjudice résultant de l’absence de notification de l’ordonnance dans un délai raisonnable n’est pas susceptible d’être réparé par l’annulation de la procédure.

Au cas présent, la Cour de cassation considère qu’une ordonnance d’expropriation prise le 2 mars 2015 et notifiée plus de quatre ans plus tard, le 28 mars 2019, ne peut être annulée pour ce motif.

L’autorité expropriante bénéficie donc d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire quant au choix de la date à laquelle elle entend notifier aux expropriés l’ordonnance d’expropriation.

Expropriation : prorogation du délai de dépôt d’un mémoire d’appel expirant un samedi, un dimanche ou un jour férié

En vertu des dispositions de l’article R. 311-26, alinéa 1er du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le mémoire d’appel et les pièces doivent être adressés au greffe de la Cour d’appel dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel, à peine de caducité.

En outre, en vertu des dispositions de l’article 642 du Code de procédure civile, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et un délai expirant normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Enfin, l’article L.3133-1 du Code du travail fait la liste des fêtes légales désignées comme des jours fériés.

Par une application combinée de ces trois dispositions, qui s’appliquent devant les juridictions de l’expropriation, le délai qui expire un samedi ou un dimanche est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Et si ce premier jour ouvrable est un lundi férié, ce même délai est prorogé jusqu’au mardi.

Au cas présent, une déclaration d’appel avait été remise au greffe de la cour d’appel le 20 février 2018. Le délai de trois mois expirait donc le dimanche 20 mai 2018. Or, le lundi 21 mai 2018 correspondait au jour férié du lundi de pentecôte. Pour ce motif, l’appelant avait jusqu’au 22 mai 2018 pour adresser son mémoire d’appel.

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle de façon claire les règles de computation des délais devant la chambre des expropriations de la Cour d’appel.

Fixation de l’indemnité d’éviction : l’exploitant commercial exproprié ne peut refuser de remettre ses trois derniers bilans comptables

Dans son arrêt du 4 mars 2021, la Cour de cassation rappelle – au visa de l’article L. 322-2, alinéa 1er, du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique – que l’indemnité d’éviction est estimée à la date de la décision de première instance.

L’indemnité d’éviction d’un exploitant commercial est calculée d’après la référence à la moyenne des trois derniers chiffres d’affaires.

Au cas présent, alors que la décision de première instance avait été rendue le 24 juillet 2017, l’exploitant du fonds de commerce d’hôtel et café-restaurant s’était contenté de produire ses chiffres d’affaires pour les exercices 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015, refusant volontairement de produire les chiffres d’affaires des années 2015-2016 et 2016-2017.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au motif qu’il convient de retenir les trois derniers chiffres d’affaires, précédent le jugement de première instance, c’est-à-dire ceux relatifs aux exercices 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017.

Par le biais de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que l’exploitant évincé ne peut user de rétention d’informations pour l’établissement de la valeur de son indemnité

Droits de préemption : clarification sur la délégation de compétence du maire

Par un arrêt en date du 28 janvier 2021, le Conseil d’Etat fait une appréciation pragmatique de la compétence du maire pour exercer le droit de préemption lorsque celle-ci s’inscrit dans une chaîne de délégations de compétence.

Lorsque l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est compétent en matière de plan local d’urbanisme, il est – de plein droit – titulaire du droit de préemption mais peut évidemment choisir de déléguer cette compétence.

Au cas présent, la communauté d’agglomération de la région de Compiègne (EPCI) est titulaire du droit de préemption et en a délégué l’exercice et la possibilité de le déléguer à son président.

Par décision du 8 juillet 2015, le président de cet EPCI a directement délégué l’exercice du droit de préemption au conseil municipal de la commune de La Croix-Saint-Ouen.

Pourtant, par une délibération antérieure du 28 avril 2014, le conseil municipal de la commune de La Croix-Saint-Ouen avait déjà confié au maire le soin d’exercer le droit de préemption à sa place.

Par application de ladite délibération, par décision du 21 juillet 2015, le maire de La Croix-Saint-Ouen a exercé le droit de préemption sur le territoire de sa commune pour la réalisation d’un cheminement piétonnier.

Dans son arrêt « société MATIMO et autres », le Conseil d’Etat juge que la circonstance que la délibération du 28 avril 2014 soit antérieure à la décision du 8 juillet 2015 par laquelle la commune de La Croix Saint-Ouen a reçu du président de la communauté d’agglomération de la région de Compiègne délégation pour préempter est sans incidence sur la compétence que le maire de La Croix Saint-Ouen tenait de la délibération du 28 avril 2014, pour toute la durée de son mandat sauf à ce qu’il soit mis fin à cette délégation, pour exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption.

En conséquence, quand le maire dispose déjà d’une délégation pour exercer le droit de préemption, il peut l’exercer pour toute la durée de son mandat sauf remise en cause de celle-ci.

Comment le fonctionnaire privé d’affectation n’a pas le droit aux RTT

Le titre de cette brève pourra sembler surprenant à nos lecteurs de la fonction publique territoriale, car l’arrêt porte sur une situation qui ne semble exister que dans la fonction publique de l’Etat : « les fonctionnaires provisoirement sans affectation pérenne dans un emploi correspondant à leur grade et non affectés à une mission temporaire ».

On y apprend ainsi qu’il est prévu, dans la fonction publique d’Etat, que lorsque les agents, à l’issue de leur dernière affectation ou lors d’un retour au ministère après un congé ou une disponibilité ou à l’occasion d’une restructuration de service ou ministérielle, ne sont pas affectés sur un poste vacant, ils sont alors « en recherche d’affectation pérenne », c’est-à-dire soit qu’ils exercent des missions temporaires, soit qu’ils… ne travaillent pas, bien qu’ils soient en position d’activité à savoir qu’ils sont rémunérés, bénéficient d’un déroulement de carrière, etc.

L’instruction contestée dans cette affaire ne se trouve plus aujourd’hui – aussi est-il impossible de déterminer si la rémunération porte uniquement sur le traitement indiciaire ou si le régime indemnitaire est également versé – mais toujours est-il que la présente décision porte non pas sur la rémunération, mais sur le droit aux jours de réduction du temps de travail, car l’agent qui a attaqué l’instruction contestait le fait que ces jours soient refusés aux agents placés dans une telle situation.

Le Conseil d’Etat va rejeter la requête en confirmant d’une part que même en l’absence de travail effectif le temps de travail est considéré comme réalisé au regard de l’obligation des 1607 heures, et d’autre part, qu’il ne génère pas de jours de réduction du temps de travail.

Reprenons.

