le 18/03/2021

Les télétravailleurs exclus du bénéfice des titres-restaurant ? Le Tribunal judiciaire de Nanterre vient de valider cette possibilité

TJ Nanterre, 10 mars 2021, RG : 20/09616

Dans le contexte de la pandémie liée au covid-19 qui perdure, de nombreux salariés sont placés en télétravail depuis mars 2020.

Cette nouvelle organisation est source de nombreuses interrogations sur les conditions de travail comme celle du maintien des titres-restaurant pour les salariés placés en télétravail.

Pour mémoire, le titre-restaurant est un avantage consenti qui n’est pas légalement obligatoire. Le Code du travail se limite à préciser que son attribution est possible si le repas du salarié est compris dans son horaire de travail journalier (C. trav. art. R 3262-7).

Le ministère du travail rappelle conformément à son « Questions-réponses  sur le télétravail» mis à jour le 13 janvier 2021 , qu’en application du principe général d’égalité de traitement entre salariés les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cette règle est rappelée à l’article L. 1222-9 du Code du travail et à l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail.

Cependant des employeurs ont pu estimer que les télétravailleurs n’étant pas dans une situation comparable à celle de leurs collègues sur site, ils ne pouvaient prétendre au maintien de leurs titres-restaurant.

A cet égard, le Tribunal judiciaire de Nanterre vient récemment de leur donner gain de cause estimant que les télétravailleurs pouvant  se restaurer à leur domicile ne sont pas dans la même situation qu’un salarié sur site (TJ Nanterre 10 mars 2021, RG : 20/09616).

La motivation du jugement précise ainsi :

« l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou en partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.

En l’occurrence, les salariés de l’UES, placés en télétravail, le sont à leur domicile et ne peuvent donc prétendre, en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, à l’attribution de tickets restaurant.

De ce fait, la situation des télé travailleurs et celle des salariés travaillant sur site qui n’ ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des tickets restaurant ne sont pas comparables de sorte que la fédération requérante ne peut valablement soutenir que faute de remise de tickets restaurant, les télétravailleurs ne bénéficieraient pas des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant sur site ».

Selon la juridiction, l’attribution de ces titres-restaurant est de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration en dehors du domicile. Les salariés de l’UES en question, placés en télétravail, sont à leur domicile. Dès lors, leur situation ne serait pas comparable à leurs collègues travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise. En l’absence de surcoût lié à leur restauration à domicile, les télétravailleurs ne pouvaient revendiquer le maintien de l’avantage des titres-restaurant.

Cette décision n’est pas totalement inédite puisque la cour d’appel de Riom avait validé en 2018  cette même différence de traitement pour les titres-restaurant entre les télétravailleurs et les salariés sur site (CA de Riom, 4e ch.civ., 4 décembre 2018, n° 17/00463). La Cour avait estimé que le titre restaurant est un avantage en nature versé au salarié contraint de prendre ses repas hors de chez lui et qui vient ainsi compenser le surcoût engendré par ce mode de restauration.

Cependant depuis cet arrêt, les précisions apportées depuis par le Ministère du travail et la position exprimée par les Urssaf sur leur site internet orientaient vers un maintien des titres-restaurant pour les télétravailleurs, ce qui vient donc d’être rejeté par cette décision du Tribunal Judiciaire de Nanterre  du 10 mars 2021.

Il conviendra donc d’être attentif aux suites données à ce jugement de première instance avec un éventuel recours devant la Cour d’appel de Versailles afin de savoir si cette position sera confirmée ou non.

Benoît Roseiro