le 25/03/2021

Comment le fonctionnaire privé d’affectation n’a pas le droit aux RTT

CE, 4 novembre 2020, n° 426650

Le titre de cette brève pourra sembler surprenant à nos lecteurs de la fonction publique territoriale, car l’arrêt porte sur une situation qui ne semble exister que dans la fonction publique de l’Etat : « les fonctionnaires provisoirement sans affectation pérenne dans un emploi correspondant à leur grade et non affectés à une mission temporaire ».

On y apprend ainsi qu’il est prévu, dans la fonction publique d’Etat, que lorsque les agents, à l’issue de leur dernière affectation ou lors d’un retour au ministère après un congé ou une disponibilité ou à l’occasion d’une restructuration de service ou ministérielle, ne sont pas affectés sur un poste vacant, ils sont alors « en recherche d’affectation pérenne », c’est-à-dire soit qu’ils exercent des missions temporaires, soit qu’ils… ne travaillent pas, bien qu’ils soient en position d’activité à savoir qu’ils sont rémunérés, bénéficient d’un déroulement de carrière, etc.

L’instruction contestée dans cette affaire ne se trouve plus aujourd’hui – aussi est-il impossible de déterminer si la rémunération porte uniquement sur le traitement indiciaire ou si le régime indemnitaire est également versé – mais toujours est-il que la présente décision porte non pas sur la rémunération, mais sur le droit aux jours de réduction du temps de travail, car l’agent qui a attaqué l’instruction contestait le fait que ces jours soient refusés aux agents placés dans une telle situation.

Le Conseil d’Etat va rejeter la requête en confirmant d’une part que même en l’absence de travail effectif le temps de travail est considéré comme réalisé au regard de l’obligation des 1607 heures, et d’autre part, qu’il ne génère pas de jours de réduction du temps de travail.

Reprenons.

On sait depuis longtemps qu’on peut être en position d’activité et non en travail effectif, c’est notamment le cas des fonctionnaires en maladie (CE, 27 février 2013, Syndicat Sud Intérieur, req. 355155). Le Conseil d’Etat raisonne par analogie en démontrant qu’on peut également être en position d’activité et en « recherche d’affectation pérenne » : ce qui amène à formuler deux remarques.

D’une part il existe une différence de taille entre la maladie et la recherche d’affectation pérenne : cette dernière est provoquée par l’administration, notamment dans le cas d’une restructuration de service mais également lorsque l’administration ne trouve pas de poste au fonctionnaire de retour de disponibilité ou après un congé. Or, l’administration est dans l’obligation de fournir une affectation (CE, 6 novembre 2002, Guisset, req. 227147).

D’autre part, alors que le fonctionnaire malade est, de ce fait, inapte, tel n’est pas le cas du fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne qui devra naturellement répondre à toute demande de son employeur si ce dernier lui trouve ne serait-ce qu’une mission temporaire.

Donc à l’instar du fonctionnaire malade qui ne travaille pas mais aura réalisé 1607 heures à la fin de l’année, le fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne sera considéré comme ayant réalisé ses 1607 heures de travail annuel. Soit, en partant du principe que c’est la faute de l’administration s’il n’a pas d’occupation, cela s’entend.

L’intérêt de l’arrêt est cependant tout autre : le Conseil d’Etat a en effet déterminé que l’agent qui serait dans une telle situation ne pourrait cependant pas bénéficier de jours de réduction du temps de travail.

En effet, les articles 1er et 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat définissent le temps de travail : « La durée du travail effectif s’entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ».

Or, par définition, le fonctionnaire en recherche d’affectation pérenne peut vaquer à ses occupations personnelles puisque son employeur ne lui donne pas de travail… Donc il ne peut bénéficier des RTT.

Ainsi que l’a remarqué Clemmy FRIEDRICH, magistrat administratif, cela pourrait être vu comme une double peine : pas d’affectation, pas de RTT (https://www.lexisveille.fr/double-punition-pas-doccupation-professionnelle-pas-de-rtt ).

Ceci étant, on peut toujours se demander si l’agent, dans cette hypothèse, n’aurait pas intérêt à déposer un recours indemnitaire afin de se voir indemniser de la perte de chance de bénéficie des RTT du fait du refus de l’administration de lui donner une affectation pérenne, outre naturellement le préjudice moral causé par une telle décision. Encore faudrait-il cependant alors parvenir à faire reconnaître que le défaut de RTT cause un préjudice à l’agent qui, en tout état de cause, n’est pas contraint par une obligation de service.

Mais une fois encore, c’est une question que les employeurs territoriaux n’auront pas à se poser, dès lors qu’une telle situation « en recherche d’affectation pérenne » n’existe pas, voire pourrait être considérée comme emportant un risque pénal. Que le surnombre permette d’être payé sans contrepartie, c’est prévu par la loi (cf. article 97 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984). En revanche, aucune disposition législative ne permet le maintien de la rémunération sans contrepartie « dans l’attente d’une affectation » pour les fonctionnaires territoriaux. Mais il y a longtemps qu’il a été compris que le principe de parité avait une fâcheuse tendance à aller à sens unique…