On sait depuis longtemps qu’on peut être en position d’activité et non en travail effectif, c’est notamment le cas des fonctionnaires en maladie (CE, 27 février 2013, Syndicat Sud Intérieur, req. 355155). Le Conseil d’Etat raisonne par analogie en démontrant qu’on peut également être en position d’activité et en « recherche d’affectation pérenne » : ce qui amène à formuler deux remarques.

D’une part il existe une différence de taille entre la maladie et la recherche d’affectation pérenne : cette dernière est provoquée par l’administration, notamment dans le cas d’une restructuration de service mais également lorsque l’administration ne trouve pas de poste au fonctionnaire de retour de disponibilité ou après un congé. Or, l’administration est dans l’obligation de fournir une affectation (CE, 6 novembre 2002, Guisset, req. 227147).

D’autre part, alors que le fonctionnaire malade est, de ce fait, inapte, tel n’est pas le cas du fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne qui devra naturellement répondre à toute demande de son employeur si ce dernier lui trouve ne serait-ce qu’une mission temporaire.

Donc à l’instar du fonctionnaire malade qui ne travaille pas mais aura réalisé 1607 heures à la fin de l’année, le fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne sera considéré comme ayant réalisé ses 1607 heures de travail annuel. Soit, en partant du principe que c’est la faute de l’administration s’il n’a pas d’occupation, cela s’entend.

L’intérêt de l’arrêt est cependant tout autre : le Conseil d’Etat a en effet déterminé que l’agent qui serait dans une telle situation ne pourrait cependant pas bénéficier de jours de réduction du temps de travail.

En effet, les articles 1er et 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat définissent le temps de travail : « La durée du travail effectif s’entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

Or, par définition, le fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne peut vaquer à ses occupations personnelles puisque son employeur ne lui donne pas de travail… Donc il ne peut bénéficier des RTT.

Ainsi que l’a remarqué Clemmy FRIEDRICH, magistrat administratif, cela pourrait être vu comme une double peine : pas d’affectation, pas de RTT (https://www.lexisveille.fr/double-punition-pas-doccupation-professionnelle-pas-de-rtt ).

Ceci étant, on peut toujours se demander si l’agent, dans cette hypothèse, n’aurait pas intérêt à déposer un recours indemnitaire afin de se voir indemniser de la perte de chance de bénéficie des RTT du fait du refus de l’administration de lui donner une affectation pérenne, outre naturellement le préjudice moral causé par une telle décision. Encore faudrait-il cependant alors parvenir à faire reconnaître que le défaut de RTT cause un préjudice à l’agent qui, en tout état de cause, n’est pas contraint par une obligation de service.

Mais une fois encore, c’est une question que les employeurs territoriaux n’auront pas à se poser, dès lors qu’une telle situation « en recherche d’affectation pérenne » n’existe pas, voire pourrait être considérée comme emportant un risque pénal. Que le surnombre permette d’être payé sans contrepartie, c’est prévu par la loi (cf. article 97 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984). En revanche, aucune disposition législative ne permet le maintien de la rémunération sans contrepartie « dans l’attente d’une affectation » pour les fonctionnaires territoriaux. Mais il y a longtemps qu’il a été compris que le principe de parité avait une fâcheuse tendance à aller à sens unique…

Médiation préalable obligatoire et contentieux indemnitaire dans la fonction publique territoriale

Par Louis-Marie Le Rouzic, Avocat Seban Atlantique

1  Afin de favoriser le recours au modes alternatifs de règlement des différends, le IV de l’article 5 de la loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIème siècle en date du 18 novembre 2016 dispose que :

« IV.-A titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi peuvent faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat »

Initialement prévue pour une durée de quatre ans, l’expérimentation envisagée a été prolongée par l’article 34 de la loi n° 2019-222 en date du 23 mars 2019 portant programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Dès lors, l’obligation de médiation préalable est expérimentée jusqu’au 31 décembre 2021 et les règles fixées par le décret n° 2018-101 en date du 16 février 2018 mettant en œuvre cette expérimentation continuent de s’appliquer.

Son article 1er fixe notamment une liste de décisions dont la contestation devant une juridiction doit être impérativement précédée d’une tentative de médiation.

Parmi ces décisions, figurent les :

« 1° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à l’un des éléments de rémunération mentionnés au premier alinéa de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ;

2° Refus de détachement, de placement en disponibilité ou de congés non rémunérés prévus pour les agents contractuels aux articles 20, 22, 23 et 33-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé et 15, 17, 18 et 35-2 du décret du 15 février 1988 susvisé ;

3° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé mentionné au 2° du présent article ;

4° Décisions administratives individuelles défavorables relatives au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps obtenu par promotion interne ;

5° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

6° Décisions administratives individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés en application de l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée ;

7° Décisions administratives individuelles défavorables concernant l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d’exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les articles 1er des décrets du 30 novembre 1984 et du 30 septembre 1985 susvisés ».

 

Aux termes du 3° de cet article 1er, les agents de la fonction publique territoriale sont expressément visés :

« 3° Les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux situés dans un nombre limité de circonscriptions départementales, choisies en raison de la diversité des situations qu’elles présentent et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des collectivités territoriales, et ayant conclu avant le 1er septembre 2018 avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents ».

L’arrêté du 2 mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique territoriale est venu préciser les circonscriptions départementales concernées.

Parmi elles, figurent notamment les départements de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Vendée, de la Manche, des Côtes-d’Armor, de l’Ille-et-Vilaine et du Finistère ; départements relevant du ressort territorial de la Cour administrative d’appel de Nantes.

Depuis le décret n° 2020-516 du 5 mai 2020 modifiant le ressort des cours administratives d’appel, le Tribunal administratif d’Orléans ne figure plus dans ce ressort.

 

2 C’est dans ce contexte que la Cour administrative d’appel de Nantes a été saisie, le 8 avril 2020, d’une requête visant à contester l’ordonnance du Président de la 1ère Chambre du Tribunal administratif d’Orléans en date du 11 février 2020.

Cette ordonnance rejetait comme irrecevable une demande de première instance sollicitant l’annulation de la décision implicite du maire de la commune de Savigny-en-Veron (Indre-et-Loire) portant rejet de sa demande de versement d’une somme d’un montant de 103 620,40 €, outre la condamnation de la commune à lui verser cette même somme en réparation des préjudices subis du fait de son accident de travail.

Le Président de la 1ère Chambre a en effet considéré que la demande présentée était irrecevable faute pour la requérante d’avoir fait précéder son recours contentieux d’une médiation préalable obligatoire.

 

3 La Cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’ordonnance en litige au motif notamment que la liste dressée à l’article 1er du décret n° 2018-101 en date du 16 février 2018 était exhaustive.

En ce sens :

« les recours contentieux formés par les agents publics concernés par l’expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire qui doivent être précédés, à peine d’irrecevabilité, d’une médiation, sont ceux qui sont formés à l’encontre des décisions énumérées par ces dispositions, c’est-à-dire les recours qui tendent à l’annulation ou à la réformation de ces décisions et non ceux qui tendent à la condamnation d’une collectivité publique au paiement d’indemnités en réparation de préjudices » (CAA Nantes, 23 octobre 2020, n° 20NT01262).

Autrement dit, seuls les recours tendant à l’annulation ou à la réformation des décisions énumérés à l’article 1er du décret précité doivent être précédées d’une tentative de médiation.

Les demandes indemnitaires ne sont pas concernées.

En conséquence, prenant soin de distinguer une éventuelle décision défavorable concernant l’aménagement des conditions de travail d’un agent et une demande indemnitaire en réparation d’un préjudice, la Cour administrative d’appel de Nantes juge que :

« Dès lors, contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, le litige dont a été saisi le tribunal administratif d’Orléans, qui est un litige de nature indemnitaire, ne figurait pas au nombre des recours contentieux formés contre une décision défavorable concernant l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d’exercer leurs fonctions » (CAA Nantes, 23 octobre 2020, n° 20NT01262).

Afin de procéder à un examen au fond, ce dossier a été renvoyé au Tribunal administratif d’Orléans.

 

4 Il est toutefois à noter que l’absence d’une telle démarche de médiation préalable ne dispense pas l’agent public de solliciter de son administration qu’elle se prononce sur sa demande indemnitaire et ce, avant que le juge saisi ne statue sur sa demande.

 

Pour aller plus loin sur la procédure de médiation : http://www.seban-associes.avocat.fr/fonction-publique-lexperimentation-de-la-mediation-prealable-obligatoire/

Consécration jurisprudentielle d’une interdiction, pour les DGS et DGA, de se porter candidats aux élections du personnel

Par un arrêt du 26 janvier 2021, le Conseil d’Etat a consacré une règle fondamentale quant au régime des élections professionnelles dans la fonction publique territoriale, semblable à celle déjà depuis longtemps consacrée en droit du travail qui interdit aux cadres dirigeants de se présenter aux élections professionnelles, et donc d’être élu représentant du personnel.

La solution a été dégagée par la Haute juridiction à l’occasion d’un litige dans lequel une organisation syndicale avait contesté l’élection d’une liste concurrente de la sienne, sur laquelle figurait un agent exerçant les fonctions de directeur général adjoint d’une communauté de commune.

Le moyen avait été écarté, en première instance comme en appel : aucun texte, en effet, ne prévoyait une telle exclusion. Le Conseil d’Etat, pourtant, ne s’est pas arrêté au silence des textes et a consacré sans ambiguïté la règle suivante, applicable aux agents placés sur un emploi fonctionnel de direction :

« Les agents détachés ou recrutés sur un emploi fonctionnel de directeur général ou de directeur général adjoint des services d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ne peuvent se porter candidats aux élections des représentants du personnel au sein du comité technique, dès lors qu’ils doivent être regardés, eu égard à la nature particulière de leurs fonctions, comme ayant vocation à représenter la collectivité ou l’établissement employeur ».

La règle est claire. Son champ d’application reste en revanche incertain. Certes, l’arrêt porte sur les seuls agents occupant les emplois fonctionnels de DGA et DGS. Mais rien n’assure que cette interdiction leur soit limitée. En effet, pour reprendre le motif développé par le Conseil d’Etat cette interdiction se fonde uniquement sur le fait que ces agents « ont vocation à représenter la collectivité » et non par exemple sur celui que, de par leur détachement, ils occupent un emploi spécifique. Or, on sait qu’en pratique, la représentation de la collectivité au sein de l’administration n’est pas limitée à ces seuls agents. Il existe nombre de directeurs, parfois chargé de services très importants, qui n’occupent pas, au sein de la fonction publique territoriale, d’emplois fonctionnels et qui pourtant ont tout autant vocation, compte tenu de leurs fonctions, à assurer un tel rôle, et qui pourraient donc être également concerné par l’interdiction énoncée par le Conseil d’Etat.

La règle pourrait néanmoins, si elle devait rester jurisprudentielle, être délicate à appliquer s’il fallait dépasser le seul champ des emplois fonctionnels, ce qui paraît pourtant nécessaire pour sa cohérence. Il serait donc souhaitable qu’un texte vienne préciser cette règle, notamment en vue du prochain renouvellement général des institutions représentatives du personnel, en décembre 2022.

Commande publique : précisions sur les obligations d’achats de biens issus de l’économie circulaire à la charge de l’Etat, des collectivités et de leurs groupements

Par l’article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le législateur avait mis à la charge « des services de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements » une nouvelle obligation en matière de commande publique : à compter du 1er janvier 2021, leurs biens acquis annuellement devraient être « issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées, dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit », sauf contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou de contrainte technique significative liée à la nature de la commande publique. A cet égard, on relèvera que les autres personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé créées pour satisfaire des besoins d’intérêt général ne semblent pas concernées par cette nouvelle obligation.

Un décret devait fixer la liste des produits ainsi que les taux minimaux devant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondant à ces produits. Ce décret a finalement été publié le 9 mars 2021.

Tout d’abord, il est précisé que les proportions minimales fixées par produits ou catégories de produits acquis sont exprimées « en pourcentage du montant total HT de la dépense consacrée à l’achat de chaque produit ou catégorie de produits au cours de l’année civile ». Pour le cas particulier de l’année 2021, sont exclus du décompte de la dépense les marchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant la date de publication du décret.

Le décret contient ensuite un tableau décrivant, pour chaque produit, désigné par son code CPV et sa dénomination, la proportion devant être issue du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

Il en ressort que la valeur des biens issus du réemploi ou de la réutilisation devra représenter 20 % des dépenses annuelles consacrées aux achats de :

  • vêtements, articles chaussants, vêtements professionnels, vêtements de travail spéciaux et accessoires, linge, produits en cuir et textiles, matériaux en plastique et en caoutchouc, articles textiles ;
  • machines, matériel et fourniture informatique et de bureau, excepté les meubles et logiciels, terminaux informatiques, ordinateurs portables et de bureau, accessoires informatiques ;
  • photocopieurs et matériel d’impression offset, pièces et accessoires de photocopieurs, cartouches de toner et d’encre ;
  • téléphones mobiles et fixes ;
  • bicyclettes (y compris électriques et autres de la famille cycle) ;
  • sièges, chaises et articles assimilés, et pièces connexes, ables, armoires, bureaux et bibliothèques ;
  • appareils ménagers ;
  • bâtiments et modulaires préfabriqués.

Quant aux biens intégrant des matières recyclées, leur valeur devra représenter chaque année :

  • 40 % des dépenses consacrées aux imprimés et produits connexes, livres, brochures et dépliants imprimés, registres, livres comptables, classeurs, formulaires et autres, papeterie et autres articles, papiers d’impression et papiers pour photocopie ;
  • 20 % des dépenses consacrées aux fournitures de bureau, aux équipements de transport et produits auxiliaires pour le transport, véhicules à moteur, carrosseries de véhicules, sièges pour véhicules à moteur.

Par ailleurs, une double contrainte est imposée pour certains produits, à savoir :

  • les sacs d’emballage : 10 % de la valeur des achats annuels devront correspondre à des biens intégrant des matières recyclées, 10 % à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ;
  • les jeux et jouets : 15 % de la valeur des achats annuels devront correspondre à des biens intégrant des matières recyclées, 5 % à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ;
  • le mobilier urbain : 15 % de la valeur des achats annuels devront correspondre à des biens intégrant des matières recyclées, 5 % à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ;
  • la vaisselle, bouteilles, bocaux et flacons : 10 % de la valeur des achats annuels devront correspondre à des biens intégrant des matières recyclées, 10 % à des biens issus du réemploi ou de la réutilisation.

Les acheteurs soumis à ces obligations devront déclarer la part de leur dépense annuelle effectivement consacrée à l’achat des produits ou catégories de produits susmentionnés à l’Observatoire économique de la commande publique, dans des conditions devant être fixées par arrêté.

Il est prévu qu’un bilan de la mise en œuvre de ces dispositions soit dressé par les ministres chargés de l’environnement et de l’économie d’ici au 31 décembre 2022, afin de mesurer l’opportunité de faire évoluer cette liste des produits et ces proportions minimales.

 

Lutte contre les locations de type Airbnb : Validité de la règlementation de la ville de Paris prise en application de l’article L.631-7 du CCH

Cass. Civ., 3ème, 18 février 2021, n° 19-11.462
Cass. Civ., 3ème, 18 février 2021, n° 19-13.191

Nous avions rapporté, dans deux précédentes LAJ (décembre 2018 et avril 2020), la saisine par la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n° 17-26.156) de la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives à la conformité de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation au droit communautaire, et plus précisément à la directive « Services » n°2006-/123/CE du 12 décembre 2006.

Pour rappel, l’article L. 631-7 du CCH (Code de la construction et de la construction) soumet à autorisation la location d’habitation meublée de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, en ce qu’elle constitue un changement d’usage du local.

La Cour de cassation, avait sursis à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des questions préjudicielles suivantes : le régime de l’autorisation préalable posé par l’article L631-7 du Code de la construction poursuit-il un objectif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location ? Cette mesure est-elle proportionnée et constitue-t-elle enfin une raison impérieuse d’intérêt général ?

Suivant arrêt de la grande chambre du 22 septembre 2020, la CJUE a jugé que la règlementation française soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile était conforme au droit de l’Union.

C’est donc sans surprise mais avec une portée certaine que la Cour de cassation, par trois arrêts relatifs au dispositif mis en place par la ville de Paris sur le fondement de l’article L. 631-7 du CCH susvisé, juge à son tour conforme un tel dispositif avec la directive « Services ».

Dans le premier arrêt (Civ. 3ème, 18 février 2021, n° 17-26.156), la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS qui avait condamné le propriétaire ayant enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du CCH.

Dans le second arrêt (Civ. 3ème, 18 février 2021, n° 19-11.462), la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS qui avait retenu un changement d’usage prohibé sans observer la preuve en la matière, à savoir l’inscription de l’affectation du bien à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970.

Dans le troisième arrêt (Civ. 3ème, 18 février 2021, n° 19-13.191), la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui avait jugé que des locations d’une durée de 4 et 6 mois à deux sociétés pour y loger le même salarié ne constituaient pas des locations de courte durée à une clientèle de passage au sens de l’article L. 631-7 du CCH.

La lutte contre les locations de type Airbnb et plus généralement contre la pénurie de logements a de beaux jours devant elle.

QPC : Le droit de propriété du bailleur atteint par l’indemnité d’éviction du preneur ?

Nous avions rapporté dans la LAJ du mois de janvier 2021 la saisine par le Conseil constitutionnel de la QPC suivante renvoyée par la Cour de cassation par arrêt du 10 décembre 2020 (n° 20-40.059)

« L’article L. 145-14 du code de commerce est-il conforme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité, précisément au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté contractuelle garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 du Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au principe d’égalité garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et respecte-t-il la compétence réservée à la loi par la Constitution de 1958 ? »

La réponse du Conseil constitutionnel ne s’est pas fait attendre.

Ce dernier a ainsi d’une part considéré que l’indemnisation du locataire en cas de non-renouvellement vise un objectif d’intérêt général de poursuite de son activité et ainsi de viabilité des entreprises commerciales et artisanales.

D’autre part, le Conseil a souligné que l’article L.145-14 du Code de commerce ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur qui ne doit indemniser que la valeur marchande du fonds et uniquement lorsque celui-ci a été exploité dans les 3 années avant l’expiration du bail ; le bailleur conservant en outre la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer.

Par ailleurs, le versement d’une indemnité d’éviction pour le preneur à bail commercial ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi, les parties à bail commercial étant dans une situation juridique différentes compte tenu de l’exploitation d’un fonds justifiant que le traitement soit différent de celui des parties d’autres types de location.

Les mots « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession » figurant au second alinéa de l’article L. 145-14 du Code de commerce ont donc été jugés conformes à la constitution.

Précisions sur l’adaptation des assemblées générales des ASL au Covid-19

Décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020 portant prorogation et modification du décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 et du décret n° 2020-629 du 25 mai 2020 pour adapter le fonctionnement de certaines instances délibératives au contexte créé par l’épidémie de covid-19

 

L’ordonnance n° 2020-1497 du 2 décembre 2020 a été adoptée et s’inscrit dans le cadre plus global des dispositions applicables à certaines personnes morales de droit privé (société, association), et notamment les ASL.

Les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 3 décembre 2020, complétées par le décret n° 2020-1614 du 18 décembre 2020 et applicables jusqu’au 1er avril 2021. Elles pourront par la suite être prorogées par décret jusqu’au 31 juillet 2021 (décret toujours en attente de publication).

L’ordonnance organise trois formes différentes d’assemblées générales :

I. L’assemblée générale sans aucune présence physique.

Cette option est limitée aux cas dans lesquels les mesures restrictives en vigueur à la date de convocation ou la date de l’assemblée font obstacle à la présence physique des membres, c’est-à-dire un confinement généralisé avec interdiction de déplacement. Les membres votent à distance ou bien en donnant un pouvoir.

Lorsque le vote par correspondance est choisi par l’organe compétent pour convoquer l’assemblée, et que les statuts ne le prévoient pas, le décret du 18 décembre 2020 vient préciser quelques points.

Ainsi, le texte des décisions proposées, un bulletin de vote et les documents nécessaires à l’information des membres de l’assemblée doivent être adressés à chacun des membres, au plus tard en même temps que la convocation de l’assemblée.

D’une manière générale, qu’il s’agisse de la consultation écrite, du vote par correspondance ou encore d’un cas où un pouvoir pourrait être donné, l’organe compétent pour convoquer l’assemblée peut décider que les membres de l’assemblée donnent leurs instructions de vote ou leur réponse par mail.

II. L’assemblée par téléconférence ou visioconférence.

L’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire peut décider que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres des assemblées qui participent par une conférence téléphonique ou audiovisuelle, quel que soit l’objet de la décision sur laquelle l’assemblée est appelée à statuer.

Cependant, certaines conditions techniques doivent être respectées : ainsi, le dispositif doit permettre l’identification des membres, transmettre au moins la voix des participants et permettre une retransmission continue et simultanée des délibérations.

III. La consultation écrite.

Les associations ont désormais la possibilité de mettre en place des consultations écrites, même si cela est interdit ou n’est pas prévu par les statuts.

Lorsque la décision est prise par l’organe compétent de convoquer l’assemblée générale afin que les décisions relevant de la compétence des assemblées soient prises par voie de consultation des membres, les membres doivent en être informés selon les modalités du décret.

Ainsi, les décisions prises par voie de consultation écrite sont constatées dans un procès-verbal établi par l’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire. Le procès-verbal doit alors mentionner que l’association a fait application des mesures prévues par l’ordonnance pour réaliser son assemblée.

Questions indissociables relatives aux travaux décidés en assemblées générales : un seul vote suffit !

Lorsque des travaux sont décidés en assemblée générale des copropriétaires, les décisions relatives à ces travaux telles que le choix de l’entreprise ou encore fixation de ses honoraires sont indissociables et peuvent faire l’objet d’un vote unique.

En l’espèce, un copropriétaire a assigné le syndicat des copropriétaires et son syndic en annulation de cette décision en soutenant notamment que la résolution était composée de plusieurs projets.

La cour d’appel rejette cette demande, retenant que les éléments de décision supplémentaires relatifs à la désignation de l’architecte, au montant de ses honoraires et à l’assurance dommages-ouvrage ne nécessitaient pas à eux seuls des délibérations distinctes. Cette décision d’appel sera confirmée par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation.

Afin de préserver la liberté du vote des copropriétaires et d’éviter que celui-ci ne soit bloqué par une pluralité d’objets, chaque résolution proposée au vote de l’assemblée générale ne doit avoir qu’un seul objet. Ainsi, l’assemblée ne peut, par un seul et même vote, se prononcer sur plusieurs objets quand bien même ils relèveraient du pouvoir d’initiative du syndic (Cass. Civ 3e., 13-11-2013 n° 12-25.157 F-D).

En revanche, une résolution unique peut avoir pour objet plusieurs questions lorsque celles-ci sont indissociables. Ainsi, une assemblée générale peut, par une même décision, voter le renouvellement du mandat du syndic et le montant de ses honoraires, ces questions étant indissociables et relevant de la même majorité (Cass. Civ 3e., 19-12-2007 n° 07-13.703 FS-D).

En l’espèce, la question se posait du caractère indissociable des décisions consécutives à celle de réaliser des travaux. Ces décisions ne pouvaient être adoptées sans que les travaux soient votés au préalable, la Cour de cassation a estimé qu’elles pouvaient donc faire l’objet d’une résolution unique et d’un seul vote.

Le Département de la Seine-Saint-Denis obtient l’annulation de l’arrêté fixant le niveau maximum annuel de ses dépenses réelles de fonctionnement pour les années 2018 à 2020.

Par une décision du 5 mars dernier, le Département de la Seine-Saint-Denis, représenté par le Cabinet Seban & Associés, a obtenu l’annulation de l’arrêté édicté par le Préfet du Département fixant le niveau annuel d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) à 1,2 % pour les années 2018 à 2020 (appliqué à la base des DRF de la collectivité pour 2017), soit un niveau correspondant à l’objectif national d’évolution des DRF fixé par la loi. Cet arrêté avait été pris à la suite du refus exprimé par le Département de signer un contrat de maîtrise de la dépense locale avec l’Etat.

En effet, le Département estimait, tout d’abord, qu’aucun véritable échange n’avait pu avoir lieu avec la Préfecture en vue de fixer un niveau d’évolution des DRF approprié, et, partant, qu’il avait été privé d’une chance de pouvoir conclure un contrat de maîtrise de la dépense publique local (dit « contrat de Cahors ») avec l’Etat, ayant concrètement comme incidence qu’en cas de dépassement de l’objectif d’évolution de ses dépenses déterminé, il s’expose à une reprise financière à hauteur de 100% du dépassement, et non 75% lorsqu’un contrat est conclu.

 Le Tribunal n’a pas retenu le vice de procédure invoqué par le Département, mais accueille deux moyens de fond soulevés par celui-ci.

D’une part, il considère que le périmètre des dépenses pour 2017 pris en compte par le Préfet n’était pas le bon, et, partant, remet en cause l’assiette de calcul du taux d’évolution des DRF.

La loi a en effet entendu s’appliquer strictement au budget principal et aux dépenses de fonctionnement des collectivités concernées par le dispositif. Ce faisant, le Tribunal accueille le moyen développé par le Département selon lequel les dépenses allouées par le Département à la section d’investissement de ses budgets annexes et autonomes et, par ailleurs, aux budgets d’établissements publics auxquels le Département participe devaient être défalquées de la base de calcul.

D’autre part, le Tribunal retient que la Préfecture a commis une erreur dans le calcul du revenu moyen par habitant. Le Département soutenait en effet que certaines données prises en compte par l’Etat étaient erronées, ce qui avait eu pour effet de le priver d’être éligible à une modulation à la hausse du taux d’évolution de ses DRF sur le fondement de ce critère (dans la limite de 0,15 points, ainsi que prévu par la loi). En effet, en prenant en compte les données rectifiées du revenu moyen par habitant départemental et du revenu moyen national, le Tribunal constate que le premier est bien inférieur de plus de 20 % au second, justifiant que le Département aurait dû être éligible à ce critère.

Au sujet du taux d’évolution des DRF, il convient par ailleurs de rappeler que, pour les collectivités départementales et la Métropole de Lyon, la loi a expressément prévu que soit défalquée du montant des DRF la part des allocations individuelles de solidarité supérieure à 2% d’augmentation, afin de tenir compte du poids particulièrement important et du caractère obligatoire du niveau de ces dépenses sociales dans les budgets départementaux.

Malgré cet ajustement, les Départements avaient eu l’occasion de faire part à nouveau des difficultés liées à l’ampleur des dépenses sociales dans leur budget à l’occasion des échanges ayant eu lieu lors des contrôles de respect des objectifs fixés aux collectivités par les services de l’Etat (reprise financière en cas de dépassement de l’objectif), difficultés renforcées dans le contexte de la crise sanitaire due au Covid-19.

Dans cette affaire, le Tribunal a enjoint au Préfet d’édicter un nouvel arrêté dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Il est permis de souligner qu’à notre connaissance, ce jugement constitue la première décision par laquelle le juge administratif vient préciser le périmètre des dépenses à prendre en compte, en excluant expressément les dépenses allouées aux budgets annexes, autonomes ou aux structures tierces à la collectivité et à laquelle elle participe dès lors qu’elles viennent abonder la section d’investissement de ces budgets.

Par ailleurs, à propos du motif d’annulation lié l’éligibilité à un critère de modulation à la hausse du taux d’évolution des DRF, il faut rappeler que le Tribunal administratif de Bordeaux a récemment jugé que le défaut d’application d’un critère de modulation à la hausse du taux d’évolution des DRF par une Préfecture, et, partant, l’application d’un taux d’évolution des DRF s’élevant à 1,2 % au Département de la Gironde était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (TA Bordeaux, 21 décembre 2020, n° 1805138).

Annulation d’une élection dont les résultats ont été inversés en raison de la nullité de bulletins de vote, en l’absence de manœuvre frauduleuse et de doute sur l’intention des électeurs

Par une décision du 4 février 2021, le Conseil d’Etat a confirmé qu’étaient nuls, au sein d’une commune de 1 000 habitants et plus, pour les élections municipales et communautaires, des bulletins de vote ne comportant pas, à côté de la liste des candidats au conseil municipal, le nom des candidats au mandat de conseiller communautaire, conformément aux articles L. 273-9, R. 117-4 et R. 66-2 du Code électoral.

Dans cette affaire, dix voix séparaient les deux listes candidates et treize bulletins de vote, en faveur de la liste arrivée en seconde position, étaient nuls en application de la règle sus énoncée. De sorte que les résultats de l’élection avaient été inversés en raison d’une simple irrégularité des bulletins de vote.

Dans une telle hypothèse, le Conseil d’Etat a jugé que, en l’absence de manœuvre frauduleuse et de doute sur l’intention des électeurs, cette circonstance était de nature à altérer la sincérité du scrutin et a, par conséquent, annulé l’élection.

Il a, ce faisant, opéré une conciliation entre le respect des règles électorales et le principe de sincérité du scrutin.

Le même raisonnement a déjà été appliqué au sujet de bulletins de vote ne comportant pas l’indication de la nationalité des candidats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France (CE, 15 septembre 2004, n° 260716), et pourra, a priori, l’être à d’autres hypothèses d’irrégularité, en l’absence de manœuvre et de doute sur l’intention des électeurs.

Les télétravailleurs exclus du bénéfice des titres-restaurant ? Le Tribunal judiciaire de Nanterre vient de valider cette possibilité

Dans le contexte de la pandémie liée au covid-19 qui perdure, de nombreux salariés sont placés en télétravail depuis mars 2020.

Cette nouvelle organisation est source de nombreuses interrogations sur les conditions de travail comme celle du maintien des titres-restaurant pour les salariés placés en télétravail.

Pour mémoire, le titre-restaurant est un avantage consenti qui n’est pas légalement obligatoire. Le Code du travail se limite à préciser que son attribution est possible si le repas du salarié est compris dans son horaire de travail journalier (C. trav. art. R 3262-7).

Le ministère du travail rappelle conformément à son « Questions-réponses  sur le télétravail» mis à jour le 13 janvier 2021 , qu’en application du principe général d’égalité de traitement entre salariés les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cette règle est rappelée à l’article L. 1222-9 du Code du travail et à l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.

Cependant des employeurs ont pu estimer que les télétravailleurs n’étant pas dans une situation comparable à celle de leurs collègues sur site, ils ne pouvaient prétendre au maintien de leurs titres-restaurant.

A cet égard, le Tribunal judiciaire de Nanterre vient récemment de leur donner gain de cause estimant que les télétravailleurs pouvant  se restaurer à leur domicile ne sont pas dans la même situation qu’un salarié sur site (TJ Nanterre 10 mars 2021, RG : 20/09616).

La motivation du jugement précise ainsi :

« l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou en partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.

En l’occurrence, les salariés de l’UES, placés en télétravail, le sont à leur domicile et ne peuvent donc prétendre, en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, à l’attribution de tickets restaurant.

De ce fait, la situation des télé travailleurs et celle des salariés travaillant sur site qui n’ ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des tickets restaurant ne sont pas comparables de sorte que la fédération requérante ne peut valablement soutenir que faute de remise de tickets restaurant, les télétravailleurs ne bénéficieraient pas des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant sur site ».

Selon la juridiction, l’attribution de ces titres-restaurant est de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration en dehors du domicile. Les salariés de l’UES en question, placés en télétravail, sont à leur domicile. Dès lors, leur situation ne serait pas comparable à leurs collègues travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise. En l’absence de surcoût lié à leur restauration à domicile, les télétravailleurs ne pouvaient revendiquer le maintien de l’avantage des titres-restaurant.

Cette décision n’est pas totalement inédite puisque la cour d’appel de Riom avait validé en 2018  cette même différence de traitement pour les titres-restaurant entre les télétravailleurs et les salariés sur site (CA de Riom, 4e ch.civ., 4 décembre 2018, n° 17/00463). La Cour avait estimé que le titre restaurant est un avantage en nature versé au salarié contraint de prendre ses repas hors de chez lui et qui vient ainsi compenser le surcoût engendré par ce mode de restauration.

Cependant depuis cet arrêt, les précisions apportées depuis par le Ministère du travail et la position exprimée par les Urssaf sur leur site internet orientaient vers un maintien des titres-restaurant pour les télétravailleurs, ce qui vient donc d’être rejeté par cette décision du Tribunal Judiciaire de Nanterre  du 10 mars 2021.

Il conviendra donc d’être attentif aux suites données à ce jugement de première instance avec un éventuel recours devant la Cour d’appel de Versailles afin de savoir si cette position sera confirmée ou non.

Benoît Roseiro

La titularité des droits d’auteur dans le monde de la mode : quid de la situation d’un styliste salarié ?

L’arrêt « Comptoir des Cotonniers » rendu le 5 mars 2021 illustre la problématique de la revendication récurrente de leur droit d’auteur par des stylistes salariés sur des créations pourtant souvent issues d’un processus de création collectif.

En l’espèce, la société Créations Nelson, devenue Comptoir des Cotonniers, spécialisée dans le prêt-à-porter et les accessoires de mode, a engagé suivant contrat de travail une personne physique en qualité de styliste rattaché à la direction du style pour les accessoires (maroquinerie, chaussures, divers).

Ce styliste, soutient être depuis son recrutement le seul styliste pour les accessoires et revendique à ce titre la création, en septembre 2014, d’une paire de baskets vintage, qu’il indique avoir réinterprétée en la déstructurant totalement pour parvenir à une forme innovante et originale. Il ajoute avoir créé des variantes de cette chaussure, comportant toutes une semelle d’inspiration léopard, et avoir conçu, pour l’emballage de ces baskets, une boite/sac sur laquelle est représenté un croquis du modèle et d’où sortent des lacets. Il précise enfin que sa création, successivement dénommée, Virgule, Vorgule, Tirgule puis Slash, a été présentée dans la collection Printemps-Eté 2015 de la société Comptoir des Cotonniers et mise en production à la fin du mois de mars 2015.

Ce styliste a alors mis en demeure la société Comptoir des Cotonniers de lui reconnaître ses droits d’auteur. La société Comptoir des Cotonniers s’y est refusée, faisant valoir que la qualité d’auteur de la basket Slash appartient à la personne au poste de directrice artistique au sein de la société.

Pour comprendre cette revendication, il suffit de reprendre les termes du premier article du Code de propriété intellectuelle L.111-1 qui pose le principe que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous et, en son alinéa 3, que « l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code ».

Malgré l’absence d’ambiguïté du principe posé, certaines juridictions soutenues par une partie de la doctrine ont marquées leur aversion pour ce texte et c’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a pu affirmer qu’« il est constant que le contrat de travail consenti à un créateur salarié entraîne la cession des droits patrimoniaux d’auteur à son employeur » (CA Paris, 5 oct. 1989 : JurisData n° 1989-025280).

La Cour de cassation n’a eu d’autre choix que d’intervenir afin de faire cesser ces pratiques contra legem et rappeler le principe « l’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle, dont la transmission est subordonnée à la condition que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée » (Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, n° 91-11.480).

La jurisprudence est donc désormais constante « tout salarié reste donc juridiquement propriétaire des œuvres qu’il crée, alors même que ses créations se font dans l’exercice de ses fonctions ou sur instruction de son employeur » (CA Versailles, 8 oct. 2015, n° 13/02109) ; ainsi, « l’existence d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit de propriété intellectuelle de l’auteur et que la qualité de salarié n’est pas incompatible avec la qualité d’auteur » (Cass. soc., 11 mai 2016, n° 14-26.507).

Ce principe est réaffirmé ici par la Cour d’appel : « l’existence d’un contrat de travail n’est pas exclusive de la protection par le droit d’auteur et le salarié est investi des droits de propriété incorporelle institués au bénéfice de l’auteur pour peu qu’il ait fait œuvre de création en conservant sa liberté et sans que les choix esthétiques opérés ne lui aient été imposés par l’employeur ».

Toutefois, la Cour a rejeté les revendications du styliste au regard des faits de l’espèce et notamment de l’attestation fournit par la Directrice artistique de la société Comptoirs des cotonniers décrivant précisément le processus habituel de création notamment desdites baskets et démontrant le caractère collectif des choix et décisions faits tout au long de l’élaboration du produit.

La Cour constate que le salarié n’a pu démontrer qu’avoir désigné le croquis de la basket sous la supervision de la directrice artistique « en charge de définir et de mettre en œuvre la ligne stylistique pour le prêt-à-porter et les accessoires et, à ce titre, de donner au styliste une direction dans le cadre d’échanges verbaux et de réunions de travail ».

Au vu des autres attestations versées aux débats, la Cour a estimé que la basket litigieuse résultait d’un travail en collaboration avec l’équipe de style sous la subordination de la directrice de style.

Par conséquent, la Cour confirme que lorsque le processus créatif est généralement collaboratif avec des consignes en amont et des validations en aval les créations entrent dans le cadre des œuvres collectives prévues par l’article L113-2, al. 3 du Code de la propriété intellectuelle.

Manon Boinet

Covid-19 : les arrêts de travail dérogatoires sont reconduits jusqu’au 1er juin 2021

Dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de la Covid-19, et dans la vocation de favoriser l’isolement rapides des personnes, le délai de carence applicable pour l’indemnisation des arrêts de travail a été supprimé dans plusieurs hypothèses.

Initialement applicable jusqu’au 31 mars prochain, le décret nº 2021-13 du 8 janvier qui détaillait ce dispositif a été prolongé jusqu’au 1er juin 2021 et s’applique à de nouvelles situations d’isolement.

Bénéficient d’IJSS et, pour les salariés, du complément employeur, sans délai de carence :

  • les salariés considérés comme personnes vulnérables, ne pouvant être placés en situation d’activité partielle ;
  • les salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et ne pouvant être placés en activité partielle ;
  • les salariés faisant l’objet d’une mesure d’isolement en tant que « contact à risque de contamination » ;
  • les salariés présentant les symptômes de la Covid-19, à condition qu’ils fassent réaliser un test de dépistage dans un délai de deux jours à compter du début de l’arrêt de travail, et pour la durée courant jusqu’à la date d’obtention du résultat du test ;
  • les salariés présentant le résultat d’un test de dépistage positif à la Covid-19 ;
  • les salariés faisant l’objet d’une mesure de placement en isolement ou de mise en quarantaine à leur arrivée en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Wallis-et-Futuna ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
  • les salariés arrivés en France métropolitaine par transports maritime ou aérien au départ d’un pays situé hors espace européen (UE, Andorre, Islande, Liechtenstein, Monaco, Norvège, Saint-Marin, le Saint-Siège ou la Suisse), qui se sont engagés à s’isoler de façon préventive durant sept jours après leur arrivée, et à réaliser un test au terme de cette période. Il en va de même pour les salariés se déplaçant par transport terrestre à destination de la Guyane, en provenance du Brésil, et des personnes se déplaçant depuis Mayotte, la Guyane ou La Réunion vers tout autre point du territoire national ;

La durée maximale de l’indemnisation correspond à la durée de la mesure d’isolement, de mise en quarantaine, d’éviction et de maintien à domicile. Pour les salariés au retour d’un déplacement pour motif impérieux, la durée de l’indemnisation peut durer jusqu’à 9 jours afin de prendre en compte le temps d’obtention du résultat du test de dépistage effectué après 7 jours d’isolement.

Les conditions d’indemnisation restent inchangées : les personnes précitées peuvent percevoir des IJSS sans remplir les conditions d’ouverture de droit aux prestations dès le premier jour d’arrêt de travail , sans que la durée d’indemnisation ne soit prise en compte pour le calcul de la durée maximale de versement.

Les modalités du complément employeur sont également maintenues. 

Clara Bellest 

Constitutionnalité de l’article L.145-14 du Code de commerce

La règle :

L’indemnité d’éviction en matière de bail commercial est consacrée par l’article L.145-14 du code de commerce qui prévoit, s’agissant de son évaluation, que :

« Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

La problématique :

Au regard de l’importance des sommes parfois allouées au preneur, la question prioritaire de constitutionnalité suivante a été soumise au Conseil constitutionnel :

« L’article L. 145-14 du code de commerce est-il conforme à la Constitution et au bloc de constitutionnalité, précisément au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté contractuelle garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, à la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 du Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au principe d’égalité garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, et respecte-t-il la compétence réservée à la loi par la Constitution de 1958 ? »

La réponse du Conseil constitutionnel :

Le Conseil constitutionnel a d’une part considéré que l’indemnisation du locataire en cas de non-renouvellement vise un objectif d’intérêt général de poursuite de son activité et ainsi de viabilité des entreprises commerciales et artisanales.

D’autre part, le Conseil a souligné que l’article L.145-14 susvisé ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur qui ne doit indemniser que la valeur marchande du fonds et uniquement lorsque celui-ci a été exploité dans les 3 années avant l’expiration du bail ; le bailleur conservant en outre la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer.

Par ailleurs, le versement d’une indemnité d’éviction pour le preneur à bail commercial ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi, les parties à bail commercial étant dans une situation juridique différentes compte tenu de l’exploitation d’un fonds justifiant que le traitement soit différent de celui des parties d’autres types de location.

Les mots « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession » figurant au second alinéa de l’article L. 145-14 du Code de commerce ont donc été jugés conformes à la Constitution.

Apport

La décision du Conseil constitutionnel exclut tout plafonnement de l’indemnité d’éviction.

Emilie Bacqueyrisses

Revirement de jurisprudence : transfert de responsabilité pénale en cas de fusion-absorption

Dans un arrêt de principe du 25 novembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé qu’en cas de fusion absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération.

Cette décision constitue un revirement au regard de la jurisprudence établie depuis des années et modifie l’appréhension des risques qu’une société anonyme ou une société par actions simplifiée doit prendre en compte lorsqu’elle souhaite réaliser une fusion-absorption.

Avant cette affaire, la Cour de cassation affirmait avec constance que l’article 121-1 du Code pénal ne pouvait s’interpréter autrement que comme interdisant les poursuites contre la société absorbante. Pour la chambre criminelle, toute interprétation divergente contrevenait au principe de personnalité des poursuites et sanctions, notamment protégé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Toutefois, par un arrêt du 1er octobre 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme avait, pour sa part, jugé le transfert de responsabilité civile résultant d’une fusion-absorption, de l’absorbée vers l’absorbante, conforme à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cette évolution prétorienne majeure du droit français est toutefois subordonnée à l’existence  de plusieurs conditions cumulatives.

En effet, l’opération conduisant à la disparition de la personne morale délinquante doit entrer dans le champ d’application de la directive n° 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, relative aux seules fusions des sociétés anonymes (la directive 1978), codifiée en dernier lieu par la directive (UE) n° 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 (la directive 2017).

En ciblant la fusion-absorption, la chambre criminelle a circonscrit les effets de son revirement aux seules entités soumises aux dispositions issues de la directive 1978 relatives à ce type d’opérations, à l’exclusion notamment de la fusion par création d’une société nouvelle et de l’apport partiel d’actifs.

Néanmoins, cette décision laisse quelques zones d’ombre s’agissant notamment des champs matériel, personnel et territorial de la nouvelle interprétation de l’article 121-1 du Code pénal, laissant ainsi apparaitre une certaine forme d’insécurité juridique puisque de nouveaux risques , et pas des moindres, apparaitront lors de chaque opération de fusion absorption.

La réalisation d’audits juridiques, comptables et financiers deviendra désormais systématique.

Hakim Ziane

Covid 19 : nouvelles mesures fiscales au soutien des entreprises – acomptes d’IS et remboursement des crédits d’impôts

Le Ministère de l’Economie et des Finances vient d’annoncer de nouvelles mesures fiscales de soutien aux entreprises rencontrant des difficultés économiques du fait de la crise sanitaire.

Pour tenir compte de la sévère diminution des résultats des entreprises résultant de la crise sanitaire, le premier acompte d’IS, lequel est normalement dû au 15 mars 2021, pourra être modulé et correspondre, à titre exceptionnel, à 25 % du montant de l’IS prévisionnel de l’exercice clos le 31 décembre 2020 (et non le 31 décembre 2019), avec une marge d’erreur de 10 %.

Le montant du deuxième acompte versé au 15 juin 2021 devra être calculé pour que la somme des deux premiers acomptes soit égale à 50 % au moins de l’IS de l’exercice clos le 31 décembre 2020.

Ces modalités particulières de calcul s’appliqueront également aux acomptes de contribution sociale sur l’IS du 15 mars et du 15 juin 2021.

Cette faculté de modulation reste toutefois optionnelle.

Enfin, pour pouvoir apporter une aide aux entreprises en difficulté, la procédure accélérée de remboursement de crédits d’impôt sur les sociétés sera reconduite en 2021.

Les sociétés qui bénéficient d’un ou plusieurs crédits d’impôt restituables en 2021 peuvent dès à présent demander le remboursement du solde de la créance disponible, sans attendre le dépôt de leur déclaration de résultat.

Ce dispositif s’applique à tous les crédits d’impôt restituables en 2021 et, en particulier, aux crédits d’impôt créés depuis la crise (crédit d’impôt bailleurs et crédit d’impôt rénovation énergétique pour les PME au titre de l’exercice 2020).

Hakim Ziane